TRADITIONS Traditions et légendes de la Belgique - (05) - Mai


Mai
"Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579)




TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE



Otto von Reinsberg-Düringsfeld 



MAI

Le mois de mai, ou mois de « Maja, » qui, dans presque tous les dialectes germaniques, a perdu son nom primitif pour prendre le nom latin, est connu en Flandre sous la dénomination de « bloeimaend, » mois de la floraison.

Charlemagne donna à ce mois le nom de « winnemanôth » ou « wunimanôth, » de « winnê » ou « wunna » (en gothique « vinja »). Ce dernier mot, qui signifiait en vieux teuton « prairie » ou « pacage, » était aussi employé pour « délices. » Aussi dans les poètes du moyen-âge « Mai » a-t-il toujours le sens de « temps joyeux de l'été » ou « époque des plaisirs du printemps. » C'est pourquoi les Flamands en ont formé le nom de « wonnemaend » ou « woenstmaend, » mois des délices.

Les Anglo-Saxons désignaient le mois de mai du nom de « drimilchi » mois des trois laits, parce que en mai les vaches donnent du lait trois fois par jour.

Tandis qu'anciennement le mois de mai s'appelait aussi « vrouwenmaend, » mois de la dame, nom qui se rattachait probablement Freija, la Vénus germanique, il reçut au siècle dernier le nom de « mois de Marie, » et fut particulièrement consacré à la Vierge.

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1er mai.

(Tulipa Gesneri.) SS. Philippe et Jacques, apôtres,
auxquels deux églises du diocèse de Namur sont dédiées.


De tout temps et dans tans les pays de l'Europe le premier jour de mai a été célébré par des cérémonies particulières, qui se sont maintenues en grande partie jusqu'à nos jours.

Bien que ces usages diffèrent d'après le caractère et la condition de chaque peuple, ils offrent néanmoins entre eux une grande analogie, et se rattachent les uns comme les autres à l'idée du retour de l'été. De toutes les coutumes, celle de planter l'arbre de mai ou le « mai, » est la plus répandue.

En Brabant, dans presque toutes les communes, on plante le mai ou « meiboom » sur la place publique, devant les chapelles et les images de la Vierge, aux carrefours, devant la cure et devant la porte des personnes notables que l'on veut honorer. A Aerschot et dans les autres pays de la Campine, on le plante également devant la porte de chaque école.

Ces mais sont de grands arbres, décorés de petits gonfalons en couleur, de couronnes de fleurs, de rubans et d'oripeaux, auxquels on ajoute souvent des écriteaux ornés de vers relatifs à la circonstance.

Chaque quartier pourvoit à la décoration de son arbre, dont la plantation se fait à minuit sonnant, au milieu des transports de joie de tous les assistants. Des coups de fusil et de la musique accompagnent parfois la cérémonie.

A la fin du mois de mai on se rend, musique en tête., à chaque endroit OÙ se trouve un mai, lequel est alors mis en pièces et brûlé. A cette occasion, les personnes notables des environs de Diest, régalent la troupe des jeunes gens qui, le premier du mois, ont planté le mai devant leurs demeures.

Dans plusieurs provinces l'usage s'est maintenu jusqu'aujourd'hui de planter des mais devant la maison des filles non mariées. Dans les environs d'Aerschot, un arbre élevé et très-feuillu distingue la demeure des vierges jeunes et vertueuses, tandis qu'un arbre desséché, et dont il ne reste que le tronc, désigne la maison des vieilles filles. Une musique harmonieuse accompagne la plantation du premier, un charivari horrible, celle du dernier [1].

Dans les villages voisins de Contich, l'amant timide profite de cette occasion pour déclarer sa tendresse, en plantant furtivement un mai devant la fenêtre de la chambre à coucher de celle qu'il aime.

Dans quelques localités de la Campine, les jeunes gens grimpent, pendant la nuit, sur les toits de leurs vertueuses maîtresses, et y attachent des branches de buis ou « meipalmen. » Malheur aux jeunes filles qui ont forfait à l'honneur, ou qui ont été inconstantes en amour. Un mannequin est placé à califourchon sur le toit ou attaché à un arbre élevé vis-à-vis des fenêtres de leur chambre à coucher. Ces mannequins, qui s'appellent « voddeventen, » sont de grandeur naturelle, faits en paille et revêtus de vêtements d'homme. En revanche, les jeunes gens orgueilleux, qui courent partout après une femme riche, sont quelquefois gratifiés, le 1er mai, de « voddewyven, » figures de paille habillées en femmes.

Dans le pays de Limbourg on attache une branche de laurier, de sapin ou de bouleau, décorée de rubans, de papier et d'oripeaux de différentes couleurs, à la porte des jeunes filles, dont la réputation n'a reçu aucune atteinte, un bouquet de persil à la porte des jeunes filles dont la conduite a été irrégulière.

A Spa, les jeunes gens expriment leurs sentiments par des écriteaux qu'ils attachent aux mais, ainsi que par l'espèce d'arbre ils se servent pour faire le mai. Sur ces écritaux on lit:

Mai de chêne
Je vous arène (aime).
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Mai de core (noyer)
Je vous adore.
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Mai de buis
Je vous haïs.

A Ath on attache une branche de verdure à la porte des jeunes filles vertueuses, une poupée en paille, appelée « mahomet » (1) vis-à-vis de la porte ou de la fenêtre des filles qui, dans le courant de l'année, sont devenues mères sans être mariées.

[(1) Au nord de la France, où la même coutume subsiste, cette poupée s'appelle « marmouset. »]

En Flandre existe le même usage. Dans les villes on attache souvent aux sonnettes de la maison des écriteaux ou des lettres contenant l'énumération de toutes les actions légères dont la jeune fille s'est rendue coupable pendant l'année.

A Ypres on plante des mais bien décorés devant la porte de toutes les jeunes femmes mariées depuis le 15 avril; celles-ci, de leur côté, sont tenues de donner un bal champêtre pendant l'été.

Dans les environs de Bruges, où le 1er mai est un jour de déménagement, on plante le mai devant la maison de ses nouveaux voisins, qui paient leur bienvenue par un régal ou « fooi. »

On y plante aussi des mais devant la porte de ceux qui, sans avoir égard au proverbe populaire: « mai-ee, boos-ee » célèbrent leur mariage au mois de mai. Mais quand de deux amants l'un est devenu infidèle à l'autre et l'a abandonné pour se marier ailleurs, on parsème d'étoupes le chemin qui conduit de sa maison à celle de sa nouvelle inclination (ce qu'on appelle « de krote dragen »), et on attache un mannequin devant la porte de celui ou de celle qui est infidèle.

Dans les villages entre Wareghem et Iseghem le 3 mai est d'habitude le jour, où l'on plante, devant les crucifix et les vierges des places ou des chemins publics, le mai décoré de fleurs et de papier colorié. Le soir les jeunes filles y chantent des cantiques. Mais le premier jour de mai, les pauvres vont déjà de porte en porte avec une branche de bouleau, couronnée de fleurs, et chantent devant les maisons une chanson de mai. Ces chansons sont en Belgique aussi anciennes que populaires.

Dans la Flandre orientale, vers la frontière hollandaise, des jeunes gens munis chacun d'un mai et d'un petit panier vont, la veille du 1er mai, par troupes, de maison en maison, quêtant des œufs et chantant en chœur la chanson suivante:

De koude winter is nu verdwenen,
den zoeten zomer die komt er al aen :
dan ziet gy al de bottekens [2] en boomen
            te bloeyen staen.

Onze Lieve Vrouwe de weerdige bruid,
zy liet haer vallen al op het kruid,
alle de bloemkens die spruiten daer uit,
            de dobbele pioene [3]
            die staet er alzoo groene.

Ay! wie heeft er de mei van doene? [4]
de vischkens in het watere,
de vogelkens in de weî,
al die zingen te samen de groene mei.

Les derniers quatre vers ne sont chantés que par ceux qui restent devant la maison, tandis que les autres jeunes gens y entrent offrent à chacun qui leur donne quelque chose, une branche de mai grande à proportion du don [5].

Dans les environs d'Eecloo les enfants bien parés font la quête. Ils portent au bras un petit panier rempli d'étoupe en forme de nid, et à la main un faisceau de petits gonfalons en papier colorié, coupés en triangle, et demandent des œufs en chantant une chanson dont voici la copie, telle que Mme Heremans, de Gand, a eu l'extrême bonté de nous la communiquer:

                        Ik plantte mynen Mei
                        en ik brak er myn ei
            en de dooper viel uit myn schale,
vrouwken, wilde my geen ander eiken geven,
            Ik zal uw dochterken niet halen,
                        schiet diep in den nest,
            De zwart hoenderkens leggen best,
                        de witte niet te min,
schiet er tot over den kop den ellebogen in.
                        Vrouwke van den neste
                        langt er van de beste,
                        langt er zeventiene,
                        'k zal ze wel verdienen,
                        'k zal er mêe naer huis gaen
en in myn moeders koekebakpanneken slaen.

Dans les Ardennes les jeunes filles vont de maison en maison faire une quête pour le « mois de Marie », car le mois de Marie est célébré partout en Belgique : il n'est pas jusqu'aux hameaux où durant ce mois la Vierge n'ait un trône. Depuis que le R. P. Augustin des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, supérieur des Carmes déchaussés à Bruges, a introduit, en 1833, la pieuse pratique du mois de mai dans l'église de son couvent, l'une province près l'autre a suivi l'exemple de l'ancienne métropole des Flandres, et une sainte émulation s'est emparée de toutes les villes pour donner à cette dévotion le plus grand lustre possible.

A Anvers une commission particulière, nommée chaque année, est chargée de l'arrangement des décorations de la cathédrale, et les nombreuses images de Marie qui se trouvent aux coins des rues sont ornées de couronnes, de petits gonfalons et de rubans ou de papier colorié.

A Ath les enfants érigent de petits autels dans leurs chambres à coucher.

Bruxelles sut donner au mois de Marie un cachet particulier. L'autel et le trône de la Vierge ne sont ornés que de fleurs, et le 1er mai, on voit l'enfant du pauvre comme l'enfant du riche, apporter de ses mains [6] à Notre-Dame de la Chapelle le tribut d'une plante.

Il en est de même à l'église de Notre-Dame de Hanswyck à Malines. Rien de plus ravissant que ce sanctuaire élégant au mois de mai ! Avec leurs petites économies de chaque semaine, les enfants qui fréquentent les écoles, les ouvriers et les servantes contribuent à embellir l'intérieur de cette église pour le temps exclusivement consacré à Marie, et il ne se passe pas un jour durant tout le mois que la Madone ne reçoive en offrande un bouquet de fleurs ou un cierge bien décoré, qu'apporte en procession solennelle l'une ou l'autre des communes des environs.

Les statues de la Vierge placées dans les rues, sont également ornées de mais, de couronnes et de petits gonfalons, et dans les couvents de femmes les religieuses offrent, le premier jour de ce mois, à leur supérieure de petits présents attachés à un mai superbe qu'elles placent au réfectoire.

A Mons, chaque soir, à 8 heures, on dit des litanies devant les statues de Marie qui se trouvent dans quelques rues.

Les sérénades, la veille de mai, sont encore d'usage général. Dans chaque village, qui possède une société musicale ou harmonie, on en donne au bourgmestre, aux échevins et aux personnes de distinction [7]. En plusieurs villes les jeunes gens en donnent aussi à leurs maîtresses; à Dinant ils chantaient autrefois en chœur dans les rochers qui s'élèvent derrière les maisons de la rue principale, si toutefois la jeune fille en l'honneur de laquelle on chantait, ne demeurait pas trop loin des rochers.

Les danses des femmes tenant des flambeaux allumés à la main, ont depuis longtemps disparu, mais les danses à la ronde autour des mais, se sont maintenues jusqu'à nos jours [8] en bien des localités.

La grande popularité de la chanson :

'k heb 'nen meiboom in myn' hand
aen wien zal ik hem geven?
Aen myn zuster Engeland,
Engeland aen Leeuven.
            Danst eens ! Springt eens !
Jufvrouw gaet den dans eens rond
            en kust eens !

et de quelques autres chansons relatives à l'arbre de mai, nous prouve, que cette coutume était très-répandue autrefois.

A Lierre, on tendait dans chaque rue un câble auquel était suspendue une couronne artistement ornée de festons de fleurs, de verdure et de cocardes en papier de différentes couleurs, et sous cette couronne venait chaque soir du mois de mai la jeunesse du voisinage danser à la ronde en chantant [9].

A Venloo, où la décoration du mai est un objet de grande rivalité entre les habitants des différents quartiers, chaque jeune fille apporte la veille de mai, un cierge qu'on attache aux branches de l'arbre. A la nuit tombante on allume les cierges et l'on danse autour du mai étincelant de lumières.

Les rondes appelées « kraminjons » qui, jadis chaque soir du mois de mai avaient lieu dans les rues de Liége, deviennent plus rares d'une année à l'autre.

Aussi les idées populaires qui se rattachent au 1er mai, vont-elles se perdant de jour en jour. On dit encore qu'il est utile de tracer une croix sur la porte de sa maison le 1er mai.

Branches d'aune (elzenstaek) et de dragon végétal (drakenstaek) pendues sur la porte d'une étable, ce jour-là, préservent toute l'année les bestiaux de maléfice.

Une couronne de lierre terrestre (Glecoma hederacea) fait aimer par un jeune homme la fille qui s'en pare [10].

A Liége, les jeunes filles, confidentes de leurs mutuelles pensées, se réunissaient autrefois le 1er mai au moment du lever du soleil pour « lier le jonc »; elles cheminaient vers les confins d'une verte prairie, pour s'arrêter de préférence près d'un buisson d'églantier, protecteur du gazon destiné à leur opération mystérieuse. Chacune d'elles choisissait trois brins d'herbe, dont elle coupait les extrémités pour leur donner la même longueur; puis elle attachait à chacun de ces brins un fil de soie de couleur différente. Le noir représentait le célibat, le rouge l'amant inconnu, le vert l'objet des vœux secrets. Après dix jours d'attente, l'oracle se prononçait, par celui des trois brins qui avait surpassé les deux autres en hauteur [11].

A Anvers, les femmes stériles ou qui désirent avoir des enfants, vont la veille de mai attacher des couronnes de fleurs à la figure qui se trouve au Vieux-Bourg et que l'on croit être l'image de Fro ou de Frigg. Une statue de la sainte Vierge, placée au-dessus de cette figure a donné à cette coutume un motif conforme à la doctrine chrétienne.

Lorsque le trajet de Chênée à Chaudfontaine se faisait encore en bateau, la route d'aujourd'hui n'étant livrée à la circulation des voitures qu'en 1779, c'était le premier jour du mois de mai et au bruit d'une musique qui réveillait tous les échos des rivages, que les barques, au nombre de deux, commençaient chaque année leur service quotidien [12].

A Dixmude, le bourgmestre devait être nommé annuellement par le seigneur ou par son délégué. Il ne pouvait remplir cette charge que pendant trois ans, à moins que ces services éminents ne lui servissent de titre, pour être honoré plus longtemps de son emploi. Il touchait annuellement 150 florins. Les six échevins, dont chacun touchait 100 florins, étaient nommés pour le même temps et de la même manière. Ils composaient avec le « Ruwaerd » le bailli, le bourgmestre, le premier-pensionnaire-greffier, le deuxième-pensionnaire-greffier et le trésorier la régence, dont tous les membres avaient un costume pour les solennités, consistant en une robe et un manteau noirs, qu'on nommait « Keerel en schroo » [13].

L'ancienne abbaye de Forêt offrait un repas au maître-forestier, aux marchands jurés, aux sergents et aux autres serviteurs de la foresterie, qui, tous les ans le 1er mai rendaient visite à la communauté [14].

A Hazebrouck, au nord de la France, le 1er mai est ordinairement le jour des concours pour les pinsons. Les pinsonniers de toutes les communes d'alentour et une foule de spectateurs des provinces limitrophes de la Belgique, s'y rendent.

M. Édouard Fétis, de Bruxelles, en a publié une description excellente dans le journal le Voleur (no 35 de la vingt-cinquième année, page 348-9)

A Liége, le 1er mai, était autrefois un jour de réjouissance générale attendu avec impatience par les habitants de la ville et surtout par ceux de la citadelle.

Dès l'aurore, la fête du jour était annoncée par le roulement du tambour et par les fanfares joyeuses des clairons. A quatre heures et demie, la garnison était sous les armes; les officiers et les soldats apparaissaient en tenue d'été consistant en guêtres de toile blanche, culottes et gilets de coutil blanc, l'habit de toutes saisons en drap bleu, avec bavaroise et parements rouges, chapeau à cornes, bordé de galons blancs.

Les grands exercices commençaient au son de la musique militaire, composée d'excellents exécutants, et le pont-levis de la porte d'entrée étant baissé, une partie de la population de Liége et des environs envahissait la citadelle, pour se répandre dans les promenades et les remparts. Ce qui attirait surtout la foule, c'était le jardin magnifique dit « du commandant, » ouvert au public pendant six semaines [15].

Puis tout le monde se portait au quartier de Sainte-Balbine [16]. Une foule de pèlerins se pressait pour entrer dans la chapelle, d'autres renonçant à y trouver place se mettaient à genoux en dehors.

Après les dévotions, le plus grand nombre prenait ses ébats dans les cabarets ou sous les tentes, qui, dressées à la file les unes des autres, présentaient l'image d'un camp et servaient de cantines où l'on faisait frire des saucisses ou des œufs, et où l'on vendait de la bière.

Depuis l'arceau de Pierreuse jusqu'à la porte de Sainte-Walburge on passait au milieu de rues étroites et non interrompues, formées par des tables chargées d'objets de fantaisie et par des étalages de marchandes de petits pains, criant à tue tête : « haie! mes bais pissans tortais! » Avec ces cris se confondaient ceux de : « haie! Babilone! [17] »

A côté, dans la prairie, se trouvaient tous les genres d'amusements les marionnettes, les optiques, les jeux de bagues [18], les chanteurs ambulants, les charlatans, etc., partout on voyait des groupes assis à l'ombre des ormes et mangeant les provisions apportées ou achetées sur la place. Le pot de bière allait à la ronde et faisait éclater sur son passage le rire et les bons mots dont l'idiôme liégeois est si bien pourvu.

En plusieurs endroits étaient établies des danses en plein air, où jeunes et vieux sautaient au son de la clarinette et du violon jusqu'à la nuit close [19].

A Malines, la chapelle de Saint-Rombaut qui n'existe plus et dans laquelle les reliques du saint se conservèrent, attirait autrefois en ce jour un concours immense de fidèles.

A Russon dans la Hesbaye a lieu une très-célèbre procession en souvenir du martyre de saint Evermaire.

Ce saint, né en Frise, de parents nobles, au temps de Pépin de Herstal, s'en vint dans la Gaule-belgique, pour y visiter les tombeaux des saints morts depuis peu, entre autres celui de saint Servais, à Maestricht. Mais, surpris par la nuit à l'entrée de la grande forêt de Ruth et craignant de s'y égarer, il alla demander l'hospitalité à Herstappe, hameau qui appartenait alors à Hacco, chef féroce d'une bande de brigands. Evermaire, ignorant ces circonstances, demanda gîte pour une nuit, et la femme de Hacco, qui était seule en ce moment, accueillit le saint et ses compagnons de voyage avec la plus affable charité, tout en les avertissant de quitter la maison le lendemain de grand matin, s'ils voulaient échapper aux violences de son mari. Pour se conformer à cet avis, ils entrèrent au soleil levant dans la forêt de Ruth, où, trouvant un lieu convenable, ils se livrèrent au repos.

Mais peu d'instants après leur départ de Herstappe, Hacco était rentré chez lui. Apprenant que des étrangers venaient d'en sortir après y avoir passé la nuit, devint furieux et se mit sur-le-champ à leur poursuite. Il les trouva endormis au bord d'une fontaine et les tua. Ayant dépouillé les cadavres, les assassins les laissèrent sur place sans sépulture.

Quelque temps après, des officiers de la suite de Pépin, qui chassèrent dans la forêt de Ruth, trouvèrent les victimes de Hacco. S'occupant de les enterrer, ils remarquèrent que le corps d'Evermaire brillait d'une beauté lumineuse qui le distinguait des autres. C'est pourquoi ils lui donnèrent une sépulture particulière.

La forêt ayant été coupée plus tard, il s'éleva, à l'endroit du meurtre, un village qui conserva d'abord le nom de Ruth et s'appela ensuite Rothem, et à la fin Russon. Rozelin, son premier pasteur, ayant découvert le tombeau d'Evermaire, en donna avis à l'évêque de Liége, Eracle, et celui-ci ordonna, en 969, d'exhumer le corps et de le transférer dans l'église de Russon, qui dès lors fut érigée en collégiale.

L'an 1073, Wéry, abbé de Borchette, fit construire de ses propres deniers une chapelle, sous l'invocation de la Vierge, pour y recevoir les restes de saint Evermaire, et la translation s'en fit en présence de l'évêque Théoduin.

Cette chapelle, remise à neuf il y a vingt ans, s'élève au milieu d'un prairie clôturée d'une haie, sur l'emplacement présumé du meurtre. Des hêtres noirs et des arbres verts sont plantés à l'entour. Le tableau du maître-autel représente la scène du meurtre des pèlerins, les deux autels latéraux sont ornés, l'un de la statue de la Vierge, l'autre de celle de saint Evermaire; contre le mur, à côté, est une châsse en bois doré renfermant les reliques du saint, à l'ouest de la prairie, dans l'un des angles que forme la haie, se trouve une fontaine dont les eaux sont regardées comme un excellent spécifique contre la fièvre tierce.

C'est vers cette chapelle que, le 1er mai, se dirige, en sortant de l'église de Russon, la procession qui, sous plus d'un point, est une des plus intéressantes du pays. Les deux bedeaux de la paroisse, dans le plus bizarre accoutrement, courent en avant et sur les deux côtés, faisant ranger la foule avec d'énormes massues qu'ils tiennent à la main. Ils sont censés représenter deux sauvages. Leur vêtement, collant au corps, est recouvert, depuis les pieds jusqu'au cou, de feuilles de lierre fixées sur l'étoffe, comme les ardoises le sont sur un toit. Il en est de même de leur bonnet terminé en pointe comme celui des sorciers. Leur allure et leurs gestes provoquent le gros rire des paysans. C'est dans ce bel équipement qu'ils remplissent leurs fonctions, même à l'autel.

Le dais est suivi par sept hommes portant aussi le costume le plus étrange. Ils représentent saint Evermaire et sa suite. Celui qui fait le personnage du saint est vêtu à l'instar de la statue qui est dans la chapelle: il porte une tunique de bure de couleur brune, serrée à la taille par une ceinture de cuir d'où pendent un long chapelet et une gourde; le haut de son corps est couvert d'un camail en peau, sur lequel sont attachés des coquillages; sa tête porte un chapeau rond; il tient à la main un bourdon blanc. Les autres n'ont de ce costume que le camail et le bourdon ; ils portent habits et culottes noirs, gilets et bas blancs. Ils sont escortés par cinquante-deux jeunes gens à cheval, ayant à leur tête un homme à figure patibulaire qui représente Hacco.

Le pieux cortége se dirigeant d'abord sur Hamal, arrive à la chapelle, où l'on chante la grand'messe, puis il parcourt l'autre moitié de la commune et rentre dans l'église paroissiale. Mais à peine la dernière bénédiction est-elle donnée, hommes, femmes, vieux et jeunes, se portent en foule dans la prairie. Les pèlerins les précèdent et vont se placer en cercle près de la fontaine. Ils entonnent un cantique dont le chant, bien qu'un peu agreste, n'est pas dépourvu de mélodie. Pendant ce temps, les cavaliers, figurant Hacco et sa bande, galoppent jusqu'à trois fois en dehors de la prairie, puis, franchissant la barrière, en font aussi trois fois le tour à l'intérieur. Alors les pèlerins se rapprochent de la chapelle et chantent une légende commençant par ces mots: « Je suis un pauvre pèlerin qui volontiers fait un pèlerinage. »

Ik ben een arme pelgrim, siet,
ik doe myn pelgrimagie;
maer druck en lyden en verdriet
vind ik op myn passagie.

Een pelgrimskleed, een hooge schoen
werd my hiertoe gegeven;
daer meê moet ik myn reize doen
al naer het eeuwich leven.

Veel gaen my voor, Ik volg hen naer,
Ik sou noch geern wat beiden;
de dood maakt my den weg soo swaer,
verdrietich valt my 't scheiden.

De wech is naeu aen elken cant,
waer ick deur moet passeren;
ach, als ick come in 't ander lant,
waer sal ik gaen logeren?

Geef my op reis toch brood en wyn,
o God, der englen spyzen,
dan zeg ik 't aardryk, zonder pyn,
vaerwel tot myn verryzen [20].

HACCO.

Hoe! wel gy christen hond,
wat komt gy dan hier maken?
ja in myn eygen land,
wat hebt gy hier voor zaken,
dat gy hier dus passeert
zonder tribuyt of tol
te geven nu aen my
van gramschap ben ik vol.

PELGRIM.

Ach! genadig heer, laet my voorby passeeren
na de stad van Maestricht, om sinte Servaes te eeren,
ik doe toch geene schae, ik reys dus door u land,
onder den hemel al rust ik op den zand...


Le chant terminé, Hacco arrive, il brandit son épée; son aspect est terrible : sa voix foudroyante annonce aux étrangers qu'ils doivent mourir. Il s'établit un dialogue entre lui et Evermaire. Celui-ci le supplie de le laisser vivre. « Il n'a pas encore accompli, lui dit-il, l'œuvre que lui a suggérée le ciel. »

C'est le moment pathétique de la cérémonie, le langage du saint homme devient si touchant que les assistants se mettent à pleurer ou en font le semblant. Le plus jeune des pèlerins, qui probablement n'ambitionne pas la couronne du martyre, saisit cet instant pour se sauver à toutes jambes. Hacco et sa troupe se mettent à ses trousses, à travers les ronces et les buissons, mais le jeune gars n'est point facile à atteindre. Hacco lui tire un coup de pistolet, il en tire deux, il manque le fugitif. Au troisième coup pourtant celui-ci est renversé. Un des bandits arrive, bande son arc et en décoche une flèche qui achève le pèlerin, dont le corps est relevé de terre pour être placé en travers, comme un sac de blé, sur le devant de la selle de l'un des cavaliers.

Pendant l'action « du jeu, » Evermaire et ses compagnons se sont laissés choir sur le gazon; on fait mine de les tuer à coups de dagues; mais bientôt ils ressuscitent et suivent Hacco au cabaret, ou pèlerins et brigands se gorgent de bière et de genièvre [21].

A Verviers, le 1er mai est le grand jour de déménagement. Une foule de gens changent de logis. Le moindre différend avec les voisins, le plus petit défaut de la maison suffisent pour justifier cette passion de déménager. Dès le matin, toutes les rues de la ville sont remplies de meubles. On pourrait croire que les habitants voulussent faire une vente générale ou quitter la ville de crainte d'être assiégés.

Vers onze heures le mouvement diminue, à midi sonnant le nouveau locataire reçoit de l'ancien les clefs avec les félicitations usuelles, et le soir, tout est rentré dans l'ordre et la tranquillité ordinaires; car partout le déménagement se fait avec la plus grande hâte possible.

Les ouvriers, même les voisins, qui se séparent en bonne amitié, s'aident encore à transporter les meubles ou à entraîner le char du mobilier de leurs amis.

Le soir donc, tout est tranquille dans la ville jusqu'au pr mai de l'année suivante.

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2 mai.

(Rhaphanus Raphanistrum.) Saint Athanase.


Le 2 mai 1345, où 1,500 foulons furent tués à Gand par les tisserands, s'appelle le mauvais lundi ou « Kwaden maendag » [22].

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3 mai.

(Narcissus poeticus.) Fête de l'invention de la sainte Croix, célébrée
en mémoire de ce que l'impératrice sainte Hélène retrouva la vraie croix en 326.


A Assche, à 2 1/2 lieues au N.-O. de Bruxelles, se célèbre la fête commémorative des prodiges auxquels le a Kruisberg » ou montagne de la Croix doit son nom et sa chapelle.

Une femme, à ce que l'on raconte, se voyant accablée de dettes, alla trouver des juifs pour leur engager ses habillements; ils lui promirent une forte somme d'argent, si elle voulait leur remettre une hostie consacrée. Pressée par la nécessité, elle consentit; mais, en revenant de l'église, elle eut honte de son action, et déposa l'hostie dans un vieil aune presque mort, qui se couvrit à l'instant de feuilles. Ce prodige attira la foule et bientôt de nombreux miracles s'opérèrent en cet endroit. Le propriétaire du champ voisin, peu satisfait du tort que ce concours de monde lui causait, voulut abattre l'aune. Mais, il s'aperçoit en ce moment, que les morceaux de bois tombant sous sa hache, se placent de manière à figurer des croix et qu'ils paraissent couverts de sang. Le bruit de cet événement s'étant répandu, une foule de personnes accoururent et, dans le nombre, aussi la femme qui avait déposé l'hostie dans le creux de l'arbre, et qui fit alors l'aveu de sa faute. Pour en conserver la mémoire, on fabriqua, avec le bois de l'arbre une croix qui fut placée dans l'église d'Assche, où, dit-on, elle devint bientôt célèbre par les guérisons qu'elle opéra.

A quelque temps de là, des pèlerins s'égarèrent en se rendant à Assche. Le paysan à qui ils demandèrent leur chemin, se moqua d'eux, ajoutant qu'il n'avait pas de confiance en cette croix, « pas plus qu'en ce noyer, » dit-il. Tout à coup, en regardant l'arbre dont il voulait parler, il y voit un crucifix. A la nouvelle de ce second événement extraordinaire, le clergé et les échevins d'Assche vinrent processionnellement en ce lieu et placèrent la nouvelle croix à côté de la première. Ces prodiges eurent lieu en 1335, et, en 1337, le pape Benoît XII accorda des indulgences à ceux qui visiteraient l'église d'Assche.

Aussi la sainte-croix d'Assche était-elle un des pèlerinages, auxquels le magistrat de Gand condamnait les personnes coupables de délits; il était rachetable moyennant huit sous.

La chapelle subsiste encore; son nom actuel de « chapelle de Cruysborre, » lui vient d'une source qui jaillit à deux pas de là [23].

Un peu au Nord du château de Grimberghe, au milieu d'une petite colline, appelée « den Capellen berg, » la montagne de la Chapelle, a existé une chapelle de la Sainte-Croix, où les femmes allaient prier pour obtenir des couches heureuses. Une portion de la Sainte-Croix y était jadis conservée, mais fut enlevée pendant les troubles [24].

L'église de Borght, hameau de la commune de Grimberghe, est un lieu de pèlerinage très-fréquenté pour les maux de tète, la surdité, les fièvres, elle est dédiée au Saint-Sauveur [25].

A Bruges avait lieu, en ce jour, la célèbre procession du Saint-Sang, qui se fait maintenant au premier lundi de mai.

Thierry d'Alsace avait 38 ans, lorsqu'il perdit sa première femme Marguerite, veuve de Charles le Bon. Pour se distraire, il prit la croix avec 300 chevaliers belges, s'embarqua pour l'Orient, se distingua par sa bravoure et fut nommé par les chefs croisés seigneur de Damas.

Le roi de Jérusalem, ne sachant de quelle manière lui témoigner sa reconnaissance au moment de retourner dans sa patrie, lui donna dans l'église du Saint-Sépulcre, en présence de l'empereur Conrard et de tous les princes croisés, quelques gouttes du sang de Jésus (que Joseph d'Arimathée et Nicodème avaient exprimé de l'éponge avec laquelle ils lavèrent le Christ après la descente), qu'il fit verser par le patriarche de Jérusalem dans un petit cylindre de cristal, recouvert d'un étui de velours lamé d'or et attaché à une chaîne d'or, que le patriarche passa au cou du comte. Celui-ci se croyant indigne de porter un trésor aussi rare, remit la relique à Léonius, abbé de Saint-Bertin qu'il chargea d'en prendre soin durant le voyage et de ne la quitter ni le jour ni la nuit.

En 1150, le comte rentra dans ses États et fut reçu dans toutes les villes qu'il traversa avec les plus grands honneurs.

Lorsque, le 7 avril, il s'approcha de Bruges, toutes les cloches sonnèrent, et les bourgeois précédés par le clergé, la noblesse et les magistrats sortirent de la ville pour aller à la rencontre de leur souverain. Les rues étaient pavoisées, ornées de verdure, et tellement remplies de monde qu'à peine le cortège pouvait-il avancer.

Monté sur un cheval blanc, que conduisaient par la bride deux religieux marchant pieds-nus, le comte était précédé par l'abbé de Saint-Bertin qui portait toujours la relique suspendue à son cou. Lorsque le cortège fut arrivé au palais du comte, Léonius remit le Saint-Sang à Thierry, qui ordonna de le déposer dans la chapelle de Saint-Basile-sur-le-Bourg, que lui-même avait fait élever à ses frais.

Quatre chapelains et un clerc furent nommés pour prendre soin de cette relique, et plus tard les privilèges accordés à cette chapelle furent très-étendus. La chapelle n'étant plus qu'une ruine en 1533, fut restaurée, comme elle avait été et la relique restait toujours dans la plus grande vénération.

Lorsque, en 1297, le roi de France, Philippe le Bel, eut conquis une grande partie de la Belgique , les Brugeois, voyant qu'ils subiraient le sort des autres villes, songèrent à prévenir ce malheur par leur soumission. La première grâce qu'ils demandèrent en récompense de cet acte, fut de conserver le précieux don de Thierry. Le roi leur accorda des lettres patentes pour leur en assurer la possession (données à Ingelmunster, où se trouvait alors le roi et où se rendit la députation des Brugeois, avec les clefs de la ville), ces lettres reposent aux archives de la ville de Bruges.

Le 3 mai 1311, une procession fut instituée pour perpétuer la mémoire de l'arrivée du Saint-Sang, par la bulle du pape Clément V et la dévotion pour la relique fut telle, que de toutes parts des dons furent faits à la chapelle.

Le 29 avril 1388, la relique fut placée dans un nouveau récipient de cristal, par Guillaume, évêque d'Ancône, et entourée d'une enveloppe en argent ouvragée, portant pour inscription à l'une des extrémités « Translatus fuit sanguis Domini Pontificante Urbano Papa VI, et à l'autre: Anno Domini MCCCLXXXVIII, tertia Maji,» qui existe encore.

La châsse magnifique, qui renferme la relique aujourd'hui, est un chef-d'œuvre d'orfèvrerie pesant 769 onces, exécuté en 1617, par Jean Crabbe, échevin de la ville de Bruges [26].

L'histoire rapporte que tous les vendredis le Saint-Sang se liquéfiait, mais le 18 avril 1310, ce miracle cessa et ne se renouvela qu'en 1388; dans cet intervalle, on l'avait transvasé dans une espèce de tube en or, pesant 36 onces et enrichi de pierres précieuses.

Le 20 mars 1578, les hérétiques ayant été introduits dans la ville par Jacques Mostaert et ses complices, plusieurs églises furent livrées au pillage, et Jean Perez de Malvenda, noble espagnol, alors chef des marguilliers de Saint-Basile, supposant avec raison, que la chapelle du Saint-Sang n'échapperait point à la fureur des ennemis, enferma la relique dans un coffre de plomb et le cacha soigneusement chez lui, jusqu'à ce que le parti catholique eût de nouveau le dessus. On dit que dans la cave de cette maison (sur le pont Saint-Jean-Nepomucène, d'une forme très-pittoresque, avec un jardin entouré de murailles, s'étendant vis-à-vis du quai du Rosenhoed), on voit encore le lieu ou fut gardé ce trésor.

Au mois de novembre de la même année, le prévôt de la confrérie du Saint-Sang fut mandé devant le collège des échevins et reçut l'ordre de faire ôter tous les ornements de la chapelle de Saint-Basile et de transporter tous les objets de valeur dans la halle: les principales pièces d'orfèvrerie furent fondues et les lingots vendus, ce qui restait encore en argenterie et en pierreries fut réclamé plus tard au profit des états-généraux. Bientôt l'église de Saint-Basile fut fermée et l'on en fit un magasin militaire.

Aussitôt que Bruges, en conséquence de l'accord conclu avec Alexandre Farnèse, le 22 mai 1584, eut été remis au pouvoir du roi Philippe II, Malvenda, aux soins duquel la confrérie avait laissé le Saint-Sang, alla prier Remi Driutius, deuxième évêque de Bruges, de faire réinstaller la relique dans la chapelle de Saint-Basile qui avait été bénite de nouveau le 27 novembre. Cette cérémonie eut lieu le 30 du même mois, et en 1611, Isabelle et Albert déployèrent une si grande munificence en faveur de cette chapelle qu'en 1659 la richesse qu'on y admirait, différait peu de sa splendeur passée. Don Juan d'Autriche, ci-devant gouverneur des Pays-Bas, lui fit présent d'une lampe en argent massif du poids de 24 1/2 livres, que l'on suspendit à la voûte de l'église (le 18 mai) et donna en même temps une somme de 200 livres de gros pour couvrir les frais de l'huile destinée à y entretenir la lumière jour et nuit.

En 1793, alors que les agents du gouvernement français firent l'inventaire de toutes les richesses que renfermaient les églises, il fallut de nouveau cacher la relique du Saint-Sang. Charles de Gheldere, un des chapelains de Saint-Basile, la porta en cachette chez Richard Godefroy, célibataire de 61 ans, qui demeurait dans la maison Saint-Nicolas de la rue Haute, Godefroy étant décédé en 1794 la relique fut cachée dans l'École latine avec les plus grandes précautions. Sur la fin de 1795 ou 96 elle disparut tout-à-fait et deux ou trois personnes seulement avaient connaissance du lieu où elle se conservait. Ce ne fut qu'en 1820 qu'elle fut rendue à la dévotion des fidèles et par arrêté royal du 12 octobre de la même année, provoqué par les réclamations de plusieurs des notables habitants de la ville, la chapelle de Saint-Basile fut de nouveau consacrée au culte catholique. Le Saint-Sang qui jusqu'à 1795 avait été régulièrement exposé comme de coutume, attira de nouveau une foule d'étrangers, et la procession qui en 1775 (les Français avaient repris possession de Bruges dans le mois de juillet 1794) eut lieu pour la dernière fois (quoique cette fois sans la grande châsse : on se servit de la petite qui est plus portative et plus ancienne, mais beaucoup moins riche), prit son cours accoutumé.

Mais ce ne fut plus avec son ancien éclat; les mœurs et les institutions étant bien changées. A l'époque de sa plus grande splendeur, déjà la veille tous les musiciens des divers corps de métiers se réunissaient devant la chapelle de Saint-Basile et chacun, à son tour, allait chanter une hymne tout au haut de l'escalier, ensuite tous les maîtres de musique de Bruges entonnaient les vêpres dans le chœur de l'église. A minuit on exposait le Saint-Sang aux regards du public. A une heure les béguines ayant leur curé en tête et suivies par une foule de peuple, commençaient une procession autour des remparts de la ville en chantant des chants sacrés, et revenaient vers cinq heures du matin à l'église de Saint-Basile, où toutes à la file allaient fléchir le genou devant la relique et y imprimer leurs lèvres; puis elles recevaient la bénédiction.

A sept heures la grosse cloche de la Halle faisait retentir, une heure durant, sa voix, afin de prévenir chacun de se rendre à son poste, au lieu désigné. A dix heures elle recommence et aussitôt on voit sortir processionnellement de leur gilde et défiler par le bourg les confréries d'archers, leurs étendards déployés. Les confrères se rendent sur la Grand'Place et vont s'asseoir devant la Halle sur des bancs préparés exprès pour eux, afin de former la haie, lorsque le cortège passera et d'empêcher la foule d'interrompre la marche. Alors s'avancent les corps de métiers et d'ouvriers de toute espèce, au nombre de plus de cent, ayant en tête les insignes de la corporation, la croix et plusieurs musiciens avec des trompettes en argent massif.

Vers l'heure de midi tout le clergé de la cathédrale de Saint-Donat et tous les magistrats de la ville, se dirigent vers la chapelle de Saint-Basile. Sur le maître-autel est exposé le Saint-Sang, que l'on enferme dans un riche coffret dont la clef est confiée au bourgmestre de la commune. La relique est ensuite placée sur les épaules de deux chanoines de Saint-Basile, qui, entourés par les membres de la confrérie du Saint-Sang, la portent jusqu'au maître-autel de la cathédrale, où ils la déposent jusqu'à ce que les ordres religieux et quelques autres associations aient eu le temps de défiler et de prendre leur rang dans la procession. Pendant tout ce temps,une foule de musiciens réunis sur le Bourg ne cessent de jouer différents morceaux.

A l'intérieur de l'église plusieurs évêques et abbés, vêtus d'habillements où se mêlent la soie, l'or et l'argent, entrent solennellement dans le chœur, le chef couvert de mitres magnifiques et vont fléchir le genou devant la relique et s'asseoir en demi-cercle autour de l'autel, en attendant que le signal de partir soit donné.

Alors se mettent en marche six sergents de police, six garçons de ville, deux huissiers et d'autres serviteurs, quatre pensionnaires, le bourgmestre de la commune, douze conseillers et les porte-croix de tous les corps de métiers, au nombre de près de deux cents.

Le greffier criminel avertit les évêques qu'il est temps de partir: deux d'entre eux se chargent du coffret renfermant la relique. Cinq musiciens les précèdent; quarante flambeaux allumés, portés par des personnes vêtues aux couleurs de la ville, les entourent et quatre chanoines de Saint-Basile les suivent.

Après cela s'avancent plusieurs sergents de police et huissiers, six pensionnaires, le bourgmestre des échevins portant sur son bras les clefs de la ville, douze échevins et les autres magistrats, le grand bailli de la ville, l'amman [27], l'écoutète [28], les huissiers, etc.

Puis la confrérie de Saint-Michel ou de l'Escrime, celle des Arquebusiers, de la Petite Arbalète, de Saint-George ou de la grande Arbalète et les archers de Saint-Sébastien ou de l'Arc-à-la-Main.

Plusieurs représentations symboliques formaient une espèce de seconde partie de cette immense procession. Le géant Goliath, le cheval de Troyes, Adam et Ève tentés par le serpent dans le Paradis terrestre, la Sainte-Cène et les douze apôtres, différentes scènes de la Passion du Christ et une espèce de spectacle de l'Enfer, composé de vingt-quatre démons assis autour d'une chaudière remplie de damnés. Les sept pêchés capitaux étaient représentés par Lucifer, Mammon, Asmodée, Belzébuth, Bélial, Léviathan et Béhémoth.

Plus tard, afin d'attirer plus de monde à cette cérémonie publique, les magistrats dans l'intérêt de la ville, y ajoutèrent encore Pharaon poursuivant avec ses soldats les Israëlites, le temple de Jérusalem dont Jésus chasse les marchands et autres spectacles semblables.

La procession se dirigeait de l'église de Saint-Donat, par la Grand'-Place et la rue des Pierres, vers l'hospice de Saint-Julien, où les magistrats s'arrêtaient pour prendre un succulent dîner préparé pour eux, tandis que la relique était portée alternativement par les chanoines de Saint-Basile et par ceux de Saint-Donat, ce qu'on nomme « den Omgang» entre les deux remparts, accompagnée de flots de peuple et d'une compagnie d'hommes à cheval.

La procession revenait par l'autre rempart à la chapelle de Saint-Julien et la châsse du Saint-Sang ayant été déposée quelques instants sur l'autel à l'adoration des fidèles, était reportée avec le même cérémonial à la chapelle de Saint-Basile. Là, pendant que plus de cent musiciens faisaient retentir sur le Bourg l'air de leurs fanfares, l'évêque ou le prévôt recevait du bourgmestre de la commune la clef du coffret dans lequel avait été placé le Saint-Sang, et on le remettait dans la superbe châsse qui restait exposée aux regards jusqu'au lendemain à midi.

Pendant toute la nuit un concours innombrable de personnes de tout sexe et de tout âge ne cessait d'encombrer l'église et chacun était admis à déposer un baiser respectueux sur le cristal qui renfermait la sainte relique [29].

A l'occasion du jubilé de 600 ans, le 3 mai 1749, il y avait six chars de triomphe, sur lesquels la jeunesse de Bruges représenta l'histoire du Saint-Sang, avec cavalcade formée par les élèves du Collège de Jésus, qui représenta tous les comtes de Flandre et les principaux souverains des Pays-Bas avec Marie-Thérèse sur un char de triomphe et vingt-neuf figures contribuées par les divers corps de métiers, tout cela avec des couplets et des dialogues en vers [30].

A l'époque de la fête, se tient une grande foire à Bruges, ou les galeries qui entourent la Halle sont surtout très-animées.

A Diest se célébrait le même jour la fête de la Chambre de rhétorique des Œillets ou Œillets Dieu, Christusoogen ou Kersoogen (Lychnis coronaria), dont la devise était « doersien't al ».

D'après Grammaye cette Chambre a été instituée en 1302; voilà pourquoi l'opinion s'est répandue que c'est la Chambre de rhétorique la plus ancienne de la Belgique, plus ancienne même que « la très-gaie Compagnie des sept Troubadours » ou des Jeux Floraux à Toulouse, dont l'origine ne date que de l'an 1323. Mais la charte (het charter) ou lettre de l'érection, donnée par le magistrat de la ville, est en date du 22 septembre 1502.

La Chambre fut instituée dans la paroisse de N.-D. en l'honneur de la Sainte-Croix. Les fêtes de l'Invention et de l'Exaltation (Kruisvinding en Kruisverheffing) étaient célébrées par elle au moyen d'une messe solennelle à l'autel de la Sainte-Croix, dans l'église de N.-D. Les jours de cérémonie, les confrères portaient de petits œillets brodés sur les manches de leurs habits.

Tous les deux ans, le 3 mai, les membres effectifs (gemeene gesellen) choisissaient un nouveau prince, tandis que le dimanche après la kermesse de N.-D. (Onser Vrouwkermis van Munster) avait lieu l'élection du « Hoofdman », des deux « Dekens », de deux « Valuatiemeesters » et des deux « Rentmeesters ».

Le livre des statuts (Resolutieboek der Kamer de Christusoogen binnen Diest) commence le 1er septembre 1630.

La maison, qui porte encore le nom de la Chambre, lui fut donnée le 17 janvier 1518 et lui a appartenue jusqu'en 1795.

Les membres des Œillets remportèrent le 1er prix au concours, que la « Pivoine » donna à Malines en 1535; ils assistèrent en 1561 au grand « Landjuweel » d'Anvers, en 1562 à celui de Bruxelles, en 1620 à celui de Malines (Blazoenfeest).

En 1630 la Chambre compta 54 membres. Supprimée en 1796, elle fut rétablie le 3 mai 1804. Le 3 mai 1830 le règlement fut renouvelé. La direction se compose maintenant d'un chef-homme, d'un prince, d'un doyen, d'un trésorier, d'un secrétaire et d'un chef-homme des femmes. Les membres brassent encore aujourd'hui chaque année leur « Gildenbier « bière de gilde, et accompagnent les processions [31].

A Furnes avait jadis lieu la célèbre procession de la Sainte-Croix [32].

Le comte de Flandres, Robert de Jérusalem, revenant en 1100 après quatre ans d'absence de la Terre-Sainte, fut arrêté avec ses frères d'armes, à l'approche de la terre natale, par une horrible tempête. Les malheureux navigateurs s'épuisaient en vains efforts pour échapper au naufrage, mais privés de tout espoir dans le secours des hommes, ils tournèrent les yeux vers le ciel, et Robert fit solennellement vœu de faire don du morceau de la Sainte-Croix, qui se trouvait parmi les précieuses reliques qu'il rapportait de Jérusalem, à la première église qui se présenterait à sa vue. Aussitôt la mer se calme, un rayon de soleil traverse les nuages et fait découvrir le toit de plomb de l'église de Sainte-Walburge à Furnes. Le navire aborda sans peine à la côte près du « Broersbank » et Robert fit appeler près de lui Héribert, prévôt de Sainte-Walburge, pour transporter solennellement le morceau de la Sainte-Croix à l'église de Sainte-Walburge, où le comte le déposa lui-même sur l'autel.

Quelque temps après, les chanoines de Sainte-Walburge érigèrent une confrérie de la Sainte-Croix, et instituèrent une procession annuelle et générale de dévotion, dans laquelle on portait la sainte relique autour de la ville, pendant l'octave du 3 mai, jour de l'invention de la croix.

La sainte relique est déposée depuis un temps immémorial jusqu'à ce jour, dans une châsse antique, morceau précieux d'orfèvrerie en forme de croix gothique, ornée de pierreries.

La procession sortait habituellement d'une porte de la ville pour rentrer par une autre, et partout où les chemins ne se prêtaient pas au circuit que la procession avait à faire, elle quittait la route pour aller à travers champs et prés, et spécialement sur les terres cultivées de l'abbaye. Voilà pourquoi jusqu'au XVIIe siècle, où cette habitude cessa, la procession était tous les ans précédée d'une inspection des lieux et des travaux pour rendre le chemin praticable, et si des fossés barraient le passage, on construisait promptement des pontons et des batardeaux.

Le chroniqueur de Furnes raconte que les habitants de la ville qui contribuaient à l'envi à rendre leur procession de plus en plus belle, y avaient anciennement mis en scène et représenté le voyage de Robert à Jérusalem, ainsi que son retour avec le morceau de la vraie croix. Mais d'après les comptes communaux, à partir de 1403, cette histoire n'a plus figuré parmi les embellissements de la procession de la Sainte-Croix. On avait même, à cette époque, complètement cessé, peut-être pas encore commencé l'exhibition de moralités ou de mystères pour honorer la procession qui était alors d'une pieuse simplicité. L'abbé de Saint-Nicolas, qui portait la relique, n'était précédé que par quatre sodalistes, chacun chargé d'une torche de cire, pesant 104 livres de ce temps, et parée d'étoffes de différentes couleurs et de petits drapeaux peints qu'on y fixait. Deux sonneurs de trompe faisaient l'orchestre de la procession, et quelquefois on fut même forcé de se passer de musique. Le prévôt d'Eversam, celui de Loo, la sodalité de la Sainte-Croix, le magistrat de la ville, les vieux arbalétriers de la Société de Saint-Georges de Furnes, les arbalétriers de Wulpen, ceux d'Adinkerke, ceux de Coxide et les jeunes arbalétriers de Saint-Georges formaient le cortège.

Ce n'est qu'en 1417 qu'on vit le martyre de Saint-Etienne faire son entrée dans la procession, et en 1422 on donna la première fois le mystère de la passion de Notre-Seigneur.

Aussi sur le chemin de la procession ne jetait-on pas de la verdure ou des fleurs, mais on éparpillait de la paille partout où la procession devait marcher. La ville a employé à cet usage, en 1438, trois cents bottes de paille.

Le vin d'honneur, « de presentwyn », coulait abondant à toutes ces fêtes; le 3 mai 1403 il y en eut plus de trente canettes [33].

Une fois la mode adoptée d'exposer dans la procession des scènes dramatiques, ou des tableaux vivants, les embellissements de ce genre se multiplièrent peu à peu tellement, qu'au commencement du XVIIe siècle la procession de Furnes prit déjà place parmi les processions les plus renommées de la Flandre.

Les évêques d'Ypres venaient souvent y assister, les prélats de Saint-Nicolas, d'Eversam, des Dunes, de Loo et d'autres étaient, chaque année, invités officiellement; le nombre des confréries et des gildes s'était considérablement augmenté; tous ceux qui venaient honorer la procession étaient splendidement régalés de vin, et au moment de la rentrée, un repas copieux aux frais de la commune, était préparé à l'hôtel de ville, pour les magistrats. Au théâtre qu'on avait élevé dans la salle du repas, à l'aide de tréteaux, planches et décors empruntés à la Société de Rhétorique, des artistes amateurs récitaient des vers et jouaient une moralité, à laquelle il ne manquait pas même l'orchestre qu'on avait soin de former avec le concours de musiciens recrutés dans les villes les plus voisines.

Le cortège de la procession qui sortait le matin, était ordinairement accueilli, sur son passage, par des salves de mousqueterie et par des coups de canon. Le roi de la procession c'était incontestablement le géant « Goliath », immense figure habillée, dont la tète était artistement formée et peinte; le corps n'était qu'un panier d'osier, parce qu'on cherchait à diminuer la charge des hommes qui se trouvaient cachés sous ses jupes pour le faire marcher. Il avait la tête coiffée d'un turban, une fraise autour du cou et un énorme glaive pour combattre les Juifs. Un jeune homme déguisé en David se promenait tantôt derrière, tantôt devant le colosse. Un sergent à hallebarde conduisait ce cortège et transmettait ses ordres à ceux qui tenaient lieu de jambes à Goliath précédé par un joueur de cornemuse.

Pour faire place devant le géant, il y avait une tête d'animal au bout d'un bâton entouré d'une jupe. Un homme s'y cachait et faisait mouvoir à volonté, à l'aide d'une corde, les mâchoires de la bête qui s'abaissait et menaçait de mordre c'était le « Cnaptant ».

Le plus grand luxe était pourtant réservé au groupe des douze Sibylles, qui s'introduisit dans la procession après le « Reuse ».  Une douzaine de jolies filles se faisaient annuellement habiller chez les sœurs de Béthanie, où elles prenaient leur déjeuner, à cause du temps qu'on mettait à faire leur toilette. Leurs belles robes étaient faites de brillantes étoffes en rouge, en bleu et en vert. Elles étaient ornées de dentelles, de rubans de soie, de clinquant, de verroteries, de chaînes en or, de couronnes d'or et leurs noms étaient inscrits en lettres d'or sur un fond d'armoisin noir. La ville supportait le frais du déjeuner et des habillements, et leur offrait à toutes les douze ensemble, une douzaine de paires de gants. C'est une faveur qu'elles partageaient avec Saül, qui était également ganté aux frais de la commune.

Les représentations des mystères étaient exécutées par les trois sodalités [34] et les sociétés dramatiques. C'étaient les confrères de ces sodalités, qui composaient les monologues, les dialogues, les scènes et mystères de la procession et qui s'appliquaient ensemble à les bien dire et débiter, pour les mettre en action.

Quelquefois ils allaient même concourir à l'embellissement des fêtes des villes voisines.

Dans la suite la procession de la Sainte-Croix cessa d'avoir lieu et fut remplacée par celle du mois de juillet qui subsiste encore.

Dans la chapelle Sainte-Croix, dite op de Woustyne, près de Goyck, il y avait autrefois grand concours de monde, pour assister à l'office que le chapelain de N.-D. à Goyck y célébrait lors de la fête de l'Invention de la Croix, ainsi qu'aux deux jours de Pâques.

Cette chapelle devait son origine, selon la tradition, à la croix qu'un berger trouva un jour enfouie en terre, en paissant ses troupeaux au milieu des bruyères, des bois et des terrains nouvellement défrichés, qui séparaient autrefois le village de Goyck de celui de Meerbeek. Pendant la domination française elle fut vendue, mais non démolie [35].

A Lebbeke, près de Termonde, se célèbre l'élévation des nombreuses reliques qui se conservent dans l'église de ce village [36]. La croix miraculeuse qui se vénère dans une chapelle latérale de l'église de Wenduine, près de Blankenberg, attire en ce jour, un grand concours de monde.

Cette croix fut pêchée un jour sur la côte par des pêcheurs de Blankenberg qui la transportèrent respectueusement dans leur église. Mais le lendemain elle avait disparue et fut retrouvée par les mêmes pêcheurs au même endroit, où, selon la croyance populaire, un village nommé « Oud-Wenduine » a été enseveli par la mer. Croyant que cette croix venait de l'église de ce village, les pêcheurs la transportèrent, la seconde fois, à l'église de Nieuw-Wenduine, où elle se vénère encore.

En mémoire de cet événement, les pêcheurs de Blankenberg vont chaque année deux fois, le 3 mai et le 14 septembre, en pèlerinage à Wenduine, y font célébrer une messe solennelle et portent ensuite la croix trois fois processionnellement autour de l'église, persuadés qu'ils auront ainsi une pèche plus abondante [37].

Depuis la fête de l'Invention de la Croix, en mai, jusqu'à la fête de l'Exaltation de la Croix, en septembre, les indigents allant chercher du bois dans la forêt de Soigne recevaient à l'hospice d'Ixelles du pain, du fromage et de la bière. Ce n'est qu'en 1526 (23 février 1525) que Jean, seigneur de Berghes ou Berg-op-Zoom, chevalier de la Toison d'or, compléta cette distribution pour le restant de l'année.

Le dit hospice, appelé aussi hospice de Notre-Dame, hospice de Notre-Dame et de Saint-Jean-Baptiste, hospice de la Sainte-Croix ou la maison-Dieu dite Zuarenberge (Zwaerenberg, la montagne roide) s'éleva déjà vers l'an 1300, où, le jour de l'invention de la Croix, le duc Jean II, le prit sous sa protection.

La chapelle de la Sainte-Croix, annexée à l'hospice, remonte à l'année 1314. Dans la suite on y déposa deux parcelles de la Sainte Croix, dont une fut volée en 1824. A la consécration de la chapelle qui eut lieu en 1459, l'autel ayant été dédié à la Vierge et à la sainte croix, l'évêque de Cambrai le dota de quarante jours d'indulgences, le 10 mai de la même année.

Voilà pourquoi la fête de l'invention de la Croix y était jadis célébrée avec une grande solennité. Il y avait alors foule dans le village et des documents disent, qu'à cette occasion plus de 40,000 personnes allaient honorer les reliques d'Ixelles. De la porte de Namur à la chapelle se dressaient, de chaque côté de la route, des échoppes où le peuple se régalait de riz au lait.

L'ancienne chapelle fut détruite pendant les troubles du seizième siècle, puis reconstruite en 1596. L'édifice actuel date de 1820, mais il est question de le reconstruire plus grand [38].

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4 mai.

(Mathiola imana.) Sainte Monique.


A Lede, près d'Alost, se fête l'anniversaire du placement de la célèbre statue de « Notre-Dame de la douce passion de Dieu » ou « O.-L.-V. ter zoete Nood Gods, » qui eut lieu en ce jour, l'an 1414, Cette statue qui représente la sainte Vierge, tenant sur ses genoux son fils, descendu de la croix, fut envoyée par Mathieu Van Neste, opulent joaillier de Cologne, natif de Lede, lequel, malgré les richesses qu'il avait amassées à l'étranger, n'oubliait pas sa patrie qu'il avait quittée, étant jeune et pauvre.

Les habitants de Lede s'empressèrent de se porter au devant de la sainte image avec leurs chevaux et leurs chariots, mais ils rencontrèrent au-delà de Bruxelles une troupe de cavalerie; il en résulta un instant de confusion, et le domestique du commandant fut blessé par les chevaux du char qui portait la statue de la Vierge. Furieux et non content d'accabler d'injures les paisibles paroissiens de Lede, l'officier voulut détruire l'image même de Marie, mais comme il levait la main pour la mettre en pièces, son bras demeura subitement immobile et sans force. Changé tout à coup, il parla avec douceur aux pieux campagnards, demanda à genoux pardon à Dieu et accompagna le cortège avec sa troupe jusqu'à Lede. Là, ses prières et celles des assistants lui obtinrent la guérison de son bras. Cet événement et beaucoup d'autres faits miraculeux qui eurent lieu depuis lors au sanctuaire de Lede, rendirent bientôt la statue on ne peut plus renommée.

Pendant la guerre des iconoclastes, Jacques Bette, premier seigneur de Lede de cette famille, mit l'image en sûreté à Gand, et sous le gouvernement du prince de Parme, elle fut rapportée en triomphe à Lede, au milieu d'un concours immense de fidèles.

Pendant les guerres de Louis XIV, la sainte statue fut deux fois transportée à Termonde, et pendant la persécution des républicains français, elle demeura cachée à Lede même et ne fut replacée dans l'église qu'en 1800 [39].

A Nivelles l'abbesse distribuait autrefois, ce jour-là, d'après un usage très-ancien que l'hôpital a conservé, des « tartes » et des « canestiaux » aux membres du chapitre.

Tous les capitulants jouissaient de cet avantage, et désirant s'assurer à l'avenir cette réjouissance sans contestation, ils forcèrent l'abbesse Hélubide II, qui mourut en 1224 après un règne de six années, à régler, d'une manière décisive et irrévocable, la matière, la qualité, la grandeur des tartes et des canestiaux auxquels ils avaient droit [40].

Sur la montagne de la Sarthe [41] près de Huy, se tient chaque année, le premier mercredi de mars, une foire d'autant plus fréquentée que la chapelle, qui se trouve à la Sarthe reçoit le plus de pèlerinages dans la contrée. C'est dans cette chapelle, qui s'élève à l'ombre de tilleuls séculaires, que l'on vénère la statue miraculeuse de Notre-Dame de la Sarthe, honorée également sous le nom de Notre-Dame des Sept Douleurs. Elle est noire et sculptée en bois de chêne. La tradition lui attribue l'origine suivante.

A une époque très-reculée existait sur cet emplacement, une petite chapelle ornée d'une statue de la Vierge, qu'une coupable indifférence avait laissé tomber en ruine, à tel point, que parfois les enfants enlevaient la statue de son piédestal et s'en servaient comme d'un jouet. Un jour de l'an 1621, une femme de Huy, nommée Anne Hardy, portant une charge de bois; passa près de là et vit la sainte image étendue à terre, indignée de cet abandon, elle la releva et l'introduisit dans son fagot pour l'emporter chez elle. Mais, à sa grande surprise, il lui fut impossible de soulever sa charge, lorsqu'elle voulut la replacer sur ses épaules,tant elle était devenue lourde. Alors elle appela deux passants à son aide et tous trois réunirent leurs efforts inutilement pour soulever le fardeau, et il fallut laisser la statue à l'endroit où elle avait été trouvée [42].

Informées de ce fait, quelques personnes pieuses de Huy se concertèrent pour rebâtir la chapelle telle qu'elle est aujourd'hui. Elle fut aussitôt le but de pèlerinages nombreux et les ex-voto, qui couvrent les murs, attestent les miracles que l'on attribue à Notre-Dame de la Sarthe, et dont les Pères capucins de Huy publièrent, en 1666, tout un recueil.

Les étendards turcs suspendus aux deux côtés de l'autel, qui attirent l'attention de tout étranger sont également une offrande à la Vierge de la Sarthe. Ils proviennent d'un baron de Vierset qui attribuait à son intervention une victoire remportée sur les Infidèles qui avaient envahi la Hongrie. Mais la tradition populaire dit que ce sont les trophées que les Hutois, compagnons d'armes de Pierre l'ermite, ont rapportés de la terre sainte, après la prise de Jérusalem. Avant de partir pour la Palestine ils s'étaient rendus tous à la chapelle de la Sarthe, et avaient fait vœu d'y suspendre en offrande tous les étendards que, par la grâce de la Vierge, ils prendraient sur l'ennemi. Leurs prières furent exaucées. Ils remportèrent une grande victoire sur les infidèles et, revenus dans leur patrie, ils suspendirent, dans la chapelle de la Sarthe, les trophées que l'on y voit encore.

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5 mai.

(Pyrus malus.) Saint Pie V, pape.


Les associations des anciens soldats de l'empire, qui se sont formées dans presque toutes les villes de la Belgique, célèbrent l'anniversaire de la mort de Napoléon 1er par une messe solennelle.

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6 mai.

(Trollius europœus). Saint Jean Porte Latine ou « Petit Saint Jean. »


Les tableaux représentant le saint évangéliste dans une cuve d'huile bouillante et que l'on rencontre dans plusieurs églises de la Belgique, ont donné naissance au nom populaire a Sint Jans in d'olie », » saint-Jean dans l'huile », sous lequel ce jour se trouve encore aujourd'hui indiqué dans les calendriers flamands. C'est pour les paysans un jour critique. « Klein Jan voor de waelsche poorte » (petit Jean devant la porte latine) ou « sint Jans in d'olie » frappe à la porte du beau temps. Il peut accorder six beaux jours et, accompagné de la nouvelle lune, il dit aux paysannes: semez sur sol sec céleri, radis, choux-fleurs, fèves et melons. Mais le vent doit souffler de l'est ce jour [43].

A Bruxelles, où il y avait aux Augustins une chapelle avec un tableau de St-Jean dans l'huile, on l'appelait « Sint Jan den kryter, » St-Jean le pleureur, parce que le peintre de ce tableau, tout à l'opposite de la légende qui dit que le saint évangéliste condamné à Rome à être plongé dans une cuve d'huile bouillante en sortit sans avoir éprouvé de douleurs, avait représenté le Saint en proie à de cruelles souffrances. C'est pourquoi les mères, dont les enfants pleuraient beaucoup, venaient y faire réciter par un Augustin [44] l'évangile de St-Jean sur la tête de leurs marmots.

Au château dit de César à Louvain existait une chapelle dédiée à Saint-Jean, où se faisait la même chose, surtout le jour de Saint-Grégoire.

A Liége, les imprimeurs, relieurs, emballeurs, miroitiers et bimbelotiers, célébraient autrefois en ce jour, leur fête patronale.

A Malines c'était la chambre de rhétorique « De Pivoene», la Pivoine, ou « Sint Jans Gilde », qui honorait saint Jean comme son patron. Cette chambre qui comptait parmi les chambres de rhétorique les plus célèbres de tout le pays, fut supprimée lors de l'invasion française, mais rétablie le 18 février 1858.

A Termonde ce jour donnait lieu à la visite des lépreux. Le magistrat se rendait avec les médecins et les chirurgiens jurés à la léproserie hors de la ville. La même chose se faisait à Anvers.

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7 mai.

(Trollius asiaticus.) Saint Domitien; saint Stanislas.


Saint Domitien, patron de Huy, en l'honneur duquel l'église de Werin dans le doyenné de Bilsen (diocèse de Liége) est consacrée, naquit en France; il avait été promu au siège de Tongres, lorsque, celui de Maestricht étant devenu vacant, sa grande réputation le fit élire par le peuple et le clergé réunis pour gouverner ce diocèse. Le saint accepta malgré lui, mais il n'en fut que plus zélé dans les exercices de tous ses devoirs.

Les habitants de Huy souffrant beaucoup du voisinage d'un énorme serpent qui infectait de son venin l'eau d'une fontaine, eurent recours au saint évêque, qui les délivra de ce fléau par ses prières.

Domitien passa quelque temps au milieu des Hutois, qui durent à sa présence un grand nombre de conversions. Mais ayant connu, par une révélation, l'époque de sa mort, il alla visiter les tombeaux des saints, particulièrement celui de saint Servais, et mourut à Maestricht le 7 mai 538. Son corps fut transporté à Huy où ses reliques se conservent encore dans une magnifique châsse, vrai chef-d'œuvre d'orfèvrerie, en l'église de Notre-Dame [45].

La fête de saint Domitien se célèbre dans tout le diocèse de Liège et surtout à Huy, où il est honoré comme patron titulaire de la ville. La procession, qui s'y faisait ce jour-là, était des plus remarquables et attirait une foule de pèlerins. Ceux qui attribuaient à l'intercession de saint Domitien la guérison des fièvres, dont ils avaient été atteints, la suivaient en chemise, pieds nus et un cierge allumé à la main en signe de leur reconnaissance [46].

A présent le clergé de l'église de saint Remi se rend encore tous les ans, le 7 mai, avec la châsse du saint, processionnellement à la fontaine, près de laquelle, selon la tradition, saint Domitien tua le serpent, pour y bénir les eaux.

Cette source, à laquelle on attribuait autrefois une vertu fébrifuge, ainsi que le quartier où elle se trouve, ont retenu et portent encore aujourd'hui le nom du saint évêque. Située sous une petite chapelle érigée dans le dernier siècle en l'honneur de Saint-Domitien, cette fontaine se distingue par son eau d'une pureté, d'une légèreté et d'une limpidité excessives. Quoique au-dessous du niveau du Hoyoux dont elle n'est éloignée que de deux on trois pas, elle ne semble nullement recevoir de ses eaux et conserve même sa limpidité, lorsque le Hoyoux, troublé par une crue subite, roule des eaux chargées de limon [47].

Le premier dimanche de mai donne lieu à beaucoup de pèlerinages et de fêtes.

A Assche, à 2 1/2 lieues de Bruxelles, la gilde des archers avait, d'après des statuts en date du 25 avril 1617, son tir, suivi d'un banquet. On abattait l'oiseau de la tour de l'église, c'est pourquoi, en 1643, les deux gildes payèrent 42 sous, en indemnité des dégâts occasionnés par leurs tirs [48].

La chapelle de Sainte-Brie ou Brigitte, près de Fosses, au diocèse de Namur, attire, ce jour-là, une foule extraordinaire de villageoises qui y viennent avec une baguette cueillie en chemin, le long des bois ou des haies. Lorsque l'église est remplie, le curé fait, du haut de la chaire, la bénédiction de ces baguettes, et au moment où il les asperge de l'eau bénite, les femmes qui les tiennent élevées, les frappent, en les agitant, les unes contre les autres, ce qui fait une espèce de cliquetis assez curieux. Cette bénédiction se réitère autant de fois que la foule se renouvelle dans l'église.

On rapporte ces baguettes pour en toucher les vaches malades.

A Louvain, se fait annuellement, en ce jour, le pèlerinage de Scherpenheuvel ou Montaigu.

L'origine de ce pèlerinage date du XVIIe siècle, où la confrérie de N.-D. des sept Douleurs ou de N.-D. de Scherpenheuvel, qui fait la procession, fut érigée dans l'église de Sainte-Gertrude.

Le nom de Scherpenheuvel, généralement traduit par Montaigu, dérive du mot flamand « scerpe » ou « scherpe, » qui, dans la Campine, désigne encore aujourd'hui une espèce de potence, ou « schragers, » qui, à Buykelare, en Flandre occidentale, s'appellent « strikeisters. »

Le chantre et chapelain de Notre-Dame de Zichem, Lodewyk Van Velthem, qui composa, vers l'an 1500, un livre en vers, intitulé « Spiegel historiael, » Miroir historique, nous raconte qu'entre Diest et Zichem, il y eut un chêne, formant une espèce de croix, qui était en grande vénération chez les habitants des environs. On s'y rendait fréquemment en pèlerinage pour se guérir, et quantité d'hommes estropiés, qui y regagnèrent l'usage de leurs membres, pendirent aux branches du chêne, en signe de leur rétablissement leurs potences et leurs béquilles (hunne scerpe en staffen).

C'est pourquoi la petite colline sur laquelle s'élève à présent le célèbre sanctuaire de la Vierge, reçut le nom de Scherpenheuvel, colline des potences. Mais pour donner un but chrétien à ces pèlerinages, que le clergé essaya en vain d'abolir, on attacha au chêne une petite statuette de la Vierge. Du moins, vers 1400, on y vénérait déjà une image miraculeuse de la Vierge, attachée à un chêne, et on y priait surtout contre la fièvre. Environ cent ans plus tard, comme le raconte J. Lipse, un événement extraordinaire vint augmenter cette dévotion.

Un berger qui faisait paître ses brebis sur la montagne, ayant trouvé par terre l'image de la Vierge qui s'était détachée de l'arbre, voulut se l'approprier; mais à peine eût-il porté la main sur la statue qu'il se sentit comme cloué à la terre. Vainement il s'efforce de s'éloigner, tout mouvement lui est impossible.

Vers la nuit, le maître du pâtre, inquiet de son absence, va le chercher sur la montagne, entend ce qui est arrivé, et s'empresse de replacer la statue au lieu qu'elle occupait auparavant. Au même instant le pâtre est comme délivré de liens et peut reconduire le troupeau à la maison de son maître.

Naturellement cet événement fit grand bruit et rendit le pèlerinage encore plus fréquenté qu'auparavant.

En 1580, la statue disparut, sans que l'on put découvrir les auteurs de ce vol, mais cette circonstance ne diminua pas le nombre des visiteurs qui s'y rendaient pour être délivrés de la fièvre, et en 1587, un échevin de Zichem se procura près d'une femme pieuse de Diest, une statue de la Vierge qu'il plaça dans la niche du chêne, restée vide depuis sept ans, et qui, d'après l'opinion générale, était la même statue qui avait disparu.

Le nombre des pèlerins augmentant de jour en jour, le curé de l'église de Saint-Eustache à Diest fit construire, en 1602, à côté du chêne, une petite chapelle en bois, où il plaça l'image sur un autel.

L'image y étant mise donna occasion au zèle des pèlerins de couper des parcelles du bois du chêne et comme le 8 septembre 1603, on compta plus de vingt mille pèlerins qui vinrent visiter la chapelle, l'autorité jugea nécessaire d'abattre l'arbre pour éviter des accidents. Une partie de ce chêne fut donnée à l'archiduc Albert d'Autriche, le reste servit à faire des images de Notre-Dame, lesquelles se vénèrent encore aujourd'hui en plusieurs endroits de la Belgique. La vente de ces images appartenait, en vertu d'une ordonnance du 9 décembre 1617, exclusivement à l'église de Scherpenheuvel.

Le 19 juillet 1603, on construisit une chapelle plus grande en pierres. Elle fut consacrée le 13 juin 1604 et dédiée à la Vierge par l'archevêque de Malines, Mathias Hovius, mais elle fut détruite en 1627, lorsque fut achevée la belle église dont Albert et Isabelle eurent posé la première pierre le 2 juillet 1609.

Parmi les processions qui, déjà au XVIIe siècle, se rendaient annuellement à Scherpenheuvel, on voyait celles de Cologne, d'Aix-la-Chapelle, de Bonn, de Karpen, de Fauquemont, de Dalheim, de Liége, de Ruremonde, de Venloo, de Maesseyk, de Saint-Trond, de Hasselt, de Tongres, de Namur, de Weert, de Bré, de Herk, de Stockheim, de Beringen, de Bilsen, de Tirlemont, de Louvain et de beaucoup d'autres endroits.

Dans notre temps, il n'y a presque pas de jour sans procession, depuis le mois d'avril jusqu'à la fin de septembre, de sorte que le nombre des pèlerins qui vont voir Scherpenheuvel s'élève chaque année à 100,000 hommes [49].

Dans les communes du pays de Waes on publiait tous les ans le premier dimanche du mois de mai, les ordonnances, les statuts et les défenses du Hoog-Bailliu, s'Graven-Mannenende Hooft-Schepenen van den Lande van Waes [50].

A la petite chapelle qui se trouve près du chemin de Zillick à Merchten (en Brabant) et qui est dédiée à saint-Quirin, que l'on y invoque contre le mal d'oreilles, on célébrait autrefois solennellement la fête du saint [51].

Le dimanche après le 3 mai a lieu à Edelaer, village de la Flandre orientale, la fête patronale de la chapelle de Notre-Dame au cerisier.

Une statue de la Vierge, qui avait appartenu à un vertueux curé de Volkeghem, fut placée par les héritiers de ce prêtre contre un cerisier à l'endroit où se trouve aujourd'hui l'autel de la Madone. Peu de temps après, l'image fut enlevée, mais on la retrouva au bout de quelques mois et on la rétablit à son ancienne place, après l'avoir déposée dans une espèce de tabernacle, afin de la garantir des intempéries de l'air. En 1454 de pieux fidèles commencèrent à construire auprès du cerisier une petite chapelle où, le jour de la Visitation de l'année suivante, un frère mineur d'Audenaerde dit la première messe.

De nombreuses guérisons dues à l'intercession de Notre-Dame au Cerisier, comme on la nommait de l'arbre auquel l'image était attachée, attirèrent une telle affluence de visiteurs, qu'un jour, où la foule se pressait avec plus de zèle que de précaution pour allumer les cierges placés devant l'autel, un incendie éclata et détruisit toute la chapelle; heureusement la statue fut sauvée des flammes et placée dans la nouvelle chapelle consacrée le 3 mai 1460.

Cet oratoire, construit avec les dons du baron Odoard de Pamèle qui comptait Edelaer parmi ses fiefs, fut dans la suite, grâce à la piété de l'un des descendants du baron Jacques de Soigny, remplacée par la chapelle actuelle qui, malgré son exiguité et sa simplicité, reçut bien souvent d'illustres visiteurs, qui venaient offrir à Notre-Dame du Cerisier leurs prières et leurs dons. Marie duchesse de Bourgogne, accompagnée de Marguerite d'York, sa belle-mère, et d'autres personnes princières, les empereurs Maximilien et Charles-Quint, ainsi que le roi Philippe II, l'infante Isabelle, suivie du nonce du pape et du fameux capitaine Ambroise Spinola; tous vinrent honorer la sainte Vierge dans le sanctuaire célèbre et se mettre sous la protection de Notre-Dame du Cerisier.

Le 24 décembre 1788 la chapelle fut vendue par les Français, mais, en 1801, elle fut rachetée par M. Martroye, maître d'hôtel à Audenaerde, qui le rendit au culte en la louant; il la céda ensuite le 20 juillet 1831 définitivement à l'église de Pamèle, dont les prêtres célèbrent encore à présent les saints offices dans la chapelle de Notre-Dame du Cerisier complètement restaurée [52].

Le pape Urbain VIII accorda en 1633 une indulgence plénière à ceux qui visiteraient la chapelle le dimanche de l'Invention de la Sainte-Croix, et plusieurs papes jusqu'à Pie VII, ont maintenu cette faveur.

Le quatrième dimanche après Pâques, se célèbre la fête de saint Dismas ou Dimas que l'on appelle vulgairement « le bon larron », parce que crucifié à la droite de Notre-Sauveur, il mourut après avoir reçu la bénédiction de Jésus-Christ lui-même.

Au moyen âge d'après une croyance aussi généralement répandue ces vers:

Imparibus gestis, pendent tria corpora ramis :
Dismas et Gestas : medio sedet ima potestas :
Gestas damnatur : Dismas ad astra levatur.

étaient regardés comme remède puissant contre les douleurs de la torture. On les écrivait sur un morceau de parchemin, ratissait l'écriture et jetait les raclures dans un verre de vin ou d'eau-de-vie, que l'on donnait à boire à celui qui était condamné à être torturé. On était formellement persuadé que le condamné alors insensible à toute douleur, se tairait.

Aussi la commémoration de Dimas était-elle fêtée indistinctement par tous les chrétiens des deux églises, ceux de l'église orientale l'instituèrent au 23 mars; ceux de l'église catholique la fixèrent d'abord au 25 mars, jour qui, pendant des siècles, fut considéré comme anniversaire du crucifiement et de la mort de Jésus-Christ.

A Malines se fait ce jour-là, en l'honneur de St-Dimas un double office institué par Dismas de Briamont, docteur en théologie, chanoine de St-Rombaut et pénitencier, qui fit bâtir aussi l'an 1653, en l'honneur de son saint patron, une chapelle particulière où il a été inhumé [53].

A Diest le même jour donnait autrefois lieu à une coutume particulière.

Par suite d'un arrangement entre Arnold 1er, seigneur de Diest et Flocard abbé de Saint-Trond, qui, en 1142, finit les troubles soulevés par l'abbé sur l'impôt d'une obole par feu [54], le curé de l'église de Diest avec ses paroissiens se rendait chaque année, le quatrième dimanche après Pâques, à l'abbaye de Saint-Trond pour y faire l'offrande de dix sous (decem solidos) [55].

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8 mai.

(Convallaria majalis. ) Apparition de saint Michel; saint Viron.


Saint Viron, irlandais de naissance, construisit sur l'Odilienberg, près de Ruremonde, un oratoire en l'honneur de la sainte Vierge, et y fut inhumé après sa mort. Un couvent ne tarda point à s'y établir, sous les auspices de Marie, qui, en 1341, fut transféré à Ruremonde [56]

Le lendemain de la saint Domitien, se faisait à Huy, en vertu d'une fondation de Jehan Remy de l'an 1449, une distribution de 9 muids, à deux heures après nônes, à la porte de l'église des Croisiers. Elle devait être publiée la veille, et les quatre plus proches parents du testateur, spécialement convoqués, devaient se rendre aux Cerisiers, pour convenir du poids et de la grandeur des miches [57].

Une autre distribution de pains se faisait dans la même ville, la nuit ou la veille de la saint Domitien, aux Frères Mineurs [58].

Le lundi après le 3 mai se tient la foire qui, depuis un temps immémorial, a lieu à Assche; par un arrêté du 29 brumaire an X, elle fût transférée du mercredi après Pâques au 21 floréal, et ensuite au lundi après le 3 mai, en vertu d'un décret impérial du 12 août 1807 [59].

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9 mai.

(Convallaria multiflora.) Saint Grégoire de Naziance.


A Gand se célébrait autrefois une fête très-solennelle avec octave, en mémoire de l'élévation des reliques de Saint-Macaire, laquelle eut lieu en ce jour l'an 1067, et durant huit jours la châsse du saint restait exposée au milieu de l'église de Saint-Bavon à la vénération des fidèles qui y affluaient de tous côtés. Le dimanche de l'octave se faisait une procession très-suivie et les pèlerins ne manquaient jamais de boire de l'eau du puits nommé « puits de Saint-Machaire »  qui se trouve encore devant la chapelle du saint et qui jouit d'une haute renommée de sainteté [60].

Le même jour se tient encore maintenant à Gand un célèbre marché aux chevaux et bestiaux, dit « de Negenmeimarkt », marché du neuf mai. Il avait lieu autrefois sur un terrain en partie entouré d'un mur, vis-à-vis du cimetière de l'église de Saint-Sauveur et relevant de la cour féodale de Saint-Bavon. Ce jour qui était aussi celui de la dédicace de Saint-Bavon (de kermesse van Sinte-Baefs) lui valut la dénomination de « Negenmeimarkt ». Cependant après que Charles-Quint eut fait construire la citadelle, on transféra ce marché non loin de la montagne de Saint-Amand, où il attire encore à présent une foule innombrable [61].

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10 mai.

(Pœonia tenuifolia .) Saint Job; saint Antonin; saint Gordien.


Saint Job, auquel la commune de Saint-Job-in't Goor près d'Anvers doit son nom, est très-vénéré en Belgique. Huit églises sont consacrées en son honneur et son jour de fête est, dans plusieurs villes, une véritable fête populaire.

A Anvers les servantes font des économies durant toute l'année pour mieux fêter la kermesse de Saint Job ou « Sint-Jobs begankenis », procession de Saint-Job. D'habitude elles forment des associations, dont les membres donnent tout ce qu'ils gagnent par la vente des rognures de légumes, à une femme du quartier, choisie pour garder la caisse commune. La fête venue, les filles de la même association louent une grande voiture pour se rendre toutes ensemble à Dambrugge, petit hameau situé à un quart de lieue de la ville, où la kermesse se tient, et là elles dépensent joyeusement en quelques heures ce qu'elles ont épargné ainsi pendant l'année.

Dès que, le matin, la porte de la forteresse s'ouvre, les Anversois commencent à encombrer la route qui conduit vers le « Dam » ; le long du chemin sont érigées les baraques et les boutiques de la foire. L'endroit même, qui consiste en grande partie d'auberges et de cabarets, est surtout le soir rempli d'une foule compacte, à laquelle le quartier de Saint-André et celui du marché aux poissons à Anvers ne fournissent pas les moindres contingents. « Sint-Job is « onze » kermis », Saint Job est « notre » kermesse, disent les femmes du peuple et ne pas y aller est considéré par elles comme le plus grand malheur. Aussi les voit-on arriver par troupe, chantant et riant, et pendant les dix jours que dure la kermesse, on danse presque continuellement du premier jusqu'au dernier matin. Inutile de dire que la consommation de bière, et surtout de plies séchées (schollen), plat de rigueur à cette fête, est incroyable.

On ne sait pas au juste, depuis quand « Sint-Job's begankenis » jouit de cette popularité, mais à coup sûr elle existait déjà il y a deux siècles, comme le prouve une ordonnance du roi Charles II, en date du 6 juin 1687, laquelle se trouve dans les « Plakkaetboeken van Brabant » (VI, bl. 252) [62].

A Bruxelles, le jour de Saint-Job ou le dimanche suivant, un grand nombre d'habitants de la ville et des campagnards des alentours se rendent à Carloo, village situé à une lieue de Bruxelles, pour y célébrer la fête du patron de la chapelle, Saint-Job, qui y est invoqué contre la mélancolie, les blessures, et généralement contre toutes les maladies des hommes et des bestiaux, mais surtout contre les ulcères. Cette chapelle, qui a été érigée en paroisse, en 1837, et rebâtie, ne contient rien de remarquable, si ce n'est un tableau de Crayer, « la tentation de Job » qui remplace un autre représentant Saint-Job sur le fumier, à côté duquel se tenait sa femme avec un habit troué. Il paraît que les escrimeurs de Bruxelles ont longtemps considéré la chapelle comme leur propriété. Ils possédaient en outre une maison, avec jardin, située près de la chapelle, où ils donnaient un assaut tous les ans, le dix mai ou pendant les fêtes de la Pentecôte, ce qui attirait un grand nombre de spectateurs.

Le 22 mai 1632, les magistrats de Bruxelles étant allés voir le jeu, après avoir assisté à la messe dans la chapelle, et ayant été régalés d'une collation par les escrimeurs, leur accordèrent, par reconnaissance, une demi-aime de vin. Aussi leur donnèrent-ils un subside assez considérable quand, en 1662, le toit et les murs de la maison, que le serment avait bâtie, furent presque entièrement détruits par un ouragan. Mais dans la suite les invasions continuelles des Français contrariant le jeu des escrimeurs, la fête de Carloo tomba en désuétude et depuis 1670 on n'en trouve plus de trace.

Cependant le pèlerinage à Saint-Job s'est maintenu jusqu'à nos jours et il s'est formé, en l'honneur de ce saint, une confrérie, que le pape Grégoire XVI a dotée d'indulgences, par rescrits en date du 4 décembre 1838 et du 3 avril 1840 [63].

Le retour des pèlerins était autrefois attendu avec impatience par les gamins de Bruxelles. Ils s'amusaient à jeter de petits morceaux d'étoffe rouge enduits de poix sur les jupes des femmes, et criaient, lorsque le morceau y restait attaché, « Van Sint-Job! van Sint-Job! » (de la part de Saint-Job) [64].

A Courtrai tout le monde va le jour de Saint-Job au village de Heule situé à une demi lieue de la ville, pour y « servir » le saint. C'est une véritable fête pour les enfants, à cause des « paptaerten », flans faits de farine de riz, que l'on y mange pendant les trois jours que dure cette kermesse [65].

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11 mai.

(Asphodelus luteus.) Saint François de Hieronymo; saint Mamert;
saint Gengould ou Gangulphe.


Saint Gangulphe dont on honore les reliques dans l'église collégiale de Florennes près de Namur, est patron de neuf églises.

Sa fête se chômait autrefois avec beaucoup de pompe dans l'ancienne abbaye de l'Ordre des Prémontrés à Florennes, qui fut fondée en 1121 par Godefroid, comte de Namur, mais maintenant la procession, à laquelle est portée la châsse de saint Gengou, se fait à la fête de saint Pierre [66].


Un proverbe bien connu dit de ce jour :

S'il pleut le jour de Saint-Gengoul,
Les pores auront de glands leur soûl.

A Liége les pompiers célébraient la fête de saint Mamert, leur patron.

A Mons se fêtait le jour obituaire de saint Walbert et de sainte Bertilie, parents de sainte Waudru et de sainte Aldegonde. Ils bâtirent sur leurs terres, à Courtsolre, en l'honneur de la Vierge, une église où ils furent inhumés après leur mort [67].

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12 mai.

(Iris Germanica.) Saints Nérée et Achillée; saint Pancrace; sainte Rectrude.


Il n'y a que deux églises dédiées à sainte Rectrude, fondatrice et première abbesse de Marchiennes, qui mourut en 688, tandis que saint Pancrace, dont on conservait les reliques dans le monastère de Saint-Bavon à Gand [68], est patron de dix églises.

Son jour de fête est considéré comme jour critique pour les bestiaux. On attache des couronnes d'herbes bienfaisantes au-dessus des portes des étables et on conduit le bétail à des sources bénies [69].

Les chanoines réguliers de l'abbaye de Corsendonck, érigée en l'honneur de la Vierge, par Marie de Brabant, fille du duc Jean III, célébraient l'anniversaire de la dédicace de l'oratoire Notre-Dame qu'ils desservaient et qui fut consacré en ce jour, l'an 1432 [70].

Dans l'abbaye de Saint-Bavon à Gand, on chantait une messe solennelle pour célébrer la fête de la Translation des reliques qu'on y gardait [71].

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13 mai.

(Symphetum officinale.) Saint Servais, évêque de Tonnes.


Saint Servais, auquel le village de Lens-Saint-Servais, dans le doyenné de Hannut au diocèse de Liége, doit son nom, est très-honoré en Belgique. Trente églises lui sont consacrées et la neuvaine de sa fête attire encore aujourd'hui un grand concours de fidèles à Maestricht, où se trouve le tombeau du saint patron de cette ville, qui, de tout temps a été le but de nombreux pèlerinages.

Dans plusieurs villages du Brabant qui honorent ce saint comme patron, les paysans brouettent, le jour de sa fête, des veaux comme offrandes à l'église.

Les veaux se vendent ensuite publiquement devant le portail, et le produit de cette vente devient d'autant plus considérable, que le même veau est parfois, à plusieurs reprises, offert à l'église par les acheteurs.

Les jeunes paysans et les valets de ferme suivent la procession montés sur des chevaux ornés de rubans et de fleurs, après avoir fait trois fois le tour de l'église.

D'après un dicton populaire saint-Pancrace (12 mai) dit à saint-Servais qu'après sa fête, il n'y aura plus la nuit de gelée considérable, et le jardinier profite de cet avis [72].

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14 mai.

(Pœonia Officinalis.) Sainte Aglaé; saint Boniface; saint Pacôme; sainte Rolende.


Sainte Rolende, native de France, abandonna son pays pour ne pas être mariée à un fils du roi d'Écosse, mais en chemin elle mourut à Gerpines près de Fosse, où son corps repose encore et attire de nombreux pèlerins qui y viennent invoquer l'intercession de la sainte contre la gravelle, le mal de reins et la colliquassion [73].

La procession à grand tour qui se fait tous les ans le lundi de la Pentecôte en l'honneur de sainte Rolende et dans laquelle sa châsse est portée, est on ne peut plus suivie.

Le second dimanche avant la Pentecôte commençait, à Anvers, le « Sinxenmarkt, » foire de Pentecôte, l'une des deux foires accordées à la ville avec franchise pour les personnes et les marchandises.

Elle durait quatre semaines, et se prolongeait encore quinze jours après. Cette prolongation fût abolie en 1762, mais les deux foires de quatre semaines se sont maintenues jusqu'à présent et commencent encore le même jour, où autrefois elles étaient « ingeblazen » ou ouvertes par la proclamation de la franchise du marché (« marktvrede »). C'était d'abord un garçon de ville, qui faisait la publication en donnant du cor, plus tard, c'était le plus ancien des « Korte Roeden » ou porteurs de verges courtes [74].

La foire de Pentecôte se tient maintenant sur la place de sainte Walburge (sinte-Walburgisplein).

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15 mai.

(Papaver cambricum.) Sainte Dymphne; saint Isidore; sainte Sophie.


Saint Isidore est le patron de huit églises.

Sainte Dymphne ou Dympne, en l'honneur de laquelle la belle église de Gheel est consacrée, fut la fille d'un roi d'Hybernie, qui pour échapper aux poursuites passionnées de son père, s'embarqua secrètement accompagnée d'un vénérable prêtre, saint Gereberne, et arriva à Anvers, d'où elle se rendit dans une forêt près de Gheel pour y mener une vie de solitaire. Mais le roi, informé de la retraite de sa fille, la surprit, et la trouvant aussi résolue qu'auparavant de ne pas consentir à ses désirs impurs, il lui coupa la tête de ses propres mains, après avoir fait massacrer par ses compagnons le vieux Gereberne. Les corps furent abandonnés aux bêtes sauvages, mais quelques pieux habitants des lieux voisins les ensevelirent.

Après de longues et grandes recherches pour retrouver ces corps, on les découvrit en deux cercueils faits de pierre très-blanche que la légende disait être l'œuvre des anges mêmes, puisque dans cette contrée il n'y avait que des pierres noires [75].

Les restes mortels de saint Gereberne furent, dit-on, transportés à Xantes, ceux de sainte Dymphne à Gheel; ils reposent encore aujourd'hui dans un sépulcre magnifiquement sculpté et l'intercession de la sainte est invoquée contre les maladies mentales [76].

La fête de sainte Dymphne donne lieu à une neuvaine très-célèbre en faveur des insensés, ceux-ci y assistent dans une maison attenante à la tour, et durant la neuvaine ils passent chaque jour neuf fois en rampant au dessous du sépulcre de la sainte. La même pratique doit être observée par toutes les personnes qui font la neuvaine à la place ou pour la guérison de l'un ou l'autre insensé. Le grand nombre de chaînes, de liens ou de camisoles de force que l'on voit attachés aux murs de la dite maison, attestent, combien d'aliénés attribuent leur guérison 'a l'intercession de la sainte patronne de Gheel [77].

Les jeunes filles aiment à se parer de fleurs bénites en l'honneur de sainte Dymphne et de sainte Sophie, patronnes de la sagesse [78].

Le clergé de Tongerloo se rendait tous les ans, le jour de sainte Dymphne à Gheel pour y offrir au nom de sa commune deux cierges à la sainte qui avait sanctifié le terrain de Tongerloo par son passage, et pour la prier de préserver cette commune de toutes les diableries [79].

Les échevins de Wambeck parcourent vers la mi-mai les lieux de leur ressort pour visiter les ruisseaux, les haies, les réparations faites aux champs [80].

Les trois jours qui précèdent la fête de l'Ascension, s'appellent les « Rogations » ou « kruisdagen »' Ce sont des jours de jeûne et de pénitence où se font les processions qui portaient le nom de « petites litanies » et qui valurent à la semaine, où elles ont lieu, la dénomination de « semaine des croix » ou de « Bedevaert-week », semaine des pèlerinages [81].

Chaque jour une procession, sortant de l'église sur deux rangs et chaque rang précédé d'un fanon rouge dépourvu de tout luxe et même de pennons, surmonté seulement d'une croix en bois de couleur jaunâtre, va parcourir, chaque jour dans une direction différente, une grande étendue de champs cultivés. Elle n'est accompagnée ni du Saint-Sacrement, ni de l'image de la Vierge, mais les cultivateurs la suivent en masse, demandant avec ferveur, que Dieu daigne donner, conserver et mûrir les fruits de la terre.

L'origine de ces processions, qui ont beaucoup de ressemblance avec les « Ambarvalia » des Romains, remonte à une haute antiquité. Elles furent instituées, vers l'an 468, par saint Mamert, évêque de Vienne en Dauphine, pour demander à Dieu la cessation des tremblements de terre, de l'éruption des volcans, des tempêtes continuelles et des ravages causés par les bêtes féroces. En 511, le concile d'Orléans, convoqué par Clovis, ordonna que ces prières publiques eussent lieu chaque année dans toute la France pour la conservation des biens de la terre, et le concile, tenu en 813, dans la ville de Mayence, décréta que tous les chrétiens sans distinction accompagneraient la procession pendant ces trois jours, sans autre exception que les malades, et ce pieds-nus et revêtus des habits de pénitence [82].

Le clergé d'Anderlecht se rendait autrefois tous les ans pendant les rogations en procession à la chapelle de saint Martin, à Aa, près de la Senne, au Sud des moulins, cette chapelle fut détruite, au siècle dernier, par un comte de Tirimont [83].

A Bruges la messe se dit le premier jour dans l'église de sainte-Anne, le deuxième jour dans celle de saint-Gillis et le troisième jour dans l'église de saint-Jacques. A la procession du deuxième jour, la bénédiction se donne devant la maison, où, en 1666, la peste cessa, grâce à l'intercession de Notre-Dame des Sept-Douleurs.

A Gammerage près de Grammont la procession du premier jour allait à la fontaine dite Houwerek pour y plonger dans l'eau une croix d'argent que pendant longtemps on avait crue perdue, et que l'on y retrouva miraculeusement après bien des recherches infructueuses.

La tradition nous en rapporte l'origine suivante:

Philippe le bon, duc de Bourgogne, donnant un jour un grand festin à Lille, fit vœu d'aller combattre les Turcs, et partit peu de temps après, accompagné d'un grand nombre de chevaliers et de seigneurs, parmi lesquels se trouvait aussi le comte de Gammerage.

Cependant l'empereur ne voulant point l'aider, et Philippe ne pouvant pas aller seul en Palestine, l'expédition en resta là et le duc retourna dans son pays, sans avoir rien effectué. Mais en récompense de son zèle, le patriarche de Constantinople lui envoya un grand morceau de la vraie croix, et Philippe en fit présent au comte de Gammerage, qui fit enchâsser cette relique dans une belle croix d'argent.

Plus de cent ans après, une guerre ayant éclaté, un prêtre cacha la précieuse croix dans un lieu qui n'était connu qu'à lui, et mourut sans avoir confié son secret à personne. Ce n'est que par un miracle qu'on retrouva plus tard la croix. Deux frères ayant commis un meurtre et s'étant réfugiés à l'étranger où ils passèrent plusieurs années à errer sans repos d'un endroit à l'autre, rencontrèrent un jour en Prusse un ermite qui demeurait au sommet d'une montagne. Celui-ci leur inspira une telle confiance qu'ils lui confessèrent leur crime en lui demandant son conseil. Il leur dit, que Dieu leur avait pardonné et qu'ils devaient retourner à Gammerage où, dans un marais, dont il leur donna la description la plus détaillée, ils trouveraient la sainte relique de la vraie croix, que l'on croyait perdue.

« Et afin que vous croyiez à la vérité de mes paroles, » ajouta-t-il, « vous rencontrerez sur la frontière du pays de Brabant un messager portant vos lettres de grâces. »

Tout se passa comme l'ermite l'avait prédit. La croix fut retrouvée mais une nouvelle guerre ayant éclaté, elle disparut de nouveau. La paix rétablie, plusieurs personnes apercevaient de nuit un éclat extraordinaire sortant de l'église et se répandant jusqu'à la fontaine dite Houwerek. On fit de nouvelles recherches et on retrouva une seconde fois la croix dans l'eau.

La joie fut générale, et en souvenir de cet heureux événement on institua la pratique de plonger tous les ans, le premier jour des Rogations, la croix dans l'eau.

Aussi la société des tireurs de Gammerage, l'une des plus anciennes gildes du pays, porte-t-elle encore la figure de cette croix miraculeuse dans son drapeau [84].

A Gand, le teneur d'un fief relevant [85] de la cour féodale de l'abbaye de saint-Pierre était obligé d'assister aux processions des Rogations et de l'Ascension, une verge blanche à la main [86].

A Lierre les bourgmestre, échevins et secrétaire de la ville accompagnaient autrefois les processions des Rogations [87].

A Nivelles le clergé porte, chaque année, aux jours des Rogations les saintes reliques de Pépin de Landen, qui après leur translation de Landen à Nivelles y ont été placées dans une châsse près du cercueil de sainte Gertrude.

La commune de Russon était autrefois, lors des Rogations, assujettie à un singulier droit envers celle d'Othée : elle devait fournir aux habitants d'Othée, qui venaient processionnellement à la chapelle de saint-Evermaire, autant de pains et de « jonchée » qu'ils en désiraient. Mais en revanche, il était permis aux jeunes garçons de Russon, de se moquer de leurs hôtes en criant: « chirippe », comme on fait aux moineaux, lorsqu'on veut les provoquer à prendre la becquée [88].

A Verviers les enfants portaient, aux processions des Rogations, des rameaux sans feuilles chargés par étages de bonbons, de « couques » ou gâteaux et de fruits qu'ils mangeaient ensuite, très-souvent même durant la procession. Or mettait une grande importance à bien décorer ces rameaux, dits « bâtons des Rogations » ou « jolis pikrai » de rubans et de bonbons que l'on quêtait ou recevait dans les familles, et surtout à enlever l'écorce de ces rameaux de manière à former de jolies arabesques.

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16 mai.

(Ornithogalum umbellatum.) Saint Honoré;
saint Jean Népomucène; saint Ubalde.


A Liége, les boulangers célébraient» la fête de saint Honoré, leur patron.

A Saint-Nicolas, la châsse de saint Jean Népomucène, qui s'y conserve est exposée à la vénération publique des fidèles et y attire un grand concours de monde.

Les habitants d'Anderlecht et de Dilbeek, près de Bruxelles, se rendaient autrefois le second jour des Rogations de chaque année en procession à la chapelle de saint Bruno, près de la source du « Pypensip » ou « Pypenzype. » Cette source jaillit au sommet de la colline située au nord du hameau de Broeck. La chapelle fut détruite, peu de temps après la seconde invasion française, par les paysans des environs, qui s'en approprièrent les matériaux [89].

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17 mai.

(Papaver Argemone.) Saint Boniface;
saint Célestin; saint Pascal-Baylon.


A Malines les tailleurs célèbrent la fête de saint Boniface, leur patron.

A Dudelange, village près du Mont Saint-Jean, dans le grand duché de Luxembourg, une messe des morts rappelle chaque année l'anniversaire du jour terrible, qui, en 1794, porta le deuil à peu près dans toutes les familles de la commune.

Les habitants ayant pris les armes pour la défense de leur territoire en faveur de l'Autriche, tuèrent par mépris un parlementaire français qui précédait un petit détachement venant de Kayl. Le général Lefebvre Desnoettes, qui commandait l'avant-garde de l'armée française, prit à l'instant les dispositions nécessaires pour expier le meurtre du parlementaire. Les paysans s'aperçurent trop tard qu'ils n'avaient pas à faire à des déprédateurs et cherchèrent dans la forêt un refuge assuré. Ce fut en vain. Les paysans poursuivis et malgré la résistance la plus vigoureuse, payèrent presque tous de leur vie leur dévouement patriotique [90].

Le mercredi des Rogations, le clergé de l'église Sainte-Gudule, à Bruxelles, après avoir rendu visite à la chapelle d'Ixelles, se rendait à l'Elterken, où un religieux de l'ordre des Carmes prononçait un sermon, en plein air; seulement en temps de guerre, cette cérémonie religieuse avait lieu dans un endroit moins écarté, car l'Elterken ou Arbre bénit, qui a laissé son nom à une rue du faubourg d'Ixelles, se trouvait autrefois dans une situation isolée, au bout de la Hollestrate ou Hoelstrate (aujourd'hui rues du Viaduc et de la Croix) et à proximité de la forêt de Soignes. C'était un tilleul pour lequel le peuple avait jadis une vénération toute particulière. Après la pluie,on déposait sous son ombrage les enfants malades de la fièvre, parce que les gouttes qui tombaient de ses feuilles avaient, dit-on, la propriété de les guérir.

C'était aussi près de cet arbre que l'on dansait le jour de la kermesse, pendant l'après-midi, et si l'on en croit la tradition, le clergé et les laïques, qui accompagnaient la susdite procession, faisaient ensuite, sous le même arbre, un repas, de sorte qu'ils ne rentraient à Sainte-Gudule qu'à trois heures de relevée, six heures après en être sortis.

Tout donne à croire que la vénération pour le tilleul d'Elterken remonte au paganisme, soit que cet arbre ait été consacré au culte primitif, soit qu'il fût ce qu'on nommait ailleurs « vryheidsboom, » arbre de liberté. C'était ordinairement un arbre bénit, sous lequel le malfaiteur fuyait et où il trouvait un asile inviolable, parce qu'il y était placé sous la protection divine. Presque tous les nombreux arbres bénits ou sacrés en Belgique étaient de puissants tilleuls [91].

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18 mai.

(Hieracium Pilosella). Saint-Eric; saint Venance.


La fête de l'Ascension ou « O. H. Hemelvaert » ne fut pas solennisée, au moins généralement, avant le quatrième siècle.

Autrefois c'était la coutume de suspendre au milieu de l'église une image du Christ, que l'on faisait monter ensuite jusqu'à la voûte, pour représenter par là le mystère du jour. De petits anges ailés, cierges allumés en main, voletaient autour de l'image en montant et en descendant, tandis que le célébrant chantait « Ascendo ad patrem meum et patrem vestrum, » et le chœur répondait : « Deum meum et Deum vestrum. »

Après la disparition de l'image, on jetait du haut de la même voûte des fleurs, des hosties de toutes les couleurs, même de l'eau bénite sur l'assemblée, pour symboliser les paroles du prophète :

« En s'élevant vers les cieux, il a enrichi les hommes de ses dons [92].

Aussi était-il anciennement d'usage en Belgique de ne manger ce jour-là que de la volaille pour rappeler l'Ascension [93].

A présent, toutes ces coutumes étant tombées en désuétude, le jour de l'Ascension n'offre qu'une seule particularité : c'est qu'à la messe, aux paroles de l'Évangile « Assumptus est in cœlum, » on éteint le cierge pascal, qui brûlait à chaque office solennel depuis le Samedi saint.

A Wevelghem, près de Courtrai, a lieu ce jour un pèlerinage très-fréquenté dont les enfants reviennent le soir portant en main de longs bâtons, auxquels ils ont attaché de grandes hosties, ou « ouwels» de différentes couleurs.

A Vilvorde, les confrères de la gilde de l'arbalète tiraient l'oiseau et élisaient ensuite un chef-homme (hoofdman) et deux jurés. Ces trois personnes administraient la corporation et jugeaient les querelles qui s'élevaient entre les membres, quand le sang n'avait pas coulé. Le roi ou vainqueur du tir, recevait un denier d'or; mais lorsqu'un même tireur sortait victorieux du concours à trois reprises successives, on le proclamait empereur, et on le gratifiait de deux livres de gros [94].

D'après la croyance populaire, l'ouvrage fait le jour de l'Ascension est toujours menacé de la foudre; qui coud ce jour s'attire de grands malheurs [95].

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19 mai.

(Aconitum mapellus.) Saint Célestin V, p.; saint Yves ou Yvo.


Les avocats et jurisconsultes célébraient autrefois la fête de saint Yves, leur patron. C'est pourquoi ce jour est encore aujourd'hui appelé « Advocatenfeest, » fête des avocats [96].

Les Célestins, institués par le pape Célestin V, en 1244, n'eurent qu'un seul couvent en Belgique, fondé en 1525, à Héverlé-lez-Louvain, par Marie de Hamale, veuve de Guillaume de Croy, marquis d'Aerschot [97].

A Bruxelles, l'une des deux foires franches, qui devaient durer huit à dix jours, et que Maximilien accorda à la ville par un acte du 7 août 1486, devait commencer le jour après l'Ascension [98].

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20 mai.

(Aeschylus hyppocastanum.) Saint Bernardin de Sienne.


Le dimanche après l'Ascension se fait à Chièvres, petite ville de Hainaut, la procession dite « du Pèlerin, » qui doit son origine aussi bien que son nom à une guérison miraculeuse attribuée à l'intercession de « Notre-Dame de la Fontaine. »

C'est sous ce titre que dans l'église de Chièvres se vénère une petite statue en bois de la Vierge, qui, au commencement du XIIe siècle, était attachée au tronc d'un sureau croissant au bord d'une fontaine.

Pour la garantir des injures de l'air, Ida, dame de Chièvres, dont l'époux fut le célèbre chevalier Gilles de Chin, fit construire, en 1130, une chapelle adossée à l'arbre. On y plaça l'image vénérée qui dès lors ne fut plus désignée que par le nom de Notre-Dame de la Fontaine et qui devint bientôt le but de nombreux pèlerinages. Le bruit des prodiges de tous genres qui s'opérèrent par son intercession fut cause qu'en 1315, un Normand, logé à Paris et qui souffrait d'une goutte universelle, se fit transporter à Chièvres. Il y obtint sa guérison, et pour perpétuer le souvenir de ce bienfait, il fit reconstruire la chapelle et donna les fonds nécessaires pour en bâtir une semblable en Normandie.

Un autre Normand, nommé Antoine Deprés, venu, en 1568, en Belgique, atteint aux jambes d'un mal externe, qui nécessita un traitement de six mois à l'hôpital d'Alost, se fit également conduire à la chapelle célèbre et y guérit comme son compatriote en 1315. Sa guérison fut jugée miraculeuse et après une enquête très-consciencieuse elle fut solennellement proclamée telle, le 1er novembre 1569, par l'archevêque de Cambrai, Maximilien de Berghes.

A cette occasion on fit une procession en actions de grâces, et on ordonna de la renouveler chaque année, le dimanche après l'Ascension, avec une octave qui se terminait à la Pentecôte. C'est la procession du Pèlerin.

Dix ans plus tard, une autre guérison d'un enfant, né à Lens, donna naissance à l'habitude qu'ont les habitants de Lens, de se rendre en foule à la procession du Pèlerin et d'offrir chaque année un cierge à Notre-Dame de la Fontaine.

Aussi existe-t-il à Lens une confrérie de Notre-Dame de la Fontaine, dont les membres, le jour de la procession, arrivent à Chièvres de bon matin, y font chanter une messe et accompagnent la procession avec leur bannière.

A Mons, Notre-Dame de la Fontaine était également invoquée à une époque très-reculée, et pendant les guerres on transportait l'image vénérée dans cette ville.

La chapelle, où la statuette de Notre-Dame de la Fontaine était honorée, fut reconstruite plusieurs fois. L'autel de celle qui fut bâtie en 1326, fut élevé à l'endroit où croissait jadis le sureau. Au centre de celle qui fut reconstruite en 1632, se trouvait un puits dont l'orifice était garni d'un marbre poli; des tiges de fer soutenaient une poulie à laquelle deux sceaux étaient suspendus. Il était alimenté par la source de la fontaine de Notre-Dame qui jaillissait en face.

Mais lors de l'invasion française ce vieux sanctuaire de Marie fut supprimé, ses biens confisqués et, en 1798, l'édifice lui-même démoli. Il n'en resta plus que la statuette qui, retrouvée parmi les ruines, fut transportée aussitôt dans l'église de Chièvres.

La fontaine qui coule à quelques pas de la place communale de Chièvres, entre l'antique château des comtes d'Egmont et la maison des Oratoriens, a seule conservé le nom de « Fontaine de Notre-Dame [99]. »

Le même jour, se fait à Nassogne, en Ardenne, une procession très-suivie en l'honneur de saint Monon.

Le dimanche avant la Pentecôte donnait lieu à Bruxelles à l'« 0mmegang » ou à la petite kermesse dont l'origine remonte à l'année 1348.

Selon les légendaires, une pauvre femme d'Anvers, Béatrix Soetkens, vit en songe la Vierge qui lui ordonna d'enlever une petite statue, vénérée depuis longtemps sous le nom de Notre-Dame-à-la-Branche (Onze-Lieve-Vrouw-op-Stocxken). Le sacristain de l'église d'Anvers, qui voulut s'opposer à l'exécution des ordres du ciel, fut frappé d'immobilité et Béatrix, montée sur un léger esquif, parvint rapidement à Bruxelles. Elle y fut reçue par le duc, son fils Henri, le magistrat, les métiers et arbalétriers, qui transportèrent avec pompe la statue dans la chapelle du Sablon. (Le souvenir de cet événement a été conservé par des traditions, des tapisseries, des sculptures et de vieux tableaux et dans l'église du Sablon on voit encore représentée au-dessus du portail de l'est, la nacelle qui portait Béatrix et la statue miraculeuse).

L'anniversaire de cet événement fut célébré tous les ans le dimanche avant la Pentecôte par une procession solennelle; ce jour fut également choisi pour fête communale.

La « gilde » des arbalétriers (de gulde van der schutterien van den Voetbogen ofte de groote gulde) et les autres quatre serments institués plus tard escortaient la procession dans laquelle figuraient en corps les magistrats (en robe rouge), les membres de toutes les corporations, lignages, gilde de la draperie et métiers ainsi que le clergé et les ordres mendiants. Les métiers s'y faisaient précéder par leurs bannières, « keerse, » espèce de lance, dont l'extrémité était ornée des emblèmes du corps; on y ajoutait des chars, des géants, des animaux et d'autres symboles religieux ou grotesques, qui au XVIe siècle étaient déjà si nombreux que la ville dut acheter une maison dans la rue d'Or pour les y placer. L'église supportait les frais de la cavalcade, mais la ville lui accordait un subside et quelquefois les souverains donnaient des gratifications à quelques-uns des personnages figurant dans la fête; ainsi en 1579 la duchesse Jeanne paya les costumes des enfants qui y assistaient déguisés en diables.

La cavalcade était dirigée par les chefs des serments, partant de l'église elle se rendait à la Grand'Place , où elle s'arrêtait et où un banquet était servi. Elle revenait par la Chaussée (rue de la Madelaine), un règlement de 1448 supprima le repas et y substitua une distribution de deux stoep de vin à chaque lance. Des souverains ou des étrangers de distinction étaient invités par le magistrat à venir à la maison échevinale voir passer le cortège.

Après la rentrée de l'Ommegang (gaen, aller, omme, par, autour) les arbalétriers tiraient l'oiseau, qui était placé sur le clocher de l'église, puis ils choisissaient de nouveaux doyens et jurés. La plupart des métiers donnaient des festins, mais cette coutume fut abolie au XVe siècle, à cause des frais qu'elle entraînait, et à 2 heures après midi on exécutait, selon le règlement du 19 février 1447, sur le Marché un jeu ou mystère, dont le sujet était une des douleurs de la Vierge, de sorte que tous les sept ans on recommençait.

Mais l'Ommegang ne sortait pas tous les ans. En 1585 il n'était pas sorti depuis huit ans. Les plus brillants furent ceux de 1549 (1), 1553, 1576, 1577, et 1688; celui de 1688 en même temps le dernier, fut célébré avec solennité. II a été décrit dans le livre : Brusselschen ommegangh of desselfs vreughdenfeest van den jaere 1688 zedegelyck ende boertigh afgemaekt, in-4°, Brussel, 1688.

[(1) Celui de 1549 a été décrit par A. Wauters dans son excellente Histoire de la ville de Bruxelles: La marche était ouverte par les serments : les escrimeurs, armés de piques et de hallebardes, étaient vêtus de blanc et de bleu; les arquebusiers de blanc; les archers de blanc, noir et rouge; les arbalétriers de Saint-Georges de blanc et rouge, et le grand Serment de vert. Ils précédaient une troupe de jeunes gens, montés sur des chevaux richement caparaçonnés, représentant les ducs de Brabant jusques et y compris Charles V et appartenant aux premières familles de la bourgeoisie; ils étaient brillamment costumés et tenaient le sceptre et la couronne; chacun d'eux avait son porte-bannière, ses hommes d'armes, et ses pages. Venaient ensuite les métiers; chaque corporation avait en tête sa keerse portée par le plus jeune maître, et comme dans toutes les grandes cérémonies les jurés, enrobés de drap rouge, marchaient les derniers. Puis on voyait des chars de triomphe, sur lesquels étaient représentés les principaux épisodes de la vie de Jésus-Christ et de la Vierge; un enfant déguisé en loup et monté sur un courtaud, conduisant un diable, sous la forme d'un monstrueux taureau qui jetait du feu par les cornes, entre lesquelles un autre diable était assis; l'archange saint Michel, couvert d'armes brillantes, et tenant d'une main l'épée et de l'autre la balance, dans laquelle, selon de vieilles traditions, il pèse les âmes. Suivait un char, portant la musique la plus extravagante : c'était un ours assis qui touchait un orgue, composé d'une vingtaine de chats, de différents âges, enfermés séparément dans des caisses où ils ne pouvaient se remuer: leurs queues qui sortaient des cages, étaient attachées au clavier par des cordes; l'ours, en appuyant sur les touches de l'instrument, faisait lever les cordes et tirait les queues des pauvres animaux, dont les cris, variés par l'âge, formaient une harmonie tellement bizarre, qu'elle mit en défaut l'austère gravité de Philippe, qui s'était rendu à l'hôtel de ville pour voir cet ommegang. Au son de cette musique dansaient, sur un autre char, des enfants travestis en ours, en loups, en singes, en cerfs, etc. Plus loin, c'étaient Circé et les compagnons d'Ulysse métamorphosés en bêtes, des géants, le cheval Pégase, les quatre fils Aymon, montés sur Rose (cheval) Bayard, et chantant en flamand; un char occupé par un arbre, dont chaque rameau portait un enfant, représentant un des rois juifs, ancêtres de la Vierge; un énorme griffon, des chevaux, des chameaux et des autruches montées par des anges, un serpent vomissant du feu, et enfin seize chars de triomphe figurant les mystères de la vie de la Vierge. Les patriciens, les serviteurs de la ville et les membres du magistrat précédaient le cortége religieux, composé des trois ordres mendiants, du clergé des paroisses avec la châsse de Sainte-Gudule, de plusieurs abbés, et du curé, du diacre et du sous-diacre du Sablon, qui accompagnaient l'image de Notre-Dame, honorée dans cette église. Sortie à huit heures du matin, cette magnifique cavalcade ne rentrait qu'à midi. On exécuta ensuite à l'Hôtel-de-Ville un mystère en flamand, dont le sujet était tiré de la procession elle-même [100].

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21 mai.

(Lychnis flos cuculi.) Sainte Itisberge; sainte Laurence; saint Félix. Prières de filles pour leurs mères, sous l'invocation de sainte Itisberge ou Isbergue. La bonne fille aura le bonheur de la bénédiction de sa mère, lorsque celle-ci aura atteint l'âge de sept fois neuf ans [101].


Le jour après la petite kermesse de Bruxelles, le grand Serment se rendait, vers les deux heures de relevée, tambour battant et portant avec lui de grandes cruches de vin au couvent de Sainte-Elisabeth. Car ce couvent était bâti sur un terrain appartenant anciennement au grand Serment et celui-ci n'a cédé cet emplacement qu'à la condition que les religieuses feraient célébrer annuellement un obit pour les membres défunts du Serment, et donneraient aux membres vivants un déjeuner le lendemain de la petite kermesse, toutefois le serment devait fournir le vin.

Les religieuses auxquelles cette obligation était devenue à charge, ayant vainement prié le serment de leur accorder la faculté de se racheter de cette corvée, s'avisèrent vers le milieu du siècle passé de fermer la porte aux confrères au moment de leur arrivée. Le grand Serment protesta et en appela devant le conseil de Brabant. Le tribunal lui donna gain de cause, et force fut aux religieuses de Sainte-Elisabeth de se conformer à l'ancien usage, jusqu'à ce qu'en 1783 l'empereur Joseph II en supprimant le couvent, débouta les membres du grand Serment de leurs prétentions [102].

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22 mai.

(Syringa vulgaris.) Saint Émile; sainte Julie.

Saint Émile est honoré à St-George au diocèse de Liége, où un oratoire lui est dédié.

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23 mai.

(Tragopogon pratensis.) Saint Désiré; sainte Émilie;
saint Guidbert; saint Hidulphe.


Saint Guidbert ou Guibert, en l'honneur duquel quatre églises sont consacrées, est le fondateur de la célèbre abbaye de Gembloux, dont l'abbé ayant le titre de comte, était premier pair de Brabant. Guibert dota ce monastère de bénédictins de toutes les dépendances de son château de Gembloux, et après avoir pris part à l'expulsion des Hongrois qui, vers cette époque, poussèrent leurs incursions jusque dans les Pays-Bas, il se retira dans un monastère près de Metz, où il mourut en 962. Son corps fut rapporté à Gembloux et élevé, suivant la coutume de l'église Gauloise, en 1110.

Son jour de fête attire chaque année un grand concours de monde à Gembloux à cause des guérisons nombreuses qui se sont opérées par l'intercession de ce saint.

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24 mai.

(Papaver orientale.) Saint Donat.


Fête de Notre-Dame Auxiliatrice ou secours des chrétiens. Ce fut à l'occasion de la célèbre victoire de Lépante, dont le saint père reporta tout l'honneur à la madone, que Pie V inséra dans les litanies de la sainte-Vierge ces mots « Auxilium christianorum, ora pro nobis. » (Secours des chrétiens, priez pour nous) et depuis ce temps la Mère de Dieu est honorée sous le titre de « Secours des chrétiens » ou « Notre-Dame auxiliatrice. »

Lorsque le pape Pie VII, fut banni de ses États et retenu prisonnier pendant plus de cinq ans, il eut recours à la vierge auxiliatrice, lui attribua sa délivrance et fixa, pour en témoigner sa gratitude, au 24 mai la fête de la sainte Vierge : « Secours des chrétiens » [103].

A Eessen, l'une des plus anciennes paroisses de la Flandre occidentale, déjà fort connue au Xe siècle, se célèbre la fête de Notre-Dame « Secours des chrétiens. »

C'est sous ce titre qu'on y honore une statue de la Vierge taillée en pierre, que, pendant les désordres des guerres de religion, quelques habitants du village trouvèrent à mi-chemin de leur paroisse à Dixmude; ils l'exposèrent à la vénération des fidèles à l'endroit même où l'image avait été découverte. Plusieurs guérisons miraculeuses y attirèrent bientôt un grand nombre de pèlerins et motivèrent la construction d'une chapelle sur le terrain où était exposée la statue. Mais par suite des guerres avec les Français, les travaux commencés en 1643 ne purent être terminés qu'en 1661. Vers la même époque se constitua une confrérie sous le nom de la statue, qui, en 1719, a été gratifiée de nombreuses indulgences.

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25 mai.

(Geum urbanum) Saint Urbain, Sainte Marie-Madeleine de Pazzi.


Le saint pape Urbain 1er, auquel en Belgique cinq églises sont dédiées, est considéré comme patron des vignerons, qui lui attribuent tout ce qui convient au saint évêque du même nom, dont on honorait les reliques dans le monastère de Noyon.

C'était celui-ci qui eut le mérite de la culture des vignes, tandis que le choix du pape Urbain 1er, pour patron des vignerons ne s'explique que par la circonstance que, d'après la légende, le saint pape se sauva dans un vignoble pour échapper à la fureur de ses persécuteurs [104].

Le jour de sa fête qui tombe justement à l'époque de la fleuraison de la vigne est pour les vignerons au nombre des jours critiques. A Liège et à Louvain on le considère comme décisif pour la vigne. S'il pleut, il n'y aura qu'une faible vendange et les baies seront d'inégales grandeurs [105].

En France on dit également « Tel Saint Urbain, telles vendanges [106].

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26 mai.

(Azalea pontica.) Saint, Philippe de Néri.


La vigile ou la veille de la Pentecôte on bénit les fonts baptismaux, comme la veille de Pâques, et en Flandre, surtout à la campagne, on considère l'eau, bénite la veille de la Pentecôte, ou « Sinxenwater » comme plus efficace que celle, bénite le Samedi saint ou « Paeschwater. »

A Ath des filles pauvres vont de maison en maison offrir aux familles de l'eau bénite, moyennant quelques cents.

A Huy la confrérie de Saint-Hubert, érigée dans l'église de Saint Pierre, va tous les deux ans en pèlerinage à Saint-Hubert, d'où elle revient le lundi ou mardi de la Pentecôte.

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27 mai.

(Ranunculus acris.) Saint Jean 1er, pape; saint Jules.


La Pentecôte ou « Sinxen » (« Pinkster » en hollandais), le cinquantième jour après Pâques, s'appelait souvent dans les documents du moyen âge « Pâques de fleurs » ou « Pâques de roses, » « bloeifeest, » « bloemenoosteren » [107].

Dans plusieurs églises il était d'usage de faire descendre ce jour-là de la voûte de l'église, par trois ficelles, un pigeon blanc attaché sous une planche ornée de feuillage, de fleurs, de lumières et de grandes hosties de différentes couleurs. Ces hosties, qui étaient censées figurer les langues de feu, sous la forme desquelles le Saint-Esprit descendit sur les apôtres le jour de la Pentecôte, étaient, en tombant, ramassées par les enfants. Une couronne de fleurs descendait aussi du haut de l'église sur la tête de l'officiant.

En d'autres endroits, lorsqu'on chantait l'hymne Veni creator, et que le pigeon blanc descendait du haut des voûtes, on lâchait des oiseaux qui voltigeaient ça et là dans l'église et on y joignait des étoupes enflammées. C'est encore la mode en Flandre, de faire descendre une colombe dans l'église, le jour de la Pentecôte; on dit que les Tirlemontois, voulant introduire cette coutume dans leur ville, s'avisèrent de dresser une oie au lieu d'un pigeon pour descendre à la Pentecôte. Mais ayant été lâché dans l'église, au moment convenu, cet oiseau jeta des cris si perçants que tout l'office en fut troublé. C'est de là qu'est resté aux habitants de Tirlemont le sobriquet de « kwekers » [108].

L'usage que les paysans avaient encore au moyen âge de planter, à la Pentecôte, autant d'arbres devant leurs étables qu'elles renfermaient de bétail, fut combattu de très-bonne heure par les autorités ecclésiastiques et civiles, mais il n'en subsiste pas moins encore dans plusieurs communes de la province de Luxembourg. On dit que les sapins plantés à la Pentecôte devant les étables exercent une heureuse influence sur les bestiaux. Il est bon aussi de purifier les étables par des feux dans lesquels on jette des baies de genièvre, et d'allumer des feux sur les hauteurs le jour de la Pentecôte, car de tels feux chassent la peste, les épidémies et les esprits malfaisants, d'après la croyance populaire [109].

Les oeufs pondus le jour de la Pentecôte, sont conservés à l'égal de ceux pondus le Jeudi saint. On en jette un dans les flammes, quand il y a un incendie pour que le feu n'ait plus de force [110].

Au château de Beveren dans le pays de Waes se présentaient, d'après un ancien privilège de cette seigneurie, chaque année le dimanche de la Pentecôte les pêcheurs d'Anvers et de Rumpst en habits de fête pour offrir au seigneur une verge blanche, une paire de gants et une petite bourse blanche à bordure rouge contenant douze livres tournaisis. Quoique leur bail fût assez considérable, ils étaient encore tenus de faire ces présents en signe de reconnaissance de ce qu'ils avaient jeté l'ancre dans les endroits de l'Escaut qui appartenaient au seigneur de Beveren [111].

Dans la chartreuse de Scheut, près de Bruxelles, on célébrait une messe solennelle en mémoire de sa fondation. C'était une des quatre messes que les religieux de cette célèbre chartreuse s'étaient engagés, en 1456, à célébrer tous les ans.

La dévotion à Notre-Dame de Scheut, après s'être ralentie considérablement, s'était ravivée en 1453; on conçut le projet de bâtir un monastère, près de la chapelle. On ne sut d'abord à quel ordre donner la préférence. Après bien des discussions, on se décida en faveur de l'ordre de Saint-Bruno, et le prieur de la chartreuse d'Enghien accueillit avec reconnaissance l'offre que lui fit la ville de Bruxelles. Les travaux de construction commencèrent et, en 1456, les chartreux s'installèrent définitivement dans leur nouvel établissement qui, grâce aux dons de beaucoup de princes et de particuliers, était le plus beau cloître du Brabant.

Quelques années après leur installation définitive, les chartreux se décidèrent à élever une église conventuelle. Adolphe de Clèves, seigneur de Ravestein, en posa la première pierre, vers les Pâques de l'année 1469 , mais, par suite des troubles et du manque d'argent, les travaux furent à plusieurs reprises abandonnés, et ce ne fut que le 18 juillet 1531 que l'église put être consacrée.

Les chartreux méritèrent, par leur ardeur pour l'étude, l'intérêt que leur témoignèrent, comme à l'envi, les souverains, la noblesse, le peuple.

Mais, en 1579, les calvinistes détruisirent entièrement la belle chartreuse qui, dix ans après, fut transférée à Bruxelles [112].

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28 mai.

(Iris lurida.) Saint Germain, en l'honneur
duquel douze églises sont consacrées.


C'est surtout à Tirlemont (Thienen), où il est patron de l'église principale de la ville, que sa fête se célèbre avec beaucoup de pompe. Cette église, située sur une petite hauteur au centre de la ville, fut bâtie en 1221 sur les ordres de Henri 1er, duc de Brabant, qui y établit un chapitre de douze chanoines. Elle est célèbre par un fragment de la vraie croix dont Godefroid de Bouillon a fait don à la ville, et qui y est vénéré encore, notamment le 4 mai de chaque année.

Jadis on y voyait aussi une statue miraculeuse de la Vierge, sur laquelle, d'après l'historien J. Gramaye, s'étaient vainement acharnés les iconoclastes, et que l'on invoquait particulièrement contre la peste, parce qu'en 1597 les habitants obtinrent, par son intercession, d'être délivrés de cette maladie qui ravageait alors cruellement la ville.

La confrérie du saint Rosaire, qui est érigée dans l'église de Saint-Germain, est fort ancienne, et on prétend même qu'elle y a été érigée par saint Thomas d'Aquin.

En l'honneur de la fête du saint patron, une procession parcourt l'intérieur de l'église [113].

Le lundi de la Pentecôte est en général le grand jour des fêtes et excursions champêtres; c'est en même temps le jour où un grand nombre de kermesses et de pèlerinages ont lieu.

A Amay, bourg situé entre Huy et Liége, les fidèles vont en pèlerinage, de même que le 1er mai, à la petite chapelle, sur la cime d'un rocher, où repose la dépouille de saint Pompée, chapelain de Sainte-Ode, pour invoquer ce saint contre les maladies du bétail [114].

A Anderlecht, près de Bruxelles, a lieu la grande kermesse.

Les paysans belges qui rendent encore aujourd'hui un culte fervent à saint Guidon, dont ils implorent l'intercession contre la dyssenterie, les maladies contagieuses et les maladies du bétail et des chevaux, partent en foule pour Anderlecht, les uns à pied, les autres montés sur des chevaux ornés de rubans et de bouquets. Arrivés au cimetière, ils font le tour de l'église; puis, après avoir entendu la messe, ils circulent autour du maître-autel et de la statue du saint dont ils touchent le manteau. Les jeunes gens de la paroisse accompagnaient autrefois la procession à cheval, déchargeant des pistolets à chaque instant. Ces détonations occasionnaient très-souvent une panique subite et, au milieu du bruit, les chanoines devaient cesser leurs chants. Pour abolir cette coutume, qui devenait de plus en plus intolérable, le magistrat de Bruxelles, à la prière du chapitre, défendit de tirer ce jour-là des coups de feu, sous peine d'une amende de 213 florins (ordonnance en date du 11 septembre 1781).

Le même jour, à midi, suivant un usage qui occasionna fréquemment des malheurs et qui cessa, il y a environ cent ans, tous les paysans à cheval couraient, bride abattue, autour de l'église. Au troisième tour, celui qui arrivait le premier devant le portail y était introduit, sur sa monture, le chapeau sur la tête, par tout le chapitre. Placé au milieu de l'église, il recevait un chapeau de roses; puis on le reconduisait en cérémonie jusqu'à la porte. Avant la course, les paysans attachaient à la tête de leurs chevaux une petite bannière à l'effigie de saint Guidon [115].

A Bruxelles se fait le lundi de Pentecôte, depuis 1615, la procession des Pucelles du Sablon. Isabelle abattit, le 15 mai 1615, l'oiseau du Grand-Serment, placé sur l'église du Sablon. Menée en triomphe au maître-autel, elle fut décorée par le chapelain du baudrier, emblème de sa dignité, et conduite ensuite à la Maison du Roi, aux applaudissements de la multitude. Il y eut fête pendant trois jours. L'infante donna aux cent tireurs gagés du Serment des pourpoints de satin blanc et des haut-de-chausses d'écarlate; de leur côté, les confrères résolurent de suspendre leur tir annuel aussi longtemps qu'elle vivrait, et les trois membres de la commune lui votèrent, le 27 mai, un don de 25,000 florins, dont la princesse fit un noble usage. Elle décida que le revenu de cette somme serait employé à doter, de 200 florins chacune, six jeunes filles nées de parents pauvres et honnêtes et choisies, par moitié, parmi les enfants des serviteurs de la cour ou des confrères des Serments, et parmi les filles de ces derniers, orphelines et pauvres, ou dans la bourgeoisie. Elle voulut que ces jeunes filles, habillées de robes de drap blanc et de jupes de drap bleu, portant des couronnes de liseron, assistassent deux ans de suite à une procession qui, le lundi de Pentecôte, ferait le tour du Sablon; celles qui n'étaient que choisies accompagnaient la procession les cheveux pendants. Les vicaires de l'archevêque, le doyen, le chantre et le trésorier de Sainte-Gudule et les magistrats devaient avoir la direction de cette fondation [116].

A Foy, village du diocèse de Namur, distant d'une lieue de la ville de Dinant, se fait une procession très-célèbre en l'honneur de Notre-Dame de Foy.

Sa statue, découverte en 1609, dans l'intérieur d'un chêne, devint bientôt l'objet d'un culte tout particulier. La chapelle qu'on lui éleva en 1618 devait être remplacée, six ans plus tard, par une église d'une étendue proportionnée au grand nombre de pèlerins qui venaient prier en cet endroit, et, le 8 septembre 1624, l'église que nous voyons aujourd'hui fut placée sous l'invocation de Marie, an milieu d'une affluence immense de fidèles [117].

Tous les sept ans se célèbre une grande fête, à laquelle les habitants de Rochefort, suivant un vœu fait au temps d'une épidémie, se mettent sous les armes.

A Gerpines, près de Walcourt (diocèse de Tournai), lieu de pèlerinage très-fréquenté, se fait une grande procession ce jour-là. On y porte le reliquaire de sainte Rolende [118], et il y a un empressement extraordinaire de la part des pèlerins à se substituer à ceux qui portent la châsse sur leurs épaules, pour la porter à leur tour, au moins pour un moment, car ils sont vite poussés par d'autres amateurs; et dans la marche les femmes ne montrent pas moins d'ardeur pour passer sous la fierte, élevée sur les épaules des hommes, en avant et en arrière.

A Goyck, village à quatre lieues de Bruxelles, les membres du Serment des archers tiraient autrefois ce jour-là à la perche pour le titre de roi [119].

A Hal, le sanctuaire de Marie est également très-fréquenté en ce jour; à Gand, il était d'usage d'aller, le soir, à la rencontre des pèlerins revenant de Hal. Bien que depuis longtemps il n'y ait presque plus de « Hallegasten » à Gand, on y continue encore de s'y promener ce jour, comme de coutume, hors de la porte de l'Empereur ou Keizerpoort et de manger des « schurren » ou « schollen ».

A Laerne, village près de Gand, l'église est dédiée à saint Machaire. Ce saint, voulant retourner dans sa patrie, s'y arrêta malade et se fit transporter de là à Gand pour y mourir. Il se fait chaque année une procession très-suivie avec les reliques du saint patron, que Charles Masius, évêque de Gand, a données à l'église du village.

La confrérie érigée en l'honneur de Machaire, que le pape Grégoire XV a favorisée de beaucoup d'indulgences, accompagne la procession [120].

A Lustin, sur la Meuse, au delà de Namur, se fait un pèlerinage très-fréquenté aux reliques de saint Lupicin.

A Namur, la confrérie du Rosaire ou de Notre-Dame de Walcourt, érigée aux Dominicains, se mettait ce jour en route pour Walcourt, après avoir assisté à la messe, et allait en procession déposer l'image de la sainte Vierge à l'église des Récollets.

Des enfants bien habillés, musique en tête, portaient comme gonfalon la « jupe » de la Vierge. Le jeudi suivant, on revenait de Walcourt à l'église des Récollets, où se formait de nouveau le cortége qui reportait la Vierge ainsi que la jupe aux Dominicains.

Depuis la suppression des couvents, la confrérie a son siége à l'église de Saint-Loup, et c'est de là qu'elle va encore tous les ans en procession à l'église de Notre-Dame avant de partir pour Walcourt.

La procession appelée « Peperbollekens-ommegang », qui se fait à Courtrai, sur la place de Saint-Michel, connue sous le nom de « Area », a également lieu le deuxième jour de la Pentecôte. Elle se célèbre en l'honneur de Notre-Dame de Groeningen à l'église de Saint-Michel [121].

A Nivelles, la confrérie de Sainte-Gertrude fait tous les ans, le lendemain de la Pentecôte, une procession solennelle en l'honneur de cette sainte patronne de la ville. On voit d'abord paraître un homme à cheval; derrière lui est assise, en croupe, une fille choisie entre les plus belles de la ville, pour représenter sainte Gertrude; elle est habillée en dévote et convenable au personnage qu'elle joue. Devant elle, un jeune homme alerte, qui représente le diable, fait mille sauts et mille cabrioles et tâche, par ses gestes bouffons, de faire rire la prétendue sainte qui, de son côté, s'efforce de conserver la gravité qui convient à son caractère et à la cérémonie. Des jeunes filles viennent ensuite, portant l'image de la sainte Vierge.

Le reste de la procession n'a rien de remarquable [122].

A Malines, le lundi de la Pentecôte était autrefois un grand jour de fête pour les orphelins de l'hospice de « Sainte-Heilwich ».

Dès le matin, la porte principale de cette maison était décorée de tableaux représentant le fondateur et la fondatrice, ainsi que deux enfants de cet institut dans leur costume jaune et rouge. Les portraits étaient ornés de couronnes de roses, et les noms des fondateurs y brillaient en lettres d'or. Du pain blanc le matin, et à midi du rôti, un légume extraordinaire et du riz au lait ne contribuaient pas peu à augmenter encore le plaisir des enfants qui, ce jour, avaient la permission de sortir.

Cet hospice, appelé « de Puttery, » des pots qui jadis se faisaient en cette rue, fut fondé, en 1562, par la dame Heilwich Van den Nieuwenhuysen, fille de Henri Michel et Catherine Van Crampfort, et son second mari, le chevalier Remi de Hallut, burggrave de Saint-Winox-Bergen. Dans le principe destiné à la réception des pauvres en général, l'hospice fut ouvert plus tard aux orphelins seuls, et afin de pouvoir en recevoir un nombre plus grand, on acheta en 1569 le palais confisqué du comte Lamoral d'Egmont (décapité le 5 juin 1568 à Bruxelles), et on l'inaugura à sa nouvelle destination le 4 juin 1570.

A Tervueren avait lieu tous les ans une fête, dont on attribue l'institution à Jean IV. Les arbalétriers de Bruxelles et de Louvain venaient s'y disputer le prix de l'adresse, qui ne consistait qu'en deux mesures de vin. Le duc, dit-on, voulut réconcilier les deux villes, dont l'amitié s'était relâchée par suite de quelques dissentiments.

Cette fête commença par un tir qui eut lieu à Louvain, sur le marché, le 12 mars 1422. Elle fut ensuite transférée à Tervueren, où depuis longtemps les arbalétriers de Bruxelles se rendaient tous les ans, pour y assister à la procession de l'église paroissiale. Ceux de Louvain y allaient aussi et aidaient à porter dans la procession la statue de Saint-Jean; celui des soixante arbalétriers à gages de cette ville qui manquait à l'appel devait se rendre en pèlerinage à Notre-Dame de Bois-le-Duc, ou faire le service de la gilde pendant quatorze jours.

En 1493, un riche marchand, nommé Hans Heur, à qui la ville de Louvain devait de grandes sommes d'argent, fit arrêter les arbalétriers de cette cité qui revenaient de la fête de Tervueren.

Au tir de l'an 1513, Charles-Quint, qui n'était alors qu'archiduc d'Autriche, prit part au concours, mais il blessa un homme de métier de Bruxelles, « ivrogne et mal conditionné » ce qui lui causa un vif déplaisir, dit Marguerite d'Autriche dans une de ses lettres.

Le magistrat de Bruxelles accordait quelquefois à la grande gilde un subside pour les frais que lui occasionnait le « jeu » de Tervueren et le 30 juillet 1545, il conclut un accord avec celui de Louvain au sujet de ce tir. Mais en 1558, le tir fut suivi d'une rixe violente entre les bourgeois des deux villes, déjà ils s'adressaient les plus sanglantes injures, et vingt-cinq à trente d'entre-eux avaient tiré leurs couteaux, lorsque quelques personnes s'interposèrent. La querelle cessa, cependant les insolences que l'on avait dites aux Bruxellois, leur causèrent un tel ressentiment que, pendant près de vingt années, ils ne retournèrent plus à Tervueren. Toutefois, ce n'étaient pas les arbalétriers de Louvain qui les avaient insultés, mais d'autres habitants de cette ville, et surtout des étudiants de l'université.

En 1577, sur les instances de don Juan d'Autriche, le tir eut lieu de nouveau, mais pour la dernière fois; les troubles de la guerre en empêchèrent la continuation. La fête patronale, qui se célèbre encore ce jour-là, n'a pas cessé d'être très-animée, surtout à l'époque du séjour du prince d'Orange. Ce prince ouvrait son domaine aux habitants et leur donnait d'ordinaire, des prix pour le tir à l'arc, la course dans les sacs, le tir à l'anguille, le jet d'eau, le mât de cocagne.

Depuis quelques années, la foire aux chevaux qui se tient le jeudi après la Pentecôte, est accompagnée de courses, qui ont lieu par les soins de la Société belge pour l'élève du cheval croisé et qui attirent beaucoup de monde [123].

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29 mai.

(Centauria Montana). Sainte Clémentine; sainte Maximin.
Il n'y a que trois églises du diocèse de Namur, dédiées à saint Maximin.


Les cochers de Bruxelles se rendent, le mardi de la Pentecôte, en cavalcade à Anderlecht, bannière et musique en tête. Cet usage date du temps, où l'archevêque Boonen, à la demande des « carrossiers de la Sérénissime Infante et des seigneurs et dames de sa cour, » leur accorda, le 26 août 1631, l'autorisation de former un corps à part « sous l'étendard qu'ils avaient depuis peu dédié et consacré à saint Guidon, et de pouvoir marcher avec icelui dévotement et modestement en procession l'un des jours de l'octave de la Pentecôte et au jour de la fête du saint. » Ils durent se faire inscrire dans la confrérie, et leurs proviseurs ou chefs prêtaient entre les mains des directeurs de celle-ci le serment d'observer ses statuts [124].

Le même jour se fait à Echternach la fameuse procession dansante.

Les pèlerins exécutent, sur un rhythme particulier [125], ce qu'on appelle la danse des Saints Sautants « Springende Heiligen. » Elle consiste à avancer trois pas et à en reculer deux. Le cortége se met en marche au pont de la Sure et fait un trajet d'un kilomètre au moins. Les pèlerins suivent le clergé, séparés par trois groupes d'enfants, d'adultes, de vieillards. Au bout d'une heure environ, on arrive au pied de l'église; il faut encore une heure au moins pour gravir, en sautillant ainsi, les soixante marches qui conduisent au parvis. Le cortége, toujours en branle, fait ensuite le tour de l'autel et se sépare près de la croix du cimetière.

L'affluence des pèlerins ne diminue guère, et l'année passée encore on en a compté au moins huit mille. Ils viennent de plusieurs lieues aux environs, et M. Borgnet, dans son Guide du Voyageur en Ardenne, raconte qu'un vieillard octogénaire, se croyant redevable à saint Willebrord, n'a pas, depuis quarante ans, manqué une seule fois à la procession dansante, quoiqu'il demeure à trente lieues d'Echternach [126].

La procession immobile qui s'y faisait autrefois au même jour, et à la même heure, était en tout l'opposé de la procession dansante.

Les habitants de sept paroisses du pays de Trèves et du Luxembourg s'assemblaient sur une place. Là, après s'être tenus immobiles pendant sept à huit minutes, ils faisaient une trentaine de pas en avant; puis ils s'arrêtaient de nouveau et ce manège durait jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à l'église où ils parvenaient ordinairement en même temps que les sauteurs [127].

A Hal, petite ville sur la Senne en Brabant, on voit accourir, le mardi de la Pentecôte de chaque année, de toutes les parties de la Belgique, une foule de pèlerins qui vont se mettre sous la protection de Notre-Dame de Hal et lui recommander leur famille et leurs biens.

Sa statue [128], l'une des plus célèbres parmi toutes les statues de la sainte vierge, auxquelles on attribue une vertu miraculeuse et que les chrétiens honorent d'un culte particulier, fut transportée à Hal vers l'an 1262 par la comtesse Mathilde ou Mechthilde, fille de Henri duc de Brabant et épouse du comte Florent IV, de Hollande.

C'est l'une des quatre statues données par sainte Elisabeth de Hongrie à la princesse Sophie, sa fille aînée, qui avait épousé Henri II, duc de Brabant, et qui fit don de cette statue à sa belle-sœur, Mechthilde.

Mechthilde, dont la fille Adélaïde avait épousé Jean d'Avesnes, comte du Hainaut et seigneur de Hal, fit présent de la statue au magistrat de Hal qui lui fit ériger, en 1450, une chapelle particulière à l'extrémité de l'aile gauche de la belle église. L'autel sur lequel est placée l'image miraculeuse est richement décoré, les murs de la chapelle ont littéralement disparu sous les tableaux représentait des faits miraculeux, et toute l'église, monument gothique, commencé en 1341 et terminé en 1409, atteste par le luxe de ses ornements, combien grandes ont été les libéralités des pèlerins.

Aussi compte-t-on parmi les princes qui vinrent visiter Notre-Dame de Hal, Philippe le Bon, duc de Bourgogne; Charles le Hardi; Louis XI, roi de France; l'empereur Maximilien; Charles-Quint; Marguerite d'Autriche; Henri VIII, roi d'Angleterre. Jean-Casimir, roi de Pologne, et autres, aussi les familles les plus illustres du pays ont-elles rivalisé entre elles de donations pieuses faites à la statue miraculeuse.

Des villes entières se sont consacrées à Notre-Dame de Hal, entre autres Bruxelles, Gand, Tournai, Namur, Audenarde, Ath, Mous, Quiévrain, Courtrai, Nivelles, Lokeren, Saint-Nicolas, Lille, Valenciennes, Condé, Crespin, Guisignies, et dans la plupart de ces endroits il est des confréries qui se rendent chaque année processionnellement à Hal ou y envoient des députations pour honorer leur sainte protectrice. Le nombre des pèlerins qui visitent annuellement Notre-Dame de Hal dépasse 60,000.

Les députations des confréries de Notre-Dame de Hal de Liége, de Wacken, près de Courtrai, de Denterghem et de Hoog-Leden, en Flandre, arrivent tous les ans la veille de la Pentecôte; celles de Dinant, de Gand, d'Audenarde de Lille, de Sotteghem et de Lokeren, le premier jour de la Pentecôte, celle de Mons, le second jour de cette fête. Le magistrat de la ville de Hal va à la réception de toutes ces députations qui viennent offrir des dons plus ou moins précieux à la Vierge.

Parmi les ex-voto innombrables que l'on aperçoit de tous côtés, se trouve aussi une plume d'argent due à Juste-Lipse. Ayant été miraculeusement guéri d'une maladie très-grave, en 1602, par l'intercession de Notre-Dame qu'il était venu invoquer à Hal, ce célèbre savant suspendit, en souvenir de reconnaissance, cette plume devant l'autel de la statue et en écrivit l'histoire [129].

A Liége avait autrefois lieu, en ce jour, la coutume singulière connue sous le nom de Croix de Verviers.

Une procession, la croix en tête, sortait de Verviers de grand matin, au son d'un tambour et parfois d'un violon. Elle n'était composée que d'un petit nombre de personnes censées représenter les députés de chaque ménage, du magistrat et du clergé. Arrivés dans la banlieue de Liége, les membres de cette procession devaient danser jusqu'à la porte d'Amercœur qui était fermée et qu'on n'ouvrait que sur la sommation d'un huissier et par ordre du grand mayeur de Liége [130]. Puis les Verviétois escortés par le mayeur ou un chef subalterne de la police et par les sergents de ville, recommençaient à danser jusqu'à la cathédrale. Mais dès la fin du XVIIe siècle les danses ne commençaient que lorsque les députés de Verviers étaient arrivés sous la grande couronne de fer blanc qui pendait au milieu de la nef de l'église de Saint-Lambert. Celui qui portait la croix s'avançait alors vers le grand autel, accompagné des chefs de la députation; ils y offraient au doyen trois pièces de monnaie, une d'or, une d'argent et une de cuivre, placées dans une bourse suspendue à la croix et qu'on rendait pleine d'encens au député représentant le clergé. Le doyen leur faisait ensuite prêter serment sur les saints évangiles d'exécuter la même cérémonie l'année suivante, et ce serment prononcé, le tambour battait de nouveau, les Verviétois se rangeaient sous la couronne et en faisaient plusieurs fois le tour en exécutant des danses, des entrechats et des sauts extravagants, tenant tous le pouce de la main droite levé. Si la fatigue les contraignait de laisser retomber la main, à l'instant les nombreux spectateurs qu'attirait cette bizarre cérémonie, criaient : 1'pôse à haut! (pouce en haut). On prétend que si, parmi ces danseurs, il s'en était trouvé un assez habile pour toucher la couronne du bout des doigts, elle lui aurait appartenu de droit, et que la ville de Verviers aurait été pour toujours exempte de sa corvée annuelle. Mais un de ces sauteurs ayant failli un jour atteindre la couronne, on l'élevait depuis lors, dit-on, d'un demi-pied. La danse sous la couronne finie, les Verviétois sortaient de la cathédrale dans le même appareil qu'ils y étaient entrés. Puis on se dirigeait vers la halle au blé, où le chef de la députation prenait un setier en bois et s'avançait sur le Pont-des-Arches, jusqu'au-dessus de la seconde arcade. Là, à gauche, il brisait « li sti » ou la mesure avec le bâton de la croix et en jetait les morceaux dans la Meuse. C'est ce qui terminait la cérémonie, qui n'a cessé qu'à la révolution française.

La vraie origine de cette coutume est inconnue.

Jacques de Hemricourt, écrivain liégeois du XIVe siècle, dans son ouvrage intitulé : « Patron del temporaliteit, » raconte que vers la fin du règne d'Albert de Cuyck, évêque de Liège (1195-1200), plusieurs impôts, entre autres celui du tourni [131] établi par les échevins, donnèrent lieu à des troubles assez graves, voilà pourquoi l'on permit à plusieurs villes et à plusieurs communes de s'en libérer moyennant certaines charges. C'est par suite de cet arrangement que les négociants de Francfort et de Nimègue en étaient quittes en donnant chaque année une paire de gants de fauconnier et une livre de poivre; ceux de Nuremberg moyennant une longue épée à deux mains et une large courroie de blanc cuir de cerf. Les habitants du ban de Seraing-sur-Meuse et de Tilleur en étaient exempts à condition qu'en temps de guerre ils gardassent les « fortbos » [132] hors de la porte d'Avroy sans entrer dans la cité, et que tous les bourgeois de Liège seraient quittes du droit de pontenage, quand ils passeraient le pont de Seraing. Ceux de Verviers, enfin, devaient pour s'en libérer, se rendre à Liège chaque année, le dernier jour de la Pentecôte, avec croix et bannières, et présenter à la cathédrale 1e denier de bon-aloi « pour leur chevaige. » Plus tard, cette obligation se réduisit à ce qu'une personne de chaque ménage accompagnât la croix; ensuite on envoya les douze plus jeunes mariés et plus tard encore la ville obtint de se faire représenter uniquement par une vingtaine d'hommes payés à cet effet.

C'est, d'après l'opinion la plus accréditée, la véritable origine de la cérémonie, du moins de la première partie. Quant la dernière formalité, M. Detrooz, dans son Histoire du marquisat de Franchimont, nous donne la version suivante :

L'an 1301, au temps de l'avènement du prince Adolphe de Waldeck au siège épiscopal le peuple de Liège imputait aux échevins le crime de protéger les usuriers accapareurs de grains, qui, non contents des bénéfices immenses que leur procurait cette spéculation, vendaient le blé avec une mesure trop petite. Les habitants de Verviers se soulevant les premiers, réclamèrent vivement auprès de l'évêque, et celui-ci pour faire droit à leur demande, se rendit en plein jour à la tête de ses gens, aux maisons des accapareurs et les abandonna à la populace, qui les enfonça et les pilla. C'est ce que plusieurs manuscrits contemporains désignent sous le nom de « justice de l'évêque. » Mais non content de cette punition, l'évêque proscrivit ces marchands de grain et ordonna que chaque année, on donnerait aux Verviétois, qui les premiers avaient adressé leurs plaintes à l'évêque, le setier dont on se serait servi au bureau de la ville, pour le briser publiquement et jeter les débris dans la Meuse; et afin qu'ils n'y manquassent pas il confirma les exemptions dont ils jouissaient auparavant et leur accorda celle de toutes les tailles du pays en y ajoutant en outre une bourse pleine d'encens à l'usage de leur église paroissiale.

Cette opinion, que, du reste, le témoignage d'aucune pièce historique ne confirme, est tout à fait différente de celle que les traditions orales ont transmises jusqu'à nous. Car il paraît que ce fut au contraire, par suite d'une friponnerie commise par les Verviétois dans la mesure des blés, qu'ils furent astreints à faire l'espèce d'amende honorable que nous venons de décrire, et la signification des mots qu'ils étaient obligés de répéter, ne fait que confirmer cette opinion, mettre le pouce en haut chez les Wallons étant équivalent à demander merci.

D'autres encore disent que le peuple de Verviers s'étant refusé à payer une redevance au chapitre de Saint-Lambert, il fut condamné à cet acte de soumission.

D'après un vieux manuscrit dont M. Bovy nous a communiqué quelques extraits, les habitants de Jupille, du pont d'Amercœur et de Saint-Pholien étaient également obligés de venir à la cathédrale « où ils ont à danser dessous la couronne et en vieux hour et non en grand hour (chœur) » et d'aller au marché comme ceux de Verviers; « parmi ainsi ils sont quistes et exempts de toustes tailles et exactions du pays [133]. »

A Malines se faisait une procession solennelle en l'honneur de Notre-Dame d'Hanswyck qui maintenant a lieu le lundi de la Pentecôte.

La statue qui se vénère sous ce nom, fut apportée à Hanswyck [134], si l'on en croit la tradition, l'an 988. Le grand nombre de miracles qui s'y opérèrent par son intercession, firent bientôt affluer les pèlerins de tous côtés.

Les frères de l'Ordre ou Dalscholieren obtinrent l'autorisation, en 1288, d'élever un cloître près de la chapelle d'Hanswyck et lorsque, en 1578, le cloître, l'église et la tour furent complètement détruits par les Hollandais, les religieux se réfugièrent à Malines où ils construisirent l'église actuelle qui fut consacrée en 1678.

C'est en mémoire de la fête célébrée le jour où la nouvelle église se trouva entièrement appropriée aux besoins du culte, que se fait un pèlerinage on ne peut plus fréquenté le second jour de la Pentecôte de chaque année.

Depuis trois heures du matin les fidèles affluent de tous côtés pour faire trois fois le tour intérieur de l'église et suivre ensuite la grande procession qui parcourt la ville. Les cultivateurs, les jardiniers et les charretiers viennent, suivant une ancienne coutume, montés à cheval et font trois fois le tour des remparts [135].

A Temsche on célèbre le mardi de la Pentecôte la translation des reliques de Sinte-Amelberge par une procession magnifique.

C'était en 870, que Charles le Chauve fit la donation de la seigneurie et de l'église de Tamise à l'abbaye de Saint-Pierre de Gand et que Baudouin au bras de fer, comte de Flandre, fit exhumer le corps de la sainte et le transporter par un cortège composé des gentilshommes les plus nobles de Flandre, à la tête duquel marchait Rainelme, évêque de Tournai, à l'abbaye de Saint-Pierre à Gand [136].

A Wasmes, commune située à deux lieues au sud-ouest de Mons, à peu près au centre du bassin houiller du couchant du Hainaut, vulgairement nommé « le Borinage, » a lieu le même jour une procession très-remarquable.

Cette procession, où l'on ne promène que l'image de la Vierge seule sans le Saint-Sacrement, se fait de grand matin et passe par Hornu, Wasmes, Warquignies et Quaregnon. Elle se faisait autrement, dit « l'histoire de Notre-Dame de Wasmes, » le jour de la Trinité et l'on y portait devant l'image de la vierge un drapeau, sur lequel était représenté le combat pendant lequel la Vierge apparaissait au chevalier. Ces deux vers y étaient écrits, en gros caractères :

Attaques Gilles de Chin ce dragon furieux,
Et tu seras de luy par mor victorieux.

M. Lejeusne dans ses notes manuscrites, nous apprend qu'on y promenait aussi le simulacre d'un dragon, et une jeune fille de 5 à 6 ans vêtue entièrement de blanc et que l'on nommait « la pucelette [137]. » J'ignore si on la promène encore; le dragon d'osier est à présent relégué dans un coin obscur de la tour du clocher [138].

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30 mai.

(Ranunculus flammula). Saint Ferdinand saint Félix. p.; saint Émile.


A Saint-Ghislain se chôme la fête de saint Lambert et de saint Bellerin, disciples de saint Ghislain.

Leurs reliques étaient dans le monastère de Saint Ghislain, mais celui-ci en fit don, en 1587, à la paroisse, à charge de les représenter tous les ans à l'église de Saint-Ghislain le lendemain de la kermesse, qui se célèbre le quatrième dimanche après Pâques [139].

Pendant les premières années de l'existence de la célèbre abbaye de Grand-Bigard, tous les ans le mercredi après la Pentecôte, les habitants de Bruxelles, accompagnés du clergé de cette ville et de la châsse de Sainte-Gudule, s'y rendaient en procession, pour y porter des pierres qui servaient à la construction des bâtiments claustraux.

Cette coutume donna lieu à la création d'une confrérie, qui fut approuvée par l'évêque de Cambrai, Nicolas [140].

A Louvain, le quatrième jour de la Pentecôte de chaque année une procession dans laquelle cm chantait des litanies, se rendait au monastère de Ter Bank.

Cette cérémonie est mentionnée dans les actes du chapitre de 1332 [141].

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31 mai.

(Lilium pomponicum flavum). Sainte Pétronille.


Le jeudi après la Pentecôte était autrefois à Moerzeke, dans le pays de Termonde, un jour de grande jubilation.

De tous les villages environnants on se rendait au Castel, appelé vulgairement « Hoog-Castelle, » pour assister à la messe qui s'y célébrait ce jour dans la vieille chapelle dédiée à Notre-Dame. Après la cérémonie religieuse, avait lieu une fête d'un genre tout particulier : on conférait d'abord des charges ridicules, comme l'emploi de receveur à celui qui avait dissipé sa fortune ou qui, au service de la commune, avait mal fait ses comptes de dépense; celui de veneur à celui qui, en poursuivant du gibier, était tombé dans un fossé; celui de conseiller à celui qui avait donné quelque conseil ridicule dans une affaire sérieuse; celui de cocher ou de charretier à celui qui avait versé en conduisant une voiture ou charrette, etc., etc.

Puis une femme grotesquement habillée en grande dame ou « Mevrouw, » assise sur un chariot chargé de fumier et traîné par quatre haridelles et accompagnée d'une foule de jeunes gens, à pied et à cheval, qui entouraient ou suivaient ce char de triomphe, faisait le tour de la place et descendait de son char aux huées de tous les assistants.

Pour terminer la festivité, on exposait à ferme la chasse aux sauterelles, la pêche sur une montagne sans eau, etc.

Tout paysan de la contrée qui manquait de se rendre à cette fête, y était conduit garotté avec des liens de paille aux pieds et aux mains.

Mais l'invasion française mit fin à la chapelle aussi bien qu'à la fête populaire.

Sur les ruines de la chapelle s'élève maintenant un petit sanctuaire où s'honore encore l'ancienne image de la sainte vierge qui s'est conservée, mais la fête qui, de temps immémorial, avait lieu dans le voisinage de cette chapelle ne s'est plus rétablie.

On voit encore, le troisième jour de la kermesse de Moerzeke, une cinquantaine de jeunes gens déguisés et montés à cheval, arriver sur le sommet de la colline pour y passer la journée mais ni le cortège, ni la vente publique, ni le repas commun, n'existent plus. Une chanson se rattache encore au souvenir de l'ancienne coutume. La voici :

Soon vie op den Castel-dagh
Spyze brenght tot het gelagh,
En vergeet te eyschen gelt,
Van selfs wordt hun niet geteld:
Ist dat hy vermaningh doet,
Soo vervalt hy in de boet,
Van te drincken wyn oft bier,
Eenen beker dry of vier,
Of soo veel als hy vermach :
Waer by comt de roep en lach
Van een yder, die hem spot,
Als te zyn soo groote sot,
Die een wet, geacht soo goet,
Heeft vertreden met den voet [142]?

*
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[1]      Schayes, pp. 208-209.
[2]      Boutons.
[3]      Pivoine.
[4]      Besoin.
[5]      H.v.T.N.V., pp. 259-260.
[6]      B.M. pp. 286-287.
[7]      Volksleesboek, pp. 16-17.
[8]      Zeitschrift für deutsche Mythologie, t. I, 175.
[9]      Avondroodt Mss., p. 31.
[10]    Coremans, p. 80.
[11]    Bovy, I, 74.
[12]    Bovy, t. II, 10-11.
[13]    A. de l'E., t. II, pp. 264-265.
[14]    H.d.E.d.B., t. III, 577.
[15]    Le jardin « du commandant » passait dans ce temps-là pour être un des plus beaux de l'Europe. Commencé sous Jean-Théodore, c'était à Velbruck qu'il devait sa richesse et ses principaux embellissements. Ce prince, ami des arts et des sciences, n'avait rien négligé pour se procurer les plantes les plus rares des quatre parties du monde et cultivait même le caféyer dans ses serres de Seraing dont il aimait à faire servir le produit lors de ses grands repas de cour.
[16]    La chapelle de Sainte-Balbine, à Liége, jouissait déjà vers le milieu du quatorzième siècle d'une grande célébrité. Elle était située entre la fausse-porte de Pierreuse et celle de Sainte-Walburge et entourée de tilleuls et d'ormes qui prêtaient leur ombrage aux nombreux visiteurs, et cette fréquentation donna naissance à un joli quartier qu'on a abattu en 1846.
[17]    La chapelle de Sainte-Balbine, à Liége, jouissait déjà vers le milieu du quatorzième siècle d'une grande célébrité. Elle était située entre la fausse-porte de Pierreuse et celle de Sainte-Walburge et entourée de tilleuls et d'ormes qui prêtaient leur ombrage aux nombreux visiteurs, et cette fréquentation donna naissance à un joli quartier qu'on a abattu en 1846.
[18]    Jeu de hasard qui consiste en des dés jetés dans une petite tour en spirale.
[19]    Bovy, t. I, 71-73.
[20]    Willems, p. 466 - Heremans, p. 29.
[21]    Bovy, II, 189-195.
[22]    Coremans, p. 47; Dewez, Histoire générale de la Belgique. Brux., 1827, t. III, 310.
[23]    Oorspronckelyck verhael van het H. Kruys der Vryheid van Assche. Brussel, 1726.
[24]    H.d.E.d.B., t. I, p. 470-471.
[25]    H.d.E.d.B., t. II, 231-232-236.
[26]    Le prévôt et les membres de la Confrérie du Saint-Sang en supportèrent les frais, en acquittant de suite la somme qu'ils s'étaient engagés en entrant dans la confrérie à ne payer qu'à leur mort (hunne doodschuld). Leurs armoiries émaillées, au nombre de 32, se trouvent placées sur le pied de la châsse.
[27]    Amman (ambtman), nommé par le comte ou souverain du pays, et chargé de le représenter dans toutes les circonstances et dans toutes les affaires où celui-ci devait figurer, et d'observer et de contrôler l'administration de la ville et de la justice, etc., selon un des privilèges de la ville celui-ci devait être Brugeois.
[28]    Écoutète, nom du même employé à une autre époque, - Schoutheet - Schuldheiss.
[29]    Clément, t. II, 255-273.
[30]    L.C., pp. 279-294.
[31]    Diest, I, 255-267.
[32]    Geschiedenis der Veurnsche Processie, door H. Vandevelde. Veurne, 1855. V. 31 juillet.
[33]    Les canettes de Furnes équivalaient à quatre litres et une fraction de notre mesure décimale.
[34]    La sodalité de la Sainte-Croix, dont l'origine est la plus ancienne, érigée dans l'église de Sainte-Walburge, la sodalité de Sainte-Godelieve, en l'église de Saint-Denis, qui paraît en 1497, et celle du Seigneur crucifié, laquelle a organisé la procession de juillet.
[35]    H.d.E.d.B., t. I, 265.
[36]    O.L.V. van Lebbeke, by Dendermonde, t'Antwerpen.
[37]    K.e.L., 1843, pp. 95-96.
[38]    H.d.E.d.B., III, 298-304.
[39]    De Smet,M.d.M , pp. 207-210.
[40]    Lemaire, p 75.
[41]    Le nom qui a la même signification que Sart, s'applique au village situé un quart de lieu plus loin.
[42]    De Reume, pp. 276-278. G.d.V.e.A., II, 404-7. Wolf, N.S. p.
[43]    Coremans, p. 80-l .1.
[44]    Schayes, p. 206.
[45]    De Reume. pp 281-282.
[46]    Schayes, pp. 151-152.
[47]    Gorissen, pp. 34-36
[48]    H.d.E.d.B., t. I, 360.
[49]    Diest, II, 21-80.
[50]    Costumen van den Lande van Waes. Gent, 1773, p. 134.
[51]    H.d.E.d.B.,t.  I, 378.
[52]    De Reume, pp. 231-234.
[53]    Molanus, pp. 448-450.
[54]    Flocard, abbé de St-Trond, prétendait que selon privilège papal, accordé à l'abbaye, tous les habitants de Diest devaient se rendre une fois par an à l'église de l'abbaye et y payer une obole d'argent par feu. Les habitants de Diest n'étant pas venus pendant plusieurs années, malgré la sommation réitérée de l'abbé, celui-ci s'adressa à l'évêque de Liège qui, irrité par l'obstination des Diestois, fit fermer les églises de Diest. Mais en vain. Les Diestois ne cédèrent guère, jusqu'à ce qu'enfin, pour terminer ce déplorable état de choses, le seigneur Arnold accommoda le différend entre son peuple et l'abbé par l'arrangement susdit.
[55]    Diest, t. I, pp. 97-98.
[56]    B. M., pp. 91-92.
[57]    Gorrissen. p. 355.
[58]    Ibid. 357.
[59]    H. d. E. d. B., t. I, 459.
[60]    Kort begryp van het wonderbare Leven en de Miraekelen van den heyligen Macharius. Gend, pp. 17, 18, 20; Van Lokeren, p. 82.
[61]    Dierickx, t. II, 415; Steyaert, p. 304-305.
[62]    K.e.L. 1842, pp. 39-40.
[63]    H.d.E.d.B., t. III, 655-656.
[64]    Schayes p 206.
[65]    K.e.L., 1842, p. 206.
[66]    Gazet, pp. 308, 314.
[67]    B.M., p. 93.
[68]    Gazet, p. 380.
[69]    Coremans, p. 80.
[70]    B. M., p. 94.
[71]    De Smet. Vie de saint Liévin. Gand, 1857, pp. 95-96.
[72]    Coremans, p. 81.
[73]    Gazet, pp. 303-304.
[74]    Mertens, t. 11, 80, 81.
[75]    Gazet, pp. 421-423; Een Lelie onder de Doornen, de edele, doorluchtige ende heylige Maghet Dympna. Brussel, br.
[76]    Rien de plus naïf que la légende de sainte Dymphne qu'on lisait sur un vieux tableau de la sainte dans l'église de l'ancienne abbaye de Tongerloo, près de Gheel, et dont M. L. Van Ruckelingen, d'Anvers, a eu l'extrême bonté de nous envoyer la copie qui suit ici:

                De Koningh beloofde der Koninginne in haere doot,
        Dat hy haers gelyck souw trouwen kleyn of groot;
        En anders geen, raeden hem de heeren mede:
        S. Dinghen haer van Gerebinus doopen dede,
        S. Dinghen gheleeck de Moeder figuerlyck.
        Daerom begheerde hy te trouwen puerlyck,
        Syne dochter, met fortsen krachtich,
        S. Dinghen moest hem beloven waerachtich,
        Dat sy haeren Vader soude trouwen.
        En stont haer gans niet aen, maer sy wou trouwen
        Christus, ende vloodt met haer vierder uyt den lande.
        Den vader volghde haer met schepen mengherhande
        Des Koninghs boden besochten alle d' Landt
        Te Westerloo by al etende bevandt.
        By den weerdt die sprack, door u gelts manieren
        Die ghy naer vraeght, die sal ick u bestieren.
        Voor Antwerpen ontvingh den Koningh tydinghe,
        Van synder dochter, 't was hem verblydinghe
        En reedt naer Zammele, 't peerdt stekende met sporen;
        S. Dinghen dit hoorende sy liepen haest voren.
        Te Gheel onthoofde de koningh van Ierlandt
        Als valsch tyrann syn eygen dochter playsant;
        En de knechten die staecken Gerebinus doot,
        De ghebueren begroeven se in twee kisten bloot:
        Naer veel tyds sagh men 's nachts blyschap blycken,
        Dit siende, ginghen de armen en rycken.
        Daer graven, en de vonden twee tomben soo ick merke
        Al wil, die sy droeghen in S. Mertens kerke.
        Die van Santen op den Rhyn quamen stelen
        Dese twee reliquïen en de woudent helen;
        Maer die van Gheele hebbense weder ghenomen,
        Ende syn met S. Dinghen ter kerckwaert ghekomen.
[77]    Amanda. Door R. Snieders. Antwerpen, 1856, t. I, 9-11-14.
[78]    Coremans.
[79]    Een Lelie onder de Doornen, de edele, doorluchtige ende heylige Maghet Dympna. Brussel, br.
[80]    H.d.E.d.B., t. I, 409.
[81]    Coremans, p. 72.
[82]    Avontroodt, Mss, pp. 22-26; Cornet, pp. 110-111 ; Coremans, p. 72; D.d.O. t. II, 413; Schayes, p. 132.
[83]    H.d.E.d.B., t. I, p. 71.
[84]    Wolf, N. S.. pp. 249-251.
[85]    Il était en outre tenu de garder les eaux du monastère, d'aider à nettoyer le cloître aux huit principales fêtes de l'année, où il avait en revanche le tiers de ce qui venait de la table des moines ces jours-là et d'assister aux obits d'Arnould de Lewe, comte de Flandre, et d'y porter à l'offrande un denier parisis.
[86]    Le Polygraphe belge, 1835, p. 115.
[87]    Avontroodt. Mss., p. 24.
[88]    Bovy, II, 263.
[89]    H.d.E.d.b.,t. I, 69-70.
[90]    G.d.V.e.A., t. II, 288-295.
[91]    H d.E.d.B., t. III, 283, 284; Coremans, p. 102.
[92]    Cornet. p. 489; Molanus, p. 195.
[93]    Croon, p.
[94]    H.d.E.d B., t. III, 467.
[95]    Coremans, p. 81.
[96]    Coremans, p. 110.
[97]    B. M , p. 204.
[98]    H.d.E.d.B., t. I, 300.
[99]    De Reume, pp. 159-161.
[100] Wouters, t. I, 109-111, 370; L'ancien Ommeganck de Bruxelles, p. A. Wauters, Brux. 1846.
[101] Coremans, p. 81.
[102] Le Polygraphe belge, 1835, pp. 117-118.
[103] De Reume, p. 272; Cornet, p. 251.
[104] Molanus, p. 289; Wolf, II, 110.
[105] Coremans, p. 81.
[106] Liebrecht. 0.-J.. p. 234.
[107] Coremans, p. 22.
[108] Schayes, pp. 213-14.
[109] Coremans, pp. 23, 81, 82.
[110] Wodana. p. 112.
[111] Van den Bogaert, III, 9.
[112] H.d.E.B., t. I, 37-44.
[113] Reume, p. 260, 1.
[114] La Meuse belge. p. 124.
[115] H. d. E. d. B., t. I, 22-23.
[116] Wauters, t. II, 22, 3.
[117] De Reume, pp. 347-350.
[118] V. 14 mai.
[119] H.d.E.d.B., t. I, 263.
[120] Kort begryp van het wonderbare Leven ende Mirakelen van den heyligen Macharius. Gand, pp. 26-27.
[121] V. 14 juillet.
[122] Clément, t. II, 343.
[123] H.d.E.d.B., t. III, 416-419.
[124] H.d.E.d.b., t. I, 23.
[125] Cet air qu'exécute une musique bruyante formée d'une infinité de hautbois, de musettes, de violons et d'autres instruments est celui d'une chanson allemande « Adam hatte sieben Söhne. »
                Les musiciens sont entremêlés parmi les sauteurs, de sorte que d'abord viennent trois rangs de sauteurs, trois à trois, puis des musiciens, ensuite encore trois rangs de sauteurs, puis des musiciens et ainsi toujours de même.
[126] G.d.V.e.A., t. II, 90-91.
[127] Schayes, p. 146.
[128] La statue est en bois, de couleur noire haute de trois pieds environ. Elle représente la Vierge assise et allaitant son divin enfant.
[129] Historie van O. L. V. van Halle, gemaekt dont J. Lipsius.
[130] Du Reume. pp. 133-135.
[131] Cet impôt était exigible sur toute marchandise vendue ou achetée à Liége.
[132] Faubourgs. Borc, bor, borg, bors, ville, ville entourée de murs, urbs. Depuis ce mot a signifié bourg Forbourg, fores urbis, fauxbourg.
[133] Polain. Mélanges historiques et littéraires Liége, 1839, pp. 259-266. - Le Polygraphe belge, n° 6, pp. 123-124. (Fiefs et Droits bizarres existant jadis en Belgique. Par Schayes) - Bovy. Promenades historiques dans le pays de Liége, t. II, pp. 44-46. Liége. 1839.
[134] Anciennement la commune d'Hanswyck, soumise, pour le droit ecclésiastique, à celle de Muysen, était située hors la porte de Louvain. Le nom lui vint à ce qu'il paraît de « haen » prairie, passage.
[135] De Reume, pp. 365-272. P. Sire Hanswyck ende het wonderdadigh Beeldt, Dendermonde, 1738.
[136] Vanden Bogaerd, t. III, 294.
[137] Recherches historiques sur Gilles, seigneur de Chin et le Dragon. Mons, 1825, p. 18. Wolf, N. S., p. 121.
[138] La tradition de l'endroit dit que lors de la défaite du Dragon (par Gilles) on trouva dans sa caverne une fille qu'il avait emmenée dans son repaire pour la dévorer, circonstance que rappelle la pucelette.
[139] H.d.l.V.d. Saint-Ghislain, p. 140.
[140] H.d.E.d.B., t. I, 368-369.
[141] E. Van Even, p. 8.
[142] K.e.L. 1841, p. 71; Schayes, pp. 203-204; Maestertius, p. 143.


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