Le marquis de Gages
1739-1787
RITUEL AU 3ème DEGRE DU MARQUIS DE GAGES
1763
(Bibliothèque Nationale, fonds maçonnique Ms. FM79)
François Bonaventure Joseph du Mont, marquis de Gages, est
né à Mons (Hainaut) en 1739, dans ces Pays-Bas autrichiens qui deviendront la Belgique
une centaine d’années plus tard. Il est l’une des figures principales de la
Maçonnerie dans les Pays-Bas autrichiens.
Au cours de sa carrière maçonnique fort riche, le marquis de
Gages rédige, en 1763, un rituel d’initiation au 1er degré de la
Maçonnerie symbolique, suivi d’un rituel de passage au 2ème degré,
puis d’un rituel d’élévation au 3ème degré.
Le texte présenté ci-après est un extrait du rituel d’exaltation
au 3ème degré. Il s’agit d’une section de rituel qui porte le nom d’Instruction.
Son contenu évoque la légende d’Hiram, personnage-clé du symbolisme de ce 3ème
degré.
Hiram est un personnage biblique, présent dans Rois et
Chroniques de l’Ancien Testament. Les informations données par la Bible à son
sujet sont relativement limitées. Il sera introduit dans les rituels
maçonniques vers 1725, « enrichi » cette fois d’une légende fort
détaillée, dont on ne trouve guère trace dans l’Ancien Testament.
La version de cette légende interprétée par le marquis de
Gages est grandement semblable aux autres versions, qui la précédèrent ou lui succédèrent.
De nos jours, la loge « Le Marquis de Gages » à l’Orient
de Waterloo, affiliée à la Grande Loge Régulière de Belgique, ainsi que la loge « Le
Marquis de Gages » également à l’Orient de Waterloo mais affiliée à la
Grande Loge de Belgique, rappellent le souvenir de cet illustre Franc-Maçon.
Charles Saint-André
*
CONSTRUCTION DU TEMPLE ET MEURTRE D'HIRAM
Extrait du Rituel du Marquis de Gages au 3ème degré (1763)
Mon Frère David se voyant paisible possesseur de son royaume
par les victoires qu'il avait remportées contre ses voisins et ses ennemis les
Ammonites, résolut de faire bâtir un temple à la Divinité pour qu'elle fut
adorée dans un lieu à l'abri des injures du temps et y faire déposer pour cette
fin l'Arche sainte dans ce lieu afin d'y être établie ; mais les Ammonites,
peuple belliqueux, rassemblèrent encore quelque légère troupe pour inquiéter
David, qui, méprisant ce peu de troupes, ne daigna point aller les combattre
lui même.
En conséquence, il envoya Joab, général de ses armées, connu
par sa bravoure, à la tête de quelques légères troupes mais suffisantes pour
dompter ses ennemis. Pendant que le brave général combattait pour son roi,
David restait tranquille et dans l'oisiveté à Jérusalem pour attendre la
défaite de ses ennemis. Comme l'oisiveté est la mère de tous les vices, David
ne sachant que faire, fut un jour vers le midi pour se promener sur la terrasse
de son palais. Il n'y fut point arrivé qu'il vit dans les bains vis-à-vis de
lui, une femme d'une beauté ravissante qui s'y baignait, et cette femme lui
paraissait extrêmement belle et qui l'était en effet, lui fit concevoir le
dessein de la connaître pour en jouir.
A cet effet, s'adressant à ses gardes, il leur demanda qui
était cette femme. On lui répondit qu'elle se nommait Bethsabée, femme d'Urie,
un de ses fameux capitaines. Aussitôt, il l'a fit venir chez lui et commit
l'adultère avec elle dont elle devint grosse. Cette femme, se voyant en cet
état et craignant d'être obligée au retour de son mari qui était à l'armée et
qui la trouvant en cet état, ne porta ses plaintes et par la lui faire subir
l'arrêt porté contre ce crime qui était d'être lapidée, elle en parla à David
en lui représentant sa crainte. David la rassura en lui disant qu'il allait lui
donner une preuve de son amour en ce qu'il allait faire. Pour cet effet, il
dépêcha un courrier vers Joab, son général, avec ordre de tâcher d'engager un
combat et que dans le plus fort de l'action, il tâcha de faire périr le mari de
cette femme en l'exposant seul au milieu de l'ennemi. ce barbare ordre fut
exécuté à point nommé puisque le brave Urie périt dans ce combat en sacrifiant
sa vie pour les intérêts d'un prince qui le sacrifiait à sa brutale passion. La
nouvelle n'en fut pas sitôt venue à David qu'il épousa Bethsabée. Ces deux
crimes ayant irrité Dieu contre lui, il lui envoya son prophète Nathan pour lui
représenter l'énormité de son crime et lui prédire la mort de tous ses enfants
excepté celle de Salomon. David reconnut sa faute et en fit pénitence pour
apaiser la colère de son Dieu mais en s'apercevant que le châtiment suivait la
prédiction que le prophète lui avait faite, et que Dieu pour ses crimes ne lui
permettrait pas d'exécuter le saint projet qu'il avait médité et voyant la
ruine de ses enfants ainsi que la sienne commençait à s'exécuter, se voyant
vers sa fin, il fit venir son fils Salomon et lui faisant part de ce qu'il
avait promis à Dieu, il lui céda sa couronne, perdant la vie de douleur peu de
moment après.
Salomon, se voyant héritier du trône de son père, n'eut rien
de plus pressé que de faire exécuter le saint projet qu'il avait conçu en
dédiant un temple à la majesté divine. Pour cet effet, ayant appris qu'il y
avait dans Tyr un excellent ouvrier et fameux architecte qui se nommait Hiram,
il dépêcha un courrier avec une lettre à son allié le roi de Tyr que l'on
nommait aussi Hiram, dans laquelle il le priait de lui envoyer son fameux
architecte en lui faisant part de ce qui l'obligeait d'en avoir besoin de cet
habile homme. Le roi de Tyr pour satisfaire aux intentions de son ami et allié,
le roi Salomon, lui envoya son architecte et ami Hiram et lui fit tailler une
prodigieuse quantité de cèdres du Liban qui étant prêts à mettre en oeuvre
furent embarqués sur le Jourdain et vinrent s'arrêter à Jérusalem pour la
construction de cet édifice. Hiram étant arrivé à Jérusalem, le roi Salomon le
reçut avec honneur et amitié, puis ils tinrent conseil ensemble pour le
commencement de ce saint édifice.
Hiram fit d'abord trois classes dont une d'Apprentis, une de
Compagnons et une de Maîtres, et, leur recommandant de faire chacun en
particulier leurs devoirs, il les avertit qu'ils seraient tous payés chaque
samedi au soir. Ils les payait effectivement, mais, vers la fin du mois,
s'étant aperçu qu'il était dupé dans le paiement puisqu'il se trouvait à court
d'argent, il s'imagina qu'il fallait que les Apprentis ou les Compagnons le
dupassent en recevant la paye de Maître. Pour remédier à cet abus, il fit
construire à l'entrée du temple, deux grandes colonnes d'airain de dix-huit
pieds de hauteur, posées sur des piedestaux de huit pieds de hauteur et
décorées des chapiteaux de cinq pieds de hauteur. À celle de l'entrée du
temple, à gauche, il fit mettre les lettres I et F.·. Cette colonne fut dédiée
pour les Apprentis qui moyennant un mot, un signe, un attouchement et une passe
y venaient déposer leurs outils et recevoir le salaire de leurs travaux. À la
colonne de la droite, il fit poser les lettres B.·. et B.·.. Elle servait aux
Compagnons qui aussi moyennant une parole, signe, passe et attouchement, y
venaient de même recevoir le salaire de leurs travaux. Les Maîtres étaient
payés dans la chambre interne, qui venaient y frapper en ce grade et donnant un
mot, signe, passe et attouchement, ils recevaient aussi le salaire de Maître.
Trois scélérats de Compagnons, qui avaient accoutumé de se
glisser parmi les Maîtres pour en recevoir le salaire, se voyant par cet
arrangement frustrés de cette paye, résolurent de se la procurer à n'importe
quel prix que ce fût. Et voyant bien qu'ils ne pourraient l'avoir qu'en tâchant
d'avoir la parole, la passe et l'attouchement du Maître, ils tinrent conseil
ensemble de la façon qu'ils se prendraient pour la capter. Ils ne trouvèrent
point d'autre moyen que celui de se la faire donner de gré ou de force à notre
respectable Maître Hiram. Mais l'exécution était difficile parce que notre
Maître n'allait jamais seul et était presque toujours dans le cabinet de Salomon
pour consulter avec ce sage roi sur les dessins du plan du Temple. Mais comment
le démon d'avarice les possédait, ils épièrent tant qu'ils s'aperçurent que
notre Maître allait tous les soirs vers la mi-nuit dans le temple pour faire sa
prière à Dieu et voir si les Maîtres faisaient bien exécuter les plans qu'il
leur donnait. Ils résolurent donc de se cacher dans le temple pour y surprendre
notre Maître. La difficulté en était grande puisque tous les Maîtres au nombre
de 5593, d'abord après les travaux finis faisaient une exacte recherche pour
voir auparavant de fermer le temple, si personne ne s'y cachait pour en voler
quelque chose. Mais ils s'aperçurent que dessous les escaliers du Temple, il y
avait un dépôt où on mettait les vieux outils brisés et comme ils virent que
cet endroit pourraient servir à les receler et les cacher sans être aperçus,
ils résolurent donc de s'y cacher pour surprendre notre respectable Hiram
lorsqu'il y viendrait. En conséquence, vers la fin des travaux, ils brisèrent
leurs outils et faisant semblant de les apporter au dépôt, ils s'y cachèrent en
mettant devant eux un tas d'outils brisés. Tous les Apprentis et Compagnons
étant sortis et les Maîtres ayant fait la revue dans le Temple, ils ne purent
voir ces trois malheureux. En conséquence, ils fermèrent bien exactement les
portes et furent se reposer.
Ces trois scélérats ayant vu leur ruse réussir sortirent du
malheureux endroit qui avait si bien servi à les receler. Ils tinrent donc
conseil ensemble et dirent qu'il fallait pour ne point manquer notre Maître,
qu'ils se plaçassent un à chaque porte, bien armé afin d'obliger notre
respectable Maître à leur donner de gré ou de force ce qui devait leur procurer
la paye de Maître. Ils furent donc se placer à la porte de l'Occident armé
d'une règle, l'autre à la porte du Midi armé d'un maillet et l'autre à la porte
d'Orient armé d'un levier. Notre respectable Hiram allant selon sa coutume
faire sa prière à son Dieu et prendre inspection des travaux vers la mi-nuit,
vint ouvrir la porte d'Occident et l'ayant refermée sur lui, il aperçut le
premier de ces misérables qui levant sa règle lui dit : « Le mot de Maître, sa
passe et ses signes ou la vie ». notre Maître sans s'émouvoir lui dit : « Mon
ami, je ne l'ai point reçu, ni donné de cette façon. Travaille, par ton zèle,
ton assiduité et te travaux, mérite qu'ils te soient confiés ». Ce misérable
n'étant point content de cette réponse lui détacha un coup de sa règle sur
l'épaule gauche.
Notre Maître fut pour se sauver par la porte du Midi mais il
trouva le deuxième de ces malheureux qui levant le maillet sur lui, lui dit : «
Arrête, il nous faut les paroles, les signes et les attouchements de Maître ou
tu périras ». Notre Maître lui dit : «Malheureux, ne crois point m'intimider.
Rien au monde n'est capable de me faire enfreindre un secret que j'ai promis de
garder. Travaille, par ton courage, ta force et ta constance, mérite qu'il te
soient confiés ». Mais ce misérable en colère de la réponse de notre Maître,
lui cingla un grand coup de maillet sur l'épaule droite qui étourdit notre
Maître. Mais comme il avait confiance en Dieu et voyant que c'était un complot,
il recueillit ses forces et fut pour se sauver par la porte d'Orient où il
trouve le 3ème de ces scélérats qui levant son levier sur lui, lui dit : « Ne
crois point de nous échapper, il nous faut les mots, signes, passe et
attouchements de Maître ou ta vie ». Notre Maître sans s'émouvoir lui dit : «
Misérable scélérat, ne crois point que la mort que tu présentes à mes yeux soit
capable de me faire révéler un aussi important secret et surtout m'y étant
engagé par serment. Non, travaille et sois repentant de l'action indigne que
vous commettez. Que ton zèle, tes travaux et ton assiduité mérite que ce fameux
secret te soit révélé. J'oublierai que vous m'avez offensé et serai le premier
à vous le faire accorder. » Mais ce malheureux que le démon d'avarice
possédait, se voyant par la fermeté de notre Maître frustré de pouvoir en
savoir les secrets pour recevoir la paye, lui décharge un si rude coup sur la
tête qu'il le renversa mort.
En cet endroit on donne un coup sur la tête du récipiendaire
et les Surveillants le renversent sur le cercueil en le couvrant du drap.
Alors le Maître continue :
Je te conjure aux mânes du respectable Hiram de paraître à
nos yeux pour nous faire lire au fond de son coeur, savoir s'il n'a point
trempé ses mains dans le sang de l'innocent et s'il n'a point tourné nos
mystères en dérision. Paraît, chère ombre, si respectable à nos yeux et à nos
coeurs et ne permets point que tes enfants se trompent dans le choix de leurs
Frères.
Celui qui est dans le cercueil saisit le récipiendaire par
le milieu du corps et dit :
Pourquoi viens-tu troubler mes cendres et ne connais-tu
point la fausseté des hommes. Apprends, cher Maître, que le Compagnon que je
tiens, n'a point trahi notre divin secret mais sa vie n'a point été des plus
exactes. C'est à vous autres à le corriger. Lorsqu'il paraîtra à l'Orient
devant toi, au pied du trône de la vérité et de la justice, je te ferai lire au
fond de son coeur. Et toi, nouveau Maçon, prends garde lorsque tu seras en cet
endroit pour renouveler ton obligation, de ne point en imposer car je
t'obligerai avant le jour de m'en rendre compte. A revoir à midi ou plus.
Alors, il le lâche et le Maître continue l'histoire par ces
paroles :
Ces trois scélérats ayant ôté la vie à notre Maître par ce
dernier coup de levier qu'ils lui donnèrent, comme le jour commençait à
pointiller et crainte d'être découverts, ils le mirent sous les décombres du
Temple puis fermèrent les portes et s'en furent.
Tous les ouvriers étant revenus au travail, il y vinrent
comme les autres pour examiner si l'on ne découvriraient rien de leur crime et
voyant que la fin des travaux approchait, ils se cachèrent au même endroit et
lorsqu'ils jugèrent que tout le monde se reposait, ils ôtèrent notre Maître de
dessous les décombres, le sortirent hors du temple, fermant encore bien les
portes. Ils le transportèrent sur le mont Sinaï, ayant envie de le porter dans
l'endroit le plus inaccessible de la montagne afin que leur crime restât
enseveli. Mais comme le jour approchait de paraître, ils firent vite une fosse
de sept pieds de longueur, de trois pieds de largeur et de six de profondeur et
le mirent vite dedans, le recouvrant de terre. Et pour reconnaître l'endroit,
ils prirent une branche d'acacia dont de cette montagne était couverte et la
plantèrent sur la fosse afin de pouvoir le transporter plus loin à plus grand
loisir. Et comme ils étaient effarouchés de leur crime, en couvrant notre
Maître, ils laissèrent tomber une équerre et un compas dans ladite fosse, dont
l'équerre à la tête et le compas aux pieds, et se retirèrent sans y prendre
garde pour revenir vite à leurs travaux. Le troisième jour de l'assassinat, le
respectable Salomon, ne voyant point paraître le respectable Hiram selon sa
coutume pour lui faire part de ses nouveaux plans qu'il traçait, craignit qu'il
ne lui fut arrivé quelque chose et pour ne point faire du bruit, il fit appeler
tous les Maîtres pour savoir ce qu'il pouvait être devenu. Mais tous les
Maîtres étant rendus à la chambre interne et Salomon leur ayant fait la demande
s'ils n'avaient point vu le respectable Maître Hiram, ils répondirent que
depuis trois jours il n'avait paru dans aucun atelier. Alors Salomon dit qu'il
fallait que l'on l'eut assassiné. Les Maîtres pour faire voir qu'ils n'avaient
point trempé leurs mains dans son sang se lavèrent les mains et dirent qu'ils
étaient innocents. Salomon alors dit qu'il fallait faire une exacte recherche
partout à la sourdine et tâcher de savoir ce qu'il pouvait être devenu.
Mais comme tous les Maîtres pour montrer leur zèle voulaient
aller faire cette recherche, Salomon dit qu'il n'en fallait que neuf et pour ne
point faire de jaloux il les fit tirer au scrutin. Neuf des plus zélés y
tombèrent. Salomon leur ordonna de retourner à leurs ateliers pour ne point
faire soupçonner que l'on ne se fut aperçu de l'absence du Maître Hiram. Les
neufs qui étaient tombés pour aller à la recherche tinrent conseil ensemble et
dirent qu'il fallait fouiller les environs de Jérusalem à neuf lieues à la
ronde et que le neuvième jour, ils se retrouveraient tous ensemble sur la montagne
du Sinaï surnommée la montagne d'acacias à cause de la grande quantité d'arbres
qu'il y avait qui portaient ce nom. Pour mettre leur dessein à exécution, trois
partirent de la porte d'Occident, trois par la porte du Midi et trois par celle
de l'Orient et ils voyagèrent trois fois trois jours sans rien découvrir. Le
neuvième jour s'étant tous retrouvés sur ladite montagne et s'étant fait
rapport de l'inutile recherche qu'ils avaient faite, huit dirent que lassés de
courir inutilement, ils s'en retournaient à Jérusalem faire leur rapport à
Salomon. Mais le neuvième plus zélé que les autres, leur dit qu'il ne s'en
retournerait point qu'il n'eût fouillé toute cette montagne mais fatigué lui
même, il voulut se reposer. Pour cet effet, s'appuyant à une branche d'acacia
pour s'asseoir par terre, ladite branche lui resta dans la main et par ce
moyen, il vit la terre fraîche et nouvellement remuée. Il s'imagina que cela
devait renfermer quelque mystère. Il se releva promptement et courut rappeler
ses camarades, leur faisant part de ce qui venait de lui arriver en leur
montrant l'endroit. Pour lors, ils dirent tous ensemble qu'il fallait fouiller
et creuser la terre en cet endroit et d'abord ils le firent. Ils ne l'eurent
pas creusé cinq pieds qu'ils trouvèrent une équerre à la tête d'un cadavre
qu'ils aperçurent, et un compas au pied. Ledit cadavre était au signe de
Compagnon, la main gauche le long de la même cuisse. Il était couvert d'un
linge teinté de sang. Ils jugèrent d'abord qu'il fallait que ce fût le Maître
Hiram, que quelques malheureux Compagnons eussent assassiné pour avoir les
secrets des Maîtres, et ils résolurent dès lors que, au cas que le malheur
voulût que ce fusse lui, ils changeraient tous les secrets du Maître et que
pour ce faire les signes qu'ils feraient dans le mouvement qu'ils se
donneraient pour le lever et les paroles qu'ils diraient, de même que la façon
dont il le prendraient pour le sortir de la fosse serviraient dorénavant aux
Maîtres. Ils achevèrent donc de tirer la terre et levant le linge qui lui
couvraient la tête, ils reculèrent d'effroi, reconnaissant le respectable
Hiram. En tournant la tête et en portant la main droite sur le coeur, le pouce
posé sur la main en l'air, les quatre doigts serrés formant l'équerre et de la
gauche la levant en l'air, ils formèrent deux équerres, puis pour le relever de
la fosse, un le prit par l'index et dit "Jakin", la peau lui resta
dans la main ; l'autre le prit par l'index et dit "Booz", la peau lui
resta de même. Un troisième le prit par les cinq points de perfection : pied
contre pied, genou contre genou, poitrine contre poitrine, joue contre joue, la
main gauche en grippe sous l'épaule gauche et la main droite en grippe à son
poignet, il le releva de la fosse disant "Mac Benac". Les autres tournent
la tête, dirent "Giblim", puis ils attendirent le soir pour le
transporter à Jérusalem à la sourdine afin que rien ne transpirât. Le soir
étant venu, ils l'enveloppèrent et le transportèrent à Salomon dans le cabinet
lui montrant les deux outils qu'ils avaient trouvés, ce qui fit que l'on jugea
que c'étaient les Compagnons qui avaient fait ce meurtre. En conséquence,
Salomon ordonna d'aller le lendemain visiter tous les ateliers.
Mais les trois scélérats qui avaient commis cet assassinat
et qui voulaient transporter le cadavre de notre Maître plus avant dans la
montagne, s'étant aperçu d'une rumeur dans les Maîtres, se doutèrent que l'on
s'était aperçu de l'absence du respectable Hiram. En conséquence, ils
veillaient jour et nuit pour découvrir si l'on ne les trouveraient point dans
le lieu où ils l'avaient enterré et si l'on ne faisait pas des recherches, et,
ayant compté les Maîtres, voyant qu'il en manquait, ils étaient à tout moment
aux écoutes pour voir leur retour. Ils les virent donc revenir un soir portant
un cadavre dans le cabinet de Salomon. Ils se doutèrent d'abord que c'était
notre Maître et que l'on avait découvert le lieu où ils l'avaient caché. Comme
ils s'étaient aperçu qu'ils avaient enterré par mégarde deux de leurs outils,
ils jugèrent qu'ils seraient découverts par cet indice, puisque les outils
étaient marqués selon les ateliers, de façon que d'abord ils prirent la fuite.
Les Maîtres faisant la visite de l'atelier des Moabites, trouvèrent donc que
trois Compagnons manquaient dans cet atelier et qu'ils s'étaient sauvés. Ils
vinrent d'abord faire ce rapport à Salomon qui promit des grandes récompenses à
ceux qui pourrait lui livrer ces trois malheureux. Et d'abord il fit faire un
tombeau des plus superbes dans le sanctuaire et reprenant notre Maître par les
mains aux cinq points de perfection, ils le fit inhumer et mettre dans le
cercueil, faisant mettre une plaque d'or dessus où il fit graver l'ancien mot
de Maître qui était «Jéhovah », et puis il fit tendre sa chambre de deuil et voulut
que l'on le portât dans tout son royaume.