TRADITIONS Traditions et légendes de la Belgique - (12) - Décembre


Décembre
"Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579)


TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE




Otto von Reinsberg-Düringsfeld 




DÉCEMBRE.

 
Le dernier mois de l'année qui, de même que les trois mois précédents, a conservé son ancienne dénomination, bien qu'il ne soit plus le « dixième mois » dans le calendrier, s'appelle en flamand « wintermaend, »mois d'hiver, ou «kerstmaend, kersmaend, » mois de Noël.

Les Anglo-Saxons désignaient ce mois du nom de « giuli » on forma Geola « mois de Joul ou avant Joul, » d'après le nom.de la fête qui amenait chez eux le solstice d'hiver. Dans la suite ils le nommaient « midwinter, » mois de mi-hiver.

La dénomination de « heilogmanoth, » mois sacré que Charlemagne donna à ce mois, ainsi que celle de « windelmaend, » mois des maillots, se rattache à la Nativité de Jésus-Christ.

Il en est de même du nom de « deloir, » ou « mois de l'oir, » qui se trouve souvent dans les documents romans du moyen âge. C'est le mois de l'héritier du Seigneur ou le mois consacré par la naissance de Notre Sauveur.

Les noms de « wolvenmaend, » mois des loups, et de « slachtmaend, » mois de tuerie, sont faciles à expliquer.

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1er décembre.

(Stapelia pulla.) Saint Éloi.


Saint Éloi, en l'honneur duquel vingt-trois églises sont consacrées en Belgique, fut appelé au siége de Noyon et Tournai, après la mort de saint Achaire en 639. H mit d'abord tout en œuvre pour extirper la simonie et rétablir dans le clergé une exacte discipline. Depuis 646, il parcourut la côte, en prêchant à Bruges, à Anvers, en Zélande et évangélisa les peuples flamands. Age de plus de soixante-dix ans, il expira paisiblement et en louant Dieu, le 1er décembre 659. Son ami, saint Ouen, nous a laissé l'histoire de sa vie [1].

Son jour de fête est très-chômé en Belgique. Les charrons, chaudronniers, ferblantiers, horlogers, maréchaux, orfèvres, serruriers, en général tous les artisans se servant du marteau et appelés au pays wallon « fèvres, » puis les cochers, domestiques et fermiers, honorent saint Éloi comme leur patron et célèbrent sa fête.

A Anvers, où avant d'avoir construit la chapelle de Saint-Éloi, Marché aux chevaux, le métier des orfèvres et joailliers avait sa chapelle dans la Burgtkerk; il se célébrait le jour du saint, une messe solennelle à laquelle les « oudermans » ou doyens du métier étaient tenus d'assister pour exciter les maîtres, les compagnons et les apprentis à accompagner les doyens au service, le métier frappa depuis 1568 des pièces de monnaie ( « penningen ») d'une valeur suffisante pour procurer un plat de riz-au-lait ou « rystpap, » et il les distribuait aux assistants.

Aussi lit-on dans les comptes de ce métier, qui se trouvent encore aux archives de la ville, que les orfèvres, à l'occasion de leur fête patronale, ne dépensaient pas moins de 3 l. 36 sch. 24 gr. pour les monnaies, le riz-au-lait et le cuisinier [2].

A Bruges, où le métier des forgerons compte parmi les gildes les plus anciennes de la ville, les pauvres avaient ce jour-là, en vertu d'une fondation du 1er décembre 1462, une table de trente couverts, à 4 gros, destinés à ceux qui avaient assisté à la messe solennelle que les forgerons faisaient célébrer dans leur chapelle en l'honneur de leur patron [3].

A Gand, où les forgerons célébraient les deux fêtes de Saint-Éloi, la personne établie pour prendre soin de leur chapelle dite « Sint-Éloys capelle » et pour l'entretenir dans un état convenable, profitait des offrandes que l'on y faisait, excepté aux deux jours de fête de Saint-Éloi et au vendredi-saint, où les offrandes appartenaient au métier, en vertu d'un accord fait en 1411 [4].

A Liége, le métier des fèvres était le plus ancien de tous les métiers. Il avait le pas dans toutes les cérémonies, et un îlot voisin du Pont-d'Ile, quartier considérable près de la maison communale, étaient entièrement occupé par les fèvres [5].

A Malines, les apprentis des maréchaux ont conservé la coutume qu'avaient autrefois les apprentis de presque tous les métiers, particulièrement ceux des cordonniers, des charpentiers, des menuisiers, des tailleurs et des tanneurs, d'aller de maître en maître ou de chaland en chaland quêter un pour-boire en chantant une chanson, quelquefois sans rime ni raison, relative à la fête du patron de leur métier. L'un d'entre eux est toujours habillé en évêque, avec mitre et chape faites de papier de différentes couleurs et porte les enseignes du métier sur le dos. Les autres se sont noircis le visage et les mains ou portent au moins des barbes ou moustaches postiches. Devant chaque maison d'un maître ou d'un chaland ils s'arrêtent et chantent en chœur la chanson suivante  :

Sa meester ende gasten,
Degeen die zyn van stiel,
Ik koom het u belasten,
Met reden g'heel, habiel,
Dat gy niet moogt mankeren,
Van morgen voor de fooi [6].
Te samen compareren,
By den heiligen Eloy,
Een mis tot zynder eeren,
Die zal worden gedaen,
Die t'Hansewyck verkeeren,
Die zullen wel verstaen,
Als dat zy al te gader,
Mogen nemen plaisir,
Met sint Eloy hunnen vader,
In wyn en in goed bier.
Meester en gasten!
Ik heb de eer u te salueren.
Sint Eloy is gearriveerd van Lyons tot Parys,
Van Parys tot Brussel, van Brussel tot Mechelen.
Hy is gelogeerd in de Kraen,
Wilt ge my niet gelooven ge kunt er henen gaen,
Hy eet aen Neckerspoelpoort
'K heb liever 'nen stuiver dan een oord,
'K heb liever 'nen pot dan een pint
Als het geld maer klinkt.
Ten tien uren de mis,
En al die er niet en is,
Eenen schelling de boet;
Wilt ge 't op drinken, 't is ook goed,
Ge ziet het aen mynen knevel,
Dat ik mag bier en genevel,
Ge ziet het aen mynen baerd
Dat ik kom, van uit de... straet.

A Vilvorde on comprenait parmi les forgerons les maréchaux ferrants, les menuisiers (witwerkers) les poëliers les éperonniers, les harnacheurs, les chaudronniers, les armuriers, les potiers d'étain et les couteliers [7].

A la campagne il est généralement d'usage que les paysans et fermiers vont régler, le jour de Saint-Éloi, les comptes qu'ils tiennent pendant toute l'année chez les maréchaux ferrants et les charrons, et ceux-ci régalent leurs chalands d'une petite collation consistant en jambon on viande salée et en quantité de petits verres.

Dans les environs de Contich les paysans appellent cette collation « fooi, » en Flandre « smids fooye » ou « karweye [8]. »

Dans le pays de Liége on invoque saint Éloi contre les épizooties, en Flandre surtout contre les maladies de la race chevaline. C'est pourquoi on avait autrefois l'habitude de faire bénir les chevaux ce jour-là.

A Audenarde les paysans viennent en foule avec leurs chevaux et faisaient toucher à ces bêtes les reliques de Saint-Eloi.

A Bruges c'était le « proost » ou prévôt de la gilde des forgerons qui, avec un marteau d'argent dans lequel se trouvait une relique de Saint-Éloi, frappait à la tête les chevaux qui allaient ensuite au trot par la «Smedestraet » et « de vesting » à la chapelle du saint. Ce n'est qu'en 1782 que cette cérémonie fut abolie.

L'évêque donnait la même bénédiction à la porte de l'église de Saint-Sauveur, et les cochers, montés à cheval, après avoir fait trois fois le tour de l'église allaient faire un carrousel en l'honneur de leur saint patron [9].

A Ypres l'évêque se rendait en ce jour à l'église de Saint-Pierre, y célébrait une grand'messe et allait ensuite frapper à la tête avec un marteau d'argent une triple ou quadruple rangée de chevaux de labour que les cultivateurs des environs avaient placés à cet effet autour de l'église.

A Louvain, l'université catholique fête ce jour-là l'anniversaire de son installation qui eut lieu le 1er décembre 1835.

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2 décembre,

(Geodorum citrinum.) Sainte Bibienne.


Le dimanche le plus proche de la Saint-André, commence l'Avent ou le temps destiné à nous servir de préparation à la naissance de Jésus-Christ ou à son « avènement » sur la terre.

Dans les premiers siècles de l'Église, on jeûnait pendant l'Avent trois fois par semaine. Ensuite on jeûna tous les jours et ce jeûne commençait à la fête de Saint-Martin; c'est pour cela qu'on l'appelait le « carême de Saint-Martin »

Aujourd'hui, dans toute l'Église romaine, l'Avent n'a que quatre dimanches, dont le premier est en même temps le premier jour de l'année ecclésiastique [10].

Les capitulaires de Charlemagne nous apprennent qu'on faisait un jeûne de quarante jours avant Noël dans le neuvième siècle. Les clercs y ayant été obligés, les personnes pieuses entre les laïques les imitèrent. La coutume s'en introduisit, et l'usage et la pratique en firent une loi.

En 1270, Urbain V, au commencement de son pontificat, en fit une pratique de rigueur pour les clercs de la cour de Rome.

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3 décembre.

(Euphorbia Tircualli.) Saint François-Xavier;  saint Eloque.


Les frères Xavériens qui célèbrent ce jour la fête de leur patron n'ont en Belgique qu'une seule maison qui se trouve à Bruges.

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4 décembre.

(Cactus Pereskia.) Sainte Barbe.


Cette sainte, à laquelle douze églises sont dédiées, est invoquée contre la mort subite. C'est pour cela que les artilleurs, charbonniers, mineurs et pompiers l'ont choisie pour patronne. En quelques villes, entre autres à Dinant et à Huy, elle est aussi patronne des charpentiers, maçons et menuisiers, peut-être parce qu'on la représente toujours portant une tour.  A Liége, les chapelains se sont également mis sous son patronage.

La fête de Sainte-Barbe donne lieu à beaucoup de festivités. Les artilleurs et canonniers, soit de l'armée, soit de la garde civique, après avoir assisté à une messe solennelle en l'honneur de leur sainte patronne, se réunissent en chaque ville pour célébrer ce jour par un grand banquet.

A Anvers où la maison des orphelins ou « het knechtjenshuis » est placée sous la protection de Sainte-Barbe. Les aumôniers étaient autrefois tenus de donner en ce jour aux orphelins un repas somptueux.

Cet établissement qui, le 4 décembre 1858 a célébré l'anniversaire de sa fondation, datant de 1558, contient à présent quatre-vingt-dix orphelins, de préférence enfants trouvés, de treize à quinze ans [11].

A Diest le serment des arquebusiers ou de Sainte-Barbe (kolveniers of Sinte-Barbaragilde) célèbre le jour de sa patronne par un repas magnifique.

Ce serment qui, quoique à tort, disputait autrefois au serment de Saint-Georges le rang d'ancienneté, fut aboli en 1796, mais rétabli en 1806. La chapelle dédiée à Sainte-Barbe, fut érigée en 1419 et est maintenant l'église des chevaliers de la croix (kruisheerenkerk).

Comme les autres serments de la ville, la gilde de Sainte-Barbe accompagne la procession du Saint-Sacrement le jour de la Fête-Dieu [12].

A Dixmude la chambre de rhétorique qui a pour devise  : « Nu, morgen niet » célèbre la fête de Sainte-Barbe, sa patronne.

Cette chambre de rhétorique, de même que l'autre existant encore et ayant pour devise « Heilig kruis, scherp duer » est mentionnée déjà au quatorzième siècle. Elle gagna, en 1394, le second prix au concours de Tournai et en 1404 le premier prix à Audenarde. Le concours que cette chambre donna, le 15 juin 1823, fut un des plus brillants que l'on ait eus en Flandre [13].

Une autre célèbre chambre de rhétorique, qui avait Sainte-Barbe pour patronne, était à Alost. Elle a été dotée par les papes, les comtes et les évêques de plusieurs autres priviléges et ses statuts furent approuvés, en 1475, par l'évêque de Cambrai [14].

A Leffe, faubourg de Dinant, la confrérie de Sainte-Barbe, érigée en l'église paroissiale de Saint-Georges, en l'an 1658, avec l'autorisation de l'évêque de Liége, Maximilien-Henri de Bavière, et enrichie d'indulgences plénières par le pape Alexandre VII, célèbre chaque année la fête de Sainte-Barbe d'une manière très-solennelle.

Cette confrérie, qui a été établie pour obtenir la grâce d'être préservé de mort subite, est très-nombreuse, et tous les jours, pendant l'octave, mais surtout le jour de la fête, après la messe, suivant l'ancien usage, des personnes pieuses s'y font inscrire.

A Malines, le peuple dit qu'on meurt subitement, quand on tombe malade pendant l'octave de Sainte-Barbe.

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5 décembre.

(Hibiscus pedunculatus.) Sainte Anastasie;
saint Sabbas; sainte Crispine.


Les diverses cérémonies qui ont lieu ce jour-là en Belgique, se rattachent toutes à la veille de la Saint-Nicolas.

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6 décembre.

(Erica nidiflora.) Saint Nicolas, évêque de Myre.


Saint Nicolas, auquel la ville de saint-Nicolas dans le pays de Waes est redevable de son nom, compte en Belgique parmi les saints les plus vénérés. Cent et six églises sont consacrées en son honneur et un grand nombre de métiers, entre autres les bateliers dans les villes situées sur la Meuse, les scieurs de bois, les pourpointiers ou « cuttenstekers, » les teinturiers, tourneurs et merciers à Bruges, les accapareurs ou « voorkoopers » à Termonde, les merciers et négociants à Malines, les emballeurs, les grainetiers et tonneliers à Liége, les écrivains et les employés à Mons, etc., l'ont choisi pour patron.

Mais ce qui contribue le plus à rendre saint Nicolas très-populaire en Belgique, c'est qu'il passe pour être le protecteur et correcteur des petits enfants, et que sa fête, dans tout le pays, est un jour de joie et de réjouissance pour la jeunesse.

A l'instar du «Greef van Halfvasten, » saint Nicolas monté sur un âne ou sur un cheval blanc, et ayant de chaque côté de sa monture un grand panier rempli de friandises et de joujoux, parcourt, la nuit avant sa fête, le sommet des habitations et laisse tomber par les tuyaux des cheminées quelques bonbons et joujoux pour chaque enfant, qui durant le cours de l'année a été sage, obéissant et studieux, mais une verge ou un torchon pour celui d'entre eux qui s'est mal comporté, qui n'a pas voulu se coucher de bonne heure ou qui ne se laisse pas bien laver. C'est à ces fins que les enfants placent le soir de la veille, dans la cheminée de la chambre à coucher de leurs parents, selon les localités, soit un soulier ou sabot qu'ils ont eu soin de décrotter eux-mêmes, soit un bas, soit un petit panier. A Liége et à Spa les souliers ou sabots sont exclusivement en usage; dans les Ardennes et le Hainaut les corbeilles sont en général plus usuelles que les sabots; dans les provinces flamandes on se sert indistinctement de sabots et de paniers, le plus souvent de l'un et de l'autre ensemble. A Furnes on se sert aussi des bas; à Mons les enfants font un grand sac de papier à anses; à Namur un soulier en papier bien décoré de rubans. A Malines ils mettent un grand sabot sur le lit; à Dinant et à Huy ils jettent de petites bottes de foin dans un coin d'une chambre on du grenier, ou ils remplissent un plat d'avoine et le placent devant la cheminée, croyant gagner les bonnes grâces de saint Nicolas, en prenant soin de sa monture.

Par la même raison, les enfants ne manquent jamais de remplir le soulier ou la corbeille de foin, et d'y mettre quelques carottes ou un petit pain pour le cheval du saint évêque. Dans les Ardennes ils mettent des pelures de pommes de terre dans les paniers, dans le pays du Limbourg ils remplissent les souliers ou sabots d'avoine.

Dans la partie flamande de la Belgique, les enfants récitent aussi le soir avant de se coucher la prière touchante  :

« Jesuken, zoete minneken,
Maek van my een zoet kindeken;
Jesuken, ik geef u myn herteken,
Jaeg er uit alle kwade pertekens. »

plus fervemment que de coutume, et chantent une petite chanson relative à la fête de Saint-Nicolas, dont on connaît presque en chaque ville une autre variante. A Anvers on chante  :

Sinte Nikolaes,
Nobele baes,
Breng wat in myn schoentjen,
Een appeltjen of een lamoentjen,
Een nootjen om te kraken,
Dat zal wat beter smaken [15].

A Bruges  :

Kousen en schoenen staen te pronken,
Al in den heerd;
De kindekens slapen, dat ze ronken,
Daer komt een peerd  :
'T is een peerd gelyk eenen ezel
O heilige man !
'K zal een deuntje voor u lezen
Breng my wat dan.

A Turnhout  :

Sinte Niklaes, myn goeije man,
Wilt ge me wel wat geven
Dan dien ik u al myn leven.
Geeft ge me niet
Dan dien ik u niet
Dan zyt gy myn Sinte Niklaesken niet.

Le lendemain les enfants trouvent leurs souliers ou leurs paniers rempli de beaucoup de bonnes choses; mais, s'ils ont été méchants, le faisceau de verges tient lieu de bonbon ou bien l'avoine est restée intacte dans le sabot.

Croquignolles, oranges, figures en pain d'épice, en massepain ou en sucre, noix, pommes et toutes sortes de joujoux, tout est déposé dans les souliers ou paniers. Un grand portrait de Saint-Nicolas en pain d'épice « speculatieman » y est de rigueur. Ce n'est qu'à Diest que le pain d'épice est exclusivement réservé pour la Mi-Carême, tandis qu'à Bruges la « speculatie » est la pâtisserie principale de la Saint-Nicolas. A Bruxelles et en quelques autres villes de petits navires en massepain, bien décorés de fanons en miniature et remplis de bonbons, se vendent sous le nom de « spéculatie, spéculaux ou spéculations » et sont très-recherchés comme présents de la Saint-Nicolas [16].

Dans la plupart des localités les enfants ne placent pas seulement leurs souliers ou paniers chez les parents, mais ils vont aussi en placer un chez leurs parrains et marraines, chez leurs aïeuls et aïeules. Dans la Campine, ils y vont, le jour de Saint-Nicolas, quérir des gâteaux appelés « Sint-Nikolaes-koeken », gâteaux de Saint-Nicolas.

En Brabant les domestiques avaient jadis un privilège pareil. Ils plaçaient, les valets dans la chambre de a monsieur », les servantes dans celle de « madame e un soulier afin d'obtenir un présent [17].

En quelques villages de la province de Namur les enfants vont, le jour de Saint-Nicolas, faire une quête, comme à la Saint-Grégoire. L'un d'entre eux est habillé en évêque et monté quelquefois sur un âne, ayant de chaque côté de sa monture un panier, pour y mettre tout ce qu'on donne aux quêteurs.

A Bruges la personne représentant saint Nicolas qui allait autrefois de famille en famille pour distribuer aux enfants les présents que les parents leur avaient destinés était suivie d'un compagnon déguisé en saint Nicodème qui portait les verges.

Dans quelques communes du pays de Limbourg, l'un ou l'autre paysan, travesti en évêque, à la barbe longue, et assis sur un âne, parcourt, à la nuit tombante, les rues du village et épouvante les enfants en leur donnant à droite et à gauche le fouet [18].

A Gand a lieu un marché dit « aux petits présents » (de presentjesmerkt) sur la place de Sainte-Pharaïlde. C'est à cause du grand nombre de pèlerins qui jadis venaient à Gand, le 4 janvier, chômer la fête de Sainte-Pharaïlde que l'on avait établi une foire, qui, malgré les troubles des Calvinistes, s'est continuée jusqu'à nos jours, mais a été transférée depuis au mois de décembre [19].

A Saint-Nicolas se tient chaque année en ce jour une foire dont l'empereur Maximilien a accordé le privilége à la commune, en 1513.

Cette foire qui était jadis tellement considérable qu'en 1754 il y eut plus de 1,900 chevaux à vendre, se tenait déjà longtemps avant la date du décret au même jour, et les échevins avaient la coutume de donner, à cette occasion, un grand banquet [20].

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7 décembre.

(Achania pilosa.) Saint Ambroise; saint Fare.


Saint Ambroise, auquel trois églises sont dédiées, est à Liége patron des tisserands, marchands de toile et gendarmes. A Turnhout le serment des arquebusiers « de Bie » ou « Colveniersgilde » l'honorait comme patron.

La société pour la culture des abeilles, qui existait jadis à Querbs en Brabant, avait saint Ambroise pour patron et célébrait sa fête très-solennellement [21].

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8 décembre.

(Thuja occidentalis.) Fête de l'immaculée Conception de la Vierge.


Cette fête, dont saint Jean Damascène qui vivait l'an 721, fait déjà mention, fut instituée en Angleterre en 1100 par saint Anselme, archevêque de Cantorbéry, et ensuite au diocèse de Lyon en 1145, Sixte IV ordonna en 1476 le 1er mars, qu'elle fût célébrée par toute la chrétienté, et Pie IX proclama le 8 décembre 1854 l'immaculée Conception comme dogme de l'Église.

En Belgique la fête de la Conception fut célébrée depuis bien des siècles et d'après le « Magnum Belgii chronicum » l'initiative de cette fête en Occident appartiendrait même à un pape belge, Léon IX.

Aussi, y a-t-il, à dater de 1514, des confréries érigées en l'honneur de l'Immaculée Conception dans presque chaque ville belge et le 8 décembre 1659 fut prononcé le célèbre serment des États de Brabant, de défendre le privilége de la Conception sans tache de Marie [22].

 A Termonde avaient lieu les élections des directeurs de la confrérie de Notre-Dame,dont la chapelle fut transférée du sanctuaire de Notre-Dame de la porte de Dyk (O. L. V. van de Dyk poort) dans la cathédrale à la chapelle de Notre-Dame, que le Portugais Christophe Barouse avait richement dotée.

A la suite d'un débat entre les chanoines, les échevins et les curateurs au sujet de l'administration de cette confrérie, l'official de Cambrai, comme arbitre, décida que désormais les chanoines choisiraient un membre de la confrérie qui ne fût pas chanoine lui-même, les échevins un membre qui ne fût pas échevin et les curateurs, qui quitteraient leur poste deux membres dont l'un devrait être ecclésiastique, l'autre laïque, et que tous ces élus prêteraient serment soit au bailli, soit au doyen de la cathédrale de Bruxelles ou à son vicaire, et devraient rendre compte au dit doyen ou à son vicaire à l'église de Termonde.

Plus tard on n'en choisit que trois, dont l'un fut élu par les chanoines et les deux autres par les échevins, qui rendaient compte au chapitre et aux juges du pays « (heeren van 't Rechtsgebied). »

Le curateur de la confrérie possédait le droit, accordé par Philippe le Bon avec consentement du chapitre et des juges du pays, de battre des monnaies de cuivre, appelées « myten » mailles, de la valeur de quatre oboles flamandes et valables dans tout le pays de Dendermonde (Termonde). Maximilien confirma ce privilège en permettant, de battre tous les dix ans dix mille « myten » ou mailles, pour en payer les dépenses de la chapelle.

Ces monnaies des curateurs de la confrérie furent d'abord battues à la Dyk-poort et appelées « Onze L. Vrouwegeld » à cause de l'image de Notre-Dame qu'elles portaient. On en possède plusieurs espèces. Les unes portent la devise « Weest gegroet moeder des Salichmaekers Jesu Christi » d'autres « Weest gegroet vol van gratien de Heer is met U, » encore d'autres  : Myte van de heylichste (à savoir Marie, dont on voit l'image au milieu) « van Dendermonde. »

Depuis le commencement des troubles des Pays-Bas cette coutume n'est plus en usage [23].

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9 décembre.

(Pinus laricis.) Sainte Léocadie; sainte Gorgonie.

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10 décembre.

(Cupressus Lusitanica.) Sainte Eulalie; saint Melchiade;
saint Valère; S. Fulgence, premier abbé d'Afflighem.


L'Église célèbre en ce jour la fête de la translation miraculeuse de la petite maison de Nazareth, des côtes de l'lllyrie à Lorette, dans la marche d'Ancône.

En Belgique il existe un grand nombre de monuments construits sur le modèle de la maison de Lorette ou dédiés sous ce titre, entre autres à Anvers, chez les Augustins, à Bruxelles à l'église des Minimes, à Mons au Val des Écoliers, à Horion, près de Liége, à Boldenberg, à Ath, à Groenendael, à Baerle dans le Limbourg et à Rochefort dans les Ardennes. Cette dernière chapelle fut élevée vers 1600 par Josine de Lamarck, qui à cause de sa charité est vénérée dans le pays comme une sainte et dont on raconte la même histoire que de sainte Elisabeth.

Il y avait aussi dans la plupart des grandes villes, une confrérie de Notre-Dame-de-Lorette, et les litanies dites de Lorette sont d'un usage presque aussi habituel dans les familles belges que le « Pater » et l'« Ave [24]. »

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11 décembre.

(Pinus halipensis.). Saint Damase; saint Basilien;
saint Daniel; Ide de Nivelles.


Ide de Nivelles, religieuse de la maison de la Vierge dite « la Ramée » en Brabant, est honorée du titre de sainte par les hagiographes belges. On place sa mort en 1231.

Le bienheureux Thierry de Munster, récollet, mort à Louvain, en 1515, se dévoua généreusement u service des malades lors de la peste qui sévit à Bruxelles, en 1489 [25].

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12 décembre.

(Erica conferta.) Saint Aubert; sainte Constance; saint Valery.


Saint Aubert, évêque d'Arras et de Cambrai, qui consacra de ses mains la plupart des églises et des couvents qu'élevèrent saint Vincent, saint Landelin, sainte Waudru et sainte Aldegonde, mourut en 668 et fut inhumé dans son église métropolitaine [26].

Sa fête, qui se célèbre en quelques églises le 12, en d'autres le 13 décembre, est dans la plupart des villes belges la fête patronale des boulangers.

A Bruges les boulangers fêtaient le jour de Saint-Aubert, en distribuant, après la messe, qui se célébrait chaque année en l'honneur du saint patron, 180 pains à trois sous aux pauvres [27].

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13 décembre.

(Thuja cupressioides.) Saint Aubert; sainte Lucie; sainte Odile.


Sainte Lucie, en l'honneur de laquelle sept églises sont consacrées, est en grande vénération en Belgique.

On l'invoque comme patronne spéciale contre les diverses sortes d'hémorraghies, les maladies des yeux et les maux de dents. On lui attribue aussi le pouvoir de faciliter les accouchements. Il parait que la ressemblance du nom de Sainte-Lucie à celui de « Lucina » des Romains a donné naissance à cette croyance, et quelques auteurs prétendent qu'on s'adresse de même à sainte Lucie ou Luce pour le mal d'yeux, parce qu'on expliquait son nom par le mot latin « lux, » lumière [28].

A Heindonck, village du canton de Malines, les reliques de Sainte-Lucie, que l'archiprêtre Toriache donna à l'église, attirent chaque année, le jour de fête de la sainte, un grand concours de fidèles [29].

A Lierre, où saint Eloi et sainte Lucie avaient autrefois en commun dans l'église collégiale une chapelle et un autel, le jour de Sainte-Lucie, le doyen du métier des forgerons et le directeur de la confrérie de Sainte-Lucie étaient assis derrière une table, sur laquelle se trouvaient, outre la litanie imprimée de cette sainte, nombre de ficelles de soie rouge, vulgairement appelées « Lucias draden. » Les femmes et surtout les mères s'empressaient d'en venir quérir quelques-unes moyennant une légère rétribution pécuniaire destinée à couvrir les dépenses d'entretien de la chapelle et du service divin à son autel. On portait ces ficelles au cou, pour se préserver des torticolis. Cet usage existe encore maintenant [30].

A Marche, dans la province de Luxembourg, se tient une foire dite de Sainte-Lucie, qui est une des plus considérables de la contrée.

A Tournai avait lieu chaque année, en ce jour, l'élection des prévôts, des jurés et d'autres magistrats [31].

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14 décembre.

(Pinus palustris.) Saint Nicaise, évêque de Rheims,
et sainte Eutropie, sa sœur, martyrisés par les Barbares, en 407. 
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Saint Nicaise chasse les souris de la maison, lorsque ce jour on inscrit son nom sur la porte [33].

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15 décembre.

(Pinus resinosa.) Saint Adon; sainte Philotée; saint Valérian.


Octave de la Conception de Notre-Dame, instituée par Sixte IV, avec les mêmes indulgences qu'au jour de la fête.

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16 décembre.

(Thuja orientalis.) Sainte Adelaïde; saint Eusèbe; saint Everard.


Anniversaire de la naissance de S. M. le roi des Belges Léopold 1er, né à Cobourg le 16 décembre 1790.

C'est pourquoi les Flamands appellent ce jour « de Prinskensdag, » jour du prince.

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17 décembre.

(Cupressus thyoides.) Sainte Begge ou Beggue, patronne d'Andenne,
dont on invoque l'intercession pour guérir les bègues.


Cette sainte, la plus jeune des filles de Pépin de Landen, épousa le fils de Saint-Arnould, le comte Ansegise. Son mari avait, par charité, reçu dans sa maison, nourri, élevé un jeune garçon, qui s'arma contre son bienfaiteur et le tua pendant la chasse.

Veuve par ce triste événement, Begge fit le pèlerinage de Rome et se retira au milieu d'une solitude qu'elle peupla de sept églises en mémoire de celles qu'elle avait vues dans la sainte ville. Puis elle fonda un monastère à Andenne, lui donna tout le territoire qu'elle possédait, prit elle-même le voile des mains de saint Amand et devint première abbesse du lieu. Ses compagnes lui avaient été envoyées de Nivelles par sa sœur Gertrude, que saint Amand avait également cloîtrée et qui dans la suite a été canonisée ainsi que Begge et leur mère Ideberge ou Itte.

La châsse de Sainte-Begge, précieux ouvrage d'orfèvrerie, se trouvait dans une jolie église qui venait d'être terminée, quand parurent les édits réformateurs de Joseph II. Les dames nobles du chapitre des chanoinesses d'Andenne la firent alors transférer à Namur, avec celle de Moustier sur Sambre [34].

Bien que d'après l'opinion la plus ancienne et qui vient d'être confirmée par les recherches récentes de quelques savants historiens, l'institution des Béguines doive son origine à Lambert le Bègue, vénérable prêtre de Liége, qui employa toute sa vie à répandre dans le peuple l'amour des vertus chrétiennes, les Béguines vénèrent sainte Begge comme la fondatrice de leur ordre. S'appuyant sur un diplôme de Vilvorde de 1065, dont l'authenticité a donné lieu à de longues controverses historiques, elles continuent de considérer le Béguinage de Vilvorde, éteint en 1840, comme l'ancienne maison de leur Institut et comme existant plus de deux siècles avant Lambert le Bègue, qui mourut vers l'an  1185.

Ce qui est certain c'est que les premières Béguines du Brabant se rassemblèrent, vers l'an 1207, à Hemixem, à l'endroit où fut depuis l'abbaye de Saint-Bernard. Leur établissement souffrit beaucoup de difficultés, et les villes semblent leur avoir défendu d'habiter dans l'intérieur de leurs murailles, puisque tous les béguinages se trouvaient jadis dans les faubourgs. Le pape Clément V condamna en 1311 l'institut tout entier, au concile de Vienne (en Dauphiné). Mais Jean XXII, sur les représentations qui lui furent faites, leva plus tard la condamnation pour les Béguines des diocèses de Cambrai et de Tournay, qui composaient alors une partie très-notable de la Belgique actuelle.

Les béguinages qui, sur la fin du treizième siècle, eurent déjà pris une grande extension, recommencèrent donc à fleurir dans les Pays-Bas, malgré quelques persécutions, et leur nombre monta à 76, dont vingt et un existent encore.

En 1631, on comptait 2,487 Béguines; aujourd'hui leur nombre est d'environ 1,600. Mais partout on trouve encore des enclos assez spacieux rappelant par leur nom l'ancien Institut des Béguines qui appartient en propre à la Belgique [35].

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18 décembre.

(Cupressus australis.) Fête de l'Expectation ou de l'Attente
de la Sainte Vierge, O. L. V. Verwachting.


Le mercredi du jeûne de l'Avent ou des Quatre-Temps de décembre s'appelle « engelwoensdag, » mercredi de l'ange, parce qu'on lit ce jour à la messe, comment l'ange Gabriel vint annoncer à Marie le mystère de l'Incarnation.

Il était autrefois d'usage dans les églises de placer sur un échafaud une jeune fille, à qui un enfant, habillé en ange, annonçait qu'elle allait devenir la mère du fils de Dieu. Une colombe, suspendue sur la tête de la jeune fille, représentait le Saint-Esprit [36].

A Louvain, Catherine Van Kuaderebbe, veuve de Simon Pinnock, chevalier, fonda à Saint-Jacques, par son testament du 14 juillet 1474, la représentation annuelle d'un mystère dont le sujet devait être puisé dans l'ancien ou dans le nouveau testament. Cette représentation devait avoir lieu pendant la messe d'or célébrée aux Quatre-Temps avant la Noël [37].

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19 décembre.

(Erica bicolor.) Saint Libérat; saint Némésion; sainte Wivine,
dont l'Église chôme ordinairement la fête le 17 décembre.


Cette fille, issue dit-on, de la famille d'Oisy, vivait vers l'année 1120 en Flandre. Elle était aimée par un jeune homme nommé Richward; mais, entraînée par l'enthousiasme religieux, elle lui déclara qu'elle voulait se consacrer à Dieu. Elle et son amie Emteware ou Emware quittèrent leurs parents et vinrent habiter aux environs de Bruxelles, dans un lieu entouré de bois. Elles y bâtirent, avec des branches d'arbres, un petit ermitage, et y vécurent pendant trois ans; complètement ignorées, ne prenant d'autre nourriture que des fruits et des racines et ne buvant que de l'eau d'une fontaine voisine, eau qui depuis cette époque fut regardée comme salutaire pour toutes les maladies.

Richward imita l'exemple de celle qui avait repoussé son amour; il se retira dans la forêt d'Eeckhout près d'Afflighem, ou il choisit pour demeure ut arbre creux et mourut, quelques années après, en odeur de sainteté.

Cependant, le bruit de la vie austère que menaient les deux cénobites s'étant répandu, d'autres femmes accoururent auprès d'elles et formèrent insensiblement une communauté en adoptant l'ordre de Saint-Benoît. Wivine, qui fut leur première supérieure, mourut le 17 septembre 1170, à l'âge de 67 ans. Sept ans après, le jour de Saint-Michel, l'évêque Alard consacra l'église de ce monastère qui, par la suite, reçut le nom de Grand-Bigard, pour le distinguer du prieuré de Petit-Bigard, sous Leeuw-Saint-Pierre, et, le dimanche suivant, l'abbé d'Afflighem, Arnould, éleva les dépouilles mortelles de Wivine, qui furent conservées jusque dans les derniers temps, dans une très-belle châsse d'argent placée sur le maître-autel de l'église abbatiale, et qui se trouvent aujourd'hui dans l'église du Sablon, à Bruxelles. On gardait aussi à Grand-Bigard, le psautier de la bienheureuse, le seul objet qu'elle eût emporté de la maison paternelle, son crucifix de bois et son voile. Elle est invoquée surtout pour les maux de gorge, la pleurésie, la fièvre chaude, l'apoplexie et la mort subite [38].

Le prieuré dont sainte Wivine était la fondatrice et première abbesse, fut, par le duc Godefroid 1er,soumis à l'abbaye d'Afflighem, qui confiait le soin de diriger les religieuses à un prieur. L'évêque de Cambrai, en 1245, exempta les religieuses de toute sujétion envers l'abbaye d'Afflighem, mais ce ne fut qu'en 1548, que le prieuré devint une abbaye. Un bref du pape Paul III, en date du 19 janvier 1548 lui accorda tous les privilèges, dont jouissaient la Cambre et Forêt, et le 4 mars suivant, la première abbesse fut solennellement bénite par l'official.

Nombre de princes et seigneurs confirmèrent et augmentèrent les priviléges de la communauté ou lui firent des donations. On n'y admettait que des personnes nobles. Mais les guerres lui causèrent, à différentes époques, des pertes énormes. Surtout en 1578, les religieuses eurent mille vexations à sabir et se réfugièrent d'abord à Termonde puis à Bruxelles, d'où elles ne retournèrent dans l'abbaye qu'en 1598. Deux siècles après, en l'année 1796, l'abbaye fut supprimée.

L'église qui avait pour patrons la Vierge et Saint-Pierre et dont la dédicace se célébrait le dimanche après le jour de Saint-Mathieu l'évangéliste, a disparu depuis longtemps [39].

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20 décembre.

(Pinus pinea.) Saint Eugène; saint Philogone.


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21 décembre.

(Erica passerina.) Saint Thomas, apôtre.


C'est le jour où les enfants tâchent de fermer la porte à leurs parents, qu'ils ont fait sortir à l'aide de toutes sortes de petits manèges. L'expression de « buitensteken, buitensluiten » mettre à la porte, dont on se sert pour désigner l'acte principal de ce jour, donne à conjecturer que les enfants ne reculent devant rien, afin d'atteindre leur but.

Ordinairement il suffit de demander  : « Papa ou maman, est-ce que vous n'allez pas aujourd'hui rendre la visite dont vous avez parlé hier? » ou de dire  : « Papa, regardez donc quel vilain grand chien se trouve au jardin » et le père ou la mère, faisant semblant de se laisser attraper, sort. Une fois hors de la maison, on ne leur permet d'entrer qu'après avoir reçu la promesse d'un régal. « Wat zulde geven? » (Qu'est-ce que vous donnerez?) crient les bambins quand papa ou maman se met à frapper pour qu'on lui ouvre, et l'accès reste interdit jusqu'à ce qu'on en vienne à un accommodement. Du chocolat ou du thé au lait, dit « pappenthee » avec des gâteaux aux corinthes (krenten-koeken) ou des biscuits sucrés sont les conditions, ordinaires de chaque arrangement de ce jour.

Cet usage que nous croyons belge par excellence, puisqu'on ne le cite pas ailleurs, se trouve dans le pays wallon aussi bien que parmi la population flamande. De la famille il a passé dans les écoles, les pensionnats et les ateliers.

En Brabant et dans le pays de Limbourg ce sont même les domestiques qui ont le privilège de se procurer un petit régal au moyen d'enfermer leurs maîtres ou de leur fermer la porte. A Anvers la coutume du « buitensluit » s'étend jusqu'aux visites et par la demande « Wat belooft ge? » Qu'est-ce que vous promettez? on se procure, l'un de l'autre, un pain aux saucisses (« worstenbrood »), une tarte, des gaufres, du punch ou du vin chaud.

A Bruges, où les enfants et les apprentis ont également le droit de fermer la porte à leurs parents ou à leurs maîtres, on donne à cette cérémonie le nom de « thomassen », thomasser, pour nous servir d'un terme formé de la même manière.

Dans le pays d'Alost où parmi les élèves des écoles de village il y a quelquefois de grands gaillards d'une vingtaine d'années, le maître d'école est lié sur sa chaise et porté ainsi à l'auberge, n'ayant aucune perspective d'être délivré de sa position gênante avant d'avoir promis une tonne de bière et des gâteaux appelés « broederkens » ou petits frères. C'est pourquoi il arrive très-souvent que dans cette contrée les maîtres d'école se rendent invisibles le jour de Saint-Thomas.

A Oosterzeele, Haeltert et en plusieurs autres localités la coutume de fermer la porte aux maîtres a lieu le lundi après l'Épiphanie. Une particularité qui n'est pas sans importance pour la signification de ce jour, se trouve dans les Ardennes et dans les environs de Huy, où les enfants font avec du papier de petits coqs pattus à queues relevées et les allument devant la maison d'école. On ne hasarderait pas trop, ce nous semble, en supposant que ces coqs de papier soient les derniers souvenirs des anciens sacrifices qui avaient lieu ce jour-là, d'autant plus que dans les environs de Contich les maîtres d'école devaient encore, il y a vingt ans, suivant la coutume du jour, donner à leurs élèves un coq et une poule à décapiter.

L'habitude qu'ont les enfants à Saint-Trond de se mettre à la Saint-Thomas, des couronnes de papier sur la tête, ne nous paraît pas non plus être étrangère à l'ancienne solennité de ce jour, auquel se rattachent encore à présent plusieurs idées superstitieuses. Car comme en différentes parties de l'Allemagne, nous trouvons en Belgique, la veille de Saint-Thomas, les mêmes pratiques qu'à la veille de Saint-André, et les jeunes filles priant saint Thomas de leur accorder un mari selon leurs désirs, croient voir ce mari soit la nuit dans leurs rêves soit le lendemain matin, dans la personne du premier jeune homme qu'elles rencontrent.

Le dicton français  : « Ne pas sasser le jour de Saint-Thomas » n'est pas connu en Belgique; mais par contre on y dit  : « Sint Thomas de wasscher » saint Thomas le laveur, parce que le jour de sa fête les femmes avaient l'habitude de nettoyer et de laver leurs maisons pour la fête prochaine de Noël [40].

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22 décembre.

(Erica pellucida.) Saint Flore; saint Flavien; saint Honorat;
saint Hungère, évêque d'Utrecht; sainte Virginie.

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23 décembre.

(Pinus cedrus.) Sainte Victoire; saint Florent, évêque.


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24 décembre.

(Pinus toeda.) Adam et Ève; sainte Adelsende; saint Delphin.


La veille de Noël ou Kersavond, on avait jadis l'habitude de nommer les garçons nés ce jour-là « Adam, » et les filles « Eve; » cela, disait-on, portait bonheur [41].

Les usages et pratiques qui ont lieu en ce jour se rattachent tous à la fête de Noël.

A Namur on renouvelle les loyers le 24 décembre, de même que le 24 juin.

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25 décembre.

(Ilex bacciflora.) Noël ou Kersdag: jour de Noël.


La fête de Noël, la plus joyeuse chez les peuples de race teutonique aussi bien que de race slave, n'est presque plus célébrée en Belgique que par les solennités de l'Église. On n'y voit ni « l'arbre de la sainte nuit, » si cher à toute l'Europe germanique, ni « le grand réveillon, » ce festin somptueux, qui au midi de la France fait encore aujourd'hui désigner Noël par les enfants du nom de « fête où l'on mange tant, » ni les gaies réunions et les banquets hospitaliers qui en Angleterre du temps de Noël font l'époque la plus animée de l'année.

A peine si l'on y trouve encore dispersés ça et là quelques vestiges des vieux usages populaires qui accompagnaient jadis la célébration de la fête du solstice d'hiver ou de la mi-hiver (midwinter). Toutefois le peu qui nous en reste est plus que suffisant pour démontrer que les anciens habitants de la Belgique n'ont pas célébré cette fête avec moins de festivité que les autres peuples de race germanique. Car pour eux le « Kersfeest, » fête du Christ, ou « Noël, » [42] fête de la naissance de Jésus, n'était dans les premiers temps après leur conversion que la continuation de l'antique fête du « Joul » que leurs pères avaient célébrée chaque année vers l'époque où le soleil remonte sur l'horizon.

On ne sait pas encore au juste ce que signifie le mot « Joul, Jul, Joel. »   Quelques savants l'expliquent par « hjul, » roue; d'autres le mettent en liaison avec la déesse « Demeter Julo, » des Grecs et en concluant que « Julius, Jiuleis » ou « Geola,» signifiait primitivement le « mois » et la « fête des Moissons, » ils supposent que nos ancêtres remirent leur fête des Moissons jusqu'au solstice d'hiver. D'autres savants encore dérivent le nom de « Jul, » du finnois « juhla, » fête solennelle, et cette hypothèse expliquerait, comment les peuples du nord passant du paganisme au christianisme et substituant à leur fête du solstice d'hiver la fête de Noël n'ont pas cherché à donner à celle-ci un nom particulier.

Il en est de même du nom haut-allemand « Weihnachten, » qui en signifiant « nuit sainte » (de «wy» saint) s'adopta à merveille à la fête chrétienne qui nous rappelle que Jésus-Christ est né au milieu de cette nuit sainte.

Mais dans le principe la fête de la nuit sainte ou de la nuit mère (moedernacht, madraneth,) à laquelle se joignaient les « douze nuits » ou « twelf nachten, » solennisait le commencement de la nouvelle année. L'idée que le soleil à l'époque du solstice d'hiver rajeunit et s'engendre, pour ainsi dire, de nouveau, fit donner à la nuit du 25 décembre le nom de nuit mère. Car c'est le 25 décembre (le « 8 ante cal januar  : ») à minuit, que les calendriers anciens fixaient le commencement de l'hiver et que l'on fêtait la naissance du soleil, de même que le solstice d'été ou « Midzomernacht, » nuit de la mi-été, était fixé anciennement au 24 juin.

Durant treize jours tout travail grossier était suspendu, tout criminel était protégé contre les poursuites de la justice, toute querelle, toute rixe était remise jusqu'à la fin du « Julfred » ou paix de Jul. On se visitait, on se traitait, on se faisait des présents. Pendant la nuit il y avait des banquets, richement éclairés, où l'on ne mangeait que certains mets, rigidement choisis d'après les prescriptions des « lotdagen; »  ; des réunions où l'on consultait le sort des manières les plus différentes, car c'était l'époque des plus grands « lotdagen » l'époque où se décidait l'avenir au moins pour toute une année.

Surtout dans la nuit sainte la moindre circonstance avait une haute signification c'était aussi en cette nuit qu'à minuit on puisait de l'eau dite « sainte » dans les sources sacrées et qu'on chantait des hymnes en l'honneur des dieux qui,en faisant alors le tour de la terre, laissaient partout des traces bienfaisantes de leur passage [43].

Ce n'est qu'au dixième siècle que la fête de Noël détrôna définitivement dans le Nord, la fête du solstice d'hiver. Mais bien que les missionnaires fissent tous leurs efforts pour débarrasser la nouvelle fête chrétienne des traditions païennes, ils n'y réussirent qu'imparfaitement. Nous retrouvons encore à présent les souvenirs christianisés de la grande fête païenne, non-seulement dans plusieurs usages qui ont lieu à Noël, mais aussi et en particulier dans le grand nombre d'idées populaires qui se rattachent à ce jour.

Les « skinées » ou côtes de porc qu'on mange à Namur ce jour-là nous rappellent le rôt fumant de sanglier, plat de rigueur du banquet de Joul, et les « kerskoeken » ou gâteaux de Noël, que les parrains et marraines envoyaient autrefois à Noël à leurs filleuls et filleules, représentaient à l'égal des gâteaux de Noël usuels en Allemagne et appelés « stollen, » la figure d'un sanglier rôti. Les « cougnoux » de Namur en ont conservé la forme à peu de chose près.

En Brabant et en Limbourg on aime à manger ce jour le « gruau bénit » ou « heilig kraentje, » qu'on vendait jadis dans plusieurs couvents de religieuses.

A Liége on fait une espèce de réveillon et passe ensemble la nuit jusqu'à la messe de minuit, qui avait été abolie, mais a du être rétablie à force de troubles sérieux. Dans tous les estaminets il y a des « crêpes » et des gâteaux et on y prend du punch ou vin chaud.

A Bruxelles, du moins chez le bourgeois de la basse-ville, le banquet de Noël s'est maintenu et les châtaignes y remplacent les glands doux des anciens Germano-Belges. Après le banquet, on se plaît encore à interroger l'avenir.

Le plomb fondu, versé dans l'eau, produit toutes sortes de figures, en rapport intime avec l'avenir des personnes qui le versent.

Douze petites bougies attachées au milieu d'autant de coquilles de noix et placées à la surface de l'eau contenue dans un baquet indiquent d'après la manière dont elles brûlent, les mois heureux ou malheureux de l'année suivante. Si les lumières pétillent beaucoup, ou si elles s'engloutissent même dans l'eau, c'est un fâcheux présage.

Des amants jettent deux noix dans le feu. Si elles brûlent paisiblement, leur mariage sera heureux, si elles éclatent bruyamment, leur vie future sera agitée.

La jeune fille se rend près du puits avec une chandelle et regarde dans l'eau, persuadée d'y voir le portrait de son futur mari.

A Spa les jeunes filles font, la veille de Noël, différents vœux, dans l'espoir de voir en rêve le futur mari. Si l'on jette une poignée de sel sur la table, et si ce sel se fond, on devra mourir; d'autres ne voient dans cette expérience qu'un moyen de savoir si l'année suivante sera humide ou non; si le sel se fond, on attend une année humide.

Quand la lumière s'éteint à table la veille de Noël, on croit qu'un des convives est voué à la mort.

Les feux de Noël, qui autrefois dans les Pays-Bas s'allumaient partout sont tombés en désuétude. Mais en Flandre un gros morceau de bois, appelé « kersavondblok » et provenant ordinairement des racines d'un sapin ou d'un hêtre, est encore mis dans le feu, toutes les lumières dans la maison sont éteintes et la famille entière se place autour de cette bûche, pour y passer une partie de la nuit en chantant, en racontant des histoires surtout de revenants, de loups-garous, etc., et en prenant du genièvre.

A. Grammont et dans les environs de cette ville, où la bûche de Noël s'appelle « Kersmismot, » il est d'usage d'allumer, au moment que la bûche est réduite en cendres, ce qui reste du genièvre.

En d'autres endroits on conserve un tronçon de cette bûche et le met sous le lit afin de préserver la maison contre la foudre.

Le charbon du bois qui a brûlé pendant la nuit de Noël, pilé et puis mêlé à de l'eau, guérit les étiques.

Dans le pays de Limbourg la bûche brûle pendant plusieurs nuits et on en conserve les charbons pilés qui, dit-on, garantissent contre les maux de dents.

A Spa, on allume dans chaque maison des cierges bénits qui, pendant la nuit, brûlent autant qu'ils durent.

L'eau puisée à minuit pendant que l'heure sonne est sacrée; elle guérit la fièvre, les maux d'estomac, etc. En plusieurs localités, on croit qu'à minuit toute eau se change en vin.

Qui nomme le « loup » pendant la nuit de Noël, doit s'attendre au déplaisir de le voir apparaître au milieu de son troupeau.

Pendant la sainte nuit on donne un coup de hache aux arbres qui ne portent pas; souvent ils portent alors l'année suivante. Mais il ne faut pas passer auprès d'eux avec un rouet pendant cette nuit, sinon le coup de hache ne saurait produire de l'effet. On dit en général que filer pendant cette nuit ne porte pas bonheur.

A Hoyelaert, en Brabant, les jeunes garçons vont au poulailler et, si dans l'obscurité et les yeux bandés, ils peuvent mettre la main sur un coq ou une poule noire, cette prise leur appartient, ou, du moins, leur est rachetée par quelque présent.

Autant de fois que chante le coq, lorsqu'on éclaire le poulailler dans la nuit de Noël, autant d'escalins le « zister » de seigle coûtera en Brabant l'année suivante.

Si la nuit de Noël est claire, la grange sera sombre (remplie) après la récolte; si cette nuit est sombre, la grange ne sera que trop claire.

Dans la nuit de Noël un agneau doit être au troupeau, quoiqu'il en arrive.

La jérose ou rose de Jéricho ne fleurit que dans cette nuit mystérieuse, où à minuit, les abeilles chantent et toutes les bêtes se lèvent dans les étables et restent u moment à genoux avant de se recoucher.

Un enfant né pendant la nuit de Noël, voit les esprits divins.

Une branche de groseiller épineux mis dans un verre d'eau en cette nuit, à ce que l'on croit à Liége, sera « en fruits » le jour de l'an.

Tout ce qui est semé la veille de Noël ne se gâte pas, l'eût-on semé sur la neige.

Le vin en fût fermente cette nuit, de même qu'à la fleur de la vigne; s'il déborde, il y aura beaucoup de vin l'année suivante.

Pendant les douze nuits il ne faut pas battre le blé, il se gâte aussi loin qu'on entend le bruit de ce travail.

Une chemise faite avec du lin filé pendant les douze nuits, est bonne à bien des choses.

II ne faut pas manger des pois, fèves ou lentilles pendant les douze nuits, on en devient malade.

Les œufs pondus pendant les douze nuits passent en Brabant comme en Flandre pour des œufs de bonheur, et mis sous la poule il en sort des poulets magnifiques.

Si pendant les douze nuits on transvase à plusieurs reprises de l'eau en différents vases, et que le volume d'eau augmente, on peut attendre une heureuse année  ; dans le cas contraire, l'année sera malheureuse.

Pour fixer les semailles il faut observer le temps durant les douze nuits. Car chacun de ces jours mystérieux indique le temps qu'il fera dans le mois qui y correspond, par exemple la Saint-Étienne représente le mois de février, les Saints-Innocents le mois d'avril. Le 6 janvier décide sur la valeur de ces observations météorologiques. Si ce jour est sans pluie ni neige, l'année sera comme les douze nuits l'ont annoncée; si le contraire a lieu, on ne peut pas se fier aux observations.

Lorsqu'il arrive que le temps reste sans variations notables pendant les douze journées, on s'aide en remplissant d'eau douze petits vases, découpures d'un oignon  : selon que l'eau disparaît vite ou lentement, on cherche à apprécier la température du mois qu'ils représentent.

Le jour, auquel tombe Noël, est également d'une grande influence sur le temps de l'année suivante, et si le jour de Noël le soleil ne se montre pas, Jésus-Christ ne protégera pas l'année suivante.

L'idée du char infernal ou char de sang « Hellewagen » « Bloedkaros » qui parcourt les airs pendant les douze nuits, se maintient encore en quelques endroits, surtout dans la Campine, dans la province d'Anvers et dans le pays de Limbourg.

Dans le baillage de Luithagen, près d'Anvers, un chariot enflammé conduit par un paysan et des chevaux ardents parcourt les champs pendant la nuit de Noël. La tradition dit, que c'était un paysan qui ne respectait pas les jours de fêtes et qui, même au saint jour de Noël, allait chercher du bois avec son chariot [44].

La plupart de ces pratiques et croyances que le christianisme a condamnées à bon droit comme superstitieuses, se sont tellement identifiées avec l'esprit de la fête de Noël que l'idée chrétienne s'y montre dans toute la simplicité et la naïveté qu'avait autrefois la foi du peuple belge. Aussi l'Église, loin de forcer la population à rompre avec son passé et à se défaire de vieilles habitudes qui en elles-mêmes sont tout-à-fait innocentes, s'est-elle contentée de diriger et de sanctifier les coutumes populaires tout en supprimant, les uns après les autres les abus qui en résultent.

Les cérémonies religieuses, qui accompagnaient en Belgique la célébration de la fête de Noël, n'offrent que peu de particularités.

Dans quelques villages de la Flandre se célébrait jadis le « Bethléem. » D'abord paraissait un jeune homme habillé en ange avec des ailes au dos  : il récitait « l'Ave Maria » à une jeune fille, qui répondait « fiat » (que votre volonté s'accomplisse) et la baisait sur la bouche. Ensuite un enfant, enfermé dans un grand coq de carton, criait en imitant le chant du coq  : « Puer natus est nobis » (un enfant nous est né), un gros bœuf en mugissant, disait « ubi » (où) et quatre brebis en bêlant criaient « Bethléem ». Puis un âne criait « hihanus » pour signifier « eamus » (allons), et la procession se mettait en marche, suivie de toutes les bêtes. Un fou avec des grelots et des marottes fermait le cortége [45].

Dans le pays wallon la messe de minuit donnait également lieu à une espèce de spectacle représentant la Naissance de Notre-Sauveur, quoique d'une matière moins grossière qu'en Flandre.

Une crêche, éclairée de nombreux cierges, était érigée au milieu de l'église, qui ne cessait de retentir des cris pieux « Gloire à Dieu au plus haut des cieux! » Des saints cantiques appelés « Noëls » célébraient le mystère de la naissance du Dieu fait homme et des coups de fusil, des fusées, et les éclats de la poudre jetée à terre en formant des cercles et d'autres figures annonçaient au peuple « la nouvelle d'une grande joie. » 

La messe de minuit a été maintenant supprimée dans beaucoup d'endroits et transférée à cinq heures du matin, mais les crêches dont Saint-François d'Assise a introduit, l'usage il y a de cela près de six siècles, se sont maintenues jusqu'à nos jours. On en érige même dans les familles, et à Verviers les « Bethléems » qu'on construisait dans les maisons étaient des crêches entourées de figures de cire représentant la Nativité.

Les « Noëls » se sont répandus de l'église dans les rues, où des pauvres les chantent encore pour quêter quelque chose. Nous en communiquerons quelques-uns des plus populaires, empruntés à l'excellent « Recueil de Noëls » publié à Liége. Les voici  :

            N° 1

Souh, Bon Diew, qui fait-i freud! (Bis)
Les dints m' kaket, s'a-j'mâ mes deugts
Très doux Diew quéll' jalaie!
Cist effant seret moirt di freud
Poirtans lî po n' blamaie.

Por mi j' lî poitrèt dès fagots, (Bis.)
Et des loumrott' tot plein m'sârot
Qui sont ès noste alaie; [46]
C' seret po les r'châfé turtots
Joseph, Diew et Mareie.

Por mi ji lî poitrèt m'cotrai, (Bis.)
Po fé dès fahe et des lign'rais
Et à l'mér' dès châsettes,
Vo les î keûs'réz bin si v'plait
J'a dè fi ès m'tahette.

Por mi ji lî poitrèt m'ventrin, (Bis.)
Il est si bai, s'est-i si fin,
Qu'on direût de l' prôp' sôïe
C'seret po lî fé des beguins
N'esst-i nin vraie, Marôïe!

Por mi ji lî poitrèt m'sarôt, (Bis.)
I n'est nin fin, s'nest-i nin gros,
Et s'a-j' dès plomm' di cîne
Vos mettrez tot a fait ès m'bot
Po poirter à l'païne.

Grand pér', vos poitréz bin l'fisique, (Bis.)
So voss' néz mettéz des beriques
Et s'loukîz-ès l'potalle,
Tot â coron di noss' botique
Vos trouv'rez des brocalles.

Cusen' Marôïe, vinéz avou, (Bis.)
Nos pass'rans po mon m'fré Ernou,
Qui nòs mônn' à l'vallaie,
I fait si spet qui j'a paou
Qui nos n'seïanss d'rôbaie.

Jan, corans-y tot dansant, (Bis.)
Veïe li mirâk di cist effant
Qui est né d'in' pucelle,
Dihomb-tu J'henn', dihomb-tu J'han,
Dihomb-tu donc bâcelle.

Cusen' Marôïe, alléz' hoûter, (Bis.)
I m'sonl' qui j'ô l'effant crier,
Doux Diew so-j' ewaraie,
Cusen' Marôie, alléz' hoûter
Qui nos sèpans' li vraie.

Oh weye! ciete i sont là leûs treux, (Bis).
L'effant so l'four tot moirt di freud,
Et l'mér' tote éjalaie,
On vî bounhamm' les louk tot reud
V'dîrî qui méditaie.

Moussans d'vin, si nos agennans, (Bis.)
Nos îrans adorer l'effant,
Et lî offri nos coûrs
C'est çou qui voût l'divin effant
Qu'est là coûkî so l'foûr.

Diet-wâd' degn' mére et li k'pagneie, (Bis.)
Les Ang' nos ont dit des merveyes
Nos ont fait si binâhe,
Di cist effant qui nos v'nans veie
Vi plaist-i bin qu'j'el bâhe!

Oh! oui, bergère en l'adorant, (Bis)
Baisez les pieds de cet enfant
Qui est né entre les bêtes,
Il est le fils du Tout-Puissant,
Honorez bien sa fête.

Houtez donc mér' qu'ell' parol' bin; (Bis.)
Loukî ciss bok, ci bai maintien
Ni dîrî-v' nin in ange
Neni ciet' mér' n'enn' allans nin
Assians nos so ciss planche [47].


            N°2.
            DIALOGUE.

Vous-s' vini cusen' Mareie.
Es Bethlèem atot mi,
Nos y veurans des merveye,
Si c'est vraie, çou qu'on m'a dit.

MAREIE.         Non frèt ciete i fait trop freud,
                        Ji n'sâreû eri dè feu.

                        O vins donc pauv' ejalaie
                        Ti voûs-s' broulé les mustais,
                        Qwitt' tes jambe di li ch'minaie
                        Et s'mets t'bress enn' on banstai.

MAREIE.         Poquoi fé, po ouiss allé,
                        Qui gn'y a-t-i qu'est arrivé?

                        On m'a dit, ji n'sé s' l'est vraie
                        Qui l'Messeie nos esteut né.
                        Les Biergîs à grand' kowaie
                        So leû foi l'ont assuré.

MAREIE.         Diem! qui savèt les biergis,
                        Qui est-c' qui l'sâreut annonçî?

                        L'ang' Gabriel à maie nutte
                        A champs l's-î a-t-annonci
                        Et les Ang' ès multitude [48]
                        Jowint dè l'musique à l'mî

MAREIE.         Grand Diew! ji n'ès saveu rin,
                        Jan, corans-y tot vit'mint.

                        Ça n'ès va nin comme in' sotte
                        Prinds des fahe et des lignerais
                        On dit qu'en n'a nin n'fribotte
                        Nin ossi long qu'on baindai.

MAREIE,         Diem! qu'est-i donc pauvriteu!
                        L'est ossi pauv' qu'on bribeu.

                        Si j'esteu on pau pus riche
                        Ji prindreu to plein m'bodet
                        Des panhai, dès fennè miches,
                        Dès crenés, des bon saquoi

MAREIE.         Eie ! vola m'banstai qu'est plein,
                        Ji n'pou pus rin mett' divin.

                        Bon jou binamé gros mâïe!
                        Et binamé gros godon;
                        Seret-c' vos qui frèt floss pâïe
                        Qui nos obtinret pardon!

MAREIE.         Seret-c' vos qu' nos fret intré
                        Ès paradis qu'est seré?

                        Dimandans turtos à s'pére
                        Li permission de l'bâhî,
                        Non frèt ciet' dimandans l' à s'mére
                        Ell' nos l'accoidrèt co mi.

MAREIE.         Mér' di Diew, el volez-v' bin
                        Qui nos l'bâhanse on moumint.

                        Ji v'sel permèt' tour à tour,
                        Mais qui c' seuie tot bin douc'mint
                        Qu'on ne'l bog' nin ju di s'four.
                        Afin qu'on n'el kiboïe nin.

MAREIE.         Arâns-n' mâïe on té bonheur,
                        Qui d'abressi noss Sâveur.

                        Ji voreus qui ciss journaie
                        Durah qwinz' saze heur' li jou,
                        Nos frin in' bon' régalaie,
                        Nos fricasserin l'poïe et l'oû.

MAREIE.         Dinans vit' çou qui n'z avans,
                        Il est tard nos ès rîrans.

                        Main d'vant jowans ine aubâde
                        So nos flûte et nos hâbois
                        Vinéz cial cusin Erade
                        Qui jow si bin dè hufflèt.
                        Turlutu et turlutu,
                        Adiet binamé Jésus. [49]


            N˚ 3.

Bon jou voisen', doirméz-v' eco,
Dispiertéz-v' ji voû parlé a vo,
Dispiertéz-v' donc ji v'sès preie,
Drovéz vost ouh ji so raveie,
Di cis musiq' qu'on chante â haut
Gloria in excelsis Deo. (Bis.)

Qwan n'zâran stu a deuz treux messes,
Nos vinrans çial magni des coisses
Si magnrânn ine aun' di trippe,
N'esti nin vraie cusenn Magritte
Et s'beurânn deuz treux kons côps
Gloria in excelsis Deo. (Bis.)

Ma tant' Ketlene esteu la dvin
Qui féf on bon batisse â vin,
Voci vni Bietmé so l'fai
Avon des oûs to plein s' chapai,
Et Marôïe qui loukif à trô
Gloria in excelsis Deo. (Bis.)

Compère Ernou dit to passant
Qui fév la tots mès bais effants
Tint on cial on staminait
Quon-z-y chante et qu'on z'y brait,
Les Ang repetin à haut
Gloria in excelsis Deo. (Bis.)

O neni ciett compére Ernou,
C'est in effant qu'est novai vnou,
I est ci bai, i est si plaihant,
J' na maïe veiou pareye effant,
On dit qu'cest l'fils du Très-Haut
Gloria in excelsis Deo. (Bis.)

J'an donc corans, tots nos biergi
Es Bethleem veii l'Messie,
C'est in' chôs' di veritâve,
Qui est ouie né divin on stâve;
Corans y donc tots d'on plain saut
Gloria in excelsis Deo. (Bis.) [50]

Dans le pays de Limbourg on réveillait les enfants déjà à trois heures du matin pour les conduire à l'église, où plus de cent cierges changeaient la nuit en un jour éclatant et où, dans la crèche construite au milieu de la nef, se voyait un enfant en maillot [51].

De même que les Noëls dans le pays wallon, les « Kersliederen, » chez les Flamands sont généralement d'usage.

Dès la veille de Noël des enfants, des vieillards, des femmes, par groupe de trois ou quatre, s'en vont de maison en maison chanter les « Kersliederen. » Les chanteurs sont munis, les uns d'un bâton surmonté d'une étoile de carton, les autres d'un instrument composé d'un arc et d'une vessie, qu'on fait résonner au moyen d'un archer, ou d'une espèce de violon [52].

Dans les villes, entre autres à Lierre, à Malines, à Turnhout, la veille de Noël, dans la journée, les enfants du peuple et des basses classes de la bourgeoisie, se présentent à la porte de chaque maison et après la demande banale « m'est-il permis? » ils chantent tant bien que mal, l'un ou l'autre des vieux cantiques de Noël en vue d'obtenir un morceau de pain d'épice, une poire, une pomme ou quelques noix.

Le soir des chanteuses se présentent, dans quelques maisons des particuliers et dans les estaminets, où elles entonnent des chansons de Noël ou plutôt des romances et parfois une nouvelle satyrique, extraite de la chronique scandaleuse, elles reçoivent en récompense quelques liards ou cents.

La même chose a de nouveau lieu la veille de la nouvelle année et de la fête des Rois, à l'exception que les chansons sont nommées alors « Nieuwjaersliederen » et « Koningsliederen, » au lieu de « Kersliederen. »

Les chansons les plus populaires sont les suivantes  :

            Blyden nacht.
O blyden nacht! Messias is geboren;
O wonderheyd! hier legt den uytverkoren,
Op hooy en strooy,
Schier naekt en bloot
In 't midden van de beesten.
O liefde groot! wie kan dat agterhaelen:
Het hemelsch brood is komen nederdaelen
            Op hooy, enz.

Komt, zondaer blind, komt ook om hier te vinden
Het hemelsch kind, die is uw welbeminden,
            Op hooy en strooy,
            Schier nackt en bloot
            In 't midden van de beesten.

            ***

Een kindeken is ons geboren,
In het midden van dien nacht,
Veel schooner dan te voren
De wereld had verwacht
En dan zongen al die engelkens
En dan zongen al die herderkens
Met eene zoete stem
Haest u, haest u naer Bethlehem.

Eu als wy tot Bethlehem kwamen
Tot Bethlehem in den stal,
Het eerste dat wy vernamen
Was een huizeken naer ons getal;
Een kribbeken al in den wind,
Daer lag het kindjen in,
In zyn doekskens nackt en bloot,
Zyn twee lipkens als karnaet zoo rood.

Dit kindeken begon te slapen,
Deze moeder sprak hem aen,
Lieve herderkens met uw schapen,
Wilt zoetjes henen gaen,
En brengt vat boter mêe,
Een koeksken uit de stée,
Een koeksken voor den Heer,
Ja, voor dit klein kindjen teer.

            ***

Gaspar, Melchior en Balthazaer,
Zy gingen alle drie te gaêr,
Maer 't was om te gaen zoeken
Het kindjen in de doeken,
Liggende in eenen verworpen stal
Voor ons groote zondaren al.

Geheel den stal, die was vol vreugd,
Alle de beestjens knielden daer neêr,
Den ezel en den os
Die waren vry en los
Ze warmden dat kindeken
Al in zyn teere ledekens [53].

L'ancienne coutume de se souhaiter, le jour de Noël, une bonne fête ou « een zalige hoogdag, » est encore religieusement observée dans la partie flamande de la Belgique.

Les petits enfants, pompeusement habillés s'en vont le matin conduits par une servante, rendre leurs visites de félicitation à tous les parents, parrains et marraines qui ont soin de leur remplir les mains et en outre de leur mettre quelques présents dans les poches.

En signe de remercîment, les petits marmots se mettent chanter  :

Heerderkens van buiten,
Spoedt u op de been,
Met trommelkens en met fluiten,
Regt naer Betleheen;
Want daer is geboren
Ten God van al,
Die ons het leven
Heeft gegeven
In den stal.

Ik heb hier nog drie eijeren,
Warm uit den nest;
Ik heb hier nog een kalfken,
Dat is wel gemest;
Ik heb hier nog wat vlaeikens
In myn korfken staen,
Om te vereeren
Het kindeken teere
Laet ons gaen.

Ou quand ils sont encore très-petits, ils récitent avant de s'en aller les vers [54]

Met den tikken haen in de hand,
Komen wy den herder groeten;
Met den tikken haen in de hand,
Groeten den herder van het land.
Tik, tik, tik, tikkeliere.
Groeten den herder van het land.

Pour donner à ces visites encore plus de lustre il était autrefois de règle d'habiller les enfants de pied en cap à neuf, le jour de Noël, et les adultes prirent bientôt la même habitude. Personne n'aurait osé se montrer ce jour à l'église ou dans la rue sans habits neufs, eût-on dû emprunter de l'argent pour pouvoir s'en procurer [55].

En Flandre les enfants qui, pendant l'année, chaque jour avant de se coucher, récitent bien la prière naïve des anges [56], trouvent le matin de Noël en s'éveillant, au-dessous de l'oreiller, un gâteau de corinthes appelé à Bruges « koekenbrood » ou « engelskoeken, » gâteau de l'ange, que dans la nuit pendant leur sommeil, l'archange Gabriel leur a apporté pour les récompenser.

C'est pourquoi à Furnes les enfants chantent la veille  :

Engeltjen, engeltjen Gabriël
Woont zoo verre van myn kasteel.
Op myn kasteel alleene
Bak my een koekjen kleene
En een koekjen groot
0m te leggen op moeder Mariatjes schoot.

Ils sont sûrs alors de trouver le lendemain aux chevets de leurs lits « een engeltjenskoek, » gâteau oblong et orné de petits écussons.

A Gand ce gâteau s'appelle « engelbewaerderskoek, » gâteau des anges gardiens.

Dans le Hainaut et la province de Namur c'est le « petit Jésus » qui apporte aux enfants un gâteau, et le cache au-dessous de l'oreiller. Le gâteau qui, en quelques endroits, entre autres à Mons et à Tournai, est décoré d'une image du petit Jésus, s'appelle à Ath « couque du petit Jésus, » à Mons « cougniolle, » à Namur « cougnou, » à Tournai « écaille. »

A Courtrai les enfants reçoivent déjà, le soir de la veille de Noël, un petit pain chaud, appelé « heete-brood. »

Les boulangers annoncent leur cuisson en soufflant dans une corne de bœuf et tous les enfants crient alors « Sterreken-kyk uit, myn moeder is de bruid » (Petite étoile regarde, ma mère est la fiancée). C'est pourquoi cette coutume de manger les pains chauds la veille de Noël s'appelle « Sterreken-kyk uit. »

A Ypres les enfants en s'éveillant le jour de Noël trouvent à leur chevet un gâteau ou d'autres friandises que l'ange y a déposés en venant annoncer la naissance de Notre-Rédempteur. La veille au souper on mange dans beaucoup de familles des gâteaux en forme d'étoiles, appelés « sterretjes, » petites étoiles.

Une pieuse coutume s'est maintenue jusqu'à présent à Anvers  : chaque famille fait venir, la veille de Noël, un pauvre et lui donne autant de viande, de pommes de terre, de riz, de pain et d'argent qu'il lui faut.

A Nimy-Maizières, près de Mons, on fait chaque année à Notre-Dame de la Conception un pèlerinage qui est très-populaire dans la capitale du Hainaut.

Au temps où l'espace compris entre Mons et Jurbise était couvert par une épaisse forêt qui, au dix-huitième siècle, servait encore de repaire à des brigands nombreux et redoutés, on voyait précisément en face d'une maison dans laquelle, au dire des anciens du pays, avaient été commis les forfaits les plus horribles et qui réveillait de si pénibles souvenirs que l'autorité crut devoir en ordonner la démolition, il y a environ cinquante ans, on y voyait, disons-nous, une image de la Sainte-Vierge de la forme de celles qui représentent Marie conçue sans péché.

La dévotion et la confiance qu'elle inspirait étaient proportionnées aux dangers de ce terrible passage et chaque voyageur, non content de prier, allumait un cierge, dont il s'était muni d'avance en l'honneur de cette image. La chapelle qu'on lui a érigée depuis à l'extrême limite des villages de Nimy-Maizières et de Ghlin, est encore aujourd'hui très-fréquentée par les habitants de Mons et des environs, mais spécialement par les jeunes mariées [57].

Aux fêtes solennelles de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, l'abbé de Saint-Hubert, à la réquisition du comte de Hainaut, était obligé de se présenter à la cour de ce prince et de lui faire hommage de deux vases ou barils « plena vino Leosuræ» (peut-être de Leuze? [58].

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*   *


26 décembre.

(Erica purpurea.) Saint Étienne.


Après la fête de la Naissance du Sauveur, l'Église célèbre immédiatement celle de Saint-Étienne qui, le premier parmi les adultes, a répandu son sang pour Jésus-Christ. C'est en même temps une des plus anciennes fêtes chrétiennes. Car le calendrier de Polemeus Silvius ou P. Annejus Silvius, écrit en 448, nomme parmi les six anniversaires qui, au cinquième siècle, furent célébrés par l'Église en souvenir des saints, le jour de Saint-Étienne. Les pierres qui causèrent le martyre de ce saint, le firent choisir pour patron des tailleurs de pierre, et quoique rien dans la vie de ce saint désigne quelque rapport entre lui et les chevaux, le peuple le considère comme le patron des chevaux. C'est pourquoi il était autrefois d'usage de les faire bénir, ce jour, ainsi que l'avoine, et à présent encore on aime à faire saigner les chevaux le jour de Saint-Étienne.

On buvait aussi en l'honneur de saint Étienne, et cette dévotion fut déjà de très-bonne heure portée si loin, que Charlemagne fut obligé de la réprimer. La coutume ne s'en maintint pas moins en plusieurs endroits, de même qu'au quinzième siècle, l'Église lutta encore contre la bénédiction dite des chevaux, dont voici la teneur: « Petrus, Michahel et Stephanus ambulabant per viam, sic dixit Michahel  : Stephane equus infusus signet ipsum Deus, signet ipsum Christus et herbam comedat et aquam libat. »

Selon toute probabilité ces usages remontent à une époque antérieure au christianisme et se rattachent à une fête célébrée en l'honneur de Fro, auquel les chevaux étaient sacrés. Ce n'est que la coïncidence des deux fêtes qui fit transférer ces usages au jour de Saint-Étienne, qui s'appelait aussi le « grand jour des chevaux » [59].

Dans quelques communes du pays de Limbourg, en particulier dans la paroisse ou « kerspel » de Geleen, existe encore l'ancienne coutume de la lutte pour le pain appelé « Korsbroodjen » ou « Kersmisbroodjen » pain de Noël.

C'est un petit pain de seigle que le clerc de l'église est tenu de cuire au commencement de l'Avant et qui, remis au four à plusieurs reprises, devient dur comme pierre.

Le second jour de Noël, après les vêpres, tous les jeunes gens de Geleen et des hameaux situés à l'entour comme Lutterath, Krawinkel, Neerbeek et Sint-Jans-Geleen, se rassemblent sur la place de l'Église, tandis que les gens âgés, les femmes et des milliers d'étrangers cherchent à trouver une place soit aux fenêtres et sur les toits des maisons qui donnent sur la place, soit sur les arbres ou les murs des jardins contigus.

Tout-à-coup le clerc de l'église tenant en main le pain de Noël sort de l'église et le cri  : « Het Kersbrood! het Kersbrood! » (le pain de Noël !) va de bouche en bouche. Les jeunes gens de Geleen et Sint-Jans-Geleen, de Krawinkel et Neerbeek et de Lutterath, formant trois partis assez égaux en nombre et distribués par troupes de quatre à six, pêle-mêle parmi la foule qui remplit la place, se préparent à la lutte qui commence aussitôt que le clerc a roulé le pain du haut de l'escalier de l'église. Tout le monde se jette sur le pain et chacun cherche à l'attraper. Celui qui parvient à le soulever au-dessus de sa tête et à le tenir ainsi quelques moments en criant  : « Kersbrood, myn brood! » Pain de Noël, mon pain à moi! est roi du pain et la lutte est finie. Mais à peine quelqu'un a-t-il le pain à la main, que les concurrents des deux autres parties tombent sur lui et l'empêchent de soulever le pain, tandis que ses partisans cherchent à le délivrer. S'il réussit, le cri général  : « Leve de Kersbroodkoning! Leve Lutterath of Geleen ! » (Vive le roi du pain de Noël! Vive Lutterath ou Geleen ) salue le vainqueur ou « Broodjens koning, » qui, à la tête de ses camarades, fait son entrée triomphale dans sa commune et est régalé partout du meilleur cidre. Le village entier est fier de la victoire et, pendant toute l'année, il a le privilége d'avoir dans les processions le pas sur les autres communes et de porter le dais. Quant au roi, il a la préséance dans tous les jeux, il occupe même dans l'église une place d'honneur et est pendant toute l'année le chef de ses camarades. Le pain se mange le même jour, et est arrosé avec du genièvre, de la bière ou du cidre [60].

A Merchten se célèbre ce jour la fête patronale de la gilde de Saint-Étienne, dont les membres se servaient de frondes.

Lorsqu'ils tiraient l'oiseau, on plantait un pieu s'élevant à deux pieds au-dessus du niveau du sol et surmonté d'une petite couronne, dans ou sur laquelle se trouvait placé l'oiseau. Une corde attachée au pieu servait à mesurer les distances. Lors des tirs pour la royauté annuelle, chaque membre de la gilde lançait six fois sa pierre; celui qui atteignait le plus souvent l'oiseau, ou qui en approchait le plus, sortait vainqueur du concours [61].

A Bruges, les jardiniers (« hoveniers » ou « warmoeslieden » qui avaient d'abord choisi le lundi de Pâques pour leur fête patronale, célébraient ce jour leur fête [62].

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27 décembre.

(Erica flammea.). Saint Jean l'Évangéliste.


La « Saint-Jean d'hiver » ou « Sint-Jans te Weingighten » (Saint-Jean de Noël), appelée aussi « Sint-Jans wydag » (jour de la bénédiction de Saint-Jean) est un jour heureux par excellence.

Saint Jean, le disciple bien-aimé de Jésus-Christ, est un saint d'amour et d'espérance. Toutes les traditions qui se rapportent à lui, sont riantes. Il assure le bonheur de ceux qui l'aiment; il enrichit le fermier qui est bon, lui accorde de beaux enfants et fait réussir tout ce que l'on entreprend ce jour-là.

Le jour qui lui est consacré était autrefois la fête patronale des prêtres qui, dans les premiers siècles, avaient à ce que l'on croit, choisi la Transfiguration pour leur fête. A Bruges, les poissonniers, auxquels Charles II, roi d'Angleterre, accorda le 10 juillet 1666 le privilége de pêcher avec cinquante barques sur les côtes anglaises, célébraient ce jour leur fête patronale, à Liége, c'étaient les parcheminiers, à Malines, les sculpteurs en bois et les peintres. Mais c'est surtout pour les buveurs bons chrétiens que la Saint-Jean d'hiver était une fête très-solennelle. On bénit ce jour le vin à l'église et « l'amour de saint Jean » assurait les plus grands bénéfices sur la terre comme au ciel [63].

La légende rapporte qu'un jour on avait présenté à saint Jean une coupe de vin empoisonné; le saint ayant fait le signe de la croix, selon sa coutume, sur cette boisson, la but sans le moindre inconvénient pour sa santé. C'est pourquoi on représente aussi le Saint Évangéliste tenant en main une coupe.

Le prêtre après avoir béni le vin, le présente à boire aux assistants en disant « Buvez la charité de Saint-Jean. » Car le vin est considéré comme le symbole de la charité [64]. Cependant la circonstance que la coutume de boire en forme de bénédiction ne se lie pas seulement au souvenir ou à l'amour de saint Jean l'Évangéliste, mais aussi à celui de plusieurs autres saints, donne à supposer à leur endroit que cette habitude n'était au moyen âge qu'un simple usage traditionnel dont l'origine remonte à la plus haute antiquité [65].

A Malines, la Pivoine ou confrérie de Saint-Jean, qui possédait un autel dans l'église de ce nom, y faisait annuellement célébrer lors de la fête de Saint-Jean l'Évangéliste un service funèbre pour le repos des âmes de ses membres décédés dans l'année [66].

A Mons, on donne ce jour à l'église l'Évangile Saint-Jean aux enfants qui s'y présentent en foule [67].

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28 décembre.

(Erica cruena.) Jour des Innocents ou Allerkinderendag.


Cette fête que nous trouvons déjà indiquée dans la liste des fêtes de l'église de Carthage, composée vers la fin du cinquième siècle, fut instituée en souvenir des petits enfants que le roi Hérode fit égorger. La légende chrétienne accordait au couvent de Saint-Gérard, dans le Namurois, les corps de deux de ces Saints-Innocents  : Benjamin et Philippe, rapportés par saint Gérard d'un monastère appelé Autas, en Italie. Longtemps ce fait resta ignoré, lorsqu'une révélation en donna connaissance à une religieuse de Nivelles, qui avait perdu la vue à force de pleurer, mais qui la recouvrit en touchant les corps de ces deux enfants, immédiatement après avoir fait part à l'abbé de sa révélation. C'est peut-être à cause de cet événement miraculeux que le jour des Innocents est en Belgique plus qu'ailleurs une fête des plus populaires. Car si la jeunesse, à la Noël, a moins de réjouissances en Belgique que dans les autres pays teutoniques, elle est indemnisée par le jour des Innocents, véritable fête de l'enfance, où les enfants sont maîtres dans la maison et les parents à leur tour doivent leur obéir.

A Anvers, en Brabant et dans quelques parties du pays de Limbourg les petits garçons et les petites filles se transforment pour ce jour en papas et en mamans. Le grand gilet du père ou grand-père, son bonnet de nuit, son paletot et sa canne, la jaquette de la mère, ou de la grand'mère, sa coiffe, son tablier et surtout son trousseau de clefs sont les objets de prédilection que convoitent les enfants pour jouer convenablement le rôle des parents. Revêtus de ces habits ils parcourent la maison en faisant le plus grand bruit possible, grondent les parents et les domestiques, en leur donnant gravement leurs ordres, courent dans le voisinage promener leur pouvoir éphémère ou vont à l'église assister à la messe. Ordinairement c'est la plus jeune fille de la famille qui reçoit la clef du garde-manger et commande à la cuisinière les repas de la journée, consistant presque infailliblement en rystpap (riz au lait), en vlaeijen (flans), en pannekoeken (crêpes) et en wafels (gaufres).

Les enfants des pauvres profitent de leur accoutrement grotesque pour faire une quête dans les maisons des riches. Munis de petits paniers ils s'arrêtent devant chaque porte en criant à tue-tête  :« Jufrouw, moêrken en vaêrken is hier » (madame, la petite mère et le petit père sont ici) ou bien  : « Jufrouw, moêrken is hier en vaêrken is t'huis gebleven » (madame, la petite mère est ici et le petit père est resté chez lui). A la campagne, surtout dans les environs de Contich, les petites filles enveloppées dans les vêtements de leurs mères s'attachent des poches énormes comme en portent les paysannes de cette contrée, afin d'y recueillir les croquignolles (pepernoten), les cents et les images (santjes) que les petits quêteurs reçoivent en chantant de porte en porte.:

Moederke en vaderke!
Hedde niets te geven?
Tast diep in den zak,
'T is een groot gemak
Vereeren, bazinneke.

Pour comble de bonheur, les enfants se rendent çà et là vers le soir au presbytère, où le curé leur distribue des images ou « beeldekens ».

Quoique, dans les villes, les anciens usages tombent de plus en plus en désuétude, on voit encore de nos jours, aux Innocents, les principales rues encombrées dès le matin rie troupes d'enfants affublés des vieilles nippes de leurs parents. Même à Bruxelles cette coutume est, jusqu'aujourd'hui, religieusement observée dans le bas de la ville et n'a disparu que dans le haut, où cependant il y a quarante ans elle subsistait encore dans les meilleures maisons.

A Malines, où par ordre du magistrat le crieur public proclama déjà le 27 décembre 1449 la défense formelle, de porter des masques, le jour des Innocents, ou de parcourir la ville « en costume méconnaissable, » l'usage s'est également conservé jusqu'à présent et le vieux Croon, dans ses « Almanachs » bien connus, nous donne une description charmante de l'aspect que la ville offrait, au dix-septième siècle, le jour des Innocents.

Dans les Flandres, le Hainaut, le pays de Liége et quelques districts de la province de Namur, on a l'habitude de travestir, aux Innocents, les petits garçons en prêtres ou en moines, les petites filles en religieuses ou béguines. La plus jeune fille reçoit, comme en Brabant, les clefs et joue, pour ce jour, le rôle de maîtresse de maison. Cette coutume s'est même introduite dans les pensionnats et dans les couvents, où la plus jeune religieuse porte les clefs et s'arroge le droit de commander. Dans les communautés de femmes du diocèse de Bruges, il s'y joint un usage plus plaisant, consistant à changer pour ce jour les noms, de sorte que, d'après l'âge, les plus jeunes novices échangent leurs noms de religion contre ceux des religieuses les plus âgées et vice-versa. Par suite de cet échange de rôles les novices ont le droit de dire à l'abbesse aussi bien qu'aux sœurs leurs vérités, de leur reprocher leurs défauts ou de les ridiculiser.

Dans les environs de Liége, les servantes jouissent encore du privilège d'enfermer leurs maîtres jusqu'à ce qu'ils leur aient promis un gâteau, et de se mettre ensuite à la table de famille pour être du dîner qu'a commandé le plus petit enfant de la maison. L'enfant même, travesti et muni des clefs, doit apporter le gâteau et en servir à tous les convives.

A Termonde, le jour des Innocents donne lieu à une autre cérémonie. Le plus jeune garçon et la plus jeune fille de la maison des orphelins travestis l'un en « régent » ou père des orphelins, et l'autre en « mère, » et, accompagnés par le garçon et la fille, les plus âgés du même établissement vont de maison en maison présenter leurs « compliments. » En récompense ils reçoivent quelques cents ou quelques friandises qu'ils recueillent dans le panier porté par l'un de la compagnie.

Les « choralen » ou enfants de chœur, revêtus de leurs aubes et portant un bâton blanc à la main, font, ce jour-là à Termonde une quête pareille dans toute la ville.

Un autre usage belge dont M. Schayes fait mention, était d'aller de grand matin, le jour des Innocents, armé de verges au lit de ceux ou de celles qu'on présumait encore y trouver entre leurs draps. Si on les y surprenait ils étaient fustigés jusqu'à ce qu'ils eussent promis un déjeûner. Ceux qui s'étaient mariés dans l'année, étaient surtout sujets à cette cérémonie désagréable qu'on appelait « donner les Innocents » Cet usage existait également en France et en Angleterre. Dans le dernier pays cependant, où le « Childrenmasday » était regardé comme jour néfaste par excellence, ce n'étaient pas les enfants qui jouaient le rôle actif dans ce divertissement, mais c'étaient eux qui s'exposaient à des coups de fouets ou de verges en restant trop longtemps dans leurs lits. En Allemagne, par contre, ils ont encore aujourd'hui dans beaucoup de localités de la Bavière, de la Souabe et de la forêt hercyniennes l'habitude de rappeler aux personnes adultes par quelques coups de verges le souvenir des innocents, en vue d'obtenir un petit présent.

Quant à l'origine de ces usages que nous venons de décrire, il y a lieu de présumer que ce ne sont que des vestiges de l'ancienne fête des Innocents, qui jusqu'au seizième siècle se célébrait dans les églises et qui elle-même n'était qu'une branche de la fête bien connue des Fous.

Cette fête, toute bizarre qu'elle était, ne fut cependant jamais, dans les Pays-Bas, solennisée d'une manière aussi extravagante qu'en France.

En différentes provinces de la Belgique la veille et le jour des Innocents les enfants de chœur allaient à l'office de l'église à la place des chanoines. Un d'entre eux était habillé en évêque, abbé ou doyen et les autres en chanoines. Le premier régalait ce jour ses compagnons avec l'argent provenant de la quête qui se faisait à son profit.

Les ducs de Bourgogne eux-mêmes lui donnaient à cet effet une petite somme. On lit dans les comptes du receveur des condamnations échues dans la chambre du duc de Bourgogne, comte de Flandres, à Audenarde de 1405 à 1407.

« A l'évêque des Innocents à Audenaerde pour leur aidier à supporter les frais et missions de la feste qu'il fist le 28me jour dudit mois de décembre, audit an, donné en courtoisie par la dicte certification de mesdits seigneurs du conseil escripte le dit darrain jour dudit mois de décembre l'an des susdits et rendue acourt 24 sols parisis. »

On lit des articles semblables dans les comptes de 1407, 1408, 1411, 1412, 1428 et 1429.

A Liége, d'après les statuts de l'église de Saint-Denis, de l'an 1330, le dernier chanoine élu était tenu de payer dès qu'il jouissait des revenus de sa charge, toutes les dépenses de l'évêque des Innocents jusqu'à ce qu'un autre chanoine fût élu.

Au douzième et treizième siècles dans quelques chapitres et couvents de la Belgique, le jour des Innocents, l'évêque ou l'abbé dansait, chantait et jouait à la paume ou à la boule avec son clergé ou ses moines. [68]. A Tournai cet évêque s'appelait « l'évêque des sots » et grands et petits de tout sexe se réunissaient, à l'issue de la messe dans la cathédrale et les rues adjacentes pour voir son élection. Les notables bourgeois l'élisaient parmi les petits vicaires de la cathédrale, et pour cette élection on dressait un échafaud devant le grand portail. L'élection faite aux acclamations de la multitude, on revêtait l'élu d'un costume complet d'évêque, mais la mitre était ornée de grelots, la crosse se terminait par une marotte. Puis on se livrait à des railleries amères et faisait des plaisanteries aux gens de l'église même sur ce que l'Église a de plus respectable. On conduisait ensuite le nouvel évêque par toute la ville avec beaucoup de cérémonies comiques, pendant lesquelles il bénissait son nombreux cortége et les curieux qui garnissaient les fenêtres. Après huit jours un repas splendide, où se trouvaient les chanoines et le chapitre, fournissait le pain et le vin, terminait la fête.

En 1497 le clergé défendit à ses vicaires de se prêter à cette cérémonie, mais quelques bourgeois ne voulant pas se soumettre à cette défense, prirent en 1498 de force un des vicaires de la cathédrale et lui firent jouer le rôle ordinaire et lorsque l'arrêt du parlement de Paris, auquel le chapitre avait appelé, condamna les coupables à faire réparation en plein chapitre et défendit au magistrat de tolérer à l'avenir de pareils abus, on substitua des laïques aux vicaires. Pourtant la fête n'ayant plus le même attrait pour le peuple, qui ne pouvait plus lancer des épigrammes contre le clergé, elle disparut entièrement depuis 1501. Voici à quelle occasion.

En 1501 les Tournaisiens avaient élu évêque des Fous Josse Heckman, dont un descendant fut conseiller au parlement de Flandre. Celui-ci, homme très-facétieux, mais fort éclairé, ne refusa pas l'honneur, mais désira mettre fin à cet usage ridicule, et imagina de renouveler l'inscription de Balthazar, c'est-à-dire après les promenades obligées et au moment où les convives entraient dans la salle où le souper était servi, ils lurent sur le mur ces mots écrits en caractères de feu: « Anathème à celui qui ose profaner, les mystères de la Sainte-Église ! Malédiction à ceux qui l'ont élu! Malheur à la ville qui souffre de pareilles extravagances! » Heckman en lisant ces mots à haute voix se jeta à genoux, s'écria que c'était un avertissement du ciel et se dépouillant des insignes de sa dignité, déclara qu'il ne voulait pas risquer son âme. Les convives, épouvantés par ce qu'ils attribuaient à un miracle, se signèrent, ne voulurent pas s'asseoir à la table du festin et se retirèrent. Heckman dit  : que pour obtenir le pardon de leur faute il fallait envoyer aux pauvres le souper et se soumettre aux volontés de l'Église en renonçant à la fête des Innocents, et la fête en resta là.

Les Tournaisiens tentèrent de substituer à cette fête celle de l'Ane, mais le clergé les menaça d'excommunication et supprima toutes les cérémonies de ce genre [69].

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29 décembre.

(Erica genistopha.) Cinquième nuit. Saint Thomas de Cantorbéry;
saint Hilduard; saint David.


Saint Hilduard, dont la fête se célèbre dans le diocèse de Gand le 7 septembre, souffrit en ce jour le martyre à Dickelvenne en Flandre [70].

Saint Thomas de Cantorbéry à qui la Belgique offrit pendant longtemps un asile contre l'injuste colère de Henri II, a laissé dans plusieurs des églises et des couvents du pays, des souvenirs de son séjour [71].

Le samedi après Noël commencent les samedis gras, ou « vette zaturdagen, » célèbres à Anvers par le pain aux saucisses, appelé « worstenbrood. » A huit heures du soir les boulangers annoncent la cuisson en parcourant les rues avec une espèce de crécelle, qu'ils tournent et tout le monde s'empresse d'aller chercher les pains aux saucisses que l'on mange immédiatement après, encore fumants.

Ces pains se mangent aussi à Malines et dans le pays de Limbourg où ils s'appellent « saucissenbrood. »

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30 décembre.

(Ponthieva glandalon.) Sixième nuit. Saint David; saint Sabin;
saint Eugène; saint et sainte Anysie.


Saint David, dont la fête en plusieurs églises se célèbre le 29 décembre, conformément au martyrologe romain, était autrefois très-populaire en Belgique.

« L'amour de saint David » se buvait en Brabant comme en Hollande à l'égal de celui de saint Jean.

En mettant pendant la nuit de Saint-David (que le peuple place toujours au 30 décembre) de petites branches de sureau sous son oreiller, on rêve ce qui se passera au mois de juin, lorsque le sureau fleurira. De même, les branches de sureau, placées ce jour-là dans l'eau, indiqueront par le développement de leurs bourgeons, le temps qu'il fera en été. Si ces bourgeons se développent bien et s'ouvrent complètement, s'ils fleurissent même, l'été sera propice aux biens de la terre et, ajoute-t-on, aux amours des hommes; si le contraire a lieu, il ne faut attendre rien de bon.

Sainte Anysie, la martyre, qui est très-souvent confondue avec saint Anysie, protège les prairies.

Saint Sabin est un des martyrs les plus célèbres du moyen âge. On racontait l'histoire de sa mort et de celle de ses deux compagnons Marcel et Exupérance avec des détails horribles.

« Boire à l'amour » ou « au souvenir des trois martyrs » ou « des trois prêtres, » la sixième nuit, donnait du courage pendant le combat et procurait la force de supporter les douleurs les plus affreuses. On disait aussi que quand l'innocent appelait, pendant la durée des épreuves de la torture, les « trois martyrs » à son secours, il parvenait à les supporter sans pouvoir être forcé de s'accuser à tort [72].

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31 décembre.

(Erica vulgaris.) Septième nuit. Saint Sylvestre; sainte Mélanie;
sainte Colombe; saint Walimbert.


La septième nuit, ou journée, est mystique par excellence.

Saint Sylvestre, lui-même, le pape qui baptisa Constantin, dit « le Grand, » s'est confondu avec un autre pape du même nom, le célèbre Gerbert, qui, étant plus savant que ses contemporains devint pour eux et pour la postérité un « magicien » très-en rapport avec le monde souterrain qui reste ouvert pendant les douze nuits.

En plusieurs endroits les meuniers l'honorent comme patron, et le paysan wallon,en faisant allusion à la neige nécessaire en décembre, dit saint Sylvestre, doit être meunier, car malheur à nous lorsque sainte Waudru et saint Georges ont à se mêler de son métier.

Pour un motif pareil, à ce qu'il paraît, les saliniers à Liége se sont mis sous le patronage de Saint-Sylvestre.

Sainte Colombe, vierge et martyre, à laquelle trois églises sont dédiées, nous rappelle par son nom « cette vierge blanche à tête de pigeon » qui apparaît parfois, surtout dans la Thuringe, pour annoncer une année heureuse et fertile.

Le bienheureux Walimbert ou Garimbert, auquel, selon ses biographes, la sainte Vierge elle-même aurait indiqué un lieu nommé Boni pour y servir Dieu, comme solitaire, et qui y éleva un oratoire en l'honneur de Marie, ou il voulut être transporté à l'heure de sa mort en 1141 [73], paraît s'être identifié, à son tour, avec le magicien « Galenbert » ou « Walembrecht, » la terreur des paysannes négligentes, qui transformait en glaçons tout ce qu'il touchait, et qui, s'il avait eu la puissance de Jésus-Christ, aurait, dit-on, gelé le veau dans la vache.

La fille qui, le dernier jour de l'année, n'achève pas de filer le lin qu'elle a sur sa quenouille, s'attire les persécutions des esprits malins. D'après d'autres, elle n'a pas de bonheur ou ne trouve pas à se marier l'année suivante [74].

A Anvers il est d'usage dans les familles que celui, qui ce jour-là est le dernier à se lever, est appelé « Sylvester» et est tenu de donner le soir un petit régal aux autres membres de la famille.

À Liége les jeunes filles vont le soir à la porte de la maison, pour « tirer des planètes; » de vieilles femmes parcourent à la nuit tombante les rues pour tirer à qui veut les cartes et dire la bonne aventure.

A Turnhout les coutiers célèbrent ce jour la fête de Saint-Séverin, leur patron.

En quelques endroits les boulangers vendent ce jour-là des pains à deux têtes.

La nuit du nouvel an est consacrée à la joie [75].

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[1]      De Smet M.d.M., pp. 176-178.
[2]      De Vlaemsche Rederyker, tydschrift, 1853, t. XIX, pp. 27-28.
[3]      Gaillard, p. 113.
[4]      Dierickx, t. II, pp. 505-506.
[5]      L.M.I., p. 178.
[6]      Repas.
[7]      H.d.E.d.B, t. II, p. 464.
[8]      Schayes, pp. 204-205.
[9]      Gaillard, pp. 112-113.
[10]    Cornet, pp. 19-20; D.d.O., t. I, 79.
[11]    « Het Antwerpsche Knechtjenshuis, » door J. Staes. Het Handelsblad van Antwerpen, 3 dec. 1858.
[12]    Diest, t. I, pp. 235-237.
[13]    A.d.l’E., t. III, p. 278; N.L, Gent, 1834, pp. 117-122.
[14]    De Smet, p. 44.
[15]    A Bruxelles, on chante  :
                                Sinte Niklaes caepoentjen,
                                Bringde wat in myn schoentjen,
                                Een appelken of een citroentjen!
                                Zoo het alles daerin niet kan
                                Bind het met e' koordeken daerân (a).
        Dans la Flandre occidentale  :
                                Sinte Niklaes van Tolentyn,
                                Breng my meê wat lekkerding,
                                Lekkerding van Spanje,
                                Drie appelkens van Oranje,
                                Drie appelkens van Condé  :
                                Breng myn broerkens ook wat meê (b).
        Dans la Flandre orientale  :
                                Sinte Niklaes, o heilige man,
                                Met uwen gespikkelden talfaerd aen;
                                Wy ryden meê naer Spanje
                                Om appelkens van Oranje,
                                Om appelkens van Condé,
                                Breng er my een g'heel schootjen meê.
        A Lierre  :
                                Sinte Niklaas,
                                Nobele baes!
                                Werp iet in myn schoentjen  :
                                Een appeltjen of een limoentjen!
        Ou
                                Sinte Niklaes kapoentjen
                                Ryd wat in myn schoentjen,
                                Een appeltjen of een citroentjen,
                                Een nootjen om te kraken,
                                Het zal zoo lekker smaken!
        A Malines:
                                Sinte Niklaes
                                Den appelen base
                                Brengt wat in myn schoentje
                                Eon appel of een akoentje,
                                Een nootje voor de kraeken
                                Dat zal my beter smaeken.
        A Termonde  :
                                Sinte Niklaes kapoentje,
                                Breng wat in myn schoentje,
                                Een appelken of een citroentje.
                                Sinte Niklaes kaboksken,
                                Breng wat in myn bloksken,
                                Een mandeken of een stoksken (c).

        Une autre variante que nous empruntons à la Wodana, est  :
                                Sinte Niklaas van Tolentyn,
                                Breng my een beetje leckerding,
                                Leckerding van safferaen,
                                Ik zal 't al in myn korfke slaen:
                                Myn korfke staet te verkoopen,
                                Tien pond en een half.
                                Een koe is geen kalf,
                                Een paerd is geen zwyn,
                                'T zal morgen sinte Nicolaesdag zyn (d).

(a)   Volksleesboek, p. 23.
(b)   K.e.L., 1842, p. 98.
(c)   K.e.L., 1842, p. 98.
(d)   Wodana,p. 198.
[16]    K.e.L., 1842, pp. 98-100.
[17]    Croon, p. 297.
[18]    Volksleesboek, pp. 23-24.
[19]    Voisin, p. 220.
[20]    Van den Bogaerd. t. III, pp. 43-44.
[21]    H.d.E.d.B., t. III, p. 199.
[22]    B. M , pp. 125, 259-262.
[23]    Maestertius, pp. 103-104.
[24]    B. M., p. 266; Vasse, p. 34.
[25]    B.M., pp.  266-267.
[26]    B.M., pp. 268-269.
[27]    Gaillard, pp. 146-149.
[28]    Molanus, pp. 394-395; D.d.O., t. I., p. 428.
[29]    H. d. E. d. B., t. II, p. 631.
[30]    Avontroodt Mss., pp. 41-42.
[31]    Chronique, p. 228.
[32]    B.M., p. 269.
[33]    Coremans, p. 91.
[34]    G.d.V.e.A., t. II, pp. 206-207. -- La Meuse belge, p. 87.
[35]    De l'Institut des Béguines en Belgique. Louvain, 1857. - H.d.E.d.B., t. II, pp. 500-505. - Hallman, Die Geschichte des Ursprungs der belgischen Beghinen. Berlin, 1843.
[36]    Journal de Malines, 15 janvier 1843.
[37]    E. van Even, l'Église de St-Jacques, p. 221.
[38]    La confrérie de cette sainte, à laquelle le pape Urbain VIII a accordé beaucoup d'indulgences, célébrait autrefois, le dimanche après la Saint-Michel, la fête de l'élévation du corps de Sainte-Wivine avec grande solennité.
[39]    H.d.E.d.B., I., pp. 366-367, 373; - Het leven en de miraeckelen van de H. Wivina. Brussel, 1756.
[40]    Kunst- en Letterblad, 1842, p. 103. - Coremans, pp. 37, 91, 92. - Liebrecht, O.T., p. 233.
[41]    Coremans, p. 93.
[42]    Noël (en wallon Nouée) est dérivé du latin « natalis  », jour de naissance, ou comme Savaron veut, de « nouvel an », parce qu'en France l'année commençait pendant longtemps au jour de la naissance du Seigneur.
[43]    Coremans, p. 37; L.F.d.l , p. 10  ; Montanus, cah. I, pp. 10, 15.
[44]    Coremans, pp. 38, 92-96; L.F.d.I., pp. 4-11  ; Wodana, pp. 105, 112, 113; Ongegronde Voortekenen (Tuinman. Spreekwoorden, t. II). pp. 10-16.
[45]    Clément, t. II, p. 354.
[46]    Var.  : Qui sont tot astallaie.
[47]    Recueil de Noëls ou Cantiques spirituels sur la naissance du Sauveur. Liége, n˚ 20, p. 67.
[48]    Var.: Et les ange' atot leûs flûtes.
[49]    L. cit.. N˚ 22, pp. 71-73.
[50]    L. cit., n° 24. p. 74-75.
[51]    Volksleesboek, p. 25.
[52]    De Coussemaker, pp. 79-84.
[53]    Willems, p. 436.
[54]    K.e.L., 1842, pp. 103-104.
[55]    Croon, pp. 317-320.
[56]    S' avonds als ik slapen ga,
                Volgen my zestien engelkens na  :
                Twee aen myne rechte zyde,
                Twee aen myne linke zyde,
                Twee aen myn hoofdeinde,
                Twee aen myn voeteinde,
                Twee, die my dekken,
                Twee, die my wekken,
                Twee, die my leeren,
                Den weg des Heeren,
                Twee, die my wyzen,
                Ten hemelschen paradyze.
                                Amen

                (Cette prière est on ne peut plus répandue dans toute l'Europe teutonique. En Alsace et en Westphalie, aussi bien que dans les sept communes en Lombardie et au nord de l'Allemagne; elle est d'un usage général.)
[57]    De Reume, pp. 419-420.
[58]    Polygraphe belge, pp. 120-121.
[59]    Coremans p. 95; L.F.d.J., p. 12; Wolf, I, pp. 124-5; II, pp. 92-95.
[60]    Écrevisse, pp. 120-122, 134.
[61]    H. d. E. d. B., t II. pp. 81-82.
[62]    Gaillard, p 181.
[63]    Coremans, pp. 95-111; L.F.d.J, p. 13; Gaillard, pp. 103-106.
[64]    Molanus, p. 399; Cornet, pp. 27-29.
[65]    Coremans, p. 106.
[66]    Journal de Malines, 13 février 1842.
[67]    Fêtes populaires à Mons. F. Hachez, Gand, 1848, p. 22.
[68]    Schayes, pp. 138-139.
[69]    Clément II, pp. 70-76.
[70]    V. 7 septembre.
[71]    B. M., p. 282.
[72]    L. F. d. J., pp. 14-15.
[73]    Coremans, p. 95; L.F.d.J., pp. 16-17; B.M., p. 283.
[74]    Des compagnons qui s'étaient réunis près de son ermitage, formèrent depuis une communauté, en s'établissant au lieu dit Mont-Saint-Martin.
[75]    Coremans, p. 95; L.F.d.J., p. 17.


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