LEGENDES La nonne du Parc des Dames à Louvain


"La nonne", de Clovis Trouille

LA NONNE 

(Louvain)


Marie de Ploennies

1848


Jadis aux environs de Louvain existait un couvent appelé Parc des Dames; là vivait il y a bien longtemps une nonne très-pieuse qui portait un amour tout particulier à la Ste Vierge, agenouillée devant son image sacrée, elle oubliait tout soin terrestre. Toutes ses soeurs l'aimaient à cause de sa bonté et comme on avait confiance en elle plus qu'en toute autre, on la fit portière du couvent.
Un très-mauvais prêtre y remplissait les fonctions de confesseur de la manière la plus infâme. Il réveilla dans le coeur de la pieuse nonne, les désirs mondains et la mena si loin qu'elle se décida à quitter le couvent pour aller vivre avec lui. Elle avait choisi le silence de la nuit pour mettre son projet à exécution. Cependant avant d'abandonner le monastère elle se rendit à l'église pour dire un dernier adieu à Marie, et lui adressa la prière suivante: „0 Marie, vierge très-pure, mère de notre Sauveur, je ne puis plus vous servir, le monde a trop d'attraits pour moi, je ne puis résister aux désirs qui m'entraînent hors de cette enceinte. Mes fautes sont grandes, elles me rendent indigne du voile et des vêtements de mon ordre. C'est pourquoi je les suspends à votre autel, je les ai reçus pour l'amour de vous, je vous les rends ainsi que les clés que l'on m'a confiées." Après avoir récité cette prière, elle suspendit ses habits et son voile à l'autel de la Sï Vierge, et quitta, le couvent avec son séducteur.
 Les plaisirs du monde lui tirent bientôt oublier la douce tranquillité du cloître. Elle ne pensa plus du tout à Marie qu'elle avait servie avec tant d'ardeur. Elle s'abandonna à ses passions et s'avilit de plus en plus. Le mauvais prêtre finit par s'en dégoûter et l'abandonna. Se voyant délaissée par celui dont elle se croyait aimée, elle se livra d'abord au désespoir; ensuite poussée par la nécessité elle s'abandonna à toute sorte d'excès, et suivit pendant près de quinze ans cette route criminelle. Cependant le repentir finit par trouver le chemin de son coeur. Elle résolut de retourner au couvent malgré la honte qu'elle éprouvait. Toutefois elle fut curieuse de savoir ce que l'on pensait d'elle au couvent et ce que l'on disait de sa fuite. A cet effet elle se rendit à l'église du couvent où elle rencontra une religieuse qui lui parut d'un abord facile, et qu'elle connaissait bien, mais dont elle ne fut pas reconnue. L'arrêtant elle lui dit: „Comment se porte soeur Béatrix, la portière? Je l'ai vue ici, passé quinze ans."
La nonne lui répondit à son grand étonnement: „Je la connais très-bien, mon amie: elle est toujours bien portante et aimable, et tient encore les clés."
„Comment? La soeur Béatrix? demanda la repentante comme frappée de la foudre. La même qui passé quinze ans, était portière ici?"
„Oui, certes, répartit la nonne. Je fus toujours sa meilleure amie depuis l'âge de vingt-six ans. Comment cela peut il vous étonner à ce point?"
„Mais je la croyais morte depuis longtemps," murmura l'autre.
„Morte? Non, Dieu merci, elle vient encore d'ouvrir la porte de l'église," répondit la nonne en la saluant pieusement d'un: Jésus christ soit loué! —
Béatrix sortit du temple profondément émue. Elle était trop frappée de ce que la nonne lui avait appris pour se livrer à la prière. La préoccupation que lai causait cette nouvelle ne lui permit de s'endormir que fort tard dans la nuit.
A peine eut-elle fermé l'oeil, que Marie lui apparut en songe et lui parla ainsi:
„Béatrix, je savais que tu serais revenue repentante au couvent; c'est pourquoi j'ai pris ton habit et ton voile et j'ai pris ta place. Pour t'en convaincre, tu te rendras demain matin de bonne heure à l'église que tu trouveras ouverte et tu verras encore les habits de ton ordre, ainsi que tes clés suspendues à mon autel. Reprends les, et rentre dans tes fonctions."
Ayant dit cela, la Ste Vierge disparut, et Béatrix s'éveilla; elle comprit alors le sens des paroles de la nonne et pleine de reconnaissance, elle se jeta à genoux pour remercier Marie, qu'elle avait tant offensée, et qui l'avait cependant comblée de tant de bienfaits. Elle demanda pardon à Dieu de toutes les fautes qu'elle avait commises depuis quinze ans.
Déjà le jour commençait à poindre, lorsqu'elle entra dans l'église aussitôt la porte se referma sur elle. Son habit et ses clés se trouvaient en effet à la placé indiquée, elle les prit de nouveau et remplit fidèlement son emploi. Aucune soeur ne sut ce qui s'était passé; toutes la saluèrent et lui parlèrent comme autrefois.
Ce ne fut qu' après la mort de cette nonne repentante , que son confesseur découvrit aux religieuse étonnées ce miracle dont la tradition nous a été transmise.


AFFICHES "ART NOUVEAU" DE HENRI PRIVAT-LIVEMONT

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