LEGENDES Le Merrimack à Liège


CSS Virginia, ex USS Merrimack


LE MERRIMACK A LIÈGE

Lettre d’un flâneur halluciné à son amie



Bruxelles, le 21 avril 2002


Ma chère Anne,


Il faut absolument que je te raconte mon après-midi à Liège, celle du samedi 20 avril. Parce que, si elle contient quoi que ce soit qui te rappelle quelque chose, j'aimerais t'en entendre parler.

J'ai eu l'impression de voir un fantôme. Ca m'a collé des frissons pendant une bonne heure... Rien de négatif d'ailleurs !  Simplement, une sensation de joie… inquiète. 

Avant tout, je reviens en arrière. Très en arrière. Le 17 avril 1861, aux Etats-Unis, l'état de Virginie vote la Sécession, à la suite de sept autres états. (La Guerre de Sécession débute le 12 avril 1861, à Fort Sumter, Charleston, Caroline du Sud. Tu sais mon intérêt pour cette période de l'histoire). 

A Gosport, Virginie, l'un des plus importants chantiers navals des Etats-Unis, les troupes régulières, encore fidèles au gouvernement de Washington (et donc d'Abraham Lincoln), décident de saborder les bateaux encore en leur possession, afin qu'ils ne tombent pas aux mains des sécessionnistes virginiens. Au nombre de ces bâtiments figure l’USS Merrimack, une frégate à vapeur puissamment armée... Le "sabordage" est un échec. Et les Sudistes virginiens récupèrent la quasi-totalité du matériel. Dont le Merrimack.

Le 20 avril 1861, donc, les Sudistes prennent possession de  l'USS Merrimack, assez abîmé mais récupérable. Au cours des mois qui suivent, ils le rebaptisent sous le nom de CSS Virginia, le transforment, et en font le premier navire cuirassé de la Guerre de Sécession. (CSS = Confederate States Ship). C'est une quasi "première" dans le monde naval de l'époque. En mars 1862, le CSS Virginia, ex-USS Merrimack, rencontre l'USS Monitor, le premier cuirassé des Nordiste ; ces deux bâtiments se livrent une bataille navale dont le récit fera le tour de la presse du monde entier...

Revenons à Liège, le 20 avril 2002. Je gare ma voiture sur le boulevard Piercot à 13h30', je prends mon petit ticket de stationnement... et je m'engage dans une promenade de près de quatre heures à travers Liège. 

Première étape :  je bois un café à la brasserie "La Rive Gauche", rue des Clarisses. Pour 1,50 euro, je reçois un café et une gaufrette en forme de coeur, avec de la crème Chantilly. Une "promo" sans doute. C'est en tout cas la première fois que je bois un café "promotionné" dans cet établissement. 

Puis, je démarre le circuit dans les rues animées du centre de Liège. Jusqu'à la place Saint-Lambert, récemment refaite. J'y bois un second café, à la Brasserie du Point de Vue, avant de m'intéresser au nouveau complexe commercial qu'ils y ont implanté. Deux ou trois bâtiments d'une architecture douteuse traversée de quelques éclairs de génie :  au-dessus des bâtiments commerciaux de style vaguement "stalinien", ils ont implanté un quartier de maisonnettes aux allures plus traditionnelles, dans un large "jardin suspendu". Grâce à une demi-douzaine de passerelles, on peut passer d'un dessus de bâtiment à l'autre, tout en restant dans le jardin-village.

Je marche, je marche... Et j'arrive en bord de Meuse. Pas mal non plus, les promenades qu'ils ont créées en bord de Meuse. Mais bref, comme je commence à fatiguer, je m'assieds sur un banc. J'allume une cigarette. Je regarde passer les bateaux, les "touristiques", les péniches... A un moment donné, à la fin de ma deuxième ou troisième cigarette, je vois passer un hors-bord. Dont je me dis que, s'il était à moi, j'en remplacerais le drapeau belge par un drapeau sudiste. Je m'en fais tout un cinéma, (et vivent les fantasmes !), hésitant entre le second drapeau naval de la marine confédérée (trop proche de l'actuel drapeau de l'Union européenne) et la "Southern Cross" dessinée par le général Beauregard.

Le hors-bord s'éloigne... Je finis ma cigarette... Je me lève... Et à ce moment-là, dans un nouvel angle de vision, je vois approcher une péniche, le Merrimack.

Là, j'ai un peu capoté. Le fantasme sur le drapeau sudiste immédiatement suivi de cette apparition... !

A ce moment-là, je connaissais bien l'histoire du Merrimack, mais j'ignorais encore les dates. 

Je continue ma promenade. Est-ce que je planais, ou est-ce que je marchais ?

Je retrouve ma caisse au boulevard Piercot, je reviens à Bruxelles. Dans mon appart', je saute sur un bouquin, "La Guerre de Sécession" de James McPherson, je cherche "Merrimack"... Et je constate que c'est le 20 avril 1861 que les Sudistes prennent possession du Merrimack pour en faire le Virginia. 

Les rationalistes diront :  "20 avril ?  Pure coïncidence". Où est le problème ?"  

Sache bien quand même que cette péniche baptisée Merrimack, existe bel et bien. Je ne l’ai pas rêvée. D’une capacité de 1500 tonnes, long de 80 mètres, l’Oo° MS Merrimack °oO, dont le « port d’attache » est Thuin, navigue sur la Meuse, et sur les canaux du Centre et de Bruxelles-Charleroi. 

Il y a quelque chose de magique à Liège. Qu’en penses-tu ?

Très affectueusement,


Charles



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