Le panthéon nordique (Composition P.F.) |
LA RELIGION DES ANCIENS BELGES
P.-C. Vanderelst
REVUE UNIVERSELLE (IIIe année, tome VI)
1835
RELIGION DES ANCIENS BELGES.
(Pages 123 à 130)
Dans les premiers âges, l'homme sous l'influence des agents
de la nature, reconnut en eux la puissance Suprême; mais comme dans leurs
effets, ils suscitaient ses plaisirs ou lui faisaient connaître la douleur, il
fut tenté de reconnaître deux principes différents; un fait de tous les jours
vint confirmer cette croyance, la succession du jour et de la nuit, de la
lumière et des ténèbres. Ignorant les causes de ces révolutions, l'homme en fit
deux génies. Les ténèbres qui rendaient la marche de l'homme plus difficile, et
trompaient son regard firent naître la crainte dans son cœur; et c'est pourquoi
le génie des ténèbres fut regardé comme un génie malfaisant qui ne pouvait être
apaisé que par des sacrifices et des gémissements. Les Germains qui avaient la
même religion que les Belges, le nommaient Hekkart et disaient qu'il avait
autorité sur la vie et la mort. (Van Royen, Nerderl. Oudheden.)
Mais si la nuit inspirait la crainte, le jour et la lumière,
faisaient naître la satisfaction et la joie; les Germains élevaient la voix
pour exprimer leur reconnaissance par des cantiques qui célébraient la gloire du
bon génie sous le nom de Theut.
Les premiers peuples ne s'arrêtèrent pas là dans leurs
observations de la nature; entre autres objets qui les frappèrent dans le monde
qu'ils commençaient à peine à explorer, il y en eut de quatre espèces qu'ils
considérèrent comme éléments. Chaque élément eut son génie protecteur à qui
s'adressaient les prières pour tout ce qui dépendait de son département.
L'air qui s'étend en champ d'azur au-dessus de notre tête;
qui est d'une utilité si grande dans la vie de l'homme; qui, mis en mouvement
est tantôt le vent qui fait voguer les navires, ou l'ouragan qui déracine les
chênes séculaires, ou le zéphyr qui rafraîchit le front du voyageur; qui tantôt
mugit à travers les chênes de la forêt, tantôt soupire dans les bois de sapin,
tout cela fit reconnaître une divinité mystérieuse et pourtant bienfaisante, et
Theut devint aussi le génie de l'air.
Le second élément fut ce feu répandu partout et nulle part
visible sans aliment et sans choc, il fut représenté par une pierre fossile
(silex) que les Germains adorèrent sous le nom de Flint. (V. Royen.)
Les eaux, réceptacles de tant de semences, patrie des
nombreuses espèces de poissons, nourriture à laquelle on attribuait une vertu
prolifique, furent également honorées, et leur génie reçut le nom de Niks ou Nakken.
Les Gaulois l'appelaient Neith et les Goths Niord.
La terre, comme mère commune des humains, fut honorée avec reconnaissance
pour ses bienfaits, tantôt sous le nom de Hertha (Èerde), tantôt sous celui de
Tythea.
Les anciens remarquèrent d'autres phénomènes qui furent de
nouveau expliqués par des allégories. Les pluies fécondantes que le ciel verse
sur la terre au printemps, furent regardées comme le mariage du ciel et de la
terre ; ou bien entre Theut et Tythea, et dans la tradition Mythologique,
Theutsohn, premier législateur des Germains, était regardé comme le fruit de
cette union.
Theut, Dieu suprême, était le jour, la lumière, le ciel,
l'air et le soleil; Tythea, la terre, parait avoir quelquefois été confondue
avec la lune, parce que comme elle, elle est cause passive. Ce Theut est le
même que le Theutatès des Gaulois. Il parait que ce n'était que dans la Gaule
Orientale que ce nom était donné à l'Être Suprême, que les Gaulois Occidentaux
nommaient Hesus.
Les Germains regardaient Theut comme l'Être Suprême; il est
Éternel, il gouverne tout son empire, les grandes et les petites choses.
Il a fait les cieux, la terre et l'air. Il a fait plus que
les cieux et la terre, il a fait les hommes; il leur a donné une âme qui vivra
et ne retournera jamais au néant, lors même que le corps sera devenu cendre et
poussière, les justes habiteront avec lui dans le palais de l'Amitié, mais les
méchants souffriront dans l'Enfer (Helle) et dans la demeure des scélérats
(Niflheim.)
Van Royen nous apprend que la terre, mère de Theutsohn était
surtout vénérée en Flandre. Tacite la nomme Hertha. Alting nous dit qu'on la
nommait aussi Arduwe et Arduwena; la forêt des Ardennes fut consacrée à cette
divinité , qui étant aussi déesse de la chasse, fut plus tard confondue avec
Diane.
Les Germains lui avaient consacré une ile dans la mer
Baltique; elle y avait un temple célèbre. Cluvier pense que cette île est Rugen.
Gosselym penche pour la petite île du Golfe de Travemunde, en face de
Heiligenhaven. Tous les ans, pendant les jours de fête de la déesse Hertha, son
image était portée en procession sur un char traîné par quatre chevaux blancs,
en reconnaissance de la moisson abondante. Tant que duraient ces fêtes, les
Germains n'allaient pas à la guerre, ne portaient pas d'armes, terminaient à
l'amiable les procès pendants, et vivaient dans les douceurs de la fraternité.
Il paraît que le même char portait les Runes ou archives de la nation, l'étalon
des poids et mesures, etc. (Religion des Gaulois, par le Bénédictin de
Saint-Maure. )
Les Germains comprenaient que le culte d'une divinité
femelle, de la terre qu'ils considéraient comme leur mère commune, était
essentiellement pacifique, et conséquemment devait être servie par des actions
généreuses. Le culte de la terre était celui qui se célébrait avec le plus de
pompe dans toute la Germanie; comme si dès lors existait en germe l'idée qui se
développa chez les Allemands, pendant le moyen âge, quand ils eurent chez eux
le siège de la puissance temporelle, face matérielle de l'édifice social du
moyen âge.
De l'union du ciel et de la terre naquit Theutsohn que
Tacite nomme Thuisto et qu'il confond avec Theut lui-même. Les traditions allemandes
rétablissent les faits.
Theutsohn est le premier législateur des Germains. Bérose le
Chaldéen dit qu'il fonda l'empire des Sarmates; mais il est probable que Bérose
nomma les Sarmates parce qu'il ne connaissait pas les Germains; et la tradition
de Theutsohn nous fait entrevoir que ce législateur, comme presque tous les
anciens sages, est venu de l'Orient. Il s'établit à Deutz en face de Cologne où
il fut enterré, selon les traditions. Les Germains le représentaient sous la
figure d'un homme barbu, vêtu de peaux de loups, en mémoire de l'état dans
lequel il avait trouvé les Germains, et tenant une baguette à la main.
Après avoir voué leur vénération aux deux principes, aux
quatre éléments, aux trois conditions de l'Être, agent, patient et produit, les
Germains tournèrent leurs regards vers les armées sidérales et les astres
reçurent leurs hommages. Le ciel des étoiles fixes devint la demeure de Theut,
et chacune des planètes reçut leurs adorations.
La première qui s'offre comme ayant surtout été adorée des
Germains est la planète de Mars à laquelle ils firent présider Theutsohn, nommé
indistinctement Dyssen, Dan et Tues d'où les Anglais ont fait tuesday qui est
le mardi. Dan selon Alling signifie proprement chef, mais il est
particulièrement attribué aux divinités. Dans l'Edda, ce mot est le synonyme de
As. Dyssen est le nom que lui donnaient les Belges; nous nommons encore le
mardi dyssendag, et dingsdag, mais peut-être ce dernier mot vient-il de Dingen,
juger; car il est vraisemblable que la justice se rendait le jour consacré à la
mémoire du législateur.
C'est de lui que les Teutons, die Deutschen, prirent leur
nom , qui signifie proprement Nationaux; car Alting nous apprend que Teut en
haut-Germain et Diet en bas-Saxon, signifient Nation. Le Flamand est encore
quelquefois appelé 't Dietsch par opposition à ‘t Duytsch, l'Allemand.
Différentes tribus germaniques donnaient d'autres noms à
cette divinité; quelques-unes la nommaient Roode (Rouge), sans doute à cause de
l'aspect rougeâtre de cette planète; d'où peut-être les Roodings (Reudigni dans
Tacite) tiraient leur nom; on disait aussi Roodag; d'autres la nommaient Erch
qui veut dire « furieux », c'est de ce mot que les Westphaliens ont
fait erechstag pour signifier mardi.
Le fils de Theutsohn est Mann (l'Homme). Des auteurs disent
que c'est l'Hercule des Grecs; et en effet les Germains paraissent avoir
confondu ces divinités qui se rapportent à la planète de Mars, nommée aussi
astre d'Alcide. Nous venons de voir que Theutsohn avait habité Deutz, et sous
la période Romaine, Hercule y était honoré sous le nom de Hercules
Deusoniensis. A Strasbourg, il avait le nom de Krutz-Mann; ce dieu était aussi
révéré sous le nom de Hercules Magusanus. Selon Wastelain, Magus ou Megen
signifie Quai, ainsi ce serait Hercule protecteur des quais. Ceci se confirme
par une pierre trouvée à Domburg, en Zélande, en 1514. Il y est représenté sous
l'aspect d'un vieillard tenant une fourche d'une main, et un dauphin de
l'autre; une écrevisse est à ses pieds, et sur le second plan on découvre des
roseaux ; une inscription le nomme Hercule Magusan et mentionne la déesse Hafua
, [Haven), qui est sans doute la protectrice des Havres. (Le Bénédictin,
religion des Gaules.)
Mann eut trois fils, Hermion, Istuon et Engwon, pères des
trois grandes tribus germaniques. Les chroniqueurs disent qu'Istuon fut le
fondateur du Sacerdoce, Engwon l'inventeur de la charrue, et Hermion
l'inventeur de la cuirasse. N'est-ce pas indiquer les trois castes des anciens
peuples: les guerriers, les prêtres et les agriculteurs ? Quelques-uns ont voulu voir Hermès dans
Hermion. Mais sans nous arrêter à ces rapprochements, nous dirons que Her,
signifie armée; Weer (en Anglais Ware) et Ger, signifient guerre; ainsi Herman,
Wermann, Germanus, ne signifient autre chose que Guerrier, nom qui est devenu
générique pour toute la nation Tudesque, et que paraissaient porter plus
spécialement les Hermandures. La tribu des Hermions parait être la même qui
prit dans la suite le nom de Suèves.
C'est le temple d'Hermion que Charlemagne détruisit à Erecsburg.
Ce nom d'Erecsburg et celui de Theutsburg que cette place portait précédemment,
sont une indication du culte de la planète de Mars. On trouve dans Van Royen (Nederlandsche
Oudheden) la description de la statue de ce Dieu; nous ne ferons qu'une
remarque sur cette image. Elle portait un étendard sur lequel était peinte une
rose; peut-être les secrets se confiaient devant cette idole, et delà sera
venue la locution flamande: je vous dis
cela sous la rose, pour, sous le
sceau du secret.
Nous terminerons ce paragraphe de la planète de Mars, en faisant
remarquer que le nom de Theut est resté à un village près de Grammont, nommé
Theutsberg.
Dans l'Edda, la planète de Mars est nommée Tyr, et n'est
qu'une divinité secondaire.
Le nom de Woden, Othen , Goden (d'où est venu le mot God,
dans les langues du Nord), était attribué à la planète de Mercure, comme le nom
de wonstag (westph. ) wednesday (angl.) woensdag (Holl. ) et goensdag en
Brabançon, pour désigner mercredi, le démontrent. Cette divinité était surtout
honorée par les Goths qui paraissent en avoir pris leur nom. On révérait ce
Dieu comme le Dieu des combats, de la magie et des richesses; ce dernier
rapport était aussi attribué à Istuon, fils de Mann, et père d'une tribu qui
porta d'abord son nom, et prit dans la suite celui de Franks.
Woden, ou Odin était représenté sous l'aspect d'un guerrier,
le glaive en main, et la tête coiffée d'un casque couronné. On disait qu'il
s'était occupé à forger tout l'or renfermé dans le sein de la terre; ceci nous
fait remarquer que le même rapport existe entre les mots God et Goud, qu'entre
Divus et Divitiœ.
Le village de Woensdrecht, entre Santvliet et Berg-op-Zoom,
parait avoir tiré son nom de lui, il signifie trajet d'Odin.
Ce Dieu était le Dieu suprême des Scandinaves, dont leur
législateur Sigé avait pris le nom. Dans les Gaules, il recevait le nom d'Ogmius
analogue de Ochmod, nom que les Orientaux donnaient à la même planète.
Thor ou Donder était le nom de la planète de Jupiter, d'où
donderdag, et thursday, pour jeudi. On le représentait sur un Taureau ou
portant une tête de taureau sur la poitrine, en mémoire de la constellation du
Taureau qui ouvrait l'Eté et ramenait les orages. Dieu de la foudre, il tenait
en main une massue; c'est sans doute de là qu'est venu le mot Donderbeytel pour
signifier le sillon de la foudre. Thorhout, Thurnhout et Thuredrecht (
Dordrecht ) tirent leur nom de ce Dieu. Les Frisons l'appelaient Stavon et lui
avaient consacré un Temple à Stavoren. Les Gaulois lui donnaient le nom de
Taran et une pierre trouvée dans les fondements de Notre-Dame de Paris, porte
son image. Il y est représenté combattant le Grand Serpent, et l'inscription
effacée n'offre plus que Sivi — . Reos. Dans l'Allemagne méridionale il était
nommé Pen , Pan ou Psin , d'où sa fête, qui arrivait dans le mois de mai, fut
nommée Psinstag (en Hollandais, Pinksteren). C'est aujourd'hui le nom de la
Pentecôte. Dans le Nord, sa fête arrivait au solstice d'hiver et s'appelait
Joël, d'où anciennement décembre s'appelait Joelmaand. Les Thorings {Deuringi),
ou Thuringiens tiraient leur nom de cette divinité.
Ce Dieu était surtout invoqué contre les ravages de la
grêle. Dans ces circonstances, les prêtres lui faisaient des offrandes,
écrivaient un contrat qui était déposé aux pieds de la statue; quand la grâce
demandée était obtenue, ils venaient en grande pompe donner quittance au Dieu,
et déchiraient le contrat.
Vénus se nommait Freya. Elle était la déesse de la beauté,
et peut-être aussi de la liberté, comme son nom et ses attributs l'indiquent.
On la représentait dans un char traîné par deux chats: ces animaux étaient le
symbole de la liberté chez les Germains. On la disait fille de Nocken, Dieu des
mers; elle habitait un palais nommé l'Union des Peuples. On la nommait aussi
quelquefois Siôna et Ista ou Ooster; sa fête se célébrait dans toute la
Germanie, à la pleine lune d'avril, d'où ce mois était nommé Oostermaand; c'est
de cette fête que les Anglais ont fait le mot Easter par lequel ils désignent
la fête de Pâques. Les Estiens qui étaient sous la protection de cette planète
la représentaient sous la figure d'un sanglier. On ne doit pas confondre Freya
avec la Frigga des Scandinaves qui est la même que Tythea, la Terre.
Freya a laissé son nom au vendredi vrijdag. C'est d'elle que
les dames (frau) tirent leur nom: car femme se disait wyf et weih. De ce nom
vient encore vrijen, courtiser et être courtisé; et le mot français frayer.
Frey ou Friske était le frère de Freya et tenait chez les
Germains le rang de l'Amour; chez les Grecs, celui-ci était un enfant, celui-là
un jeune homme. Il était le plus doux des dieux, il gouvernait les pluies, le
soleil, et tout ce qui était produit ou engendré. Les Normands qui le nommaient
Zeeman, sans doute à cause de son frère, dieu des mers, avaient mis son image
au-dessus de la porte du château d'Anvers, construit par eux en 880. On l'y
laissa longtemps comme une pièce d'antiquité, mais les jésuites la mutilèrent
en 1585. Une semblable figure se trouvait à Louvain sur la porte nommée à cause
d'elle Porta Priapœa. Cette image était celle du dieu propagateur.
Krodo ou Saeder était le nom de Saturne particulièrement
adoré des Saxons. Selon Van Royen il était représenté vêtu d'une longue robe,
mais nus pieds, et debout sur les nageoires aiguës d'un percot; il tenait une
roue dans la main gauche, symbole du zodiaque, que cette planète parcourt plus
lentement qu'aucune autre; dans la main droite il avait une corbeille pleine de
fleurs et de fruits, qui le faisait reconnaître pour le protecteur des fruits
et des semences. Peut-être est-il le même qu'Inguon inventeur de la charrue,
car le nom de Saxons remplaça celui d'Inguons.
De Saeter, le samedi est appelé Saterdag, et Samstagde
Samen, semence. Une figure de bronze trouvée à Domburg en Zélande et tenant en
main un cercle, se rapporte sans doute à Krodo, nommé Hoder par les Scandinaves.
Le soleil, zon, qui a donné son nom au dimanche, était représenté
par une jeune femme dont la tête était entourée de rayons et tenant une roue
enflammée devant la poitrine; le soleil d'été était une divinité mâle; on le
nommait Balder, Belatukader et Bélénos dans les Gaules, où, de ce nom Bélénos
on tirait le nombre cabalistique 365.
Dans la religion tudesque comme dans toutes les religions
anciennes, le soleil fut souvent confondu avec le dieu principal, ainsi il fut
Theut, Thor et Odin selon les localités, comme étant l'agent le plus visible de
la divinité.
La lune était représentée en habits d'homme, ayant une
capuche avec des oreilles d'âne et tenant en main une lune d'argent; cette
divinité était androgyne.
On a découvert à Domburg, en Zélande, une figure portant le
nom de Nehalennia qui se rapporte à la lune ; elle y est représentée comme
déesse protectrice de la navigation, et tire ses attributs de la vierge
céleste. Son costume diffère peu de celui des femmes des villages de la
Flandre. Elle tient près d'elle un panier de fruits, un chien est à côté
d'elle, elle pose le pied dans un triangle; d'autres la représentent tenant un
gouvernail.
Cette planète nommée Maan a donné son nom au lundi.
Nous avons vu que Flint était le Vulcain teutonique; les Goths
le nommaient Vidar, et le disaient presqu'aussi fort que la foudre ; on le
représentait tenant un flambeau en main, et portant un lion accroupi sur la
tête.
Les Germains eurent aussi leur Bacchus, mais il est au rang
des divinités secondaires; Gambrin est l'inventeur des ornements royaux, tel
que la couronne et le sceptre; c'est lui qui le premier fit cultiver le houblon
et brassa de la bière. II paraît être le même que Hornung (dont le nom est
resté en Allemagne au mois de février) et comme tel, était le dieu de la chasse
; les Gaulois l'appelaient Cervunnas, et le représentaient avec des cornes
comme on en attribuait à Bacchus. Peut-être le mot Cerwise (Cervisia), bière,
vient-il de lui.
Marse était le nom d'un héros qui passait chez les Germains
pour avoir institué les conseils nationaux.
Outre ces divinités, il y en avait encore plusieurs autres;
comme Tanfana, qui selon Alting était la déesse des Marécages; son temple
paraît avoir été à Vennes, près deMunster. Baduhena est, selon le même auteur,
la déesse des Chemins ; et Leva dont le temple était à Duurstede selon les uns,
où à Leewen selon d'autres, était la divinité qui présidait aux collines. La
déesse de la Cité recevait le nom de Ludana, dont nous avons retenu quelque
chose dans l'usage de représenter le pays par une vierge, (de Vlaemsche Maegd ,
etc.)
Les anciens Belges Germains, avaient aussi de la vénération
pour les déesses Infernales nommées Nornes, et dans les Gaules, Maires;
c'étaient les Parques ; leurs noms signifiaient le passé, le présent et
l'avenir.
Les compagnons de Hekkart, les mauvais génies, était nommés
Thusses, ou Duyses; ou Heim, et Reus; ce sont les géants de l'Edda. Quelques
éditions de Tacite portent Thusii pour Sturii ; ce nom serait resté à l'île de
Texel, et concorderait avec la tradition qui place des Géants sur la côte du
Veluwe, et les nomme Heims.
Si, d'une part, on redoutait les Géants, d'une autre on
avait un respect sacré pour les Nains qui passaient pour magiciens; ce respect
subsista jusqu'au moyen âge qui porte cette vénération aux Gnômes.
Il y eut en outre les déesses Sulèves, ou des forêts, qui
devinrent plus tard les Sylphes; redoutés par les dévôts sous le nom de
Succubes, comme les Thusses le furent sous le nom d'Incubes.
Nos ancêtres avaient à peu près les mêmes idées que les
Grecs sur les enfers, qu'ils plaçaient comme eux sous terre. Ils les nommaient
Helle, Hôlle, c'est-à-dire fosse, abîme, tombeau comme le mot hébreux Sjehol.
Différents lieux profonds reçurent le nom de Helle. L'embouchure de la Meuse se
nommait Helium, quelque chose en est resté à Hellevoetsluys.
Une ville du Brabant se nomme Helmonde. Helgat est le nom
d'un canal de la Flandre.
L'Escaut, la Meuse et le Rhin étaient aussi adorés comme
divinités tutélaires.
Le chêne était généralement révéré. On connaît le respect
que les Gaulois portaient au Gui qui croît sur cet arbre. Les Germains
révéraient également cette plante qu'ils nommaient Weid (Vitus, en latin),
d'où, peut-être, Saint-Vith. On la nomme en flamand Varen, et le hameau
Varendonk en Campine, paraît en tirer son nom. Les Allemands du Nord la nomme
Gutheyl; à ce sujet, citons la remarque d'Ericius Puteanus dans Bruxella
Septennaria, qui dit que Gudule vient de Gutheyl, et signifie bon salut.
Le Frêne et l'Aune étaient également révérés, comme étant,
selon les Goths, le berceau de l'homme et de la femme, enfin la Verveine jouait
un grand rôle dans les enchantements, ainsi que la Jusquiame nommée Belinuncia.
Les prêtres ne jouirent jamais d'autant de privilèges chez
les Germains que chez les Gaulois, quoiqu'ils formassent un tribunal qui
jugeait sans appel, et qu'eux seuls pussent infliger une punition corporelle
aux Germains. On les nommait Truchten, c'est-à-dire Seigneurs; c'est de ce mot
que dérive celui de Druide. Un village de la Gueldre jadis Truchten, se nomme
encore Druiten.
Les Bardes ou poètes étaient des prêtres qui chantaient les
hauts faits des dieux et des héros; un village du Nord-Brabant se nomme encore
aujourd'hui Bardwyk.
Un lieu dont le nom indique la demeure des prêtres est
Asburg sur le Rhin, As en Iotique signifie Dieu, ou plutôt Divin. Du temps de
Tacite, la tradition disait qu'Ulysse avait fondé cette ville, et un autel
érigé au fils de Laërte, semblait confirmer cette tradition.
Les Frisons nommaient leurs prêtres Wyden, qui signifie Sacrés.
Vers l'an 90, Sinna chef des Wyden persécuta les chrétiens.
Les femmes prenaient également part au Sacerdoce; elles
étaient consultées sur l'avenir et scrutaient les entrailles palpitantes des
victimes humaines; les sacrifices humains furent pratiqués dans les Gaules
jusqu'à sous le règne de Claude qui les défendit; cependant on ne trouve pas
dans César qu'aucun prisonnier Romain fut sacrifié par les Belges, sur les
autels de Theut.
Si le nombre sept était sacré chez presque tous les peuples,
le nombre neuf ne l'était pas moins chez nous; il venait des neuf demeures,
savoir : 1° la Terre, 2° la Lune, 3° Odin (Mercure), 4° Freya (Vénus), 5° le
Soleil, 6° Theutsohn (Mars), 7° Thor (Jupiter), 8° Krodo (Saturne), 9° Theut,
le Firmament.
L'initiation faisait connaître la marche des astres,
l'explication des divinités, le dogme du commencement du monde, de son
renouvellement par une inondation, et de sa fin par le feu ; la renaissance
d'une nouvelle terre qui devait sortir du sein des mers; elle enseignait que
les âmes ne périssent pas, mais sont récompensées ou punies. Les lâches, les
parjures, et les traîtres allaient dans le Niflheym, dont l'entrée était gardée
parle chien Garme, source de la crainte superstitieuse de nos campagnards ,
pour l'arrivée du chien noir traînant sa chaîne ; les braves, les fidèles et
les bons étaient admis dans le palais de l'Amitié (Walhalla); mais le guerrier
qui n'était pas mort en combattant devait passer par un purgatoire.
Voilà ce que nous avons cru pouvoir présenter de plus
intéressant sur l'ancienne religion des Belges, chez qui les divinités Romaines
furent admises et confondues avec les divinités nationales, avant que le
christianisme parvint à s'établir solidement; car la plupart des idoles
renversées par les premiers missionnaires étaient des idoles Romaines et non
Tudesques ; c'est pourquoi nous terminerons ici cet aperçu.
P.-C. Vanderelst, à Bruxelles.
Theut (Teut) = Tuisto (cf Rudolf Simek, Dictionnaire de la mythologie germano-scandinave)
Theutsohn = Mannus
Herta = Nerthus