Novembre
"Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579)
TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE
Otto von Reinsberg-Düringsfeld
NOVEMBRE.
Ainsi que les deux mois précédents, le mois de novembre porte une dénomination qui n'est plus justifiée par la place qu'il occupe dans le calendrier actuel. Son nom, qui signifie neuvième, cessa de lui convenir dès l'époque où Numa Pompilius ajouta deux mois à l'année des Romains.
Charlemagne a nommé ce mois « windunmanoth, » mois du vent, et les Flamands lui ont conservé ce nom (windmaend) que du reste, en Belgique, il mérite pleinement, quoique la vieille dénomination de « slachtmaend, » mois de tuerie, soit à présent la plus usitée. De même que « smeermaend, » mois de la graisse et « offermaend, » mois des sacrifices qui désignent le même mois, cette dénomination se rattache aux sanglants sacrifices qui anciennement avaient lieu en novembre et qui valurent à ce mois son nom anglo-saxon de « blôtmonath, » mois du sang.
Plusieurs autres dénominations telles que « loefmaend, horemaend ou hoermaend, » dont on ne connaît pas au juste l'origine restent encore à expliquer. Quelques savants, font dériver « horemaend, » de l'ancien mot teuton « horo » (en anglo-saxon horu), boue et lui donnent la signification de « mois des boues. » D'autres l'expliquent par l'ancien mot anglais « hoar, hoary, » en anglo saxon « hor, » gris, blanc, de sorte que le nom signifie « moi des frimas, » ce qui serait assez d'accord avec la dénomination irlandaise « frermnânadhr, » mois des glaces.
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1er novembre.
(Laurastinus sempervirens.) La Toussaint ou Allerheiligen,
fête de tous les saints.
fête de tous les saints.
Une fête en l'honneur de tous les saints et particulièrement de tous les martyrs existait déjà au quatrième siècle dans l'église orientale. Elle passa bientôt dans l'église occidentale, mais se célébrait d'abord le dimanche après la Pentecôte comme les Grecs le font encore de nos jours.
Lorsque, en 607, le pape Boniface IV obtint de l'empereur Phocas le Panthéon des Romains, qu'on nomme aujourd'hui Notre-Dame de la Rotonde, il le dédia à la Vierge et à tous les martyrs et y fit transporter toutes les reliques qu'on avait déterrées aux alentours de Rome. C'est du jour de cette dédicace que Grégoire III fixa la fête de tous les saints au 1er novembre, et Grégoire IV ordonna, en 834, que toute l'Église catholique célébrerait ce jour une fête commune en l'honneur de tous les saints [1].
En Belgique cette fête compte à présent parmi les fêtes principales de l'année. A Anvers, les personnes qui s'abordent dans les rues ce jour-là, s'adressent des félicitations en se répétant la phrase sacramentale : « ne zalige, zulle, » tout comme à Pâques, à la Pentecôte et au Nouvel-an.
A l'égal de la Saint-Bavon ou Bamis la Toussaint sert de terme pour marquer la fin de l'été et le commencement de l'hiver. En plusieurs villes, entre autres à Dinant, les tirs hebdomadaires des différentes sociétés ne cessent d'avoir lieu qu'à la Toussaint.
Aux environs de Bruxelles les domestiques changent de services ce jour-là et en beaucoup d'endroits nombre de fondations sont faites pour donner plus d'éclat à la solennité de ce jour.
A Bruges les tailleurs ou « kleermakers (scheppers,) » en vertu d'une fondation faite par M. Van Gruuthuize, en 1531, habillaient ce jour treize pauvres, en dépensant au moins vingt schellings pour chaque vêtement. Une messe solennelle dans l'église de Notre-Dame précédait cette cérémonie de bienfaisance. Aussi était-il d'usage dans le même métier que chaque apprenti admis dans le courant de l'année, devait payer à la Toussaint cinq schellings dont un tiers était destiné au profit du métier, l'autre à celui du doyen et des jurés et le troisième à celui des pauvres du métier, conformément à une ordonnance en date du 8 août 1531 [2].
A Huy se faisait une distribution de pains assez considérable, en vertu d'une fondation de Maroie de Fanchon de l'an 1463 [3].
Depuis la Toussaint jusqu'au 1er mars le concierge de l'hospice d'Ixelles, qui était en même temps sacristain de la chapelle, devait conduire, trois fois par semaine, avec le cheval de l'hospice, le bois que les pauvres amenaient sur leurs épaules ou sur des brouettes. Mais au siècle dernier cet usage étant tombé en désuétude, les revenus de la fondation étaient distribués aux pauvres. (V. 3 mai) [4].
Parmi les foires qui commencent à la Toussaint ou le 2 novembre, les plus considérables sont celles de Liége, de Lierre et de Mons.
Celle qui se tient à Mons jouissait de la franchise pour toutes les personnes endettées et pour leurs nippes, tant pendant la foire que huit jours auparavant et après, en vertu d'un décret de Guillaume II, en date de 1338 [5].
La foire de Lierre dure trois semaines et attire surtout les dimanches une grande foule des environs de la ville. C'est pourquoi la raillerie a désigné ces jours de noms particuliers.
Le premier dimanche s'appelle « veersekensmerkt » marché aux génisses, parce qu'on dit proverbialement que les jeunes filles s'y rendent pour acheter des maris.
Le second dimanche se nomme « brullemerkt; » on y envoie les enfants qui crient beaucoup en leur disant : « gy kunt op de brullemerkt brullen gaen, » vous pouvez aller beugler au marché à beugler.
Aussi prétend-on que ce jour les fiancées avec leurs fiancés vont fréquenter la foire.
Le troisième dimanche s'appelle « pottenmerkt » marché aux pots, et l'on dit que les jeunes mariées s'y rendent accompagnées de leurs maris pour acheter les pots et les meubles nécessaires à leur nouveau ménage.
La foire de Liége dure huit jours.
Les usages particuliers auxquels la Toussaint donne lieu se rattachent la plus grande partie à la veille de la fête des Trépassés.
Une tradition populaire dit qu'un homme assassiné à la Toussaint ne peut trouver aucun repos avant de s'être vengé de son meurtrier [6].
Suivant une autre croyance il faut aller ce jour à la forêt et y couper un morceau d'un hêtre, s'il est humide, l'hiver sera froid, s'il est sec, le contraire aura lieu [7].
A Herstal, près de Liége, il est d'usage que dans la nuit des Trépassés, un homme aille de maison en maison frapper aux fenêtres en disant : « Chrétiens, réveillez-vous et priez pour le repos des âmes! »
Les habitants attribuent l'origine de cette singulière coutume au vœu d'un meurtrier, qui, pour expier son crime, aurait imposé à ses descendants l'obligation d'observer à jamais la pratique susdite. Un membre de sa famille ayant manqué à ce devoir, serait mort subitement, ajoute la tradition, et depuis ce temps-là l'usage est scrupuleusement observé jusqu'à nos jours [8].
Dans la Campine, on parle de coqs noirs et mystérieux qui, dans la nuit du jour des âmes, viennent chanter trois fois sur le toit de la maison dont le propriétaire ou le locataire principal doit mourir après un an et un jour [9].
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2 novembre.
(Physatis.) Jour des morts ou des Trépassés, Allerzielendag.
Dans les premiers siècles de l'Église on ne trouve pas de jour destiné particulièrement à la commémoration des morts, bien qu'on ait prié pour les trépassés dès les temps les plus reculés du christianisme. Ce n'est qu'en 998, que saint Odillon, abbé de Cluny, institua une fête annuelle à célébrer le 2 novembre dans tous les couvents des Bénédictins en mémoire des trépassés, et toute la chrétienté se hâta de suivre cet exemple.
La célébration de cette fête, qui commence la veille aux vêpres, se signale en Belgique par diverses anciennes coutumes existant encore.
Comme en France et en plusieurs parties de l'Allemagne, depuis la veille de la Toussaint, tous les cimetières reçoivent de nombreux visiteurs qui viennent y prier pour les âmes de leurs parents ou de leurs amis. Ils y mettent souvent des cierges bénits allumés sur les tombes ou aspergent les fosses d'eau bénite.
Dans plusieurs endroits des Ardennes se font, le jour des morts, des processions autour des cimetières, chaque assistant porte en main un cierge allumé qu'il place après la cérémonie sur la tombe du dernier mort de sa famille [10].
Dans le pays de Limbourg on va à quatre heures de relevée au cimetière et tous ceux qui, pendant l'année, ont perdu l'un des leurs, ont soin de mettre sur sa fosse une croix de paille. Après avoir fait les prières usuelles on retourne ensuite à la maison, ou ce qui arrive plus souvent, on va au cabaret pour y passer la soirée en buvant, jouant et chantant. Mais au premier coup de minuit on se rend de nouveau au cimetière pour y allumer les croix de paille que l'on a mises sur les tombes.
A Bruges, à Dinant et en plusieurs autres villes, on allume la veille de la fête des cierges bénits dans les maisons et les laisse brûler durant la nuit, car il est prudent de se préserver par des cierges bénits des apparitions et visions que la croyance populaire en Belgique aussi bien qu'en France, en Écosse et en Irlande attribue à cette nuit. En Irlande et en Écosse ce sont les Elfes qui, dans « l'All-hallowride » ou l'époque de la Toussaint, font des courses nocturnes; en Languedoc ce sont les morts qui la nuit du jour des Trépassés vont en procession autour des cimetières; en Provence ce sont « leis armetos, » les petites âmes, qui reviennent à cette époque visiter les corps qu'elles ont abandonnés et dans leur voyage nocturne passent et repassent devant les vivants pendant leur sommeil et les épouvantent; en Flandre c'est le « zielwagen » ou le char des âmes qui traverse les airs [11], et la tradition raconte plusieurs histoires, les unes toujours plus effrayantes que les autres, des processions nocturnes que font les spectres autour des cimetières [12].
C'est aussi pourquoi, en Belgique comme en Provence, les sonneries funèbres annonçant la commémoration des morts se prolongent en quelques endroits jusqu'à minuit, en d'autres jusqu'au lendemain matin. A Ath, où l'on sonne pendant vingt-quatre heures, les sonneurs vont le lendemain de maison en maison faire une quête en récompense de leurs fatigues.
Les offices qui se célèbrent pour les trépassés attirent une affluence immense de fidèles dans toutes les églises du pays, tendues de noir et décorées en harmonie avec la signification du jour.
A Nivelles les chanoinesses devaient réciter tous les ans à haute voix, dans l'église, l'office des morts pour les défunts de l'auguste maison d'Autriche [13].
A Scherpenheuvel ou Montaigu se fait encore tous les ans ce jour-là, une des processions les plus solennelles dite « de Keerskensprocessie » ou procession des chandelles.
Elle fut instituée, d'après l'auteur de l'histoire de la ville de Diest, en souvenir de la peste, qui en 1629 désolait l'endroit, et cessa grâce à la Vierge dont les habitants avaient imploré l'intercession [14].
D'autres écrivains rapportent qu'en 1734, la dyssenterie exerçant de cruels ravages à Scherpenheuvel et aux environs, les habitants consternés se rendirent auprès de leur curé pour l'engager à faire une procession en l'honneur de la Vierge et que, la procession ayant eu lieu et la maladie ayant disparu, on résolut par reconnaissance, de renouveler annuellement cette procession. Elle se faisait autrefois de sept à dix heures du soir, mais pour éviter des inconvénients elle a été remise il y a plus de trente ans à quatre heures de relevée. Les habitants illuminent leurs maisons et portent chacun une chandelle en main, quelquefois même des paquets entiers qu'ils allument tout à la fois. Au milieu de deux rangs de ces porteurs de chandelles marche le curé de Scherpenheuvel portant l'image miraculeuse de la Vierge, et à sa suite viennent les prêtres avec le vénérable [15].
Une coutume assez singulière, qui est très-répandue en Belgique, est de manger le jour ou la veille des Trépassés, des gâteaux qui s'appellent « zieltjenskoeken, » gâteaux d'âmes, ou « zielen brood, » pain d'âmes.
A Dixmude et dans les environs on dit, qu'autant on en mange autant on délivre d'âmes du purgatoire. A Furnes la même croyance se rattache à ses petits pains que l'on nomme « radetjes, » et que l'on fait dans tous les ménages.
A Ypres les enfants placent, la veille des Trépassés au soir des croix ou des statuettes de la Vierge, éclairées d'une petite chandelle dans la rue, près de la porte de leurs maisons, et demandent aux passants quelques sous « om koeken te bakken voor de zieltjes in 't vagevuer » afin de faire des gâteaux pour les petites âmes du purgatoire.
En quelques endroits du Brabant on fait aussi des « zielen broodjens, » petits pains très-blancs empreints d'une croix, qui se mangent chauds et l'on y attache l'idée que, qui mange le premier de ces petits gâteaux doit dire un pater pour les pauvres âmes souffrantes.
A Anvers on fait les « zielenbroodjens, » également de farine très-blanche et très-fine, mais en y mettant beaucoup de safran pour leur donner une couleur jaune en image des flammes du purgatoire.
Dans le pays de Limbourg le « zielenbrood ou kruiskensbrood, » pain à croix, est béni de grand matin et chacun en mange au déjeûner, après avoir fait une prière pour les Trépassés.
Les « panne koeken » qu'on fait à Bruges le jour des morts dans chaque ménage sans doute ont une signification analogue. Il en est de même des « couquebaques » (du flamand : koekebakken), qu'on mange à Tournai le jour des âmes et à Namur la veille de cette fête.
Bien que les dénominations de ces gâteaux en plus grande partie paraissent se rattacher immédiatement à la signification de la fête chrétienne qui se célèbre ce jour, tout porte à croire que l'origine de cet usage remonte à une plus haute antiquité que l'institution de la fête de l'Église. A en juger par l'analogie des cérémonies existant encore en Écosse, en Irlande et au pays de Galles ainsi qu'en Bretagne, on peut présumer avec beaucoup de raison que les « zieltjenskoeken » de la Belgique, les « seelen » (âmes) de l'Allemagne supérieure et les « soul-cakes, » gâteaux d'âmes, de Wales ne sont que des restes d'un sacrifice païen qui se célébrait à la même époque. N'ayant pas pu réussir à extirper cette fête jusqu'aux dernières traces, l'Église en a christianisé, si j'ose me servir de ce terme, les pratiques principales en leur donnant une nouvelle signification très-poétique et pieuse tout à la fois, qui s'adaptait à merveille au jour des Trépassés.
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3 novembre.
(Primula vulgaris.) Saint Hubert, patron des chasseurs.
Il est naturel que le culte de ce saint soit on ne peut plus populaire en Belgique. Soixante-onze églises sont dédiées à cet apôtre des Ardennes, nombre de confréries sont érigées sous son invocation, plusieurs métiers l'honorent comme leur patron.
D'après la tradition, telle qu'elle a été recueillie au quatorzième siècle par le chroniqueur Jean d'Outremeuse, saint Hubert appartenait à la famille mérovingienne et descendait de Clotaire II par Boggis, duc d'Aquitaine. Envoyé jeune à la cour de Neustrie, il fut fait comte de Paris, position élevée qui lui attira la haine du puissant Ebroïn. Dénoncé par celui-ci au roi Thierry comme un ambitieux qui songeait à le détrôner, saint Hubert fut banni et chercha un refuge auprès de Pépin de Herstal. Il prit part à la lutte de l'Austrasie avec la Neustrie, et Pépin, après la bataille de Festry, lui confia la « prévôté de France, » ou la mairie du palais de Neustrie. Marié ensuite avec la fille d'un comte de Louvain, saint Hubert perdit sa femme, qui mourut en le rendant père d'un fils. Ce malheur l'accabla et lui inspira la résolution de renoncer au monde. A cet effet il se rendit en Aquitaine, pour abandonner à son frère cadet le duché qui venait de lui échoir par la mort de son père Bertrand, et pour lui confier son fils. Ces intérêts réglés, il reprit le chemin de l'Austrasie, se rendit à Maestricht auprès de saint Lambert, lui notifia son intention d'aller en pèlerinage au tombeau de saint Pierre, et le pria de désigner l'endroit ou il aurait à se retirer à son retour de Rome. « Consultez-là dessus le pape même, » dit l'évêque, « et conformez-vous à ses ordres. »
Saint Hubert se mit donc en route, et arriva à Rome la veille même de l'assassinat de saint Lambert. Il alla droit à l'église prier sur le tombeau de saint Pierre, et y passa la nuit en oraison. Les trois jours suivants il y retourna, et le dernier jour un ange vint annoncer au pape la mort de l'évêque de Liége, en lui remettant la crosse et l'anneau du prélat, et en lui ordonnant de désigner pour son successeur le pèlerin qu'il trouverait priant au tombeau de saint Pierre. Le pape se rend à l'instant à l'église et y trouve saint Hubert. Celui-ci s'étonne qu'on veuille « oisteir » de son siége un si « sains hons, » et c'est alors qu'on lui apprend le meurtre de saint Lambert, qui était son maître et son ami.
Saint Hubert commença à pleurer, mais le pape le prenant par la main le conduisit devant l'autel où il le dispensa de l'ordre de chevalerie et lui donna les ordres sacrés l'un après l'autre. Des événements extraordinaires signalèrent ce sacre de saint Hubert. Toutes les étoles ayant disparu d'une manière incompréhensible, un ange apporta du paradis une étole ainsi qu'une clef d'or destinées au successeur de saint Lambert.
Une fois installé sur le siége épiscopal de Tongres, saint Hubert se fit remarquer par sa piété, par sa charité et par son zèle pour le salut des âmes. Conservant toute sa vie une grande vénération pour saint Lambert, il fit bâtir au lieu où ce saint avait été assassiné une église en l'honneur de la Vierge et de saint Lambert, y transféra en 709 avec une pompe extraordinaire le corps du saint et fixa lui-même sa demeure auprès des restes chéris de son maître. C'est ainsi que Liége devint la résidence des évêques de Tongres et que les Liégeois avec raison regardent saint Hubert pour le véritable fondateur de leur ville.
C'était aussi saint Hubert qui par ses courses apostoliques dans les Ardennes parvint enfin à y établir définitivement le christianisme et à accomplir l'œuvre qu'avaient commencée les évêques saint Remacle et saint Lambert. La forêt d'Ardenne, où Hubert, étant jeune, avait tant de fois satisfait son aveugle passion pour la chasse, où, converti par l'apparition merveilleuse d'un cerf portant l'image de Jésus-Christ entre les branches de son bois, il mena pendant plusieurs années dans une solitude complète la vie la plus austère pour expier par des pénitences rigoureuses les fautes de sa jeunesse, cette forêt devint depuis lors le principal siège du culte de saint Hubert.
Trente-six ans s'étaient écoulés depuis que saint Hubert avait renoncé aux plaisirs du monde, lorsque par révélation il lui fut dit que bientôt sa mission terrestre serait finie. Ayant été consacrer une nouvelle église à Héverlé, près de Louvain, il fut pris de la fièvre et ne put arriver qu'à grand'peine à Tura ou Tervueren, près de Bruxelles, où il possédait une métairie provenant du domaine de Floribanne.
Ce fut à Tervueren, dit Van Gestel, que s'opéra la conversion du saint, ce fut aussi là que, le 30 mai 727, il rendit le dernier soupir.
Son corps fut transporté à Liége et déposé au lieu que le saint avait désigné, près de l'autel Saint-Aubin, dans l'église collégiale de Saint-Pierre mais, seize ans après, le clergé de Liége, désirant ensevelir le saint plus honorablement, procéda à l'exaltation de ses reliques en présence d'un concours immense de peuple. Le roi Carloman assista à cette cérémonie avec toute sa cour, retira lui-même de la fosse, avec l'aide des grands de sa suite, le corps sacré qui n'avait souffert aucune altération, pas plus que les habits pontificaux dont il était couvert, et le porta processionnellement dans l'église jusque devant le maître-autel, où l'on plaça les restes du saint.
Cette exaltation eut lieu le 3 novembre de l'année 743 et on fixa à ce jour la fête de saint Hubert dans toute l'Église catholique.
Les miracles que Dieu opérait par les mains de saint Hubert et dont les biographes du saint évêque nous rapportent un grand nombre, ne cessèrent pas à la mort du saint. Si l'on en croit une vieille légende, c'est grâce à l'intervention miraculeuse de saint Hubert que la sécurité la plus parfaite a toujours régné dans les environs de Tervueren. Un meurtre allait s'y commettre, un malheureux voyageur était au moment d'y périr sous les coups d'un assassin, lorsqu'une formidable sonnerie de trompe se fit entendre et le patron des chasseurs apparut, à cheval, accompagné de sa meute. Le brigand terrifié s'enfuit et renonça à la vie coupable qu'il menait, et depuis lors, aucun crime ne souilla plus la forêt qui semblait protégée tout spécialement par saint Hubert.
Bien des miracles s'opérèrent sur la tombe du saint et surtout par l'usage qu'on fait de ses reliques depuis leur translation à Andain ou Saint-Hubert. Car les restes de saint Hubert ne devaient pas rester à Liége. Après y avoir été vénérés pendant quatre-vingt-dix ans, ils furent transportés en 825 dans l'abbaye d'Andain de l'ordre des Bénédictins, qui est depuis connue sous le nom de Saint-Hubert.
Une tradition populaire nous rapporte la fondation de ce monastère de la manière suivante :
Il existait en Ardenne, au lieu appelé Ambra, qui selon toute probabilité n'est autre chose que Amberloux, village situé sur le bras occidental de l'Ourthe, à deux lieues de Saint-Hubert, une villa carlovingienne où Pépin de Herstal aimait à chasser. Un jour qu'il y était allé en compagnie de Plectrude, celle-ci, laissant son mari faire la sieste, se rendit dans la forêt voisine. A peine y était-elle assise sur un monceau de pierres, qu'une lettre, tombée du ciel, apparaît à ses yeux. Quoique tremblante de peur, elle la ramassa et vint au plus tôt la montrer à son mari qui, pour savoir le sens de la missive, manda son chapelain Bérégize. Celui-ci, désirant depuis longtemps abandonner le monde, saisit l'occasion et se déclara disposé à habiter cette solitude, que Dieu même eût choisie pour un lieu d'élection, d'où un grand nombre d'âmes émigreraient vers les cieux. Pépin finit par y consentir malgré la répugnance qu'il éprouvait à se séparer de son chapelain, et un monastère fut fondé. Mais il déchut par la suite, et au neuvième siècle, les moines voulant le relever, demandèrent à l'évêque de Liége, Walland, le corps de saint Hubert. On le leur accorda à condition de lui assigner une résidence convenable. C'est alors que l'établissement de Bérégize fut abandonné et qu'on en construisit un autre dans un endroit qui portait le nom d'Andain ou d'Andage (Andaginum), nom qui fut remplacé par celui du saint dont on venait d'obtenir les restes.
Reconstruite au siècle passé, la célèbre abbaye de Saint-Hubert partagea le sort de presque toutes les maisons religieuses. Ce qui en reste a d'abord servi de local à un tribunal supprimé depuis quelques années; depuis on en a fait une maison pénitentiaire pour les jeunes délinquants.
L'église allait être démolie aussi, quand des citoyens notables, dont les noms heureusement ont été sauvés de l'oubli, se réunirent et achetèrent au moyen d'une souscription l'édifice magnifique qui échappa ainsi aux modernes vandales. Grâce au roi Léopold 1er on est actuellement occupé à le restaurer.
C'est dans cette église, que se conservent les reliques précieuses de saint Hubert, et que se dessert « l'œuvre de ce saint ».
Bien qu'on ne sache pas au juste ce qu'est devenu le corps de saint Hubert, on a tout lieu de présumer qu'il repose encore intact dans l'un des caveaux nombreux qui règnent sous toute l'église de Saint-Hubert et dont un seul est demeuré ouvert. Une tradition qu'aucun fait ne contredit vient appuyer cette supposition. Mais les moines qui connaissaient la retraite, où la châsse se cachait par mesure de prudence, vu les désordres des temps malheureux, auront emporte le secret avec eux dans le tombeau, de sorte que l'opinion de quelques historiens, que le corps de saint Hubert avait disparu dans l'incendie de 1560, acquit de la consistance.
Quel que soit d'ailleurs le corps du saint, il n'est pour rien dans l'efficacité des pèlerinages qui se font continuellement à son église. Car la relique principale c'est la Sainte-Étole, qui a appartenu à saint Hubert et qui opère tous les jours des effets merveilleux.
Cette étole est un galon de soie blanche dont les extrémités sont ornées d'une riche dentelle terminée en franges formant six globules de soie dorée. Le dessin du tissu est très-varié et de distance en distance il s'y mêle un fil d'or qui orne le tissu dans toute sa largeur.
Une parcelle toute exiguë, soit de soie, soit d'or, enlevée à la Sainte-Étole et introduit dans le front d'une personne mordue à sang par un animal enragé, est regardée comme remède infaillible contre l'hydrophobie, pourvu toutefois que la personne qui subit cette opération qu'on appelle la « taille » observe strictement les prescriptions de la « neuvaine de Saint-Hubert. » Les personnes qui se croient infectées du venin de la rage sans avoir été mordues à sang, reçoivent le « Répit » qui se donne au nom de la Sainte-Trinité, de la Sainte-Vierge et de Saint-Hubert, et accomplissent également la neuvaine, pour être assurées de leur guérison.
Cette neuvaine prescrit les dix articles suivants :
1° « La personne qui est « taillée » doit se confesser et communier sous la conduite et le bon avis d'un sage et prudent confesseur qui peut en dispenser.
2° Elle doit coucher seule en draps blancs et nets, ou bien toute vêtue lorsque les draps ne sont pas blancs.
3° Elle doit boire dans un verre ou autre vaisseau particulier, et ne doit point baisser, sa tête pour boire aux fontaines ou rivières, sans cependant s'inquiéter, encore qu'elle regarderait ou se verrait dans les rivières ou miroirs;
4° Elle peut boire du vin rouge, clairet et blanc mêlé avec de l'eau, ou boire de l'eau pure;
5° Elle peut manger du pain blanc ou autre, de la chair d'un porc mâle d'un an ou plus, des chapons ou poules aussi d'un an ou plus, des poissons portant écailles, comme harengs, saurets, carpes, etc., des œufs cuits durs; toutes ces choses doivent être mangées froides; le sel n'est point défendu;
6° Elle peut laver ses mains et se frotter le visage avec un linge frais, l'usage est de ne pas faire sa barbe pendant les neuf jours.
7° Il ne faut pas peigner ses cheveux pendant quarante jours, la neuvaine y comprise;
8° Le dixième jour il faut faire délier son bandeau [16] par un prêtre, le faire brûler et en mettre les cendres dans la piscine;
9° Il faut observer tous les ans la fête de Saint-Hubert, qui est le troisième jour de novembre;
10° Et si la personne recevait de quelques animaux enragés la blessure ou morsure qui allât jusqu'au sang, elle doit faire la même abstinence l'espace de trois jours, sans qu'il soit besoin de revenir à Saint-Hubert
Elle pourra même donner répit ou délai de quarante jours à toutes personnes qui sont blessées ou mordues à sang ou autrement infectées par quelques animaux enragés. »
La pratique de la taille et du répit aussi bien que celle de la neuvaine se trouvent établies de temps immémorial. On les observe depuis qu'on recourt à saint Hubert, et quoique la Sorbonne, par une déclaration du 10 juin 1671, condamnât toutes ces cérémonies comme superstitieuses, les docteurs de l'Université de Louvain et les examinateurs synodaux de l'évêché de Liége ainsi que l'évêque de Liége lui-même les ont approuvées en 1690 et l'expérience en atteste l'efficacité merveilleuse.
Depuis le 12 octobre 1806 jusqu'au 1er janvier 1835, on tailla plus de quatre mille huit cents personnes et des cent trente à cent quarante personnes mordues à sang, que depuis cette époque on taille annuellement, il est à peine une dizaine de personnes qui depuis dix ans soient mortes après avoir été taillées.
C'est pourquoi encore de nos jours chaque année amène, de tous les pays voisins, un grand nombre de fidèles menacés de la maladie de la rage vers la chapelle dite la « Trésorerie » de l'église de Saint-Hubert, qui renferme la Sainte-Étole et les autres objets qu'on dit avoir appartenu au saint évêque [17].
Quand une personne mordue à sang est empêchée de se rendre à Saint-Hubert, elle va demander le répit de quarante jours à une personne taillée. Pendant ce répit la maladie ne fait aucun progrès, mais avant l'expiration de ce terme, il faut venir se faire tailler à Saint-Hubert ou recourir de nouveau au répit de quarante jours. Car les aumôniers desservant la chapelle de Saint-Hubert peuvent seuls donner répit à vie, les personnes taillées ne peuvent le donner que pour quarante jours, mais elles peuvent le répéter de quarantaine en quarantaine. Attribuer ce pouvoir aux chevaliers de Saint-Hubert ou aux membres des confréries du saint, c'est une erreur. Il en est de même des prétendus descendants du saint, dont il y en avait autrefois un grand nombre.
Un d'entre eux, nommé Georges Hubert, qui vivait au dix-septième siècle à Paris et s'intitulait : « chevalier de Saint-Hubert, seul issu de la lignée et génération du glorieux saint Hubert d'Ardenne, fils de Bernard, duc d'Aquitaine, » poussa l'insolence jusqu'à faire ses preuves devant la cour française et obtint, le 30 décembre 1649, des lettres-patentes à l'effet d'exercer librement son art dans toute l'étendue du royaume. Il se vantait de guérir « toutes les personnes mordues de loups ou chiens enragés et autres animaux atteints de la rage, en touchant au chef, sans aucune application de remèdes ni médicaments, » comme il est dit expressément dans son brevet d'invention. Sa sœur se glorifiait du même privilége.
Dans la dernière moitié du siècle passé, on voyait à Bruxelles une enseigne où l'hôte de la maison se prétendait aussi chevalier de Saint-Hubert.
Les vrais chevaliers de Saint-Hubert appartenaient aux deux ordres, qui s'établirent en l'honneur de la Sainte-Trinité, des cinq plaies de Notre-Seigneur et de la Sainte-Vierge, sous la protection de saint Hubert : le premier, à cause d'une victoire remportée le jour de la fête, 3 novembre; le second, pour mettre fin aux dissensions entre les seigneurs barrois et lorrains. Le chef de l'ordre qui, vers 1420, portait le titre de « roi, » prit, vers 1422, celui de « grand-veneur, » et deux siècles plus tard, celui de « grand-maître » de l'ordre.
Les enseignes étaient un collier supportant une médaille pendante sur la poitrine du chevalier. Sur cette médaille on voyait saint Hubert adorant le crucifix représenté dans le bois du cerf.
Pour être admis dans l'ordre de Saint-Hubert, il fallait être catholique romain, de bonnes mœurs, et posséder au moins quatre quartiers de noblesse. Les dames y étaient admises. Les chevaliers s'obligeaient à réciter cinq pater et cinq ave chaque jour, à jeûner la veille de la fête du saint, à respecter les liens du mariage, à défendre la religion et les intérêts du souverain légitime, et à secourir les malheureux.
Les rois Louis XIV, Louis XV, Louis XVI et Louis XVIII, ne dédaignèrent point l'honneur d'être les chefs souverains de cet ordre dont tous les membres et dignitaires sont inscrits dans le livre que le chapitre de l'ordre fit déposer à l'église de Saint-Hubert. Le même volume contient aussi le cérémonial des réceptions religieuses et la formule de l'acte à en dresser.
Le répit à vie ou à terme, qui ne se donne qu'à Saint-Hubert, est accordé aux enfants qui n'ont pas fait leur première communion, quelle que soit leur blessure, et aux personnes qui ne sont pas mordues à sang ou mordues par un animal qui ne donne que des indices douteux d'hydrophobie. On l'accorde aussi aux personnes prises de la peur.
D'autres personnes qui veulent se rassurer contre le danger de la rage portent dévotement sur soi des objets bénits et touchés à l'Étole de Saint-Hubert, comme des croix, des bagues, des chapelets, des médailles, des clefs ou cornets d'argent. Les cornets de fer, nommés ordinairement « clefs de Saint-Hubert, » qui, en mémoire de la clef de ce saint, sont bénits par des prières particulières et ensuite touchés à la Sainte-Étole, servent à préserver les animaux de la rage.
Voici l'instruction sur l'usage de ces clefs telle qu'elle est imprimée et remise à ceux qui les achètent :
« Dès qu'on s'aperçoit qu'un animal a été mordu ou infecté par un autre, il faut faire rougir le cornet ou clef au feu et l'imprimer sur la plaie même, si cela se peut commodément, sinon sur le front jusqu'à la chair vive, et tenir ledit animal enfermé pendant neuf jours, afin que le venin ne puisse se dilater par quelques agitations immodérées.
Les animaux sains seront aussi marqués au front, mais il ne sera pas nécessaire de les tenir enfermés. Cela fait, quelqu'un de la famille soit pour un ou plusieurs bestiaux, commencera le même jour à réciter, pendant neuf jours consécutifs, cinq « pater » et « ave, » à l'honneur de Dieu, de sa glorieuse Mère et de Saint-Hubert. Pendant tout ce temps on donnera tous les jours audit animal, avant toute autre nourriture, un morceau de pain ou un peu d'avoine ,bénits par un prêtre, à l'honneur de Saint-Hubert [18]. »
Un autre moyen fort usité pour obtenir la protection de saint Hubert contre l'hydrophobie est de se faire inscrire dans l'une des confréries du saint, dont l'origine remonte à une haute antiquité. Vers la même époque où plusieurs paroisses contractèrent la coutume de venir chaque année en procession à l'église de Saint-Hubert et d'y apporter chacune son offrande, des familles et des provinces entières, telles que les Pays-Bas de Liége, les pays de Cologne, de Trêves, de Lorraine, de Langres, etc., désirant se mettre sous la protection du saint, s'engageait à payer une rente annuelle à Saint-Hubert. De là est venue l'expression encore usitée « se faire arrenter, » qui signifie aujourd'hui se faire inscrire dans la confrérie de Saint-Hubert.
Il ne faut pourtant pas confondre avec ces confréries pieuses les associations mondaines portant le même nom, qui se composaient de chasseurs. Il se forma, entre autres, vers 1701, à Louvain une confrérie de Saint-Hubert, dont le duc d'Arenberg se déclara protecteur et dont les réglements sont assez singuliers, pour que nous en donnions un extrait :
« Comme les Empereurs, Rois et autres souverains, est-il dit au commencement du réglement, ont, dès les temps les plus reculés, eu un soin particulier de la noble et illustre chasse, et n'en ont pas seulement fait usage mais en ont aussi laissé l'usage à leurs sujets,
« Nous, comme vrais amateurs de la chasse, avons trouvé bon pour le maintien d'icelle, d'ériger un confrérie sous les articles et règles suivants. »
L'art. 3 porte : Que l'on n'admettra dans cette confrérie que des nobles, des personnes nées de mariage légitime, honnêtes et vertueuses.
L'art. 5 : Que les confrères seront obligées de tenir un bon chien de chasse et d'être pourvus d'une gibecière, de poudre, de plomb et d'un bon fusil de chasse, et de porter dans toutes les assemblées un petit cor de chasse attaché à un ruban vert.
L'art. 6 : Qu'il y aura dans cette confrérie les officiers suivants : le noble seigneur général de la chasse, le chef-homme (hoofdman), le prévôt, le colonel, le major, le capitaine, le lieutenant, l'enseigne, l'avocat fiscal, deux trésoriers, un secrétaire, un inspecteur des armes et un introducteur, qui seront changés tous les ans, à l'exception du général, du colonel, du major, du capitaine, du lieutenant, de l'enseigne, de l'avocat fiscal et du secrétaire qui resteront en emploi leur vie durant.
L'art. 7 : Que le prévôt de la confrérie célébrera tous les ans, le jour de Saint-Hubert, une messe solennelle à laquelle tous les confrères assisteront avant que d'aller à la chasse.
L'art. 8 : Que personne ne sera excusé d'aller le dit jour à la chasse, sinon pour bonnes et légitimes raisons, et qu'après avoir obtenu la permission de s'en absenter, il devra payer un écu au profit des confrères qui iront à la chasse.
L'art. 9: Que tout le gibier qui sera tiré le jour de Saint-Hubert, devra être porté dans la ville de Louvain et remis entre les mains du trésorier de la confrérie qui sera chargé du soin du repas.
L'art. 10 : Que tous les ans, le dimanche après la fête de Saint-Hubert, il sera donné un repas, auquel sera invité le protecteur de la confrérie et duquel aucun confrère ne pourra s'absenter sous quelque prétexte que ce soit, sous peine de payer le double de ce que chaque confrère, qui aura assisté au repas, aura payé, etc., etc.
Bien que cette confrérie n'existe plus, on célèbre annuellement à Louvain dans l'église de Saint-Jacques, le jour de la fête de Saint-Hubert, une messe solennelle, à laquelle assistent tous les chasseurs de la ville, qui la veille ont fait une battue générale. Le produit de cette chasse est destiné à un grand souper auquel prennent part tous les chasseurs.
A Anderlecht on célébrait autrefois la fête de Saint-Hubert en sonnant de la trompe dans l'intérieur même de l'église, mais une sentence portée par l'official le 13 septembre 1701 supprima cette pratique.
A Boitsfort, où se trouvait jusqu'à la domination française la vénerie des princes et des gouverneurs de la Belgique, se célébrait autrefois la fête de Saint-Hubert par une grande chasse à laquelle assistait tout le personnel de la vénérie et quelquefois le souverain lui-même. En sortant de la chapelle, qui était dédiée à Saint-Hubert, on montait à cheval, et, après avoir joyeusement traqué le cerf ou le sanglier, princes, nobles et veneurs terminaient la journée par un banquet splendide. A cette occasion, on offrait un florin de Hollande à Saint-Hubert, au nom du duc de Brabant.
A Saint-Hubert, la belle église du saint patron des chasseurs était autrefois un véritable rendez-vous des chasseurs de tous les pays. Dès trois heures du matin, les trompes sonnaient le réveil et à l'instant chasseurs et piqueurs, gardes et braconniers se mettaient en route avec leurs chiens pour assister à la messe solennelle qui se célébrait aux flambeaux. Les trompes sonnaient lors de la consécration et pendant la bénédiction que le prêtre donnait après la messe, à la porte de l'église, aux seigneurs châtelains en grand costume, aux dames en toilette de Diane chasseresse, aux piqueurs, à toute la haute et petite vénerie jusqu'aux chiens. Puis le plus jeune chasseur faisait la quête, à laquelle ordinairement un nid de grive placé dans le pavillon de sa trompe lui servait de plateau. La quête faite, tous s'empressaient d'entrer en chasse.
Depuis que le roi Léopold 1er, ne va plus chaque année à son château d'Ardenne pour y célébrer la fête du patron des chasseurs, la bénédiction solennelle de l'ouverture de la chasse a cessé d'avoir lieu à Saint-Hubert. A peine s'il y vient encore plus de foule qu'à l'ordinaire pour suivre la procession qui en l'honneur du saint va ce jour dans l'intérieur de l'église, la neige ne permettant presque jamais de parcourir la ville.
Mais la coutume des chasseurs de marquer leur dévotion à Saint-Hubert en choisissant son jour de fête pour l'employer à la chasse, est encore religieusement observée en Belgique, comme en France. Tout véritable amateur de la chasse se met en campagne ce jour solennel, sans s'informer s'il pleut ou s'il fait beau temps. Le grand seigneur rassemble les chasseurs de près et de loin pour cette solennité et s'il existe dans ses bois un superbe cerf dix cors, un sanglier monstre, on le réserve pour être chassé le jour de Saint-Hubert. Le petit particulier invite quelques amis pour la première chasse en battue. Car c'est le jour de Saint-Hubert que commencent ordinairement les chasses en battue. Les endroits réservés ne le sont plus ce jour-là, qui ne peut pas se passer comme les autres jours, et pour donner encore plus d'éclat à la solennité de cette fête la « Saint-Hubert» ne se sonne pendant toute l'année que le jour de Saint-Hubert.
A Réthy dans la Campine la célébration de la Saint-Hubert a tout à fait le caractère d'une fête populaire. Voulant faire participer la population de cet endroit à la festivité de ce jour, M. Van der Schrieck alloue chaque année des prix précieux pour les meilleurs tireurs et pour les vainqueurs dans les divers divertissements populaires. Deux tonnes de bière offertes gratis dans chaque cabaret augmentent la réjouissance du jour.
Les chasseurs après avoir terminé la battue de rigueur de ce jour se réunissent à un banquet joyeux. Quant à l'origine de cette manière de célébrer, par une chasse, la fête de Saint-Hubert on a tout lieu de croire que cet usage remonte jusqu'aux premiers temps du culte de ce saint.
Il est certain que, dès le dixième siècle, on invoquait dans la forêt des Ardennes saint Hubert pour réussir dans l'exercice de la chasse. Les chasseurs qui, de tout temps et dans tous les pays, ont eu un protecteur particulier s'empressèrent après avoir entièrement renoncé à l'idolâtrie, de se mettre sous la protection de saint Hubert, qui avait été lui-même chasseur passionné avant de devenir apôtre, et dont la fête tombait dans une saison on ne peut plus favorable à la chasse, ce qui contribua encore à augmenter cette dévotion pour saint Hubert de la part des chasseurs, c'est que le saint comme patron contre la rage protégeait aussi le chien, compagne fidèle du chasseur, de sorte que déjà avant le onzième siècle dans toute l'étendue des Ardennes, c'était une coutume universellement reçue chez tous les seigneurs de ce pays d'offrir à Saint-Hubert les prémices de leurs chasses, et de lui faire présent de la dixième partie de tout le gibier qu'ils prenaient chaque année.
Il est donc de toute probabilité que, dans le principe, on aura institué une chasse générale, le jour de fête de Saint-Hubert, pour en destiner le produit à l'église du saint où se disait de grand matin une messe spéciale pour la bénédiction des chasseurs et de leurs équipages [19].
Une autre coutume très-répandue en Belgique est de manger le jour de Saint-Hubert du pain bénit, afin de se préserver de la rage.
Dans les villages des Flandres, du Brabant et de la Campine, chaque famille envoie à l'église un pain ou un morceau de pain pour le faire bénir et chacun reste à jeun jusqu'à ce que la personne, qui est allée à la messe, soit revenue avec le pain bénit. Alors on en mange un petit morceau avant de déjeuner et après un « pater » et un « ave » dits dévotement. Les animaux en reçoivent également une petite portion dans leur nourriture, pour participer aussi à l'influence salutaire de ce pain [20].
Dans le pays de Limbourg on achète, la messe finie, du bedeau de l'église de petits pains noirs bénits, que l'on appelle « Sint-Huberts broodjens » et que l'on donne à manger à tous les animaux domestiques. Quelquefois les personnes de la maison en mangent aussi [21].
Dans le pays wallon chacun apporte un pain de cuisson à l'église; et au moment que se donne la bénédiction tous les bras se lèvent en tenant haut les pains. Puis, même pratique qu'ailleurs.
Dans les villes on achète ce jour à la porte de l'église de petits pains mollets, qui s'appellent aussi « Sint-Huberts broodjens, » et qui se mangent à jeun.
A Malines ces pains portent l'empreinte d'un cor.
Mais partout on envoie aussi des pains de ménage à l'église, on les fait bénir et on en coupe ensuite pour chaque membre de la famille un morceau que l'on mange à jeun après avoir fait le signe de la croix.
A Namur les bouchers cuisent de petits pains blancs qu'ils font bénir à la messe de leur patron, et qu'ils distribuent à leurs pratiques.
Car à Namur ce sont les bouchers qui honorent saint Hubert comme patron de leur métier, de même qu'à Malines les ébénistes et à Liége les fondeurs.
A Malines le même jour donne lieu depuis 1585 à la fête de la récollection ou « vergadering » des reliques de Saint-Rombaud.
Dans l'ancienne Chartreuse de Scheut on célébrait tous les ans le jour de Saint-Hubert une messe solennelle pour les habitants de Bruxelles décédés.
Pendant l'octave de ce saint, on s'occupe beaucoup à détruire dans les jardins toutes les bêtes malfaisantes.
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4 novembre.
(Arbutus.) Saint Charles Borromée;
saint Perpète, patron de Dinant.
saint Perpète, patron de Dinant.
Il n'y a que deux églises eu Belgique qui sont dédiées à saint Charles Borromée, archevêque de Milan, et deux communautés de femmes qui lui doivent leur nom, ce sont le couvent des « filles de saint Charles Borromée » à Wez, qui s'adonnent au soin de femmes infirmes et d'insensées et à l'éducation gratuite des filles pauvres, et le monastère des sœurs hospitalières de saint Charles Borromée « de Nancy » à Tongres qui soignent les malades à l'hôpital.
Saint Perpète fut, sans contredit, l'un des plus grands hommes qui aient occupé le siége de Tongres. Fils d'un comte de Looz et d'une comtesse allemande renommés pour leur piété, il donna, dès son enfance, l'exemple de toutes les vertus. Appelé par sa naissance à occuper une brillante position dans le monde, il préféra l'austérité de l'état ecclésiastique aux plaisirs du siècle et après avoir parcouru tous les degrés de la hiérarchie, il fut proclamé vingt-troisième évêque de Tongres en 598. Sa grande modestie lui fit refuser d'abord une charge qu'il considérait comme étant bien au-dessus de ses forces, mais il dut bientôt se rendre aux désirs du peuple et l'on vit alors briller dans tout leur éclat les qualités excellentes de ce saint homme. Sa vie entière ne fut qu'une série de bienfaits, son grand savoir lui mérita l'insigne honneur d'être appelé le docteur des fidèles.
Professant une affection toute particulière pour la ville de Dinant, il en faisait son séjour dès l'an 604, y fonda la même année une église dédiée à saint Vincent, dans laquelle il se retirait souvent, pour y prier dans le silence et le recueillement, et y mourut après dix-huit années d'un glorieux épiscopat, le 4 novembre 617.
Suivant son désir, il fut enterré dans l'église de Saint-Vincent, où la reconnaissance publique éleva un superbe mausolée de marbre à sa mémoire.
Dieu ne tarda pas à manifester d'une manière éclatante, combien la vie de son serviteur lui avait été agréable; du tombeau de Saint-Perpète découlait une huile odorante qui guérissait beaucoup de malades.
La ville de Dinant, ayant éprouvé particulièrement les salutaires effets de la protection de ce saint, le choisit pour son patron et fit chanter, chaque lundi, une messe solennelle à son honneur.
Du produit des offrandes que déposaient sur son tombeau les nombreuses personnes redevables de leur santé à l'intercession du saint, on acheta une riche châsse dans laquelle ses restes furent déposés et portés à la procession qui se faisait autour de la ville, en son honneur, le mardi de Pentecôte de chaque année. La fête de Saint-Perpète ne se célèbre que par l'office et l'exposition des reliques du saint dans l'église de Saint-Vincent [22].
A Liége les brodeurs et doreurs célébraient la fête de Sainte-Claire leur patronne.
Le dimanche de l'octave de la Toussaint se célèbre, à Bruxelles, la fête de « l'Association pieuse sous le patronage de Marie » dans l'église de Notre-Dame des Riches-Claires.
Cette confrérie ne date que du temps où le choléra faisait de si nombreuses victimes. Les habitants de Bruxelles se souvenant des grâces que leurs ancêtres avaient obtenues par l'intercession de Marie, accoururent en foule à l'église des Riches-Claires, afin de se mettre sous la protection de la Vierge et y récitèrent, chaque soir, le saint Rosaire. On continua ces pieux exercices aussi après la cessation du fléau et S. E. le cardinal archevêque de Malines érigea en faveur des fidèles qui assistent aux instructions et invoquent tous les soirs la sainte Vierge dans l'église des Riches-Claires, une confrérie sous le titre d'Association pieuse sous le patronage de Marie [23].
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5 novembre.
(Physalis Alkekengi.) Sainte Berthilde; sainte Odrade;
saint Winoc; saint Zacharie.
saint Winoc; saint Zacharie.
Sainte Odrade n'est honorée que dans l'église de Moll, près de Gheel.
Le 5 novembre de l'année 1530 est le « kwade zaturdag » ou mauvais samedi des Zélandais, parce qu'une inondation terrible menaça ce jour la Zélande d'une entière destruction [24].
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6 novembre.
(Taxus baccata.) Saint Léonard; saint Winoc.
Saint Léonard, auquel une paroisse du doyenné de Hoogstraeten doit son nom et en l'honneur duquel dix églises sont consacrées, est le patron de Léau. II était autrefois très-vénéré dans l'église de Saint-Jean-Baptiste à Huysinghen, commune du canton de Hal, où encore aujourd'hui nombre de pèlerins viennent l'invoquer contre des infirmités de toute sorte [25].
Comme à Liége les fruitiers, à Bruges les tonneliers ou « kuipers » ont choisi ce saint pour patron. Treize membres de ce métier, montés à cheval allaient autrefois tous les ans à Ruyselede pour y faire dire une messe solennelle, et en rapportaient une quantité de gâteaux appelés « schriflorissen, spellekokers, schuifletten » qu'ils partageaient à leur retour parmi les femmes et les enfants de leur métier.
L'origine de cette coutume dont une charte, en date du 8 mars 1418, fait déjà mention, est inconnue. Il en est de même du pèlerinage, que faisaient, chaque année le premier dimanche d'août, les valets et ouvriers de ce métier, tambours et trompettes en tête, à Dudzeele [26].
Saint Winoc est patron de la ville de Bergues dans la Flandre française, qui lui doit son nom flamand de Winoxbergen (montagne de Saint-Winoc) - Bergues Saint-Winoc [27].
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7 novembre.
(Furerœa gigantea.) Saint Ernest; saint Willebrord; saint Engelbert,
Saint Engelbert est le patron de la commune de Deurne, près de Diest.
Saint Willebrord, principal apôtre d'Utrecht et du pays de Frise, est très-honoré en Belgique, où dix-huit églises lui sont dédiées.
Issu d'une riche famille du Northumberland, il fut confié fort jeune au chef d'une abbaye, qui surveilla son éducation. A vingt ans il se fit moine et fut, en 690, envoyé par son supérieur pour convertir les Frisons. Il jeta les fondements de l'évêché d'Utrecht, puis établit l'abbaye d'Echternach, il y revint mourir dans un âge fort avancé, après avoir accompli une dernière mission en Frise, accompagné de son compatriote Winfried - saint Boniface - le futur apôtre de la Germanie. Son monastère, enrichi par les libéralités des Carlovingiens, devint un des plus célèbres et des plus importants des Pays-Bas; l'abbé siégeait dans l'assemblée des Etats du Luxembourg, et la présidait en l'absence du maréchal de la province.
Dans l'église paroissiale d'Echternach, construite sur un monticule, se trouvent, dans une armoire à droite du chœur, le cilice et la chape du saint vénéré, dont le sarcophage est placé sous le maître-autel [28].
On invoque l'intercession de saint Willebrord contre l'épilepsie et c'est là l'origine de la célèbre procession dansante qui se fait tous les ans le mardi de la Pentecôte à Echternach.
La fête, que le faubourg anversois de Saint-Willebrord chôme en l'honneur du saint dont il porte le nom, a toujours lieu le dimanche après la Nativité de Notre-Dame. Elle donne lieu à un « ommegang » dont la magnificence grotesque attire chaque année une grande affluence de curieux.
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8 novembre.
(Veltheimia glauca.) Saint Dieudonné; saint Godefroid.
Les quatre martyrs couronnés ou « de vier gekroonden, » patrons des maçons et des tailleurs de pierres.
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9 novembre.
(Veltheimia glauca.) Saint Théodore.
Dédicace de l'église du sauveur à Rome.
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10 novembre.
(Pinus silvestris.) Saint André Avellin; saint Tryphon.
Les usages et coutumes ayant lieu en ce jour se rattachent tous à la veille de saint Martin.
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11 novembre.
(Pinus strobus.) Saint Martin, évêque.
Saint Martin, dont le nom est populaire dans toute la chrétienté, est honoré d'une manière particulière en Belgique. Près de quatre cents églises lui sont dédiées, les villes d'Alost, d'Arlon, de Courtrai, de Duffel, de Franchimont, d'Herck-la-Ville, de Visé et d'Ypres l'honorent comme leur patron [29] et bien des associations se sont placées sous sa protection spéciale.
Dans tout le pays, le jour consacré à ce saint est fêté avec beaucoup d'empressement; mais c'est surtout dans les provinces flamandes qu'il donne lieu à un grand nombre d'usages et de pratiques.
De temps immémorial, dit Croon, dans son vieil almanach, les familles flamandes ont la coutume que les parents, la veille du jour de Saint-Martin, rassemblent tous les petits enfants, les placent dans un coin d'une chambre et leur jettent noix, pommes, nèfles, confitures et pains d'épices à ramasser ou « grielen » « in den grabbel werpen » en leur faisant croire que toutes ces friandises viennent de saint Martin. Les enfants le croient volontiers, car celui qui « connaît » le saint évêque de Tours, déchoit du droit de ramasser. Saint Martin ne veut pas être vu, et après avoir demandé :
Is hier iemandt quaed omtrent,
Oft die sinte Marten kent?
il s'en va en toute hâte; mais si l'on se tourne pour le voir, il sort sans rien donner.
Cet usage, modifié selon les localités, s'est maintenu en beaucoup d'endroits jusqu'à nos jours.
A Anvers, une personne de la famille, déguisée en évêque, la crosse en main, entre, la veille de Saint-Martin au soir, dans la chambre des enfants, s'informe de la conduite de chaque marmot et jette, avant de s'en aller, s'il a été mécontent, des verges, mais s'il a été satisfait, des pommes, noix, fruits secs et bonbons par terre. Les enfants se précipitent sur les friandises pour les ramasser ou « grielen » et chantent la chanson bien connue :
Sinte Marten kruk,
Geeft my een appel, ik geef u een stuk,
Geeft my 'nen heelen,
Ik zal hem deelen,
Geeft my 'nen halven,
Ik zal hem kalven;
Geef mê een kwartier,
Dans les familles moins nombreuses on rassemble les enfants au vestibule et leur jette les friandises à « grielen » du haut de l'escalier. Cela se fait aussi à Contich et dans la Campine.
A Ypres les enfants appendent, la veille au soir, à la cheminée, chez leurs parents, aïeuls, parrains et marraines leurs bas remplis de foin. Comme ailleurs le « greef van halfvasten », saint Nicolas et à Ypres saint Martin passe pour voyager à cheval, la nuit avant sa fête, par dessus les villes et les villages, et descendre par la cheminée. Son cheval blanc mange le foin et le saint cavalier le remplace dans le même bas par de riches présents, des bonbons et joujoux, en reconnaissance de l'hospitalité qu'il a reçue. Le lendemain on ne rencontre en ville, le matin, que des enfants qui vont prendre les présents dont saint Martin les a gratifiés.
Dans la même ville il était aussi d'usage, que les domestiques allaient, la veille de la fête de Saint-Martin, à l'église emprunter quelque chape pour travestir l'un d'entre eux en évêque. Celui-ci parcourait ensuite à la nuit tombante les rues, en sonnant une clochette, et s'offrait partout à distribuer aux enfants les présents de la Saint-Martin, moyennant quelques cents qu'il dépensait après dans une auberge en buvant avec ses compagnons.
A Malines les enfants vont, le jour de Saint-Martin, par troupes plus ou moins nombreuses, de maison en maison faire une quête, en chantant les chansons de Saint-Martin. Communément les garçons se déguisent, en portant des chapeaux en papier, ou des barbes en étoupe, et l'un d'entre eux, représentant Saint-Martin, est assis sur une espèce de brancard que quatre garçons portent sur leurs épaules. Il est habillé en évêque, ayant une longue barbe grise, et tient à la main une énorme cuiller à pot (pollepel) en bois, dans laquelle il reçoit les pommes, poires et cents qu'on donne aux petits chanteurs.
Par une combinaison des plus singulières, il se trouve parmi les chansons qui se chantent ce jour-là à Malines plusieurs satires pleines d'invectives et de saletés.
Faits pour censurer la conduite du fameux général gueldrois, Marten Van Rossum, qui en 1542 laissa en Brabant des traces sanglantes de son passage, ayant mis à feu plus de quatre-vingt villages, ces vers se conservèrent par tradition de père en fils, tandis que le nom et les actes de cruauté de Marten Van Rossum tombèrent en oubli, de sorte qu'à la fin les enfants en substituant au nom dont ils ne connaissaient pas la signification, celui du saint qu'ils vénéraient, au lieu de :
«Marten van Rossem den ouden trawant. »
chantaient et chantent encore :
«Sinte Marten, den ouden trawant. »
Mais malgré nos efforts il ne nous a pas été possible de nous procurer cette chanson curieuse.
Des autres chansons qui se chantent le jour de Saint-Martin à Malines, nous ne communiquerons que celles, qui jusqu'à présent ne sont pas encore imprimées. Les voici :
Wy laten onzen iever blaken
Al op sinten Martinus dag,
'T is nu dat wy ons ronde maken
Dat ook eens 's jaers geschieden mag.
Dat wy by onze heeren gaen,
Wy moeten voor de deur niet staen.
Want wy die worden ingelaten,
Zy hooren ons zoo geeren praten,
Zy nemen dit voor geen affront,
Dat men om sinten Marten komt.
Wy zullen al den lof verklaren
Nu voor Martinus voor altyd,
Zelfs van in zyne jonge jaren.
Was hy vol van weldadigheid.
Want ziet waer dat hy kwam te gaen,
Hy heeft den arme bygestaen.
Bedenkt zyn goedheid en zyn zeden,
Hy heeft zyn mantel door gesneden,
Dat ieder voor zyne oogen zag,
Dat hy het aen den arme gaf.
Het is de vreugd der jonge lieden,
Die nu vandaeg overal gaen,
0m Martinus den lof te bieden,
Voor al het goed hy heeft gedaen.
Hy 's eeuwig in zyn zegeprael,
Maer hy verdient het altemael;
Spiegelt u allen die nog leven,
Wilt toch al wat Martinus geven,
Zoo krygt gy hier namaels den loon,
God geeft u dan des hemels kroon.
Vrienden, wy komen om sinten Merten,
Gy weet, het is van daeg den dag,
Die wy van over vele jaren
Hebben al in 't gebruik gebragt.
Als wy om sinte Merten komen,
Staet er een jufvrouw aen haer deur.
Als zy ons liedeken heeft vernomen,
Komt zy met wat appelkens veur;
Als ze die appelkens heeft gegeven,
Doet zy wêer haer deurken toe;
Jufvrouw, ge moet voor ons niet beven,
Wy zullen u niets misdoen;
Vele die komen ons te zeggen :
Foert, foert, foert, jert u van hier!
Zyn dat dan geen slechte menschen,
Die benemen ons plaisir? (Trois fois.)
Jufvrouw, opent uwe deur,
En laet ons te samen binnen,
Sinte Merten staet er veur.
Hy zal gratie by u vinden,
Hy mag bier en hy mag wyn,
Hy zou geerne by u zyn.
Gy moet weten voor gewis,
Dat het sinte Marten is,
Kruipt al gauw
Al in de schouw,
Laet wat appelen, peeren vliegen,
Gy en zult ons niet bedriegen.
Laet ons grabbelen zeer,
Uit den goude leêren mond,
Uit de goude leêren kist,
Want het sinte Marten is.
Vrienden, het is van daeg de dag
Als dat een ieder eens zingen mag.
Het is de mode van alle jaren,
Nu dat wy samen alhier vergaeren,
Van faldera.
Nu gaen wy rond by de gebueren,
Die niet en heeft en kan niet vieren,
Van faldera.
Peist eens wat dat Martinus heeft gedaen,
Als hy moest naer den stryd toegaen.
My kwam daer eenen arme tegen,
Hy heeft hem een stuk van zynen mantel gegeven.
Nu wenschen wy u peis en vrede
Al degenen die ons wat hebben gegeven.
A Tournai, où le même usage a lieu, le garçon représentant saint Martin porte une épée nue à la main, pour y attacher, en les perçant, les pommes et poires qu'on lui donne.
Dans quelques districts de la Flandre occidentale, la veille de Saint-Martin, les enfants vont également de maison en maison demander des noix, des pommes et autres choses semblables en chantant des chansons de Saint-Martin.
En d'autres endroits, cette coutume est entièrement tombée en désuétude et même les feux qui jadis, la veille de Saint-Martin s'allumaient partout, n'y sont plus connus, bien qu'on en trouve encore des traces dans les usages ayant lieu au même jour en quelques villes et dans les chansons populaires qui se sont conservées jusqu'à nos jours.
A Furnes, tous les enfants petits et grands, marchant seuls ou portés par les servantes, vont se réunir à la Grand'Place, munis chacun d'une lanterne en papier au bout d'une baguette, d'une lanterne formée d'un gros navet ou d'une betterave artistement creusé et éclairé par une chandelle. Ils font ainsi, à l'arrivée de la brune, le tour de toute la ville en chantant :
Op sinten Marten's avond,
De torre gaet mêe naer Gent.
En als myn moeder koekjens bakt,
Ik zit er zoo geern omtrent.
Ik zit al in een hoekjen
En kryg een beetje koekjen,
Ik zit al onder de tafel
En kryg een beetje wafel;
Ik zit al op de zille
En kryg 'ne plak op de billen.
Ik zit al op den zoldertrap
En kryg 'nen grooten schop onder myn gat.
La troupe est conduite ainsi deux soirs de suite par les agents de la police et se sépare après chaque course à la place qui a servi de point de départ.
A Courtrai, la veille de Saint-Martin, les enfants font des cassolettes en creusant des citrouilles et parcourent les rues en chantant une variante de la chanson « Op sinten Martens avond » [31].
Dans les environs de Bruges, les enfants munis chacun d'une lanterne formée d'un navet ou d'une betterave, comme à Furnes, vont de ferme en ferme quêter quelques cents, en chantant des chansons relatives au jour. La même chose se faisait autrefois à Bruges, et plusieurs chansons qui se chantent à Beveren [32], dans le Pays de Waes, ainsi qu'à Malines [33], nous prouvent que jadis les feux de saint Martin s'y allumaient aussi bien qu'ailleurs.
Ce n'est qu'à la campagne que, dans le pays de Waes, en Brabant et dans la province de Limbourg, les feux de saint Martin se sont maintenus jusqu'à présent.
Dans la province de Limbourg, les enfants vont de maison en maison demander de matériaux combustibles « pour chauffer saint Martin » en chantant :
Sint Marten heeft zoo 'n groote koû,
Geeft ons maer zoo groot als een boone
Ons lieve heer zal 't in den hemel loonen.
Pour remercier, ils disent: « Goed deel, goed deel! » bonne part.
A Turnhout, les enfants de chaque quartier allument le soir un grand feu dans la rue, ce qu'ils appellent : « Martensvuer stoken, » après avoir quêté le matin, de porte en porte, en chantant la chanson suivante :
Van daeg is 't sinte Marten
En morgen is 't de kruk
Wy komen uit goeder harten
Wy hadden zoo gaerne een stuk
Wy zullen van ze leven van hier niet gaen
0f wy hebben wat opgedaen.
Hout, hout, turf en hout,
Kloeren, kloeren haentje,
Een turfken of een spaentje,
Hoe ver zal dat vliegen?
Over de merkt en over de Ryn
'T zal nog wel een goede sinte Marten zyn.
Kryg ik wat als 't u blieft?
Après une petite pause, les chanteurs continuent :
Daer is nog wel een goede vrouw
Die ons wel wat geven zou.
Hoe lang zal ze leven?
Honderd jaer en eenen dag
Tot dat ze geen kaes en brood meer mag, Kryg ik wat als 't u blieft?
N'ayant rien reçu, ils s'en vont en criant :
Daer achter in dat hooge huis,
Daer hangt een zak met zemelen uit,
Zoo menige zemel zoo menige luis
Schopt den baes in 't schythuis.
Dans le pays de Liége les feux de Saint-Martin se sont également conservés jusqu'à nos jours, et les enfants vont déjà quelques jours d'avance quêter « de l'ouaille, » (houille) pour les nourrir, en criant à tue-tête : « Al saint Martin, al saint Martin! [34] »
Comme la saint Martin donne lieu à beaucoup de kermesses, les Wallons désignent le saint évêque de Tours : de l'épithète de « bon vivant » [35].
Mais les repas qui autrefois en Belgique avaient lieu ce jour, ont presque partout disparu.
A Gand, ainsi que dans les environs de Bruxelles, les « gauffres » ou « gâteaux de Saint-Martin » sont restés d'usage.
A Mons il y a le soir réunion dans les familles, où le plat indispensable consiste en pommes étuvées entourées de petites saucisses [36].
En Brabant le « koekebak » est le plat par excellence de ce jour, et dans les environs de Venloo on donne le soir un repas copieux à tous les domestiques de la maison.
Dans les provinces de Liége et de Luxembourg, l'os de l'oie de Saint-Martin, qui y est toujours resté en quelque honneur, nous rappelle le grand rôle que jouait jadis cet oiseau domestique aux repas de ce jour, en Belgique aussi bien qu'en Allemagne.
Cet os a don de prophétie. S'il est très-rouge, l'hiver sera froid, s'il est blanc, le contraire aura lieu.
En général on considère la Saint-Martin comme un jour de haute importance. On évitait ce jour les carrefours ou « kruiswegen, » où se passaient alors des choses extraordinaires. C'était là qu'on apercevait à la Saint-Martin, de même qu'à la Saint-Jean, les loups-garous ou « weêrwolven, » les chasseurs sauvages, le « kruisvos » ou renard porte-croix, et l'avenir s'y révélait à l'homme.
Aussi ce jour était-il en beaucoup d'endroits le terme de payement pour les baux et les rentes.
A Anvers, l'année financielle commençait le jour de la Saint-Martin et finissait la veille de cette fête, où jadis le magistrat ou « wet » se renouvelait également [37].
Dans la Campine on renouvelle en ce jour les baux des fermes, métairies et terres en culture.
A Anderlecht les maîtres d'église recueillaient, comme le jeudi-saint et sous les mêmes cérémonies, l'argent qui se trouvait dans le tronc de Saint-Guidon, et comme la première fois une femme se tenait, pendant la récolte, seule devant la statue du saint [38].
A Huy se faisait, en vertu d'une fondation de Jehan Langlet, en date de l'an 1396, une distribution de pains la nuit de Saint-Martin, dans l'église des Frères-Mineurs. Puis on y distribuait par pinte une aime de vin.
Aussi commençait-on à la Saint-Martin la distribution d'un feu de houille ou « d'lègne, » qui se faisait jusqu'au dimanche du grand-carême, chaque mercredi et samedi, sur le grand marché, en vertu d'une fondation de Jehan Gaillard [39].
Quant à l'origine de la fête de Saint-Martin telle qu'elle se célèbre en Belgique, tout nous porte à croire qu'elle remonte à une époque antérieure au christianisme. Si vénéré que saint Martin soit en Belgique, il n'a jamais été le patron du pays comme en France, et pourtant aucune des cérémonies rattachées à la Saint-Martin dans les provinces flamandes, ne se retrouve en Touraine. De plus, les biographes du saint ne racontent aucune circonstance de sa vie, qui eût pu donner naissance à la coutume de célébrer sa fête en allumant des feux. C'est pourquoi, quelques auteurs prétendent que les feux de Saint-Martin, à l'égal de ceux du « jour du feu » ou du « grand carnaval, » s'allumaient pour marquer l'entrée du carême; car le jeûne de l'Avent qui s'appelait aussi « carême de Saint-Martin, » durait autrefois six semaines.
Mais les feux de Saint-Martin se trouvant de préférence dans les pays germaniques, il est à supposer, qu'ils sont les restes d'une ancienne fête païenne qui se célébrait à l'entrée de l'hiver en l'honneur de Wustan. Wustan, qui d'après l'Adda, dirigeait tout ce qui est haut et tout ce qui est bas, ce qui est grand et ce qui est petit, accordait aussi les moissons abondantes, et en action de grâces on lui allumait des feux et lui offrait des ablations à l'époque de sa fête d'automne.
Mais puisqu'il était principalement vénéré comme le dieu de la guerre et saint Martin, le jeune guerrier, était représenté comme lui, la tête couverte d'un casque d'or, et le corps d'une cuirasse d'un travail précieux, revêtu d'un manteau et monté sur un cheval blanc, le peuple teutonique, qui ne renonça que très-difficilement à ses anciennes coutumes, conserva la fête en la transférant au jour de Saint-Martin, qui se chômait vers la même époque [40].
C'est pourquoi les cultivateurs du pays de Limbourg disent encore aujourd'hui, que les feux de Saint-Martin s'allument pour la clôture des champs.
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12 novembre.
(Veltheimia uvaria.) Saint Liévin; saint Brixe.
Saint Liévin, qui a donné son nom aux villages de Hautem-Saint-Liévin (près d'Alost) et d'Essche-Saint-Liévin (près de Sottegem), est patron de la ville de Gand et de la commune de Ledeberg, située dans les environs de cette ville.
Né en Irlande, de race royale, saint Liévin se montra, dès sa première enfance, doué des plus belles qualités. Aussi eût-il à peine l'âge requis par l'Église qu'il fut promu au sacerdoce, et bientôt appelé à l'épiscopat par la voix unanime du souverain et du peuple.
Pendant plusieurs années, il remplit les devoirs d'un bon pasteur avec toute la prudence, la bonté et l'activité sainte qu'on pouvait espérer d'un disciple de saint Augustin de Cantorbéry, nais le zèle qui le dévorait pour le salut des âmes, lui fit quitter son diocèse et s'embarquer pour la Belgique, où quelques cantons étaient encore plongés dans l'idolâtrie.
Après avoir parcouru la Morinie et s'être arrêté quelques jours à Gand pour prier au tombeau de Saint-Bavon, il alla dans le pays actuel d'Alost, l'évangélisa et y souffrit le martyre au village d'Essche le 12 novembre 657. Les disciples du saint martyr transportèrent son corps à Hauthem, où ils l'ensevelirent, mais la tradition populaire, qui est fort enracinée dans le pays d'Alost, prétend que le saint marcha lui-même vers sou tombeau, sa tête entre les mains, et, tant à Herzele qu'à Essche et Hauthem, on montre encore aujourd'hui des chemins de traverse appelés sentiers ou allées de saint Liévin: « Sinte-Lievens-dreefken, Sinte-Lievens-straetjen, ou Sinte-Lievens-baentjen, » par où l'on croit que le saint a marché après sa mort. Le peuple respecte ces sentiers et la cupidité même n'oserait en détourner une parcelle de terre.
A l'endroit même, où à Essche l'apôtre reçut la couronne du martyr, s'élève une chapelle érigée en son honneur, où autrefois les notables d'Aerdenburg se rendaient annuellement pour remercier Dieu d'avoir, par l'intercession de saint Liévin, délivré leur ville d'une maladie contagieuse.
Une autre chapelle consacrée à Saint-Liévin se voit à un quart de lieue de l'église de Hauthem. Elle est célèbre par le grand nombre de faveurs surnaturelles qu'on y a obtenues et attire surtout au 12 novembre une foule de pèlerins. Près d'elle existe une fontaine d'une eau limpide et salutaire que saint Liévin fit jaillir, en frappant la terre de son bâton pastoral, et les fidèles qui visitent la chapelle manquent rarement de puiser et d'emporter une fiole d'eau de cette source qui, à ce qu'on dit, ne tarit jamais.
L'église de Hauthem, dédiée à saint Miche!, renferme encore le tombeau de Saint-Liévin, mais les reliques de ce saint, qui furent élevées très-solennellement le 28 juin 842, ont été transportées le 27 juin 1007 dans la ville de Gand qui depuis lors honore saint Liévin comme son patron. La châsse précieuse qui renfermait ces restes vénérés, a disparu en 1578, mais des parcelles plus ou moins considérables des ossements de Saint-Liévin qu'avaient obtenues les églises d'Essche et de Hauthem ont été conservées. La cathédrale de Gand et plusieurs églises au nord de la France en possèdent également quelques-unes, et dans la chapelle de Saint-Liévin qui se trouve dans la cathédrale actuelle de Gand, on expose pendant l'octave de ce saint, le volume manuscrit richement relié, qu'on appelle le « Livre de Saint-Liévin », puisqu'il contient quelques pages écrites par le pieux apôtre. Autrefois ce livre était tous les lundis exposé sur l'autel.
Saint Brixe on Brice était l'enfant de la pieuse veuve Craphaïlde, qui avait hébergé saint Liévin, quand il séjournait à Hauthem pour prêcher la foi chrétienne dans les environs de ce village. Sa mère le portait sur les bras lorsque, à la nouvelle du martyre du saint apôtre, elle accourut et reprocha aux meurtriers le crime affreux qu'ils venaient de commettre. Dans leur fureur, ces idolâtres assassinèrent aussi la veuve et son enfant, que le saint martyre venait de baptiser et que couvrait encore le voile blanc des néophytes.
La bienheureuse Craphaïlde fut ensevelie dans un cercueil particulier et le peuple montre encore aujourd'hui l'emplacement de sa demeure. Le corps de l'enfant, saint Brixe, qui pendant plus de quatre siècles a reposé au cercueil de Saint-Liévin, fut transféré, on 1175, dans une petite caisse, où le premier évêque de Gand, Corn-Jansénius le découvrit bien conservé quand il examina les reliquaires de son église. Mais on ne fait plus mention dans l'office ecclésiastique ni de la bienheureuse Craphaïlde, ni de son enfant saint Brixe [41].
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13 novembre.
(Laurus poetica.) Saint Stanislas Kostka; saint Brice, évêque; saint Hommebon.
Saint Brice est patron de quinze églises, saint Hommebon est celui des fripiers de Namur qui en son honneur font dire une messe dans l'église de Saint-Jean, à laquelle tous les membres de ce métier assistent. Après la messe, la statue du saint, placée ce jour-là au milieu du temple, est portée processionnellement dans l'intérieur de l'église.
Dans les prairies, où s'élevait jadis « l'outhoff » (oud hof), près de Lennick-Saint-Martin, se tient le lendemain de la fête de saint Martin, pape, une foire très-animée qui présente un aspect des plus pittoresques [42].
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14 novembre.
(Cerasus Lusitanica.) Saint Bertrand; saint Albéric.
Selon l'article 70 de la Constitution belge le second mardi de novembre est destiné à l'ouverture des Chambres, qui se fait chaque année avec la plus grande solennité.
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15 novembre.
(Tussilago fragrans.) Saint Léopold, eu l'honneur
duquel l'église du fort à Dinant est consacrée.
duquel l'église du fort à Dinant est consacrée.
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16 novembre.
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17 novembre.
(Datura arborea.) Saint Aignan; saint Grégoire Thaumaturge, dont ce jour a tiré le nom populaire de «jour du Thaumaturge » ou «dag van den wonderwerker » [44].
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18 novembre.
(Passiflora serrata.) Saint Odon; saint Romain;
dédicace des saints Pierre et Paul à Rome.
dédicace des saints Pierre et Paul à Rome.
Le jour de saint Odon d'hiver est considéré comme un jour de sort pour les chasseurs. De même que saint Hubert, saint Odon leur porte bonheur [45].
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19 novembre.
(Passiflora maliformis.) Sainte Élisabeth de Thuringe.
Sainte Élisabeth, fille du roi de Hongrie André II, et de Gertrude, duchesse de Méranie, de Corinthie et d'Istrie, que l'on représente toujours couronnée de trois couronnes pour la distinguer de la sainte reine de Portugal, de ce nom, qui mourut le 4 juillet 1356 [46], jouit d'une grande vénération en Belgique, où quinze églises sont consacrées en son honneur, et nombre de béguinages, d'hospices et d'hôpitaux lui sont dédiés. Aussi plusieurs pèlerinages des plus fréquentés doivent-ils leur origine aux statues de la Vierge, que sainte Elisabeth eut toujours avec elle durant sa vie et qu'elle légua à sa fille Sophie, duchesse de Brabant, qui les apporta en Belgique.
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20 novembre.
(Stapelia rufa.) Saint Félix de Valois
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21 novembre.
(Oxalis grandiflora.) Fête de la Présentation de Notre-Dame.
Cette fête fut instituée, il y a plus de neuf cents ans, dans l'église orientale pour rappeler un trait de la vie de la sainte Vierge dont la légende nous rapporte le récit suivant :
Les parents de la Vierge ayant promis de consacrer leur enfant au service spécial de Dieu dans son temple, la conduisirent, lorsqu'elle eut atteint sa troisième année, à Jérusalem pour la présenter au grand prêtre.
Ce n'est que cinq cents ans après son institution que cette fête fut introduite en France, et en 1585 le pape Sixte V en décréta la célébration par toute la chrétienté [47].
Plusieurs confréries ont été érigées pour honorer Notre-Dame sous ce titre, que les « sœurs de la Présentation » ont choisi pour nom de leur congrégation. Cette pieuse institution qui de nos jours s'est formée à Saint-Nicolas au pays de Waes, compte déjà six établissements en Belgique [48].
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22 novembre.
(Oxalis u biflora.) Sainte Cécile, à laquelle la commune de Sainte-Cécile près de Florenville doit son nom est la patronne des musiciens et son jour de fête est célébré par toutes les sociétés musicales de la Belgique.
A Ath il est d'usage que la musique de la ville donne, dans la nuit de ce jour, des sérénades à toutes les jeunes filles musiciennes.
A Liége la Société de Sainte-Cécile qui donne tous les mois soit un concert soit un bal, abandonne le produit net du concert du mois de janvier aux pauvres ou à un établissement de bienfaisance.
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23 novembre.
(Oxalis convexula.) Saint Clément 1er, pape; saint Trudon, confesseur
Saint Clément, en l'honneur duquel treize églises sont consacrées, est, à Bruges, le patron des bateliers, dont le nombre montait, en 1638, à trois cents [49].
A Eppeghem, commune près de Vilvorde, dont l'église est dédiée à saint Clément, on vient de tous côtés invoquer les reliques du saint patron, que l'on y conserve, contre la toux et quelques maladies d'enfants. On offrait jadis, dans ces cas au saint une poignée de clous et des mannequins en fer (yzeren mannekens), usage à l'abolition duquel l'autorité diocésaine travailla longtemps, sans succès [50].
Saint Trudon ou Trond auquel douze églises sont dédiées, est l'apôtre de la Hesbaye. Il fonda l'abbaye qui porte son nom et celle d'Echoute-lez-Bruges qu'il dédia à la sainte Vierge [51].
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24 novembre.
(Stapelia radiata.) Saint Jean de la Croix; saint Séverin.
Saint Albert de Louvain.
Saint Albert de Louvain.
Saint Jean de la Croix est le réformateur des Carmes déchaussés, qui en Belgique possèdent encore trois couvents. Saint Séverin, auquel une paroisse du doyenné de Nandrin au diocèse de Liége doit le nom de Saint-Séverin, est patron de quatre églises.
A Bruges les « saeiwevers, » tisserands en soie, célébraient autrefois la fête de Saint-Sévérin, leur patron, et pour lui faire honneur, ils payaient annuellement 4 livres 8 schellings pour la décoration de l'église, pour la messe, pour le pain et le vin du repas. Mais depuis longtemps ce métier a cessé d'exister et les « saeyen, » étoffes faites de laine très-fine et très-recherchées au moyen âge, sont presque inconnues de nos jours [52].
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25 novembre.
(Tussilago fragrans.) Sainte Catherine.
Cette sainte, l'architype de la pureté, est très-vénérée en Belgique. Trente-quatre églises lui sont dédiées et un grand nombre de métiers et d'associations soit religieuses soit laïques se sont placées sous sa protection spéciale.
A Anvers, le métier de tailleurs, « kleêrmakers, » qui, en 1560, comptait 594 membres, l'honore comme patronne [53] ; à Bruges, les charrons, les archers, « pyl- en boogmakers » et les potiers « pottebakkers [54] » à Liége, les charrons et les fileuses, à Mons, les fabricants et marchands de tabac l'ont choisie pour patronne.
A Malines, les bateliers sont mis sous son patronage, et tous les ans, le jour de sa fête, ils font dire en son honneur, une messe solennelle dans l'église de Notre-Dame, au-delà de la Dyle.
Mais ce qui contribue le plus à rendre populaire en Belgique le jour de Sainte-Catherine, c'est qu'il est la fête des jeunes filles, qui honorent cette sainte comme leur patronne. Dans les familles aussi bien que dans les écoles et pensionnats de jeunes filles, on fête ce jour en donnant le soir un bal ou en représentant de petites comédies.
Dans les hautes classes de la société, on accompagne d'habitude les bouquets, qu'on offre le matin de ce jour, aux jeunes filles, de jolis présents consistant en parures ou en ajustements.
Dans les Ardennes, et surtout dans les environs de Dinant, les filles qui fréquentent les écoles, vont le jour de Sainte-Catherine faire une quête, toute pareille à celle que les garçons y font à la Saint-Grégoire. Elles s'habillent toutes en blanc, et l'une d'entre elles, voilée et décorée de fleurs et de rubans, représente Sainte-Catherine. La chanson, qu'elles chantent à cette occasion, est une complainte naïve sur la mort de la sainte patronne. La voici telle qu'une jeune fille, native de Freyr, nous l'a dictée à Dinant :
Sainte Catherine était la fille d'un roi,
Son père était payen et sa mère ne l'était pas.
Ave Maria! sancta Catharina!
Un jour dans ses prières son père la regarda,
Que fais-tu là, ma fille, ma fille que fais-tu là?
Ave Maria! sancta Catharina!
Va-t-en chercher mon sabre et mon grand couteau qui est là,
Que je lui tranche la tête à cette maudite-là.
Ave Maria! sancta Catharina!
Un ange descend du ciel, lui dit Catherine : courage!
Courage, Catherine, courage; couronnée tu seras.
Ave Maria! sancta Catharina!
Mais pour ton mauvais père, en enfer il ira;
Mais pour ta bonne mère, en paradis elle ira.
Ave Maria! sancta Catharina!
Sainte Catherine est aussi patronne des bonnes servantes, elle leur procure de bons services.
De même on lui attribue un grand pouvoir sur le temps. Elle fait souvent cesser, en montrant une face radieuse, les longues pluies d'automne, et une vieille chanson bien connue dans la partie flamande de la Belgique dit :
Sinte Katelyne
Laet het zonneken schynen,
Laet den regen overgaen,
Dat myn kinderkens schole gaen.
Wie zal hun leeren?
Onze Lieven heere.
Wie zal ze trouwen?
Onze Lieve Vrouwe.
Wie zal hun te eten geven?
Sinte Pieter de goede man,
Die alle kinderen geesselen kan.
Mais elle nous amène aussi souvent la neige, comme dit l'ancien dicton populaire :
« Sainte Catherine vient blanc habillée. »
et nous annonce aussi un hiver bien rude.
C'est pourquoi les bateliers belges regardent la Sainte-Catherine comme la clôture de la navigation.
A Alost, la chambre de rhétorique de Sainte-Catherine célébrait tous les ans la fête de sa patronne avec grande solennité.
Cette chambre qui prétendait être la plus ancienne des Flandres, puisque sa devise : « aMor VInCIt » contenait l'année 1107, remporta les deux premiers prix à Anvers, l'an 1543, pour la meilleure composition d'une pièce en vers et de chansons flamandes, et en 1545 à Grammont [55].
A Eecloo il existe également une chambre de rhétorique sous l'invocation de Sainte-Catherine.
A Louvain, la chambre de rhétorique du Lis ou de « Leliebloem » célébrait aussi la fête de Sainte-Catherine, sa patronne. Les uns lui assignent l'année 1462, d'autres 1483. Il est certain que cette chambre prit part au concours d'Anvers pour 1496 et y reçut un bassin en argent et un chapeau de roses. Selon toute probabilité, elle eut la même destinée que les autres quatre chambres de rhétorique de la ville de Louvain [56].
Dans la même ville, le serment des arquebusiers, dont l'origine est rapportée généralement à l'an 1506, mais qui existait déjà avant 1504, accompagnait tous les ans la procession qui se faisait à Louvain en l'honneur de Sainte-Catherine.
Les confrères qui, en 1506 furent faits « erfschutters » tiraient tous les ans leur perroquet sur la tour de la chapelle dédiée à cette sainte, conformément à la permission que leur avaient donnée en 1505 les administrateurs de cette chapelle: « de tirer leur perroquet sur la tour de la chapelle, ainsi qu'ils étaient habitués de le faire » (comme il est dit), et pour faire cet exercice, ils devaient payer à la chapelle deux chapons, réparer tous les dommages qu'ils causaient à la tour et accompagner la procession. Ce fut en 1751 [57] qu'ils y tirèrent le dernier oiseau.
A Huy, où, de même qu'à Dinant, les meuniers honorent Sainte-Catherine comme leur patronne, les ouvriers vont le jour de fête de cette sainte, féliciter leurs maîtres qui leur offrent une goutte. Puis ils assistent à la messe, et à midi, ils dînent tous ensemble. Le soir on danse.
A Nivelles chaque métier présentait autrefois ce jour, suivant le réglement de l'an 1677, aux jurés et aux échevins trois personnes exerçant un autre métier que le leur, parmi lesquelles les jurés et échevins élisaient à la pluralité des voix, un des huit maîtres qui, pendant l'année, devaient exercer la fonction de maître des métiers [58].
A Ostende s'ouvrait depuis un temps immémorial la foire de trois jours qui fut transférée par Charles V, en 1518, au 29 juin, jour après la fête de Saint-Pierre, où elle a lieu encore aujourd'hui. Mais comme ce jour-là elle n'était pas bien fréquentée au commencement, les habitants demandèrent au roi Philippe II la permission de tenir une seconde foire le jour de Sainte-Catherine ce qui leur fut accordé au mois de février de l'an 1562 [59].
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26 novembre.
(Oxalis linearis.) Saint Albert de Louvain; saint Conrard.
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27 novembre.
(Oxalis lupinifolia.) Saint Acaire; saint Maxime; sainte Ode.
Saint Achaire ou Acaire (Acarius), qui succéda à saint Médard au siége épiscopal de Noyon et de Tournai, était autrefois invoqué pour guérir les personnes aigres et acariâtres.
Sainte Ode, fille d'un roi d'Écosse, devint aveugle lorsqu'elle était encore à la cour de son père. Après avoir vainement épuisé tous les moyens que l'art pouvait suggérer, elle conçut le projet de se rendre auprès du tombeau de Saint-Lambert, à Liége, alors très-célèbre dans le monde chrétien par les miracles de toute espèce qui s'y opéraient. C'était, d'après la chronique, vers l'année 709.
Les prières de la jeune fille furent exaucées, et dans sa reconnaissance d'avoir recouvré la vue, Ode fit vœu de chasteté et résolut de se consacrer désormais entièrement au service de Dieu. Mais de retour auprès de son père elle y fut incessamment sollicitée de choisir un époux parmi les seigneurs de la cour et on la pressa tellement à cet égard qu'elle ne trouva d'autre moyen d'échapper à un éclat violent qu'en s'enfuyant au-delà des mers.
De même que beaucoup de compatriotes de la même époque, elle se rendit en Belgique, après avoir passé d'abord à Rome, à ce qu'on prétend, afin d'honorer les reliques des apôtres et recevoir la bénédiction du Saint-Père.
Elle vint ensuite dans la grande forêt, près de Weert, pour y vivre seule en hermite, et à cet effet elle renvoya même la seule domestique qu'elle avait gardée avec elle.
La légende rapporte plusieurs miracles qui eurent lieu à l'arrivée de sainte Ode dans la forêt de Weert.
Fatiguée d'avoir longtemps marché, la sainte pria un paysan qui, au même moment apparut conduisant un chariot, de vouloir bien la laisser monter pendant quelques instants; mais le conducteur refusa et Ode lui prédit que désormais dans sa ferme aucune jument ne donnerait plus de poulain, ce qui, dit-on, eut effectivement lieu.
Un autre paysan conduisant un chariot attelé de deux bœufs, qu'elle rencontra et auquel elle demanda la faveur de se mettre sur sa voiture, ne lui refusa pas sa demande et chemin faisant, la sainte pria Dieu pour que jamais il n'arrivât de malheur aux bêtes de somme appartenant à son bon conducteur et Dieu lui accorda cette demande.
Troublée dans ses méditations par les cris incessants des pies qui hantaient en grand nombre cette forêt, Ode demanda aussi au Seigneur que dorénavant il voulut empêcher la propagation de ces oiseaux dans la forêt de Weert et depuis ce moment, dit-on, les pies l'ont entièrement abandonné.
Après quelque temps, la sainte visita la ville de Weert, lorsque le hasard voulut qu'elle y perdit une de ses dents. Cette dent, retrouvée après que la réputation de sainteté d'Ode fut généralement répandue, se conserva en grande vénération à Weert.
Sainte Ode quitta plus tard la forêt et alla habiter le bourg de Venray, où elle prédit que la maison qu'elle occupait serait un jour convertie en couvent, ce qui, d'après la légende, se réalisa par la fondation, en l'année 1422, d'un couvent de religieux, qui, plus tard adopta la règle de saint Augustin.
De Venray, sainte Ode se transporta à Rode, où elle termina sa vie en l'année 726; le bourg a conservé son souvenir et se nomme encore « Sainte-Ode-Rode [60]. »
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28 novembre.
(Stapelia variegata.) Saint Amédée: saint Mansuet;
saint Rufe; saint Sosthène.
saint Rufe; saint Sosthène.
Le jeudi avant la Saint-André s'appelle à Lierre « Gods-wraek-dag, » jour de la vengeance de Dieu.
La légende rapporte que les Normands, ayant surpris le bourg de Lierre et voulant mettre le feu à la chapelle de Saint-Pierre, qu'ils avaient pillée de fond en comble, furent tous frappés de divers fléaux par l'intercession de saint Gommaire. En même temps les cloches sonnèrent d'elles-mêmes, et les Normands tout effrayés s'écrièrent sans cesse « Gods-wraek! Gods-wraek! » vengeance de Dieu.
C'est en mémoire de cette tradition qu'on a donné le nom de « Gods-wraek-dag » à l'anniversaire de ce jour et qu'on sonne, ce jour-là, toutes les cloches de la ville, depuis cinq heures de relevée jusqu'à dix heures du soir [61].
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29 novembre.
(Sphenogyne piliflora.) Saint Alfred; sainte Ermelinde;
saint Radbod; saint Saturnin.
saint Radbod; saint Saturnin.
Saint Saturnin, vulgairement appelé « saint Atorne » ou « Atourni, » est patron d'une église dans le diocèse de Liége. Tous ceux à qui la tête tourne, s'adressent à lui pour être guéris. Aussi croit-on qu'il ne faut pas filer son jour de fête, de crainte que les moutons, les brebis et les agneaux n'aient le cou tors [62].
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30 novembre.
(Oxalis tricolor.) Saint André; sainte Justine; saint Zozime.
Saint André auquel deux villages (« Saint-André-lez-Bruges » et « Saint-André-lez-Dalhem ») sont redevables de leur nom et en l'honneur duquel trente-trois églises sont consacrées, a de tout temps été en Belgique l'objet d'une profonde vénération.
Même les monnaies en argent telles que les escalins ou « schellingen, » les doubles escalins et les quarts, les pièces de cinq sous et de dix liards, portaient d'un côté la croix de saint André avec des légendes dans le contour. Les seules couronnes et demi-couronnes de Brabant étaient revêtues de l'effigie du souverain [63].
Il était autrefois d'un usage général que, le jour de Saint-André, ou le dimanche qui suit la fête de cet apôtre, les fermiers et locataires des métairies, terres labourables, prairies et pâturages venaient payer le loyer annuel de leur bail, et se rendaient dans ce but à la demeure de leurs propriétaires, ou ils étaient plus ou moins régalés ce jour-là.
Dans la croyance populaire, saint André « sanctorum mitissimus» le saint le plus doux, paraît s'être identifié sous plus d'un rapport avec Freyr, le plus doux des dieux des anciens Germains, qui présidait aux mariages. C'est ce qui expliquerait le grand nombre de pratiques superstitieuses, rattachées au jour de Saint-André et ayant pour but d'apprendre à connaître le mari futur.
Les filles du pays de Franchimont font un cercle autour d'une oie; celle que l'oie touche la première, se mariera bientôt.
A Liége les jeunes filles avant de se coucher disent :
Saint André mon bon patron,
Faites-moi voir dans mon songeant
Le mari que j'aurai en mon vivant.
Elles espèrent alors voir en rêve le futur mari.
En d'autres endroits les filles posent trois verres, dont l'un est rempli de vin, l'autre de bière et le troisième d'eau, sur une table couverte d'une nappe blanche, fermement persuadées qu'à minuit sonnant le futur mari entrera dans la chambre et prendra suivant son habitude du vin, de la bière et de l'eau.
En quelques localités la jeune fille prend une clef en main cette nuit et fait couler dans un vase rempli d'eau par le panneton de cette clef, qui doit avoir forme de croix, du plomb fondu; les instruments du métier de son futur mari se formeront dans l'eau.
On prend aussi un verre d'eau et on le pose sur la table; s'il déborde, l'année suivante sera humide, et sèche s'il ne déborde pas [64].
A Anvers, le jour de Saint-André, se faisait depuis 1539 le renouvellement du magistrat qui auparavant avait eu lieu le 23 avril.
Immédiatement après l'élection du magistrat, on choisissait, parmi les anciens échevins, les deux chefs-hommes de la bourgeoisie (hoofdmannen der poortery),les deux doyens des gildes (gildedekens), les deux échevins de la halle aux draps, les deux maîtres des orphelins (weesmeesters), les quatre « peismakers », les deux juges d'instruction et les deux « keurmeesters ».
Puis on choisissait aussi les maîtres des quartiers (wykmeesters), les doyens des métiers et les deux conseillers (raedslieden) qui, suivant l'ancien usage, devaient assister aux conseils du lundi.
En 1435, les vingt-quatre métiers furent réduits à douze, et chacun de ces douze métiers choisissait parmi ses membres quatre personnes; les commissaires du duc choisissaient parmi ces quarante-huit candidats douze qui formaient le « conseil du lundi » ou « maendagsraed » [65].
A Malines le métier des poissonniers célèbre la fête de Saint-André, son patron, par une messe dite dans sa chapelle, dans l'église de Notre-Dame, au-delà de la Dyle, où l'on admire un des chefs-d'œuvre de Rubens, représentant la pêche miraculeuse que ce grand maître peignit pour ce métier en 1618.
A Termonde le serment de Saint-André ou des arquebusiers, qui est installé et privilégié par Charles V en 1524, célèbre sa fête patronale. Ce serment est le moins ancien de la ville, mais, à l'égal des autres, il a ses réglements et ses chefs (hoofdmannen), doyens (dekens) et procureurs (verzorgers), qui tous les ans sont renouvelés et assermentés. C'est pourquoi ils sont nommés jurés (gezworenen) [66].
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[1] Binterim V, I, p. 487 sq. - Cornet, p. 340. - D.d.O., t. II, p. 580.
[2] Gaillard, pp. 140-143.
[3] Gorrissen, p. 356.
[4] H.d.E.d.B., t. III, p. 299.
[5] De Bossu, p. 104.
[6] Wolf, N.S., p. 402.
[7] Tuinman, Voorteekenen, p. 10.
[8] Wolf, l.c., p. 388.
[9] Coremans, p. 107.
[10] Molanus, p. 374.
[11] Coremans, p. 79.
[12] Wolf, N.S., p. 379.
[13] Lemaire, p. 278.
[14] Diest, II, p. 86.
[15] Schayes, p. 172.
[16] L'aumônier fait une petite incision au front du patient, et en soulevant légèrement l'épiderme à l'aide d'un poinçon, il introduit dans l'incision une parcelle de la Sainte-Étole et l'y maintient à l'aide d'un étroit bandeau de toile noire, qui doit être porté pendant neuf jours.
[17] A l'exception d'une sandale on y montre encore aujourd'hui tous les objets qui accompagnaient le corps de Saint-Hubert lors de sa translation à Andage et que les moines, à l'arrivée de la précieuse dépouille, ôtèrent du cercueil, savoir une crosse d'ivoire, un énorme cornet et un morceau de peigne à barbe, tous deux aussi d'ivoire. Mais ils n'ont point le même caractère d'authenticité que la Sainte-Étole. Parmi les reliques qui se conservent dans la sacristie de l'église de Tervueren, il est également un cor d'ivoire, revêtu de lames d'argent, dont saint Hubert se servait, dit-on, avant sa conversion.
La clef que saint Hubert lors de sa consécration à Rome reçut de saint Pierre, à ce que dit une légende, fut conservée dans l'église de Saint-Pierre à Liége, mais le savant P. Roberti croit qu'elle aura disparu pendant les guerres et que, pour en perpétuer la mémoire, on lui aura substitué celle qu'on montre aujourd'hui.
[18] Ces clefs de Saint-Hubert n'ont pas partout la même forme : à Liége c'est un anneau, à Utrecht une croix de fer, qu'on appelle ainsi. Dans plusieurs provinces de France on se sert d'un fer rouge qu'on appelle «clefs de Saint-Pierre » et Grégoire de Tours rapporte qu'au tombeau de Saint-Martin de Tours on pratiquait l'usage de marquer d'une clef rougie au feu les animaux mordus par des chiens ou des loups enragés.
[19] Pèlerinage de Saint-Hubert en Ardennes, par l'abbé C.-J. Bertrand, Namur, 1855. - Molanus, p. 375.
[20] G.d.V.e.A., t. II, pp. 143-150. - H.d.E.d.B., t. I, 28, 39; t. III, p. 370; t. III, 382-383, 408. - D.d.O., t. I, pp. 177-178. - Coremans, p. 89.
[21] Schayes, pp. 211-212 pp. 218-224; - Wolf, I, pp. 145-147 ; II, p. 112. L'Illustration, 1843, vol. II, n˚ 37, pp. 167-170; Ibid., vol. XXIV, pp. 307-308, Paris. 1854.
[22] Histoire de la ville de Dinant, par E. Siderius, Mss.
[23] De Reume, pp. 254-255.
[24] K.e.L. 1841 , p. 87; Coremans, p. 68.
[25] H.d.E.d.B., t. III. p. 732.
[26] Gaillard, pp. 121-122.
[27] Gazet, p. 409.
[28] Gazet, pp. 421-432. - G.d.V.e.A., t. II, pp. 87-90.
[29] Croon, pp. 279-281.
[30] Variante de cette chanson chantée a Malines :
Sinte Marten op de kruk,
Geeft me 'nen appel,
Ik geeft u een stuk.
Geeft mê een peer,
Ik geeft u een smeer(a),
Sinte Marten den babbeleer (b)
(a) Soufflet.
(b) Babillard.
[31] Sinte Martens avond
De tore gaet mêe naer Gent,
En als myn moeder wafels bakt,
Ik zit er zoo geern omtrent,
Met roerpap, met wittebrood
'T zyn zulke groote brokken,
Ik kan ze byna niet slokken,
Sinte Michiel
Draeit zyn wiel
Met zynen blooten arme.
Wy zullen ze moeten verwarmen
By de wieren
Ter eere van sinte Liere
Ter eere van sinte Lap.
Eet uwen buik vol rystpap.
[32] De jongens van de dorpen
Die waren hier al byeen :
Het geldeken, dat wy 's jarent haên,
Dat is hier al verteerd.
Wy zullen gaen leeren hout rapen,
Turf rapen,
Al op sint Jans manieren.
Vrolyk zullen wy vieren
Gelyk wy 's jarent plagten.
Een stuk van zynen mantel
Al met zyn billekens bloot
En wilde gy dat niet geven,
Dan zyde gy een groote jood.
Een houtjen of een turfken
In sinten Martens kurfken.
Après avoir reçu quelque chose, les chanteurs s'en vont en chantant:
Hier woont een goei vrouw,
Die lang leven zal,
Honderd jaer en eenen dag,
Tot dat zy geen brood en geenen kaes meer mag.
Mais si on les renvoie sans rien donner, ils chantent :
Hier hangt een baksken met zemelen uit,
En daer vliegt de gierige duivel uit.
[33] Wy komen van straten tot straten, wy hebben nog niets gehad,
En wy komen om sinten Marten, geeft sinten Marten wat,
Wilt ons wat appelkens geven, en daer wat torfken by,
En wy komen om sinten Marten, wy staen al op een ry,
'S avonds omtrent den tienen ontsteken wy ons vier,
Daer komen de gebueren, daerom staen zien,
Met fakkelen en fuzéen tot eeren van ons vier,
Wy vieren dan sinten Marten, al op ons oude manier.
Wy braden dan appels met den hoop
Dan is ons vier in brand,
Het bier dat volgt dat met den stoop Parbleu ! dat is galant!
[34] Volksleesboek, p. 22.
[35] Le véritable Almanach historique du Hainaut pour 1851, Mons.
[36] Coremans, pp. 33-35. 89-90.
[37] Mertens, t. II, p. 434.
[38] H.d.E.d.B., t. I, p. 23.
[39] Gorrissen, pp. 353-358.
[40] Martinslieder Bonn; Wolf, I, pp. 38-54; II, p. 54; Montanus, I, pp. 52-57.
[41] De Smet, M.d.M., pp. 142-144; Vie de Saint-Liévin, patron de Gand et apôtre du pays d'Alost, par J.-J. De Smet. Gand, 1857.
[42] H.d.E.d.B., t. I, pp. 237-238.
[43] Triple Cour, nomb., p. 62
[44] Coremans, p. 110.
[45] Coremans, p. 90.
[46] Molanus, p. 378.
[47] Cornet, pp. 205-206; K.J.J., 1855, n˚ 2 , p. 22 .
[48] B.M., p. 246.
[49] Gaillard, p. 154.
[50] H.d.E.d.B., t. II, p. 538.
[51] B.M., p. 247.
[52] Gaillard, p. 63.
[53] Mertens, t. IV, pp. 198-199.
[54] Gaillard, pp. 82-122 -184.
[55] De Smet,p. 44; N.L., 1834, pp. 116-117.
[56] Piot, p. 243.
[57] Piot, p. 186.
[58] Lemaire, p. 257.
[59] Bowens, t. I, pp. 28-31.
[60] Notice historique sur l'ancien comté de Hornes. Gand, 1850, pp. 133-136.
[61] Lom, pp. 21-23; Wolf, N.S., pp. 431-432.
[62] D.d.O., t. I, p. 428; Liebrecht, O.J., p. 229.
[63] Avontroodt Ms., pp. 40-41.
[64] Coremans, pp. 90-91; Wolf, N.S , pp. 360-361.
[65] Martens, t. I, p. 201; t. III, pp. 126-127.