TRADITIONS Traditions et légendes de la Belgique - (07) - Juillet


Juillet
"Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579)


TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE


Otto von Reinsberg-Düringsfeld 



JUILLET

Bien que Suétone, qui vivait à Rome au deuxième siècle de J.-C., ait dit expressément que Jules César ayant corrigé les erreurs du premier calendrier, Marc-Antoine, en sa qualité de consul, ordonna que, pour perpétuer la mémoire de ce bienfait, le mois « quintilis » ne s'appellerait plus désormais que « Julius », du nom du réformateur. On a lieu de croire que ce nom, aussi bien que celui d'« Augustus » (août) remonte à une plus haute antiquité et se rattache probablement au solstice d'été.

Les Anglo-Saxons désignaient ce mois des noms de « Lida, äftera Lida » (Lida II), et « Wedemônad » (mois de pacage); Charlemagne lui donna le nom de « Heumanoth » (mois des foins).

Les Flamands ont conservé à ce mois les dénominations de « hooimaend » (mois des foins) et « weidemaend » ou « wedemaend » (mois de pacage).

Dans les documents romans se trouvent les noms: « fœnal » ou « fœneræ » (mois de la fenaison), et « seval » on « sefall », d'origine inconnue  .

*
*   *

1er juillet.

(Agrimonia eupatoria ) Saint Rombaut; saint Thibaut.


Saint Rombaut, patron de Malines, en l'honneur duquel sept églises sont consacrées fut fils d'un roi d'Hibernie après être parvenu à l'archevêché de Dublin il résolut d'abandonner tout et de se rendre à Rome pour y visiter les saints tombeaux. Il reçut la bénédiction du saint Père et reprit son chemin vers les Gaules. Après une apparition céleste, il s'arrêta en Belgique, à Malines où le comte Adon lui fit l'accueil le plus honorable et lui donna le terrain nécessaire pour construire un couvent. Saint Rombaut en chargea le jeune Libert, fils du comte Ado, dont il avait prédit la naissance et qu'il avait baptisé et élevé.

Après y avoir longtemps vécu en grande sainteté, il fut assailli, s'étant un jour retiré à l'écart pour réciter quelques psaumes plus dévotement, par deux assassins qui lui donnèrent un coup mortel sur la tête et jetèrent son corps dans la rivière. Or, la nuit, quelques pêcheurs ayant aperçu une grande clarté sur l'eau, s'en allèrent vers le comte Adon pour l'avertir de ce prodige. Le comte s'étant transporte avec eux au lieu désigné, vit la même clarté, fit jeter des rets et reconnut à se grands regrets le corps de saint Rombaut La mort du Saint advint le jour de Saint-Jean Saint_Jean, en 775; d'après d'autres en 87; mais, à cause de la fête de Saint Jean-Baptiste le pape Alexandre II ordonna qu'on transférât la fête de Saint-Rombaut au premier jour de juillet  , et le synode provincial de 1609 décréta que dans les églises du diocèse, hors de la ville de Malines, la fête du saint patron fût célébrée par un office double le troisième jour de juillet.

La procession qui se fait chaque année, le premier dimanche de juillet, en l'honneur de saint Rombaut, n'est pas moins ancienne ni moins solennelle que celle dite de Pâques.

La châsse du saint   était portée d'abord par les membres des gildes, puis par les députés des habitants de Bois-le-Duc et de Maestricht, lesquels venaient tous les ans à Malines pour assister à la procession; dans la suite, la châsse fut portée par des artisans. Au seizième siècle, les diverses chambres de rhétorique de la ville illustrèrent souvent la procession par des cavalcades et des représentations dramatiques, et un grand nombre de prélats et d'évêques, se rendant à l'invitation du magistrat, suivirent d'habitude le Saint-Sacrement qui, jusqu'en 1636, fut porté à cette procession, usage qui, en 1674, fut rétabli par un décret de l'archevêque.

L'ordre de la marche des métiers, des gildes et des communautés religieuses a subi de fréquentes modifications; mais les cinq gildes ou serments y observaient toujours strictement le règlement donné le 20 juin 1620 par l'archiduc Albert et l'infante Isabelle.

Les membres du magistrat, munis chacun d'un bâton peint en rouge et en jaune, portaient, à l'exception des échevins, sur 1w manche gauche de leur robe noire un morceau de drap rouge, ils recevaient annuellement ce drap de la part de la commune. Selon toute probabilité, ces morceaux de drap rouge remplacèrent les capuchons rouges qu'on portait anciennement à cette procession en mémoire du martyre de saint Rombaut. Les comptes de la ville en font mention dès 1167, tandis que les bâtons étaient déjà en usage en 1149.

Les dix-huit frères mineurs qui portaient la châsse pendant quelque temps, se distinguaient des autres par de petits écus blancs à la croix noire attachés à leurs habits.

La procession terminée, la châsse était déposée au milieu de la nef de l'église et y restait exposée à la vénération publique des fidèles jusqu'au mercredi, où elle était reportée solennellement au maître-autel.

Tous les prélats, ecclésiastiques, chanteurs, musiciens, échevins et officiers de la ville, qui assistaient à la procession, étaient régalés par la commune, soit de vin du Rhin, soit d'autres choses.

Les jubilés du martyre de saint Rombaut, qui se célébrèrent en 1680, en 1775 et en 182, comptent parmi les fêtes les plus brillantes de la Belgique. On en possède, des deux dernières au moins, la description détaillée, publiée avec des gravures représentant les magnifiques cavalcades  .

La chapelle de Saint-Thibaut, construite sur la montagne qui domine Marcourt, était jadis le but d'un pèlerinage très-fréquenté. Ce saint, né en 1017, descendait des comtes de Champagne. Il quitta jeune la maison paternelle pour se faire anachorète, et vint résider sur la montagne de Chiny à l'endroit où se trouve une source, qu'il fit, dit-on, jaillir de la terre. Plus tard il se construisit un ermitage à Pettange, près de Mersch, mais voulant échapper à son père, qui avait découvert sa retraite, il passa en Italie et y mourut en 1066, près de Vicence, des suites de la vie austère qu'il s'était imposée.

Une chapelle construite près du pont qui à Chiny traverse la Semois, une autre construite à Suxy, village près de Chiny, portent également le nom de Saint-Thibaut.

Celle qui lui est dédiée à Huy est célèbre par l'image du saint qui y fut transportée miraculeusement l'année même de son trépas.

Les métiers des maçons, des verriers, des ardoisiers, des menuisiers et autres de la ville de Luxembourg ont choisi saint Thibaut pour leur patron et lui ont érigé une confrérie, qui célèbre la fête du saint avec beaucoup de pompe  .

*
*   *

2 juillet.

(Lilium candidum). Fête de la Visitation de la Sainte-Vierge.


Cette fête, qui nous rappelle la visite que Marie rendit à sainte Elisabeth, sa cousine, après avoir entendu de l'archange l'heureux message d'après lequel Dieu l'avait élue pour devenir la mère du Messie, fut instituée, selon Baronius, par le pape Urbain VI en 1385 et confirmée ou publiée par Boniface IX, en 1389. Pie IX l'a élevée au rang des fêtes de seconde classe, en mémoire de sa rentrée à Rome après son retour de l'exil qu'il avait passé à Gaëte  . La croyance populaire considère ce jour, qui est en même temps celui de la Sanctification de saint Jean, comme jour fatal pour la température

Quand il pleut, ce jour-là, on ne sait comment s'y prendre pour  rentrer la récolte, dit le proverbe  .

Dans plusieurs sanctuaires de Marie le jour de la Visitation est la fête principale de l'année. La chapelle de « Notre-Dame aux Hirondelles » à Gand était de ce nombre.

Comme le nom l'indique, les hirondelles voletant à l'entour d'un vieux chêne, et ne le quittant ni jour ni nuit, furent cause qu'on découvrit aux environs de Gand une image miraculeuse de la sainte Vierge. On la transporta dans l'ancien oratoire des Templiers, qui en reçut le nom de chapelle de Notre-Dame aux Hirondelles, et après la démolition de cette chapelle, l'image fut placée sur l'autel de l'église de l'hospice Saint-Jacques, dédiée déjà elle-même à Marie, au quatorzième siècle. Une octave solennelle y commence annuellement le 2 juillet  .

La fête de Notre-Dame de Lombartzyde a également lieu en ce jour.

La tradition dit qu'en 1596 des marins trouvèrent sur les bords de la mer une statue de la Vierge, en bois, qu'ils placèrent dans une chapelle et qu'ils invoquèrent particulièrement contre les dangers de la navigation.

Un très-grand nombre de faits miraculeux dont les ex-voto nombreux appendus aux murs de la chapelle, rappellent le souvenir, rendirent cette image extrêmement célèbre et bien que Lombartzyde ait maintenant beaucoup perdu de son ancienne importance, on voit, à l'occasion de la Visitation de la sainte Vierge, les populations accourir des localités voisines, voire même des villes de la Flandre française  .

A Lubbeek en Brabant, le sanctuaire de Notre-Dame attire ce jour de nombreux pèlerins. On leur y distribue une image d'ancienne apparence, en forme de drapeau, sur laquelle se lit ce distique  :

Maria's derde huys, van auts 
Vermaert in Brabant, 
Wort nogh van wyts besoght 
Tot Lubbeeck by het Haghlant.

On croit qu'au seizième siècle le pèlerinage de Lubbeek venait après ceux de Hal et de Montaigu.

L'ancienne chapelle, où se vénérait cette célèbre statue à laquelle on attribue tant de miracles, fut érigée en 1341 et subsista jusqu'en 1816.

Après la destruction de l'édifice sacré, la statue fut transportée processionnellement à l'église paroissiale, où elle est placée sur un autel particulier  .

A Mooregem, sur la route d'Audenarde à Courtrai, commence, à la fête de la Visitation, dans la chapelle de la Sainte-Vierge, nommée « Notre-Dame de l'Aubépine » ou « O.-L.-V. ten Doorn », une neuvaine solennelle à laquelle le pape Pie VII a accordé à perpétuité une indulgence plénière qui attire une telle affluence de pèlerins qu'on a été souvent obligé de prêcher en plein air.

L'ancienne chapelle, qui y existait de temps immémorial, étant devenue trop petite de beaucoup, fut remplacée, en 1663, par une église à trois autels, construite au frais d'Adrien Van Spiere, seigneur de la commune à cette époque. Joseph II fit saisir ses revenus, mais elle n'en continua pas moins d'exister par les offrandes des fidèles, jusqu'à l'invasion française, en 1794, où l'image miraculeuse de Marie fut brisée, la chapelle pillée et presque démolie.

Pour obtenir la guérison d'un de ses enfants, malade à mourir, presque délaissé par les médecins, le seigneur d'alors, Eugène Van Hoobrouck, fit vœu à Marie de rebâtir ce sanctuaire. Sa prière fut exaucée et, l'an 1806, il accomplit sa promesse en rétablissant la chapelle telle qu'elle existe aujourd'hui. La chapelle primitive se encore de demeure au clerc  .

Une autre chapelle connue sous le même nom de « Notre-Dame de l'Aubépine » ou « O.-L.-V. ten Doorn » se trouvait autrefois à Eecloo  .

La légende raconte qu'au commencement du quinzième siècle de pieuses veuves se trouvant à une petite distance d'Eecloo, entendirent tout-à-coup un chant si harmonieux qu'elles ne purent l'attribuer qu'aux anges. Après avoir fait des recherches aux environs, pou découvrir la cause de ces hymnes célestes, on trouva près d'une aubépine en fleurs une image de la Mère de Dieu. Le clergé s'empressa de transporter avec solennité cette image, mais elle fut presqu'aussitôt replacée près de l'aubépine par la main des anges, et chaque tentative nouvelle de translation fut suivie du même résultat,

Ému par ces merveilles, le magistrat de la ville résolut de faire rebâtir une ancienne chapelle presque en ruines, appelée a le vallon de l'Ange » « Engeldale », et située à proximité de l'aubépine. Il  y fit déposer la statue miraculeuse, et lorsque peu après arrivèrent de Saint-Omer à Eecloo, quelques religieuses faisant profession du tiers-ordre de saint François, et désirant être admises à demeurer dans la ville, il leur fit don de ce sanctuaire et d'une pièce de terre voisine,  où l'on construisit une chapelle plus grande sous le nom de Notre-Dame de l'Aubépine. Chassées de ce lieu, en 1570, ces sœurs qu'on appelait a Pénitentes » ou « religieuses de Notre-Dame des Épines » se retirèrent à Gand avec la statue miraculeuse de la Sainte-Vierge et s'établirent, en 1627, dans la rue Basse des Champs.  Mais à l'époque de leur suppression, sous Joseph II, quelques-unes de ces pieuses tertiaires revinrent à Eecloo et la sainte image fut transportée en triomphe à l'église des Récollets, qui occupaient la maison construite primitivement pour ces religieuses. A l'invasion française on cacha la statue jusqu'à ce qu'on la replaçât solennellement le 18 août 1823, dans l'ancienne sacristie des Récollets, transformée en chapelle latérale de l'église, qui sert aujourd'hui au pensionnat des Sœurs de Charité  .

A Stockel, hameau près de Bruxelles, se célèbre la fête de la chapelle de Notre-Dame ou de la Visitation; on y va invoquer la Mère de Dieu contre les hernies.

Ce petit édifice qui existait déjà en 1326, a été restauré ou plutôt reconstruit en vertu d'une autorisation de l'archevêque, en date du 30 janvier 1778  .

A Vilvorde la fête patronale de ((Notre-Dame de Bonne-Espérance» a lieu le 2 juillet; c'est aussi à la même date, en 1713, que fut célébré le jubilé de 300 ans, depuis l'établissement de la confrérie de Notre-Dame de la Visitation ou de Bonne-Espérance.

L'image miraculeuse connue sous ce titre est spécialement invoquée par les femmes mariées qui n'ont pas encore d'enfants. Son origine est restée inconnue, mais, dès l'année 1413, il existait une confrérie sous le même titre, dont les membres ont été gratifiés dans la suite de nombreuses indulgences par plusieurs papes, entr'autres par Paul V et Clément XI  .

A Ypres on porte tous les ans, la veille de la Visitation, l'image vénérée de Notre-Dame des Remparts à l'église de Saint-Nicolas, où elle reste exposée pendant l'octave.

Cette image, représentant la Sainte Vierge portant son enfant dans ses bras, fut attachée vers l'an 462, à la muraille extérieure du collège des Jésuites, en face des remparts de la ville, et devint bientôt un lieu de dévotion très-fréquenté. Afin de défendre des injures de l'air le luminaire qu'on brûlait devant la Madone, et de protéger les pieux pèlerins, on bâtit une petite chapelle. Les difficultés qui s'opposèrent à ce travail ne firent que s'accroître; la dévotion envers l'image et l'affluence du peuple ne s'affaiblirent pas, même pendant l'invasion française. En 1805, comme il fut construit de nouveaux ouvrages aux remparts d'Ypres, la statue miraculeuse fut transportée processionnellement à une chapelle, préparée à cet effet, près de l'église de Saint-Nicolas, mais la reconstruction de cette chapelle devenant bientôt nécessaire, la sainte image fut honorée, pendant l'année 1846, dans l'église paroissiale jusqu'à la fête de la Nativité de l'année suivante, où elle fut transférée avec pompe à la chapelle restaurée.

En souvenir de cette translation on institua la solennité susdite, qui fut célébrée la première fois l'an 1848  .

Le même jour encore une foule de pèlerins se rendent à Notre-Dame d'Alsemberg, à Notre-Dame de Bon-Secours, à Peruwelz; à Notre-Dame du Rempart, à Charleroi, et à Vosselaer près de Turnhout, ce dernier pèlerinage a donné naissance au dicton populaire fort en usage dans les environs de Turnhout  : « As de paterkens nat worden, regent 't zes weeken. »

A Namur la Visitation fut, depuis la fin du quatorzième siècle, la principale fête de l'église de Notre-Dame ainsi que la kermesse ou ducasse de la ville. C'est en ce jour que sortit la grande procession avec son cortège habituel de personnages religieux et profanes, historiques et fabuleux, dont le savant J. Borgnet nous a donné la description détaillée dans son Mémoire sur les anciennes fêtes namuroises.

L'ommegang, dont le compte communal de 1449 fait la première mention, cessa d'avoir lieu en 1730. Parmi les personnages qui composaient le cortège, figuraient Goliath avec sa famille, les quatre fils Aymon sur leur cheval Bayart, l'enchanteur Maugis à cheval, Saint-Georges et son dragon, Charlemagne à cheval, l'enfer et des diables, Saint-Michel et des anges, les apôtres, l'empereur et des rois, Saint-Christophe, la Gésine Notre-Dame, les Mages, Jésus-Christ sur un âne et nombre d'animaux et de monstres.

La célèbre danse macabéenne ou macabre était l'accompagnement obligé de la fête patronale, et des mystères se jouaient assez régulièrement ce jour-là  .

*
*   *

3 juillet.

(Malva sylvestris.) Saint Anatole; saint Euloge; saint Hyacinthe; 
saint Héliodore; saint Guthagon.


Saint Guthagon, issu du sang royal d'Écosse, quitta les délices mondaines pour voyager en pèlerin inconnu; mais arrivé dans la Flandre occidentale, il mourut à Knocke et fut inhumé au cimetière d'Oostkerke, où on érigea une chapelle sur son tombeau, après qu'on eut aperçu les prodiges qui s'y opérèrent.

L'évêque Gérard de Tournai éleva ses reliques en 419 et les plaça solennellement dans une châsse, qui se conserve encore. Sa fête attire tous les ans un grand concours de monde.

Le premier dimanche de juillet donne lieu à plusieurs kermesses, dont celles d'Alost et de Malines sont les principales  .

Dans la procession du premier jour de la kermesse à Alost, marchaient les bourgeois qui avaient été en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle ou à Rome, entre une haie de membres de la confrérie de Saint-Jacques, portant leurs bourdons, leurs calebasses et leurs collets ornés de grosses écailles  .

A Bruxelles se célèbre avec grande pompe la fête annuelle en l'honneur de la confrérie de Notre-Dame de Bon-Secours, qui solennisa déjà en 1825 le jubilé bisséculaire de son installation; d'illustres personnages en firent partie anciennement.

A l'issue de la grand'messe, une procession, qui est toujours d'une grande richesse, parcourt l'itinéraire de la paroisse  .

A Huy se faisait chaque année, le premier dimanche de juillet, l'élection magistrale.

Les onze métiers se réunissaient aux Frères Mineurs et élisaient les onze membres du conseil, conformément à l'ordonnance de l'évêque de Liége de l'an 1677.

L'évêque Maximilien changea pourtant, le 15 juin 1686, cette forme électorale en instituant six chambres, dont chacune se composerait de dix personnes  .

En Hainaut une foule de pèlerins se rend ce jour à Baugnies pour assister à la procession solennelle, qui s'y fait le premier dimanche de la neuvaine célébrée chaque année en l'honneur de « Notre-Dame, consolatrice des Affligés. »

Les nombreux ex-voto qu'on voit dans la chapelle, construite en 1717, témoignent des nombreuses guérisons qu'on attribue à l'intercession de la Vierge, invoquée sous ce titre  .

Le dimanche après le 2 juillet se célèbre à Liége, la fête de Notre-Dame de Saint-Sévérin.

La statue miraculeuse de la Vierge, que l'on vénère sous ce nom, parce qu'elle fut primitivement placée dans l'église de Saint-Sévérin, maintenant démolie, se trouve aujourd'hui dans l'église de Saint-Martin. La légende donne sur l'origine de cette madone et de sa fête les détails que voici  :

Un juif avait épousé une catholique pieuse qui, faisant à l'autel de la Vierge de très-fréquentes visites, fut tout-à-coup empêchée de continuer; une violente attaque de paralysie lui ayant ôté l'usage de ses membres. La femme moins sensible aux douleurs physiques qu'à l'impossibilité où elle se trouvait, de satisfaire à sa dévotion, s'en plaignait en des termes tellement touchants, que son mari, qui était sculpteur, se mit à l'œuvre et offrit bientôt à sa femme une petite statue de la Vierge, devant laquelle elle put prier, comme elle le faisait précédemment à l'église.

La femme en était on ne peut plus heureuse et avant de succomber aux suites de son infirmité, elle prit soin par son testament de léguer à l'église la statue qui lui avait été si chère. Mais ce legs ayant été jugé de peu d'importance, on relégua la statue dans une chambre du clocher qui était affectée au dépôt des objets hors d'usage.

On ne songeait même plus à cette madone, lorsque, le samedi suivant, qui était la fête de la visitation de Notre-Dame, on entendit tout à coup les cloches. A cette sonnerie inusitée, on courut en foule au clocher et à leur grand étonnement les visiteurs virent non-seulement les cloches mises en branle sans aucun secours humain, mais aussi la statue de la Vierge, qui était placée au milieu de la chambre, entourée de cierges allumés et de branches fraîches.

Cet événement eut lieu le 2 juillet 1631 et une fête destinée à perpétuer le souvenir de ce prodige, fut fixée au dimanche qui suit cette date  .

Le même jour a lieu une procession très-suivie à Oendeghen, près d'Ath, en l'honneur de « Notre-Dame du Buisson. » Bien des paroisses environnantes s'y rendent chaque année processionnellement, et la confrérie du Haut-Bois, établie à Mons, offre tous les ans un cierge magnifique, qu'une jeune fille du hameau du Buisson porte à la procession de ce jour  .

A Poperinghe se fait, le même jour, la procession annuelle instituée en action de grâces pour rappeler aux fidèles le grand miracle arrivé le 11 mars 1479.

Un enfant mort-né et enterré depuis trois jours fut retiré de la tombe, placé sur l'autel de Marie dans l'église de Saint-Jean et ressuscité par l'intercession de la Vierge. On le baptisa en présence d'un grand nombre de personnes et il vécut encore une heure après. Depuis cette époque, le concours des fidèles ne fit que s'accroître et n'affaiblit pas jusqu'à présent  .

Un autre sanctuaire très-fréquenté en ce jour est celui de Notre-Dame dite Mère de Miséricorde à Braine-le Château  .

*
*   *

4 juillet.

(Hemerocallis fulva.) Sainte Berthe; saint Flavien, saint Ulric.
ête de la translation de saint Martin, appelée saint Martin d'été
ou «warme Merten, » chaud Martin  .


A Hyon, joli village à une demi-lieue de Mons, dont l'église est dédiée à Saint-Martin, la fête patronale se célèbre le 4 juillet, si ce jour est un dimanche, sinon, le dimanche suivant, c'était autrefois une des ducasses les plus jolies et les plus fréquentées des environs de Mons. Le dimanche et les deux jours suivants, des quadrilles se formaient sur la place; le premier se composait de nobles, le second de bourgeois de Mons, le troisième de fermiers et le quatrième de simples villageois. Le bailli ouvrait la danse, ce n'est que depuis quelques années que cet usage est tombé en désuétude  .

*
*   *

5 juillet.

(Rosa sulphurea.) Saint Pierre de Luxembourg; 
sainte Philomène; sainte Zoë.


Le bienheureux Pierre de Luxembourg, mort en 1337, est connu pour sa dévotion envers Marie. Tous les samedis il jeûnait en son honneur. Souvent, durant les froides nuits de l'hiver, il se levait pour réciter l'office de la Vierge, et jamais, il ne se couchait, avant d'avoir dit plus de deux cents fois, à genoux, « l'Ave Maria »  .

A Beveren, dans le pays de Waes, d'après le décret de l'archiduc Albert et de l'infante Isabelle, en date du 19 avril 1614, se tenait le mardi de la kermesse, qui a toujours lieu le premier dimanche de juillet, une foire assez considérable accordée aux habitants pour les dédommager du terrible incendie qui, le 2 octobre 1576, détruisit presque toutes les habitations  .

*
*   *

6 juillet.

(Crepis barbala.) Saint Goar; sainte Godelieve; sainte Philomène.


A Bruxelles on célèbre la fête de la Translation des reliques de Sainte-Gudule. A Ghistelles, petite ville entre Bruges et Ostende, qui dût ses privilèges à Guy de Dampierre, et qui fut successivement environnée de remparts, de fossés et de murs, en 1324, 1434, et 1540, la fête de sainte Godelieve attire une pieuse affluence de fidèles.

Cette sainte, fille unique de deux nobles époux: Humfried et Ogeva, vivant vers la dernière moitié du onzième siècle à Lonfort (aujourd'hui paroisse de Wierre-Effroy) près de Boulogne, avait attiré par la renommée de ses charmes le farouche baron Bertulfe, seigneur de Ghistelles, et par une sorte de fatalité elle devint son épouse. Mais à peine arrivé dans le castel de Bertulfe, celui-ci, instigué par sa mère, qui détestait sa belle-fille, la traita d'une manière si indigne qu'elle résolut d'en avertir ses parents. Parvenue à s'échapper de nuit, elle gagna à pied la demeure de sa jeunesse, et Bertulfe se vit forcé à venir redemander humblement son épouse, en donnant la promesse de changer ses manières envers elle.

Cependant rentré dans ses foyers, il oublia bientôt ses promesses, enferma Godelieve dans un donjon pendant plusieurs mois, et la fit assassiner à la fin par deux serviteurs qui l'étranglèrent, et qui, pour s'assurer qu'il ne lui restât souffle de vie, lui plongèrent la tête dans l'eau d'une source voisine. Ils répandirent ensuite le bruit que Godelieve s'était étranglée elle-même.

Mais l'eau de cette source guérissait depuis lors plusieurs maux considérés comme incurables, notamment l'esquinancie; et au bout de quelque temps un des meurtriers avoua, au moment de mourir, le crime commis.

Le peuple persuadé que l'enterrement, qu'avait déjà signalé plusieurs prodiges était celui d'une sainte, l'évêque Ralbodon fit quatorze ans après, exhumer le corps de Godelieve, qu'on trouva aussi intact qu'au premier jour et le plaça dans l'église, où les fidèles viennent encore en foule invoquer l'intercession de la sainte contre les maux de gorge. Autour de la source on éleva une petite muraille et cet endroit appelé « pitken, » petit puits, qu'on montre encore aujourd'hui aux voyageurs, continue à être le but de fréquents pèlerinages, surtout pendant la neuvaine de la fête de la sainte.

Bertulfe, bourrelé de remords, se repentit sincèrement de son crime, donna tous ses biens à l'église et se retira, après avoir fait un pèlerinage à Jérusalem et y avoir combattu pendant trois ans contre les Turcs, dans un monastère. Sa fille d'un second mariage, née aveugle, recouvra la vue par la grâce de Dieu et fit élever dans la suite, en l'honneur de sa belle-mère, une abbaye de religieuses au lieu même où elle avait tant souffert, mais pendant les guerres civiles, les pieuses filles se virent forcées de se retirer dans la ville de Bruges, où le couvent des Bénédictines de sainte Godelieve existe encore  .

Dès 1493 le nom de sainte Godelieve figurait déjà dans les litanies et les calendriers, on chantait  : « Sancta Godeleva, ora pro nobis, » et à l'église, durant la neuvaine, le prêtre récitait l'antienne suivante  :

Læti corde et animo 
Jubilemus altissimo, 
Qui te, martyr, miraculis 
Glorificat in sæculis. 
Ergo, sub fasce criminum. 
Gementes ora Dominum, 
Ut de valle miseriæ 
Nos cœli reddat patriæ. 
Vir, socrus cum familiâ, 
Te lacerant invidiâ, 
Gaudes et contubernio, 
Dei florens martyrio 
Applaudamus in organo, 
In cymbalis, in tympano 
Pro tanti festi gloria,
Sit laus Deo per omnia. Amen  .

A Bruges la fête de sainte Godelieve est la fête patronale des toiliers (lynwadiers) et des portefaix appelés « kranekinders. » 

A Gand la fête de sainte Godelieve ou « begangenis van sinte Godelieve » attire un grand concours de monde au Petit-Béguinage, où se vénère une relique de la sainte et où se conserve de l'eau de son puits. Pendant les neuf jours que dure cette solennité, les pèlerins y affluent, de tous côtés pour baiser la relique et pour boire de l'eau, afin de se préserver des maux de gorge et d'yeux.

Aussi ne manquent-ils jamais d'y acheter de petits anneaux qui ont touché la relique de la sainte.

Une foire aux joujoux qui se tient à l'occasion de cette fête, contribue encore à rendre la cour du Béguinage plus fréquentée.

A Pitthem, près de Courtrai, se fait également ce jour-là un pèlerinage très-suivi.

A Munsterbilsen, au pays de Limbourg, se célèbre en ce jour, la fête de sainte Landrade. Cette sainte née à Bilsen, était fille unique de Wandegisèle ou Wandrille, comte palatin sous Dagobert, roi de France, et de Pharaïlde, fille  de Hermanfroi, maire du palais. Elle était nièce de Pepin de Landen, et fut élevée avec tous les soins que commandait son rang. Cependant dès son jeune âge elle semblait déjà faire peu de cas des honneurs et des distinctions dont elle était l'objet et manifesta des sentiments d'humilité et de dévotion, qui la faisaient regarder de bonne heure comme un modèle de perfection chrétienne.

Arrivée à l'âge nubile, on lui proposa les partis les plus avantageux avec les grands seigneurs du pays; mais elle les déclina tous, ayant choisi son époux, disait-elle, non sur cette terre mais dans le ciel. Par suite de cette résolution, elle se tint constamment éloignée de tous les plaisirs mondains et restait des jours entiers en prière. Bientôt elle chercha, par de plus grands sacrifices à se rapprocher de plus en plus de son divin sauveur et prit la détermination de quitter la demeure de sa famille,, et d'aller se retirer au fond d'une forêt voisine qui s'étendait alors sur le territoire même où se trouve aujourd'hui Munsterbilsen.

Landrade y marcha pieds-nus, construisit de ses mains une petite cabane et en fit sa demeure. Couverte d'une robe grossière, elle reposait sur la terre, et ne se nourrissait que de pain et d'eau; encore avait-elle soin de ménager tellement sa nourriture que sa vie semblait un jeûne perpétuel, et la plupart du temps son visage était baigné de larmes par la méditation incessante à laquelle elle se livrait au sujet de la passion de Notre-Seigneur. Ce n'est que de temps en temps qu'elle recevait les conseils de saint-Lambert, alors évêque de Liége, et c'est à son instigation que, dans la forêt même où elle s'était retirée, elle entreprit de bâtir une chapelle en l'honneur de la Sainte-Vierge, tirant avec ses propres mains les pierres des carrières pour édifier le temple. Saint Lambert consacra lui-même cette chapelle en l'année 689, la pourvut de reliques, associa à Landrade quelques vertueuses filles, et posa ainsi les premiers fondements du monastère de Munsterbilsen.

Landrade, après avoir passé le reste de sa vie à consolider le nouveau couvent, dont elle fut la première supérieure, quitta, vers 700, ce monde, pour aller recevoir dans le ciel la récompense de ses vertus.

Suivant les légendes; son âme apparut alors à saint Lambert pendant son sommeil, et lui fit connaître, qu'elle désirait que son corps fut inhumé au lieu désigné par une croix ardente venant du ciel.

Saint Lambert, à son réveil, comprit à l'instant que la place désignée par Landrade était située à Wintershoven. Il se rendit immédiatement à Munsterbilsen où il trouva tout le monde, et particulièrement les saintes filles que Landrade avait dirigées, dans la plus profonde affliction. Il y vit aussi la sépulture préparée pour l'inhumation du corps de Landrade. A cette vue, il fit remarquer qu'un autre lieu avait été destiné pour recevoir les restes mortels de la sainte, et engagea tout le monde à ne pas s'opposer à cette disposition, parce qu'elle venait de Dieu. Mais tout était en vain. Le saint homme recommanda à la fin la chose à Dieu et laissa le corps de Landrade à la disposition de ses disciples de Munsterbilsen, qui l'inhumèrent ensuite dans la sépulture qu'elles avaient fait préparer.

Mais le troisième jour, lorsque l'évêque, par une instruction divine, fit rouvrir le caveau, on n'y trouva plus ni corps, ni cercueil. L'évêque seul comprenant ce qui s'était passé, se rendit à Wintershoven et y fit commencer des fouilles à l'endroit qui lui avait été désigné pendant son sommeil. A l'instant apparut à la vue un cercueil de marbre renfermant le corps de Landrade, que l'on supposa généralement y avoir été transporté et inhumé par les anges mêmes.

La fête de sainte Landrade fut, depuis ce temps, célébrée avec beaucoup de solennité dans le couvent. Son corps fut transporté, en 980, de Wintershoven dans l'église de Saint-Bavon à Gand, où se fait encore à présent tous les ans un office en l'honneur de la sainte, mais en 1624, l'église de Wintershoven obtint la restitution de quelques fragments du corps de sainte Landrade, dont une autre pièce est honorée dans l'église de Munsterbilsen.

Le couvent de Munsterbilsen fut détruit par les Normands, en 880; rebâti, il fut sécularisé et ne reçut plus que des dames chanoinesses qui devaient faire preuve de huit quartiers de noblesse, tant du côté paternel que du côté maternel.

De nombreuses donations rendirent bientôt l'abbaye tellement riche, que les dames du plus haut rang vinrent y chercher une retraite, et que déjà l'année 1203, Imaine, veuve du duc de Brabant, s'y retira.

Saccagé à plusieurs reprises de fond en comble, le monastère reçut de nouveau des droits, privilèges et donations. Les abbesses prirent le titre de princesse et le portaient malgré les protestations de la part des évêques de Liége. Mais en 1793, l'abbaye qui comptait alors vingt-et-une chanoinesses fut supprimée  .

*
*   *

7 juillet.

(Tropœulum majus.) Sainte Aubierge; sainte Edilberge; saint Illide; 
sainte Pulchérie; saint Willebaud.


Ce dernier, frère de sainte Walburge et neveu de saint Boniface, était un des douze missionnaires qui furent envoyés avec saint Willebrord à Utrecht. Après y avoir séjourné et prêché quelque temps, il retourna en Allemagne où il devint évêque d'Eichstaedt. Une grande partie de ses reliques fut apportée, en 870, par le comte Baudouin, dit Bras de Fer, à Furnes, où on les honore encore.

A Liége, les compagnons treilleurs, dont saint Willebaud est le patron, célèbrent leur fête patronale  .

*
*   *

8 juillet.

(Œnothera biennis.) Sainte Elisabeth, reine de Portugal; 
saint Eugène; Sainte Landrade.


A Bouvignes, petite ville sur la  Meuse presqu'en face du  faubourg de Leffe, qui prolonge Dinant en aval, se célébrait autrefois l'anniversaire des trois dames de Crèvecœur.

La tradition locale dit que c'étaient trois dames jeunes et belles qui, à l'époque de la désastreuse invasion du roi Henri II dans l'Entre-Sambre-et-Meuse, avaient suivi dans Bouvigne leurs maris venus de Namur pour disputer le terrain aux Français.

On connaît la défense opiniâtre des Bouvignois. Après la prise de la ville, les quelques défenseurs qui étaient encore en vie, se retirèrent dans le château fort de Crèvecœur, situé sur la montagne au-dessus de Bouvigne. Les trois femmes combattirent comme des amazones à côté de leurs maris. Mais lorsque, le 8 juillet 1554, ceux-ci aussi eurent été tués au dernier assaut, elles montèrent sur la tour du château et, se donnant la main, se précipitèrent ensemble dans l'abîme, préférant ainsi la mort à la captivité.

Plusieurs artistes belges   ont représenté sur la toile cet acte héroïque, célébré, en outre, par une complainte populaire, dont M. Alfred Nicolas, dans ses « Voyages et Aventures au royaume de Belgique » nous a laissé la copie suivante  :

Approchez, chrétiens fidèles, 
Pour entendre réciter 
Comme en ce château croulé 
Trois dames jeunes et belles 
Du haut des tours ont sauté 
« Requiescant in pace. »

C'était au temps de la guerre  :
L'ennemi plein de fureur 
Vint assiéger Crèvecœur; 
Et depuis semaine entière 
Battait brèche avec ardeur, 
Et tuait  les défenseurs.

Or, voilà que des trois dames 
Les pieux et nobles époux 
Sont tombés sous de bons coups; 
La garnison rendait l'âme 
Il n'y avait plus sur pied 
Que dix archers, voilà tout.

Pour ne point tomber vivantes 
Aux mains des durs assiégeants,
Les trois dames bravement 
S'en vont sur la tour branlante, 
Monter en blancs vêtements 
Et par la main se tenant.

Elles font une prière 
En levant au ciel les yeux,
 Et puis d'un saut merveilleux 
Quittant la tour meurtrière, 
Tombent dans l'air du bon Dieu 
Sur les piques et les pieux.

Depuis ce trépas si digne 
Qui nous crève à tous le cour, 
On appela Crèvecœur 
Le vieux château de Bouvigne 
Qu'il plaise au divin Seigneur 
Prendre leur âme en douceur!  .

On ignore à quelle époque et par qui a été faite la fondation de la messe en souvenir des dames de Crèvecœur. Une rente est affectée à cet usage, mais son titre se compose uniquement d'une mention sommaire qui se trouve dans l'un des registres de la fabrique  . De mémoire d'homme on a chanté chaque année l'anniversaire des dames de Crèvecœur; cependant pour donner plus d'éclat à celte fête, on l'a transférée au mardi après Saint-Lambert, patron de l'église de Bouvigne; les habitants, à cause de leur ducasse, sont plus disposés alors à assister à la messe.

Le même jour les Hutois célébraient autrefois la fête du bienheureux Pierre l'Ermite, chef de la première croisade, qui, l'an 1099, procura aux chrétiens la possession de Jérusalem. Peu de temps après la prise de la ville il s'embarqua pour l'Europe avec plusieurs barons et chevaliers du pays de Liége. Assaillis en mer par une tempête qui faillit leur coûter la vie, ils firent vœu d'élever une église dans leur pays, si le ciel daignait favoriser leur retour, et ils fondèrent en effet l'abbaye de Neufmoustier, nouveau monastère, près de la ville de Huy. Pierre l'Ermite, s'étant associé à quelques personnes pieuses, y établit la règle de saint Augustin, en fut le premier prieur et y mourut le 8 juillet 1115.

Son corps ayant été inhumé, ainsi qu'il l'avait demandé, dans le cimetière de son monastère, on le retira de la terre, en 1242, pour le transporter dans une petite crypte construite sous la tour de l'église, où il resta exposé à la vue des fidèles, à travers un grillage en fer qui donnait sur la rue, jusqu'à ce qu'on déposât, à la réparation de l'église en 1633, les restes de cet homme célèbre dans la sacristie en une caisse de bois. Mais dans les temps malheureux du terrorisme, des démagogues impies pillèrent la sacristie de Neufmoustier, brisèrent la caisse et dispersèrent les os y contenus.

Le possesseur actuel de l'abbaye de Neufmoustier ayant trouvé à la démolition de l'église, la pierre antique sous laquelle le saint fondateur de cette maison avait été enterré, la conserve, et avec raison, comme un monument précieux. Il a fait élever une statue représentant cet apôtre guerrier au-dessus de l'ancienne crypte  .

*
*   *

9 juillet.

(Sonchus palustris.) Saints Martyrs de Gorcum.


Dans l'ancienne abbaye de Reckheim, de l'ordre des prémontrés, érigée, en 1140, par Gisbert de Bronckhorst et sa sœur Ermengard de Reckheim, se célébrait, ce jour, l'anniversaire de la fondatrice  .

*
*   *

10 juillet.

(Antirrhinum triphyllum.) Sainte Amalberge; sainte Félicité; 
sainte Rufine; les sept frères martyrs.


Sainte Amalberge, issue de la famille des Pépins d'Herstal, naquit à Ardenne et fut élevée par Sainte Landrade, abbesse de Munsterbilsen. Dès l'enfance elle se distinguait par ses vertus, sa vie pieuse, sa grande beauté, et sa réputation ne fit que s'accroître de jour en jour et pénétra jusqu'à la cour du roi Pépin, qui, accompagné d'une suite considérable, vint au couvent voir la jeune fille et demander sa main pour son fils Charles. Mais décidée à rester fidèle au Seigneur, auquel elle avait voué sa vie, Amalberge refusa l'offre et résista bravement à tous les essais de Charles, de lui faire agréer son amour. La légende raconte, que Charles irrité de la voir résolue à prendre le voile, lui cassa un jour le bras et qu'Amalberge pour se soustraire aux poursuites de son adorateur, se coupa sa belle chevelure. Charles après s'en être aperçu, abandonna à la fin son projet de mariage et Amalberge, guérie par la grâce de Dieu, voulut se rendre à Temsche, village sur l'Escaut, qui lui appartenait. Mais arrivée aux bords de la rivière, elle n'y trouva pas de navire. En revanche un grand esturgeon lui présenta son dos, elle s'y mit et le poisson la porta en nageant jusqu'à l'endroit de sa destination. En mémoire de ce fait miraculeux, les pêcheurs offrent encore chaque année le jour de la fête de sainte Amalberge à la chapelle qui lui est dédiée, un esturgeon, le seul, dit-on, que l'on pêche dans les environs de Temsche, pendant toute l'année.

Amalberge fit construire à Tamise une église en l'honneur de la Vierge, dans laquelle après une vie sainte de 31 ans elle fut enterrée l'an 777.

Quoique ses reliques aient été transférées en 870, à l'abbaye de saint Pierre à Gand, l'église de Tamise est restée le but de nombreux pèlerins, qui y invoquent l'intercession de sainte Amalberge pour voir mieux fleurir et mûrir le blé, le froment, le lin et le chanvre. Non loin de l'ancienne petite chapelle, qui est dédiée à la sainte, se trouve une fontaine miraculeuse, dont les eaux, à ce qu'on dit, ont déjà guéri beaucoup de malades abandonnés des médecins. La tradition raconte, que c'était la seule fontaine dans toute la contrée et que partant tous les habitants des environs venaient y chercher de l'eau. Mais comme elle jaillissait sur un champ, dont le propriétaire était extrêmement avare, celui-ci en défendit l'accès à tout le monde.

Les doyens de la commune adressèrent leurs plaintes à sainte Amalberge, dame de Tamise, qui, ayant pris un tamis, se rendit avec eux à la fontaine, y remplit son tamis d'eau et le porta jusqu'au champ voisin, où elle le renversa  . 

Et voilà qu'une nouvelle fontaine y jaillit de la terre, donnant encore plus d'eau que l'ancienne qui tarit au même instant  .

Tous les ans le troisième jour de la Pentecôte se fait une procession très-suivie en l'honneur de la sainte patronne de Tamise.

Le 15 juillet 1753 et les jours suivants on célébra à Tamise ave beaucoup de pompe le millième anniversaire de l'arrivée de saint Amalberge.

La cavalcade magnifique, qui illustra cette fête, représentait en trois parties la famille des Pépins, les vertus de sainte Amalberge et la maison de Lorraine  .

A Gand il y avait une confrérie érigée en l'honneur de cette sainte dans l'oratoire du monastère de saint Pierre, très-renommée à cause des privilèges, que le pape Lucius III lui avait accordés.

Le jour de la fête de sainte Amalberge on transporta jadis tous les ans ses reliques au village de Tamise, et tous ceux qui assistaient à ce transport jouissaient d'une indulgence de quarante jours, d'après un décret de Guillaume, évêque de Tournai, daté du 9 octobre 1331; mais comme cette fête était trop bruyante et qu'il s'y commettait souvent des désordres, on la supprima en 1530  .

Le même jour, on honore la mémoire d'une autre sainte Amalberge, mère des saintes Gudule et Reinelle, qui mourut au septième siècle, et fut inhumée dans l'église Notre-Dame à Lobbes  .

A Halle on célébrait, en ce jour, une fête en souvenir de la délivrance de la ville par l'intervention de la Vierge.

Olivier van den Tempel, gouverneur de Bruxelles pour les insurgés, tenta, le 10 juillet 1589, de surprendre la ville de Halle, où il n'y avait alors qu'une garnison de quarante hommes, mais il fut repoussé, et en mémoire de cet heureux événement, qu'on attribuait à un miracle, se faisait tous les ans une procession qu'on appelait « l'escalade de Bruxelles. »

Elle sortait à l'issue d'une messe solennelle, et faisait le tour des remparts.

Le soir les habitants construisaient devant leurs maisons de petites cabanes en verdure, qui étaient illuminées et surmontées de la figure d'Olivier de Temple ou « Van den Timpele, » comme le peuple le nommait vulgairement  .

*
*   *

11 juillet.

(Lupinus flavus.) Sainte Éléonore; saint Hidulphe, év. de Trèves; 
saint Marcien; saint Pie I, pape.


Bien que saint Hidulphe soit issu d'une noble famille du Tournaisis, aucune église ne s'élève en son honneur.

On célèbre sa mémoire, le jour de sa mort, dans le diocèse de Tournai, où, le même jour, se fête l'élévation de saint Eleuthère.

A Bruxelles se célèbre dans l'église le triomphe de saint Norbert, tandis que, dans plusieurs villes des Flandres on fête l'anniversaire de la célèbre bataille de Groeninghe près de Courtrai, laquelle eut lieu le 11 juillet 1302. Comme en France ce jour a conservé le nom de « journée des éperons d'or, » les Flamands l'appellent « de slag der gulden sporen, » et à Courtrai la société de Leeuw van Vlaenderen « le Lion de Flandre » en fête encore tous les ans la mémoire par l'illumination de son local, par des transparents et par une réunion de tous les membres.

A Bruges les bouchers célébraient pendant des siècles le jour de la fête de saint Bénoit, en mémoire de la victoire remportée dans cette bataille  .

La croyance populaire attribue cette victoire, que Nicaise De Keyser a illustrée par son immortel pinceau, à l'intercession de la sainte Vierge. Car avant de s'engager dans la lutte, les Flamands allèrent implorer le secours de Marie, devant l'image miraculeuse qui se conservait à l'abbaye de Groeninghe, et, durant la mêlée, les religieuses de ce couvent restèrent constamment prosternées au pied de la même statue. En signe de reconnaissance on suspendit, à l'autel de la Vierge, les éperons d'or conquis sur la chevalerie française.

L'image miraculeuse de Notre-Dame de Groeninghe, qui est maintenant exposée à la vénération des fidèles dans l'église de Saint-Michel, à Courtrai, avait été déposée par les anges, selon une pieuse tradition, dans une forêt d'Italie.

Béatrix, fille du duc de Brabant et douairière du comte Guillaume de Dampierre, ayant entrepris, en 1280, le pèlerinage de Rome reçut du pape quelques reliques, et cette image miraculeuse, qui fut placée plus tard, par les ordres de la princesse, dans l'église de l'abbaye qu'elle avait fait construire à Groeninghe   presque sous les murs de Courtrai  .

*
*   *

12 juillet.

(Antirrhinum purpureum.) Saint Jean Gualbert.


A Louvain se célèbre, le second dimanche de juillet de chaque année, la fête de « Notre_Dame du siège de Louvain» ou « O.L.V. Belegering te Loven « en souvenir de la délivrance miraculeuse de la ville du siége de 1635.

Les Français s'étant ligués avec les Hollandais en 1635 contre les Espagnols envoyèrent leurs armées dans les Pays-Bas pour en entreprendre la conquête. Après avoir emporté Aerschot, Diest et Tirlemont, l'armée ennemie s'avançait également sur Louvain, que le cardinal-infant, Ferdinand d'Autriche, depuis un an gouverneur général des Pays-Bas, fit fortifier à la hâte. Quelques compagnies wallonnes, irlandaises et allemandes commandées par les capitaines Jean d'Aubremont, Lancelot de Grobbendonck, O'Preston et Adolphe van Einhout en formaient la garnison. Le prince-cardinal en quittant la ville, y avait nommé commandant en chef, le vieux baron Antoine de Grobbendonck. Il lui donna l'ordre d'amuser l'ennemi autant que possible jusqu'à ce qu'un corps de troupes, qui devait arriver de l'Allemagne, fût venu à son secours. Les bourgeois et les étudiants, qui avaient également pris les armes, furent divisés en huit compagnies. Malgré cela le nombre des défenseurs montait à peine à sept ou huit mille hommes, tandis que l'armée française seule sous les ordres des maréchaux Châtillon et Brézé comptait plus de trente mille hommes.

Le 24 juin l'ennemi se montra devant les remparts de la ville et commença les ouvrages de siège. Dans la nuit du 27 au 28 juin il fit une attaque générale, mais il fut repoussé deux fois avec grande perte, et les sorties continuelles des assiégés eurent un tel succès qu'à la nouvelle de l'approche du corps auxiliaire, l'ennemi leva tout à coup le siége et se retira, après onze jours de campement. 

En mémoire de cette délivrance inopinée qu'on attribuait à l'intervention de Notre-Dame, dont on honorait à Louvain une statue miraculeuse connue sous le nom de « Notre-Dame sous la Tour, » on institua une procession annuelle à laquelle assistaient tous les ordres religieux, les chambres de rhétorique, les gildes ou serments, la confrérie du « Sacré-cœur de Jésus, » l'université, le magistrat, le clergé et une foule innombrable de fidèles de la ville et des environs de Louvain. Presque tous les assistants, même les confrères des gildes, avaient des torches allumées en main, ta statue de Notre-Dame du siége, richement habillée, était portée sous un dais, dont les colonnes en argent étaient surmontées de lis blancs. Quatre corps de musique accompagnaient la procession qui, après avoir parcouru les rues principales de la ville, rentrait à l'église de Saint-Pierre, où l'image était remise sur son autel, et les fidèles recevaient à genoux la bénédiction avant de s'en aller.

Cette procession fut remplacée, sous l'empire,  par la procession du 15 août; fête de Napoléon. Le peuple donna à cette dernière cérémonie le sobriquet de « klap-processie, » procession parlante, par le motif que ceux qui y assistaient avaient l'habitude de causer ensemble. On n'y portait que l'image de la Sainte-Vierge. Tous les fonctionnaires publics étaient tenus d'y assister. Elle fut remplacée, à son tour, par l'ancienne procession du siége de 1635  .

A Namur commence, le deuxième dimanche de juillet, l'octave privilégiée de l'immaculée à l'église de Saint-Jean l'Évangéliste.

Il existait dans cette église, autrefois contiguë à Saint-Aubain, une chapelle de Notre-Dame où s'établit une confrérie de la Sainte-Vierge approuvée en 1327 par le pape Jean XXII.

Après la victoire de Lépante, dont le vainqueur Don Juan d'Austria vint mourir à Namur, cette confrérie s'affilia à celle du Rosaire et fut nommée confrérie du Rosaire jusqu'à ce que les Dominicains établis à Namur eurent chez eux (vers l'an 1650) la confrérie du Rosaire.

Alors les confréries de Notre-Dame à l'église de Saint-Jean l'Évangéliste, reçurent un nouveau titre, par l'érection, dans leur chapelle de la confrérie de l'immaculée conception, que l'évêque de Wachtendonck approuva en 1661, le 24 novembre. Elle eut un tel succès que le 1er mai 1663, la sainte Vierge, sous le titre d'Immaculée, fut choisie pour patronne spéciale de la ville, et de la province on porta processionnellement son image de la susdite chapelle à l'endroit le plus élevé des remparts de la ville et on y bâtit une chapelle en son honneur. Dès ce moment on prit à cœur d'honorer annuellement l'Immaculée par une solennité particulière  : on institua une octave et le dimanche suivant on fit la procession avec le Saint-Sacrement depuis Saint-Jean l'Évangéliste jusqu'à la chapelle de l'Immaculée, et de là par les principales rues de la ville et quand on eut bâti la cathédrale actuelle, dans laquelle le titre paroissial de Saint-Jean l'Évangéliste est incorporé, la procession sortit de la cathédrale pour se rendre aux remparts et parcourir la ville. C'est ce qui se pratique encore chaque année avec un concours prodigieux de fidèles de la ville et de la banlieue.

A Gand commence ce jour la grande kermesse de la ville qui depuis 1844, remplace les différentes kermesses des paroisses.

*
*   *

13 juillet.

(Lupinus cœruleus.) Saint Anaclet; saint Eugène.

*
*   *

14 juillet.

(Lupinus perennis) Saint Bonaventure; saint Libert; saint Léon; 
sainte Reynofle; saint Vincent; saint Basin.


Saint Libert naquit à Malines de parents déjà vieux et hors d'espoir d'avoir enfants, nommés Adon et Eliza, ensuite des prières de saint Rombaut qui baptisa et éleva l'enfant. Un jour jouant avec d'autres enfants près de la Dyle, il tomba dans la rivière et disparut sous l'eau. Les parents accoururent tout effarés, n'ayant d'autre recours que celle de la prière. Saint Rombaut, qui était absent, se rendit aussitôt qu'il fut averti de l'accident, à l'endroit et se mit en prières aussi, invoquant dévotement à plusieurs reprises le nom de Jésus. Tout à coup l'enfant reparut et fut rendu sain et sauf à ses parents. Étant devenu plus grand, Libert entra au couvent qu'avait bâti saint Rombaut, il en devint l'abbé, parce que saint Rombaut voulait se défaire de cette charge pour vaquer plus librement au service de Dieu. Mais dans ce temps les Normands ravageant le pays, et Libert s'étant retiré en Hesbaye pour échapper à leur rage, il fut pris et tué en 855 devant l'autel de Saint-Trond, où s'honore encore la châsse qui contient ses reliques. Sa fête est également chômée à Malines  .

Saint Vincent, comte du Hainaut et mari de sainte Waudru, mort en 677, fonda l'abbaye de Hautmont, et éleva à Soignies, dont il est le patron, une église et un couvent au nom et en l'honneur de Marie. 

Son fils, saint Denain , est honoré avec son père à Recs, dans l'église de la sainte Vierge  .

A Liége les portefaix célébraient la fête de saint Bonaventure leur patron.

A Tronchienne se célèbre la fête de saint Basin, père de sainte Aldegonde et un des patrons de la paroisse.

Issu d'une famille, sinon royale du moins princière de la France, il construisit sur la place où, étant à la poursuite d'un cerf, il avait été converti d'une manière miraculeuse, trois églises d'après l'ordre que Dieu même lui avait donné. Saint-Amand consacra lui-même ces églises et les dédia l'une à Notre-Dame, l'autre à saint Jean-Baptiste et la troisième à saint Pierre. En signe de ce que l'œuvre de Basin était agréée de Dieu, l'huile nécessaire à la consécration des autels tomba du ciel. Basin y installa un chapitre. C'est l'origine de la célèbre abbaye de Tronchiennes où, l'an 661, après une vie très-sainte, Basin quitta ce monde. Il fut enterré à côté de sa fille dans l'église de Saint-Pierre. Mais les troubles de la guerre obligèrent les religieux de Tronchiennes à se réfugier à Gand et à y transporter les reliques de leur église. Ce n'est qu'une partie des reliques de saint Basin qui se trouve encore à Tronchiennes, et là comme à Gand on s'en sert pour bénir une eau à laquelle on attribue de grandes vertus contre les brûlures, « quaeden brand des lichaems, loopende gaeten, zeeren » et d'autres maladies  .

Sa fête se célèbre dans l'église paroissiale de Tronchiennes le dimanche après le 14 juillet.

*
*   *

15 juillet.

(Calendula pluvialis.) Saint Henri; saint Pléchelme.


Saint Pléchelme est inhumé au mont Odile, dans le sanctuaire qu'il avait élevé en l'honneur de la Vierge, de concert avec saint Wiron. C'étaient deux missionnaires que Pépin de Herstal avait accueillis généreusement.

A Liége la fête de saint Henri, patron de la citadelle, était presque tout aussi impatiemment attendue que le 1er mai.

Une procession magnifique circulait à travers les allées de verdure escortée par un régiment de vieux soldats, drapeaux déployés; suivait la grande messe « en musique, » ensuite un repas qui pouvait passer pour splendide, comparativement à la frugalité de la vie ordinaire, et finalement on courait à la danse. Car c'était le jour, où le « cramion », cette danse favorite des Liégeois qui ne manque à aucune fête, jouissait de la plus grande vogue. Tous les rangs et tous les grades s'y confondaient, le général aussi bien que le soldat répétait en dansant avec les autres le joyeux refrain de  : « Vive ly fiesse, ly joleie fiesse, vive ly fiesse dy sint-Hinry! » (Vive la fête, la jolie fête de saint Henri!)  .

En souvenir de la prise de Jérusalem par Godefroid de Bouillon, le 15 juillet 1099, on célébrait autrefois en Belgique tous les ans une fête avec office double et octave  .

*
*   *

16 juillet.

(Convolvulus purpureus.) Sainte Reynilde; saint Gondulphe; 
Fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.


Sainte Reynilde ou Renelle, sœur de sainte Gudule, dont on invoque l'intercession contre les fièvres, est patronne de Saintes près de Hal, où après son martyre, son corps fut élevé et mis dans une châsse d'argent par Jean XIX, évêque de Cambrai, l'an 866.

Saint Gondulphe, qui souffrit le martyre avec sainte Reynilde, est honoré à Saintes et à Lobbes  .

La fête de saint Monulphe et de saint Gondulphe, évêques de Tongres, auxquels quatre églises sont dédiées, se chôme également ce jour, qui est consacré par l'Église à Notre-Dame du Carmel ou du Scapulaire.

La Belgique vit la première, surgir dans son sein les établissements du Carmel. La maison de Valenciennes, la première de l'Europe, fut à peine fondée en 1235, que celles de Bruxelles, de Liége et de Malines, commencèrent (vers 1260); celle de Bruges (en 1264), celle de Gand (en 1272), et d'autres établissements de Carmes, à Enghien, Louvain, Grammont et Anvers naquirent jusqu'en 1493.

Aussi les premières Carmélites s'établirent-elles en Belgique, l'an 1452. Elles eurent des maisons à Liége, à Huy, à Vilvorde et à Bruges  .

A Turnhout la chapelle de Saint-Théobald est très-fréquentée ce jour-là. On y va en pèlerinage pour être délivré de la coqueluche.

*
*   *

17 juillet.

(Lathyrus odoratus) - Saint-Alexis; saint Frédégond; 
sainte Marcelline; sainte Odile.


Les Alexiens, dont ce jour est la fête patronale (ils en portent le nom) étaient déjà connus en Brabant depuis 1343.

On les appelait alors « Lollards » ou « Mattemans. » C'étaient d'abord des laïcs, et leur office consistait à soigner les malades et les insensés, et à enterrer les morts. Après avoir professé la règle du tiers ordre de saint François, ils embrassèrent celle de saint Augustin, que suivent encore maintenant les sept couvents qui existent en Belgique  .

A Liége et dans le pays de Limbourg a lieu, en ce jour, la fête de Sainte-Odile, que l'on invoque contre le mal d'yeux.

Une insigne relique de cette sainte, enchâssée sous la forme d'un œil, se vénère à l'église de Saint-Jacques à Liége, et y attire durant la neuvaine établie en son honneur, un concours immense de pèlerins qui y affluent, pour faire toucher leurs yeux de la sainte relique. La même chose a lieu à Maeseyck, où se conservent aussi des reliques de sainte Odile.

A Bruxelles se célèbre le dimanche après le 13 juillet la fête du Saint-Sacrement des Miracles.

En reconnaissance de la disparition de la suette anglaise qui, en 1529, vint fondre sur la Belgique et enleva d'innombrables victimes, la princesse Marguerite d'Autriche décida en 1530, que tous les ans, le dimanche après la Sainte-Marguerite (célébrée alors le 13 juillet), il y eût une procession solennelle à laquelle un évêque serait prié d'assister. Telle est l'origine de la grande kermesse qui bientôt finit par éclipser la fête de l'ommegang. Il fut enjoint à chaque corporation de s'y faire précéder par deux lances de douze pieds de haut, ornées de peintures et surmontées d'une torche  .

A West-Roosebeke, village situé entre Roulers et Ypres, dans la Flandre-Occidentale, on célèbre chaque année une messe solennelle suivie d'une procession, en actions de grâces de la victoire remportée par Louis de Mâle et ses alliés sur les Gantois, le 27 novembre 1382.

La veille de la bataille, les habitants des paroisses dans le voisinage desquelles campaient les deux armées, se rendirent devant une image de la sainte Vierge, vénérée depuis longtemps dans une petite chapelle, au milieu d'un bois que l'on désignait d'ordinaire, pour cette raison, par le nom de « Bois de la Chapelle. »

Ils sollicitèrent le secours de Dieu par l'intercession de Notre-Dame et leur confiance fut récompensée.

Vers minuit, on entendit tout-à-coup un bruit extraordinaire; on eût dit le cliquetis des armes de troupes se livrant un combat. Philippe d'Artevelde, fils du fameux Jacques et capitaine-général des Gantois, s'éveilla en sursaut et vola à ses armes, se croyant attaqué par l'ennemi, mais aucun mouvement n'avait eu lieu.

Le lendemain la bataille s'engagea avec un acharnement incroyable; les Français furent forcés de plier, mais les Brugeois réparèrent bien vite leur échec et mirent les Gantois en pleine déroute. Philippe d'Artevelde lui-même trouva la mort dans la mêlée.

On raconte qu'après le combat on découvrit un fil de soie rouge, ayant sept nœuds à égale distance et une croix à ses deux extrémités réunies, qui entourait l'espace qu'avaient occupé les Brugeois. C'est pourquoi ces derniers crurent devoir attribuer leur victoire à la protection particulière de la sainte Vierge et pour lui en rendre grâce, le comte Philippe de Valois, époux de Marguerite II, héritière de Louis de Mâle institua, en 1384, la solennité annuelle, qui se fait encore de nos jours le troisième dimanche du mois de juillet. Il ordonna en même temps que les habitants de Bourgbourg, qui se furent les premiers ralliés autour de leur souverain et distingués sur le champ de bataille de Roosebeke par la plus grande bravoure, auraient le droit de marcher chaque année à la tête de la procession et de se présenter les premiers à l'offrande de la grand'messe.

Le fil de soie fut religieusement recueilli et distribué par morceaux aux fidèles. Lorsqu'il n'en resta plus, parce que, d'après la tradition, on cessa d'en distribuer gratuitement, on en bénit d'autre pour en perpétuer le souvenir.

Sur l'espace qu'avait entouré ce cordon miraculeux, on éleva, un an après la bataille, en l'honneur des Sept Douleurs de Marie, sept chapelles, chacune à la place, où l'on avait trouvé un nœud du fil.

Un huitième oratoire, plus vaste que les autres et dédié à la Sainte-Croix, fut élevé sur le lieu même où avaient été vues les deux croix qui marquaient le point de réunion des deux bouts du cordon.

Ces stations devinrent bientôt l'objet d'un pèlerinage très-fréquenté, que faisaient surtout tous ceux qui y venaient invoquer l'intercession de Notre-Dame de Roosebeke contre l'érysipèle, maladie que les Flamands appellent « de Roose. »  

La fontaine dite Roosebeek ou « O. L. V. Fontein,  » située à très peu de distance de l'ancienne petite chapelle qui lui devait son nom existe encore et est fréquemment visitée par des pèlerins qui font usage de ses eaux dans les maladies des yeux.

Les Brugeois avaient autrefois l'habitude d'offrir, chaque année, une robe à Notre-Dame de Roosebeke, à l'occasion de la grande fête à laquelle ils ne manquaient jamais de se rendre.

Les habitants de Menin étaient également dans l'usage d'assister la procession annuelle pour honorer Notre-Dame de Roosebeke à l'intercession de laquelle ils attribuent la délivrance miraculeuse de la peste qui au commencement du dix-septième siècle faisait de grands ravages dans leur ville  .

*
*   *

18 juillet.

(Chrysanthemum coronarium.) Saint Frédéric; 
saint Camille de Lellis; sainte Symphorose; saint Arnould.


Saint Frédéric est le patron de Vlierzele, près d'Alost.

Le jour de saint Arnould, que les brasseurs honorent comme leur patron, est très-chômé en Belgique, puisque le métier des brasseurs y compte parmi les plus anciens et les plus considérables du pays.

Lors d'une inspection des caves des brasseurs, faite en 1673 à Bruges, il ne s'y trouva pas moins de 1088 tonnes de bières  .

En plusieurs endroits, les brasseurs placent, ce jour-là, le portrait de leur patron sur une table décorée de verdure et de fleurs, sur laquelle brûlent plusieurs cierges. Devant l'image de saint Arnould se trouve un grand pot de bière et un tronc pour recevoir l'argent que les passants y mettent et qui sert à régaler les garçons brasseurs  .

*
*   *

19 juillet.

(Hieracium aurantiacum.) Saint Vincent de Paul.

La fête de saint Vincent de Paul, fondateur des sœurs de charité, se célèbre en Belgique dans tous les établissements de bienfaisance, dont l'énumération serait impossible, tant le nombre en est considérable.

*
*   *

20 juillet.

(Dracocephalum Virginianum.) Sainte Marguerite.


Sainte Marguerite, à laquelle une paroisse près d'Eecloo doit ce nom de « Sainte-Marguerite, » est patronne de vingt-cinq églises.

A Louvain, la Chambre de rhétorique de la Marguerite ou Kersouwe (Carsouwe, Kersouwe-Kamer, de Karsool ou Mesuyte) célébrait chaque année une messe solennelle en l'honneur de sainte Marguerite, sa patronne.

Ce n'est qu'en 1515 que l'on trouve mentionnée pour la première fois cette seconde chambre de la ville de Louvain, mais d'après d'autres, elle prit déjà part au concours qui eut lieu à Anvers en 1496.

Ses chartes et privilèges ayant été perdus ou étant devenus inintelligibles, la ville lui ordonna de prendre les mêmes règlements que la Rose. Selon la résolution magistrale de 1545, le nombre des confrères était de 24, et en 1660, le magistrat leur accorda la faculté de porter ce nombre jusqu'à 40. Soumise à tout les vicissitudes de la Rose, la Marguerite subsista jusqu'à la révolution française  .

*
*   *

21 juillet.

(Lilium philadelphicum.) - Saint Daniel; saint Praxède; 
sainte Renelde  ; saint Victor.


Saint-Victor, en l'honneur duquel dix églises sont consacrées, est en plusieurs villes, entre autres à Bruges et à Malines, le patron des meuniers.

Les Victorines ou chanoinesses régulières de l'ordre de saint Victor , qui, l'an 1280, vinrent s'établir dans la ville d'Anvers, au couvent dit « Ter-Nonnen, » avaient en Belgique divers établissements, à Gand celui de Groenen-briel, à Bruges celui de Saint-Trond, à Ypres celui de Roesbruge et d'autres maisons à Dinant, à Hasselt et à Waesmunster  . 

L'anniversaire de l'inauguration de S. M. Léopold 1er, roi des Belges.

*
*   *

22 juillet.

(Agapanthus umbellatus.) - 
Sainte Marie-Madelaine, patronne de Malines.


Dix-huit églises sont consacrées en l'honneur de la sainte patronne des anciennes « Pénitentes, » dont il n'existe plus de couvent en Belgique, car la communauté de ce nom à Poperinghe, où les sœurs tiennent école primaires gratuite et manufacturière pour les filles, est de date récente. Les « Hospitalières dites de la Madeleine » à Ath doivent leur nom à l'hôpital civil de cette ville dédié à sainte Madeleine.

Dans les temps des Carlovingiens, les corporations des filles amoureuses ou folles de leur corps faisaient tous les ans le jour de la Madeleine une procession solennelle  .

A Liége les habitants allaient anciennement dans la forêt de Glain, où se trouvait une chapelle dédiée à sainte Magdelaine, fondée par deux frères, Gérard et Antoine, sires de Bolsée, et consacrée par l'évêque Henri II le 22 juillet 1151. Si la dévotion y attirait de nombreux pèlerins, la fraîcheur de l'ombrage fourni par les arbres séculaires qui l'environnaient, invitait aussi les citadins à choisir cette promenade de préférence à toute autre  . A présent ce ne sont que les parfumeurs et les gantiers qui célèbrent ce jour comme fête patronale.

A Malines les tanneurs (huyvetters ou huidevetters) qui ont choisi sainte Madeleine pour patronne, parce que d'après l'Évangile elle a séché la peau des pieds de Notre-Sauveur, font dire, chaque année, le jour de leur patronne, une messe dans leur chapelle.

Les apprentis de ce métier parcouraient autrefois la veille du jour les rues de la ville pour quêter un pourboire.

Le proverbe français  :

« A la Madeleine, » 
La nose (noix) est pleine. »

est également en usage en Belgique; mais la croyance superstitieuse que le jour de la Madeleine soit périlleux pour les baigneurs n'y est pas connue  .

Parmi les foires qui ont lieu ce jour-là, celle de Courtrai est sans doute une des plus curieuses. Elle est connue sous le nom de « potje Madeleine » pots de Madeleine, et se tient au cimetière, dont la chapelle est dédiée à sainte Madeleine. Tout le monde y va, pour couronner de fleurs les tombeaux, pour allumer des cierges dans la chapelle et pour y assister à la messe et au sermon qui se font ce jour en souvenir des morts. A l'occasion de cette coutume on érige sur le cimetière une longue file de boutiques où ne se vendent que des pots et des joujoux en argile  .

A Gand il y avait, tous les ans, au jour de la Madeleine, une foire où l'on ne vendait que de la poterie  : foire que l'on nomma en flamand « de potjens merkt » et qui se tenait sur la Montagne plate. Les potiers de Gand avaient réclamé contre cette foire en 1530; mais les difficultés furent aplanies en faveur du monastère de saint Pierre.

A présent un marché aux chevaux a remplacé l'ancienne foire aux pots  .

*
*   *

23 juillet.

(Scabiosa atropurpurea.) - Saint Apollinaire; saint Liboire.


Saint Apollinaire est honoré à Liége comme patron des épingliers. L'église de Bolland, paroisse du doyenné de Visé, dans l'évêché de Liége, lui est dédiée.

La célèbre abbaye de Cambron, située à trois lieues de Mons, fêtait ce jour-là l'anniversaire de sa fondation par saint Bernard, en 1148. L'image de la Mère de Dieu, que l'on honorait autrefois dans l'église de ce monastère, jouissait d'une grande vénération à cause des nombreuses guérisons miraculeuses qu'on lui attribuait.

*
*   *

24 juillet.

(Lupinus arboreus.) - Sainte Christine.


A Liége, la veille de Saint-Jacques, était depuis 1424 le jour de l'élection des magistrats, qui, auparavant, avait eu lieu le jour de la fête même. Mais la « lettre de saint Jacques » ainsi nommée parce qu'on y désigna le jour de Saint-Jacques pour le renouvellement du conseil de la cité, fit place, en 1424, à la fameuse ordonnance de Jean de Heinsberg, connue sous le nom de cet évêque. Le « réglement de Heinsberg » statuait entre autres choses que vingt-deux commissaires, six à la nomination de l'évêque, seize à celle des paroisses, devraient se réunir la veille de Saint-Jacques, et élire trente-deux bourgeois, un dans chaque métier, et que ces trente-deux bourgeois, non éligibles, devraient nommer les magistrats à la pluralité des voix.

Cette forme électorale continua, avec une interruption de dix ans, d'être observée jusqu'en 1603, époque à laquelle Ernest de Bavière publia son édit  .

Le quatrième dimanche de juillet, une messe qui à Hamerenne, village sur la route de Luxembourg, près de Rochefort, se célèbre en l'honneur de sainte Odile, attire une affluence considérable de fidèles.

Ce n'est qu'en 1714 ou 1715 qu'on transporta le corps de sainte Odile, qui, née aveugle, recouvra la vue en recevant le baptême, et qui est honorée pour la guérison des maux d'yeux, dans l'église d'Hamerenne, bâtie, comme la chronique le dit, du temps de Saint-Materne.

Jean-Ernest, prince de Leweinstein, évêque de Tournai, prince de Stavelot et comte de Rochefort, étant devenu aveugle, fit faire des neuvaines à Hamerenne, en l'honneur de sainte Odile, et le baron de Soumagne et de Nandrin, qui mourut en 1734, fit réparer la chapelle et lui donna une statue de saint Remy et une autre de sainte Odille.

Saint Druon, patron des bergers, est également honoré dans cette chapelle  .

*
*   *

25 juillet.

(Actœa spicata.) Saint Jacques majeur, ap.; saint Christophe.


Saint Jacques le juste, frère de saint Jean et fils de Zébédée est très-honoré en Belgique. II y existe plus de trente églises, qui lui sont dédiées; une commune près de Dixmude porte son nom   et son autel à Compostelle fut de tout temps le but de nombreux pèlerinages. Après les croisades, lorsque les voyages en Terre-Sainte devinrent tellement difficiles que l'on dut y renoncer, la route de la Galice fut suivie par tous ceux qui antérieurement auraient été à Jérusalem.

Diverses circonstances favorisèrent cette tendance  : pour les nobles, saint Jacques était un des patrons de la chevalerie, on jurait souvent par la lance de ce saint, et l'ordre de Saint-Jacques de l'épée était tout à la fois des plus distingués et des plus recherchés; pour le peuple des croyances s'attachaient au « chemin de saint Jacques » et aux « écailles de saint Jacques. » Les écailles furent le symbole de la puissance de ce saint, c'était pour l'honorer que les pèlerins en portaient. Une légende raconte qu'au moment où le navire, qui transportait de la Palestine en Espagne les reliques de cet apôtre, s'approcha des plages de la Galice, un cheval qui était monté par un jeune marié, s'élança dans la mer et s'approcha du vaisseau pour l'escorter. Aussitôt le cavalier et sa monture furent couverts d'écailles. Le marié reconnût la puissance de Dieu et les mérites de saint Jacques et se fit baptiser. Pendant la cérémonie on entendit une voix du ciel qui déclara qu'à l'avenir les écailles seraient un signe authentique qui rappellerait les vertus du saint. 

C'est de là que vint la coutume pour les « pèlerins d'Asturie » d'orner leurs vêtements d'écailles   et qu'en même temps prit naissance l'idée superstitieuse de croire qu'il est dangereux de se baigner le jour de saint Jacques  . Le chemin qui menait à Compostelle devint aux yeux du chrétien celui que les bienheureux suivaient pour arriver au royaume des cieux. C'est pourquoi la voie lactée fut appelée au treizième siècle déjà « chemin de saint Jacques » ou « sint Jakobsweg  . »

Ajoutons que le « pèlerinage d'Asturie » ou « du baron saint Jacques » fut parmi les peines, que les lois et coutumes de presque toutes les villes belges infligeaient le plus fréquemment aux criminels.

Les pèlerins qui avaient fait le pieux voyage de Compostelle formèrent, à leur retour, chez eux, des confréries sous l'invocation de saint Jacques, et voulant joindre la charité à la dévotion, les confrères érigèrent des hôpitaux pour y loger gratuitement les pauvres passants et surtout les pèlerins faisant le voyage de la Galice. C'est l'origine des hôpitaux nombreux qui portent le nom de saint Jacques, dont quelques-uns subsistent encore à Namur, à Tongres et à Tournai bien qu'ils aient reçu une autre destination. Car les véritables pèlerinages de Compostelle cessèrent à la fin du dix-septième siècle. On constata qu'à cette époque, à Mons par exemple où un hôpital de saint Jacques avait été également érigé, il ne passait en moyenne que quatre ou cinq pèlerins par an, et les autorités des villes, dans lesquelles existaient des refuges hospitaliers pour les pèlerins de Galice, jugèrent alors à propos d'employer ces établissements et leurs revenus d'une manière plus utile, en les appliquant à l'entretien des malades on des vieillards  .

Les confréries de Saint-Jacques se sont maintenues en beaucoup d'endroits jusqu'à nos jours et célèbrent encore, chaque année, la fête de leur patron; mais les processions de ce jour, où apparaissaient en costume de pèlerin tous ceux qui avaient fait le voyage de Compostelle, ont cessé d'avoir lieu. A Courtrai cette procession fut supprimée en 1707  .

A Bruges, les « wollewevers, » tisserands en laine, qui honorent saint-Jacques comme patron, avaient autrefois l'habitude de dépenser, le jour de sa fête, dix schellings en donnant à manger aux pauvres  .

A Liége, où la fête de la paroisse de Saint-Jacques est la dernière kermesse de l'année, ce sont les meuniers et les chapeliers qui ont choisi saint Jacques pour patron. Durant le temps que la « lettre de saint Jacques, » donnée en 1343, fut en vigueur dans cette ville, le jour de Saint-Jacques était destiné au renouvellement annuel des magistrats  .

A Saint-Ghislain se tient de temps immémorial une foire, de l'établissement de laquelle on doit être redevable aux fils de Godefroid, qui ont fortifié la ville en 1004  .

A. Louvain, à partir de 1484, les membres de la chambre de Rhétorique « la Pensée » donnèrent annuellement, le jour de la fête de saint Jacques, une représentation dans l'église de ce saint. Cette représentation eut lieu jusqu'au milieu du seizième siècle  .

A Vilvorde, la gilde de l'arquebuse, dont saint Jacques était le patron, faisait célébrer une messe. Les confrères de cette gilde dont seize étaient aux gages de la ville, ouvrirent à Vilvorde, en 1547, un tir à la couleuvrine ou à l'arquebuse  .

En beaucoup d'endroits ce jour ou le 21 juillet se célébrait autrefois chez les domestiques, qui jouaient les rôles de maîtres, tandis que ceux-ci consentaient à accepter celui de valets.

Au surplus, on distribuait des signes d'honneur à des domestiques qui se distinguaient par leur fidélité et par de longs services rendus à la même famille; on punissait les méchants, en les enfermant ce jour ou en les conduisant hors de la commune.

Cet usage, qui se retrouvait aussi en quelques localités d'Allemagne, de Suède et de Hollande, remonte à la plus haute antiquité.

Chez les anciens Perses, les esclaves avaient le droit de porter, chaque année, durant cinq jours les vêtements de leurs maîtres  . En Grèce les fêtes dites Mercuriales, en Crète, celles de la ville de Troezène au Péloponèse et celles de Phaloria en Thessalie donnaient lieu à des pratiques analogues. Les Romains permettaient à leurs esclaves, à l'occasion des fêtes de Saturne, dites Saturnales, qui se célébraient au mois de décembre, de jouer les rôles des maîtres durant l'espace de trois à sept jours, et pendant tout ce laps de temps, les maîtres devaient servir et régaler leurs esclaves, qui avaient en outre le privilége de pouvoir dire impunément et librement ce qu'ils voulaient. Des Romains cette habitude paraît être venue dans les Pays-Bas, où nous croyons en reconnaître les traces dans les anciens repas dits « Jokmalen, » repas divertissants (du latin «jocus, » plaisanterie, « joke » en anglais, qui avaient lieu de temps immémorial au château de Warmond  . Les usages s'en sont maintenus en grande partie jusqu'à présent le jour des Innocents et le jour de Saint-Jacques.

C'est encore en souvenir de cette ancienne fête des domestiques, que ceux-ci considèrent le jour de saint Jacques comme jour fatal. Si en sortant ils rencontrent une vieille femme, ils quitteront bientôt le service qui ne leur profitera plus. Ils préfèrent rencontrer des moutons, mais les porcs gâtent tout leur avenir  .

Le jour de Saint-Jacques donnait du reste encore lieu à d'autres cérémonies burlesques. Nous lisons, par exemple, dans l'histoire de la ville de Valenciennes, que « l'abbé des « Panpourveus » d'Ath, accompagné de vingt-cinq belistres, vêtus à la monachale de blanc et de noir, allait, le jour de Saint-Jacques et Saint-Christophe, bénir un puits, y employant mille traits dignes du fagot et faisant les mêmes profanations dans les rues de la ville  . »

A Tihange, village au bord de la Meuse, près de Huy, se célèbre, le même jour, l'anniversaire du bienheureux Jean de Hermalle, dit Jean l'Agneau, à cause de son extrême douceur et de sa grande modestie.

La légende raconte qu'il était riche propriétaire à Tihange, ayant femme et enfants et qu'il vivait appliqué seulement à la culture de ses terres, quand Dieu lui-même le choisit pour en faire le successeur de saint Ébrégise, évêque de Tongres, qui venait de mourir, l'an 631. Un jour que Jean, penché sur sa charrue, labourait comme de coutume son champ, il vit venir à lui un pèlerin qui, l'ayant salué, lui annonça sa vocation. Jean resta tout ébahi, et n'ayant pas croyance en ce que lui dit le pèlerin, il répondit en fichant en terre le bâton sur lequel il s'appuyait: « Ce bois sec portera fruits plus tôt que ne s'accompliront tes paroles. » A peine avait-il dit ces mots que le bâton se mit à donner des feuilles, puis des fleurs qui se convertirent aussitôt en fruits délicieux  ; ce sont les pommes bien connues encore dans le pays sous le nom de « pommes de Saint-Jean »  .

Jean l'Agneau ne pouvant plus se refuser à l'évidence se rendit aussitôt au lieu de sa destination, où il fut reçu aux acclamations de la foule et devint ainsi évêque de Tongres. Mais après un règne trop court il mourut le 25 juillet 637, généralement regretté, et quoiqu'il n'ait pas été canonisé par l'Église, le peuple le vénère encore aujourd'hui comme un saint.

*
*   *

26 juillet.

(Matricaria chamomilla.) Sainte Anne, mère de Notre-Dame.


Il n'est pas étonnant qu'en Belgique, où le culte de Marie est on ne peut plus populaire, la Sainte-Mère de la Sainte-Vierge jouisse d'une très-grande vénération. On a consacré trente-sept églises en son honneur, érigé bien des confréries sous son invocation, et on l'a choisie pour patronne de beaucoup de métiers aussi bien que de chambres de rhétorique. Une paroisse du doyenné de Belœil, dans le diocèse de Tournai, porte le nom d'Ellignies-Sainte-Anne, et le jour de la sainte, bien qu'il ne compte plus parmi les fêtes de commandement, donne encore lieu à de grandes festivités. C'est surtout pour les couturières, les dentellières et les lingères, qui honorent sainte Anne comme leur patronne, une fête qu'on solennise avec toutes les démonstrations de la joie. Dès la veille du jour de Sainte-Anne, on pare, à Bruges, à Bruxelles et en d'autres endroits, les écoles et les ouvroirs de fleurs et de guirlandes. Le matin, de bonne heure, toutes les jeunes filles qui fréquentent les ateliers de dentelles ou les ouvroirs d'une couturière, viennent souhaiter la fête à leur maîtresse et lui offrir un grand bouquet de fleurs. Puis elles se rendent à l'église, et après y avoir entendu la messe en l'honneur de leur sainte patronne, retournent à l'école ou à l'ouvroir, où le déjeuner aux gâteaux est servi. Le repas terminé, on s'apprête à faire une promenade en chariot ou en voiture vers une ville ou un village des environs pour s'y amuser. Celles de Bruges vont ordinairement à Blankenberghe ou à Ostende.

Cette promenade est le divertissement principal du jour. Le chariot est couvert et orné de fleurs, et des paniers pleins de provisions et de gâteaux sont emportés; mais les élèves et les ouvrières qui veulent être de la partie, doivent, pendant toute l'année, remplir leur tâche ou « hun mestag doen »; celles qui ne l'ont pas faite, doivent rester à la maison. Pour être à même de payer les frais de cette excursion, il est d'habitude de s'imposer chaque semaine une légère cotisation. Aussi destine-t-on au même but les petites amendes qu'inflige le règlement de chaque atelier ou ouvroir contre des actes d'oubli, d'indiscrétion ou de négligence.

Quand le temps n'est pas favorable, on passe la journée à l'école ou à l'ouvroir au milieu des danses et des chants, et il y a toute une série de chansons populaires qui sont exclusivement en usage chez les couturières et les dentellières lors de la célébration de la fête de leur patronne. Mais, en dehors d'un beau cantique qui en est pour ainsi dire la pièce fondamentale et que nous ne laisserons pas de publier ici, les chansons de sainte Anne ou « Sinte-Anna-Liedjes », que rapportent dans leurs recueils MM. Willems, Snellart et E. de Coussemaker, ne contiennent que la description des particularités de la fête ou l'expression des plaisirs et des regrets qu'éprouvent les jeunes dentellières ou couturières durant et après la fête de Sainte-Anne  . 

Laet ons met lofzangen pryzen 
Onze moeder Anna zoet,
En haer lof en eer bewyzen, 
Want zy is ons naerste goed. 
Heylige Anna,
Moeder Anna, 
Die ons droefheyd hebt gezien; 
Heylige Anna,
Moeder Anna. 
Na zuchten geeft verblyd.

Als wy nu gaen openbaren 
Hare groote heyligheyd, 
Wy moeten dan ook verklaren 
Hare groote weerdigheyd. 
Heylige Anna, enz.

Gy zyt van God verkoren 
Om zyns zoons grootmoeder te zyn, 
En de gebeden te hooren 
Van elk die in droefheyd zyn. 
Heylige Anna, enz.

Gy hebt aen God opgedragen, 
In hare teere jongheyd, 
Uw dochter van drie jaren, 
Uwen waren troost en vreugd. 
Heylige Anna, enz  .

Une chanson des plus populaires qui se chante le jour de Sainte-Anne est celle-ci  :

't Is van dage sint' Annadag, sint' Annadag; 
Wy kyken al naer den klaren dag, 
En wy kleên ons metter spoê 
0m te gaen ter kerke toe.
Als de misse wierd gedaen, 
Wy zyn al blyde van deure te gaen. Josephus is gekomen alhier 
Met zynen wagen en zyn bastier. 
De provianden, 
Koeken in manden, 
De provianden 
Dragen wy meê. 
Die willen al met ons meê gaen, 
Moeten 't heel jaer hun mestag doen;
En die 't niet en hebben gedaen, 
Moeten t'huis blyven en niet meê gaen  

C'est peut-être le patronage des couturières qui a donné naissance à l'habitude de dire  : « Elle entre dans la garde-robe de sainte Anne » pour désigner une fille qui devient vieille, dicton qui s'emploie aussi bien dans le pays wallon que dans les provinces flamandes, ou « Sinte-Anne-Schapraei » a la même signification. A Anvers, tout le monde va, le jour de Sainte-Anne, à la kermesse du Vlaemsch-Hoofd qui doit à cette circonstance son nom populaire de « Sinte-Anne » ou « Sinte-Anneken. »

A Bruges, les métiers des cordiers et des faiseurs de balais célèbrent ce jour leur fête patronale  , de même que les ébénistes et les menuisiers de Liége.

A Lierre, la chambre de rhétorique « de Ongeleerde » (l'Ignorante ou « Jennette-bloem » (la Narcisse) dont sainte Anne était la patronne, recevait chaque année, le jour de Sainte-Anne, du magistrat deux pater-noster et quelquefois six chopines de vin  . 

Dans la même ville, le jour de Sainte-Anne est encore aujourd'hui un jour de jubilation pour les enfants. Ils parcourent alors les rues, en demandant aux passants un cents, « pour fêter sainte Anne; » du produit de ces dons ils achètent des chandelles qu'ils allument le soir en les plaçant sur le pavé de la rue et autour desquelles ils s'amusent en dansant et en chantant  .

A Louvain, les enfants ont la coutume de construire ce jour-là de petits reposoirs ou autels dans toutes les rues et de demander de l'argent à tous les passants  .

A Vilvorde, la chambre de rhétorique « De Goud-bloem » (la Fleur d'Or), dont les patronnes étaient sainte Anne e sainte Élisabeth, faisait dire une messe en l'honneur de sainte Anne.

On ne sait à quelle époque cette gilde s'est formée elle avait pour devise les mots  : « Niets zonder God, in liefde groeyende (Rien sans Dieu, croissant dans l'amitié), » mais le 22 juin 1558 les échevins et les receveurs lui cédèrent une petite cour pour y tenir ses réunions et peu de temps après la chambre ouvrit un concours, où vinrent, le 2 juin 1560, les chambres de rhétorique suivantes la Rose, de Louvain  ; le Livre et la Fleur de Né, de Bruxelles; la Pivoine, de Malines; la Grappe de Raisins (de Wyngaerdrancken), de Berchem; la Petite Fleur de Fève ('t Boonbloemken, de Neckerspoel, et l'Arbre croissant (de Groeyende Boom), de Lierre. De longtemps, disent les chroniqueurs, il n'y avait eu une réunion aussi nombreuse de rhétoriciens, et jamais il n'y en avait eu de semblable à Vilvorde.

Les rhétoriciens de Vilvorde concoururent de leur part à Anvers en 1561, et à Malines en 1620. Supprimée lois de l'invasion française, leur association se reforma quelques années après et eut une courte époque de splendeur. Aujourd'hui elle subsiste encore et elle a conservé son Théâtre, bien qu'elle ne donne plus de représentations  .

A Auderghem, à l'ancienne chapelle Sainte-Anne qui s'élève sur une hauteur à l'est du couvent de Val-Duchesse (s' Hertoginne-dael) mais qui est aujourd'hui converti en habitation, allaient jadis de nombreux pèlerins invoquer la patronne de cet oratoire. Les femmes lui demandaient le bonheur d'être mères; les malheureux atteints d'affections aux mains, aux bras et aux pieds y sollicitaient leur guérison  . Un autre pèlerinage très-suivi se faisait jadis à la chapelle de Sainte-Anne, entre Brusseghem et Wolverthem, près de Bruxelles. Cette chapelle, qui existe encore, fut fondée en mémoire de ce que suivant la tradition la peste, sévissant dans ces contrées, fut arrêtée en cet endroit par l'intercession de la Vierge. Au commencement du dix-septième siècle, ce petit sanctuaire était encore construit de bois, bien que, de temps immémorial, il fut fréquenté par des pèlerins qui y venaient implorer sainte Anne, pour être préservés de la fièvre. En vertu d'une autorisation accordée par l'archevêque, le 17 juillet 1640, il fut construit en pierres. La chapelle actuelle date de l'année 1700; elle est en briques rouges  , les contours de la façade seuls sont peints en blanc.

*
*   *

27 juillet.

(Lythrum saticaria.) Sainte Chrétienne; 
saint Christophe; saint Désiré; saint Pantaléon.


Il n'y a qu'une seule église consacrée en l'honneur de saint Pantaléon, c'est celle de Kerniel, paroisse du doyenné de Looz, dans l'évêché de Liége.

Saint Christophe, par contre, est célébré dans beaucoup de localités, le plus souvent déjà le 25; il est le patron de quinze églises, qui appartiennent en grande partie aux diocèses de Liége et de Tournai.

Bien que, d'après Molanus, la légende de ce saint manque de tout fondement historique, et que le nom seul signifiant « porteur de Christ » paraisse avoir donné l'idée de son image  , saint Christophe jouait, au moyen âge, un rôle important en Belgique aussi bien qu'en France et par toute l'Europe germanique. On voyait sa statue colossale érigée sur la place publique ou dans les cathédrales de beaucoup de villes, entre autres à Notre-Dame d'Anvers jusqu'à l'incendie de cette église en 1133; on rencontrait son portrait au naturel peint sur les murs extérieurs de mainte et mainte églises de village et on faisait figurer dans les processions de plusieurs villes un personnage gigantesque qui représentait saint Christophe portant sur son dos l'enfant Jésus. C'est surtout à Louvain qu'un représentant de saint Christophe jouissait d'une grande popularité. C'était une figure colossale dont la tète, les jambes et les bras étaient de bois. L'enfant Jésus qu'il portait sur les épaules était en pierre. Dans l'intérieur de la figure était un homme qui dirigeait cette lourde machine, ce qui n'était pas chose facile, vu la grandeur et le poids de cette image. Le jour de la kermesse on conduisait en pompe ce saint Christophe, accompagné de saint Pierre et des quatre serments ou gildes. De temps en temps le cortége s'arrêtait devant les cabarets pour se rafraîchir, et le saint n'était pas oublié. On le plaçait près de la porte sur un fauteuil établi au haut d'un tonneau et on lui offrait très-révérencieusement quelques verres de bière que son porteur ne laissait pas de boire en sa place. Mais depuis l'entrée des Français le saint Christophe de Louvain a disparu et avec lui sa fête particulière.

Le saint Christophe de Bruxelles, qui marchait autrefois à la procession du Sablon, était d'une hauteur d'environ dix pieds. Il était précédé d'un ermite qui portait une lanterne à la main et qui écartait les enfants qui obsédaient trop le saint. Arrivé devant le palais du gouverneur-général, saint Christophe attachait au bâton qui lui servait d'appui, un bouquet de fleurs qu'il présentait au gouverneur, et celui-ci, après avoir détaché le bouquet, attachait en signe de remercîment une bourse remplie d'argent au bâton du saint. Outre son ermite, le saint Christophe de Bruxelles avait pour escorte les cinq fous des serments, habillés de velours de couleurs variées et portant des grelots; ils écartaient la foule à grands coups de batte  . Les religieux et les corps de métiers assistaient à cette cérémonie.

Un savant allemand croit que l'image de saint Christophe est venue remplacer celle du vieux dieu Donar ou Thor des anciens peuples de race teutonique, dont le culte a laissé plus d'une trace en Belgique. Les mythes du Nord nous représentent ce dieu païen d'une stature si colossale, qu'il porte le géant Œrvandit comme un enfant sur ses épaules en guéant les rivières les plus profondes. La chevelure rouge et la mine terrible, que nous voyons ordinairement aux portraits de saint Christophe, nous rappellent encore le souvenir de Thor, et quoique, d'après les légendes du saint, il n'y ait aucun rapport, que je sache, entre saint Christophe et les orages, le peuple l'a pris néanmoins pour patron contre l'orage et la grêle et lui a conféré une grande puissance sur la mort. Les anciens dictons populaires  :

Christophori sancti speciem quicunque tuetur, 
Ista nempe die non morte male morietur.

(Quiconque voit l'image de saint Christophe, ne mourra pas ce jour d'une mauvaise mort.) 

Ou

Christophorum videas  : postea tutus eas.

(Après avoir vu saint Christophe, tu peux aller en pleine sûreté.)

Ces mots qu'on lit encore aujourd'hui en grosses lettres dans beaucoup de localités de l'Allemagne au-dessous de l'image de saint Christophe,et que le peuple n'expliquait que trop littéralement, nous attestent cette croyance. Aussi y avait-il une prière dite de Christophe contre l'orage et de petits livrets dits « Kreschtoffelsböjelchen, » livrets de Christophe, qui à l'égal de ceux de Gertrude contenaient toutes sortes de conjurations  .

Quelques auteurs français, par contre, prétendent que dans l'origine, les statues colossales, connues sous le nom de saint Christophe, étaient celles de l'hercule gaulois, qui s'appelait « Ogmius » et pour lequel les anciens Gaulois avaient une très-grande vénération. C'était une divinité qui représentait le principe de la fécondité sur la terre et dans les eaux, et à laquelle les Gaulois consacraient les forêts, les îles et les fontaines. Pour attirer dans les églises, lors de l'établissement du culte du vrai Dieu, les habitants des campagnes, qui sont toujours les derniers à adopter les innovations dans les usages civils et religieux, les premiers apôtres des Gaules auraient placé, à ce que dit l'auteur du « Menagiana, » les images du grand Ogmius près de la porte des églises. Dans la suite, le christianisme étant mieux établi, on aurait sanctifié ces simulacres en plaçant sur les épaules du géant la figure du Christ enfant, et en donnant à l'hercule le nom de « Christophoros » ou « Porte-Christ. » 

Quoi qu'il en soit, pour montrer aux fidèles qu'ils doivent porter Dieu dans leur cœur, l'Église n'aurait su trouver symbole plus expressif que l'image de saint Christophe, et jamais ce nom n'a été porté à meilleur titre que par ce saint, martyrisé pour la foi sous l'empereur Dèce, l'an 254, le 25 juillet, après avoir converti au christianisme quarante-six mille païens  .

Sainte Christiane, dont la fête se célèbre ce jour dans tout le diocèse de Gand, est la patronne de la ville de Termonde;  fille d'un prince anglais encore idolâtre, elle embrassa secrètement le christianisme et reçut avec le baptême le nom de Christiane, qu'elle avait elle-même demandé pour se rappeler sans cesse Jésus-Christ. D'après le conseil du missionnaire qui l'avait convertie, elle quitta ses parents et sa patrie pour passer en Flandre, et vint à Dickelvenne, où saint Hilduard, apôtre de la contrée, la plaça à la tête d'un monastère de religieuses. Après avoir vécu très-saintement, elle y mourut, et ses reliques furent transportées plus tard à Termonde, où elles sont encore honorées  .

*
*   *

28 juillet.

(Senecio montanus.) Sainte Béatrice; saint Nazaire; saint Victor.


A Ninove, où la kermesse a lieu le dimanche après la Sainte-Madeleine, la chambre de rhétorique qui a pour devise les mots « Groeit, Bloeit, » verdoie, fleurit, faisait tous les ans au deuxième jour de la kermesse une procession solennelle dans laquelle chaque membre de la confrérie portait en main une fleur d'eau, emblème de la société  .

*
*   *

29 juillet.

(Chironia centaureum.) Saint Loup; 
sainte Marthe; Sainte Séraphine.


A Louvain la chambre de la Pensée (de pense) célébrait par une messe solennelle la fête de sainte Marthe, sa patronne.

Elle prit part aussi au concours d'Anvers de 1496, et y reçut pour prix de sa représentation un Saint-Luc en argent ainsi qu'un chapeau de roses.

La révolution la supprima en même temps que la Rose  .

*
*   *

30 juillet.

(Verbuscum Lychnitis.) Saint Abdon et Sennen; 
saint Rufin; saint Séraphin.


Nombre d'idées et de pratiques superstitieuses se rattachent à ce jour, que les jeunes gens de la campagne redoutent encore maintenant comme étant sous l'influence des sorciers.

On dit aussi que les joncs ne croissent plus dans les étangs ni les chardons dans les champs, lorsqu'on les en arrache ce jour.

Mais, aucune tradition ni aucune légende ne se liant au jour de saint Abdon, il est à présumer que c'est l'analogie de ce nom avec le mot flamand « afdoen, » (« abthun » en haut-allemand) ôter, défaire, qui a donné naissance à toutes ces croyances  .

A Gand les « Sœurs de charité de Jésus et de Marie » fêtent l'anniversaire du commencement de la maison Notre-Dame de Terhaeghen, en 1806. C'est la maison mère de l'institut charitable du chanoine Triest, qui a à présent des établissements dans toutes les provinces de la Belgique; dans le diocèse de Bruges seul elle a plus de vingt maisons.

Quant aux « Frères de charité de Jésus et de Marie, » qui ont aujourd'hui douze établissements en Belgique, leurs principales maisons sont à Gand, où ils soignent les orphelins, les fous et les vieillards; à Bruxelles, où ils ont une institution de sourds-muets; et à Louvain, où ils donnent l'instruction à plus de mille enfants  .

*
*   *

31 juillet.

(Verbuscum virgatum.) Saint Ignace de Loyola; saint Loup.


Les Jésuites, qui comptent aujourd'hui quinze établissements en Belgique, célèbrent la fête de leur saint fondateur, en l'honneur duquel ils ont consacré leur église à Marche dans l'évêché de Namur. Cette association qui s'est toujours fait remarquer par le grand nombre d'hommes distingués qui en ont fait partie, arriva en 1542, en Belgique et y fonda son premier établissement à Louvain  .

A Tournai on célébra en 1640 très-solennellement le jubilé pour la centième année de la confirmation des Jésuites  .

Saint Loup est patron d'une église somptueuse à Namur, érigée en 1645 par les Jésuites    ; mais son jour de fête n'y est solennisé que par l'exposition du Saint-Sacrement

C'est selon toute probabilité le nom de ce Saint qui a donné naissance à l'usage de pétrir le gâteau dit « de Saint-Loup » pour empêcher que les loups ne fassent aucun mal aux bestiaux et aux troupeaux laissés seuls dans les champs et les pâturages. Ce gâteau est de forme triangulaire en l'honneur de la très-sainte Trinité, il a cinq trous en mémoire des cinq plaies de Notre-Seigneur et il est donné  ensuite, pour l'amour de Saint-Loup, au premier pauvre que l'on rencontre  .

Cet usage, qui était autrefois très-observé en Brabant, surtout dans les environs de Louvain et de Tirlemont, se pratique encore aujourd'hui, à ce qu'on m'a assuré, dans quelques localités des Ardennes.

Par un motif pareil le peuple accorde à saint Loup le pouvoir de guérir les maux de jambe  .

C'est le dernier dimanche de juillet qu'a lieu la célèbre procession de Furnes.

L'ancienne procession de la Croix avait beaucoup perdu de son lustre, lorsqu'en 1637 une nouvelle sodalité s'organisa et que, par ses soins, toutes les scènes de la Passion se sont reproduites avec un plus grand éclat dans la procession que cette association fait sortir tous les ans le dernier dimanche de juillet.

C'est la « sodalité du Sauveur crucifié et de sa Sainte-Mère au pied de la croix » que le chanoine Clou, du chapitre de sainte Walburge, fonda le premier dimanche de l'avent dans la paroisse de Saint-Nicolas. La nouvelle confrérie n'avait pas précisément toutes les sympathies pour elle. Ce n'est qu'en 1646 qu'elle fut reconnue par l'évêque d'Ypres et qu'elle fit sortir elle-même une procession, après en avoir fait, deux années auparavant, un premier essai. Le cortège était ouvert par les élèves de l'école latine; douze d'entre eux, vêtus en gentilshommes, avaient chacun à son cote gauche un ange qui portait sa croix; après eux il en venait d'autres, habillés de sacs, qui portaient eux-mêmes leurs croix dans la main, et en troisième lieu d'autres encore en cilices, chargés de lourdes croix qu'ils traînaient plutôt qu'ils ne les portaient. Au milieu d'eux venait tristement la mère de Dieu avec saint Jean l'Évangéliste, Maria-Cléopha-Veronica, Marie-Madeleine et les douze apôtres en deuil, marchant sur les pas de la sainte Vierge, laquelle suivait le tombeau de son fils, porté par quatre musiciens, qui chantaient  : Miserere mei Deus.

Un crucifix d'ébène, avec figures artistement sculptées en bois, qui circule encore tous les ans dans la procession fut donné à la Société par le fondateur, qui mourut en 1648, avant d'avoir vu l'approbation décisive de son enfant chéri, la sodalité, dont il était directeur. Ce ne fut qu'en 1656 qu'arriva l'approbation définitive.

Dans ce temps-là, c'est-à-dire, en 1647, un sacrilége épouvantable fut commis à Furnes.

La ville était devenue française, par capitulation signée le septembre 1646, et deux soldats de la garnison, pour commettre impunément des vols, résolurent de se procurer des hosties consacrées et de les réduire en cendres avec des dents de personnes mortes et autres objets, ils croyaient qu'ils pourraient alors ouvrir toutes les serrures et tous les verroux, sans l'emploi de la force. Or l'un des deux soldats se mit en devoir d'exécuter les conseils sacriléges de son complice, mais au moment de ramasser des dents et autres objets, dont il avait besoin, au cimetière, il fut saisi d'une telle horreur qu'il faillit abandonner sou projet.

L'autre, arrêté pour avoir frappé un de ses chefs et condamné être fusillé, confessa son crime avant de mourir et les deux criminels payèrent leur sacrilège d'une mort cruelle. Pour supplier Dieu de ne pas venger sur la ville l'injure faite à sa majesté divine, on tint à Furnes un jour solennel de prières, qui se termina par une procession générale.

Suivant l'opinion généralement reçue depuis un grand nombre d'années, la procession de Furnes a été instituée, en 1650, pour perpétuer le souvenir de cet événement, mais on n'en fait pas allusion ni dans le formulaire des indulgences que le pape Clément XI a accordées à la sodalité, ni dans les règles et ordonnances concernant les devoirs et exercices pieux, ni dans l'approbation de la confrérie par l'évêque d'Ypres en 1656, ni dans les comptes, ni dans les vers déclamés dans la procession, ni dans les formules de prières de la sodalité des autres villes de la Flandre.

Le martyre de Saint-Estèphe, au moment d'être lapidé, le mystère de la Passion, la résurrection des morts, ont été exécutés dans le principe par les sodalistes et plus tard par la société de rhétorique. « Van zinnen jonc. »

Le « jeu » de Saint-Estèphe a fait partie de la procession pendant plus de deux cents ans.

La Passion de Jésus-Christ était divisée en plusieurs actes qui représentaient l'étable de Bethléem, le jardin des Olives, la trahison de Judas, la Scène de Malchus avec saint Pierre, la flagellation ou « 't spil van de Joden,» le crucifiement, la Vierge et saint Jean, appelé à cause de son invariable habillement rouge « Sint-Jan in troo, » derrière la croix. De petits théâtres, aussi légers que possible, représentant les rues, les jardins ou maisons nécessaires à la scène, étaient portés ou traînés par des confrères, quelquefois par des chevaux. Les costumes étaient de diverses étoffes et de couleur, suivant les personnages, les habillements souvent ornés de peintures, pour mieux imiter le vêtement des anciens.

La résurrection des morts ou « 't spil van de levende ende doode, » qui faisait sa première apparition en 1429, était figurée par des acteurs masqués et déguisés en squelettes, au moyen d'habillements peints à cet effet. Ils se levaient dans leur tombeau, porté par d'autres sodalistes et faisaient voir les têtes de mort qu'ils avaient dans les mains.

Plus tard, dans une tombe, ayant sur un fond noir une peinture en blanc imitant des têtes de mort et des ossements et surmontée par des bustes de squelettes, était couché un squelette tout entier, couvert d'un manteau et ceint d'une couronne. A chaque coin de rue, le squelette se dressait subitement 'a l'aide d'un ressort que faisait jouer un des confrères qui portaient la tombe. Depuis 1822, la machine, étant détraquée, a été remplacée par un cercueil fermé porté par quatre pénitents.

Un spectacle fait pour amuser la foule, était la tentation de Saint-Antoine. Le saint, accompagné de son cochon, avait sa cellule, sa chapelle et sa clochette sur un théâtre traîné dans la procession, et était entouré par une légion de démons, ayant des masques noirs surmontés de cornes dorées, qui lui jouaient toutes sortes de niches. Plusieurs de ces diables étaient armés d'un fléau, dont le battant était fait de toile bourrée de son, ce qui les empêchait, en frappant, de faire du mal au saint ou à son pauvre cochon ou aux curieux qui s'approchaient de trop près. C'était la corporation des brouetteurs qui remplissait les rôles dans cette scène, qu'on voyait dans la procession à commencer de 1595.

La sodalité de Sainte-Godelieve a mis en scène la légende de sa patronne en 1497 et continuait de faire partie de la procession jusqu'au milieu du dix-septième siècle.

En 1438 le martyre de Saint-Sébastien était représenté par les archers, et en 1448 la Société de Sainte-Barbe a exposé Sainte-Marguerite, accompagnée de son dragon, mais ces groupes n'ont paru que quelques fois.

En 1566 sainte Véronique, vêtue d'une longue tunique, d'un corsage à manches et d'un tablier, parut la première fois, avec le saint Suaire, dans la procession.

Quand la procession était rentrée, et que le géant avait terminé sa course, on lui tranchait la tète, on le désarmait et on pendait sa carcasse au mur de l'église de sainte Walburge, où elle restait jusqu'à la fête prochaine. Le premier géant a été construit avant 1598, les sibylles sortaient depuis 1609.

Avant le jubilé de 1737 la procession était, à peu de chose près, ce qu'elle est aujourd'hui. C'étaient les mêmes mystères, la même composition, le même ordre de marche, à commencer de l'ange devant l'étendard, jusqu'à l'empereur Constantin.

La dernière procession jubilaire en 1837 attira comme les deux autres un immense concours de monde.

Comme toutes les confréries, la sodalité fut supprimée en 1787, mais réintégrée en 1791. L'invasion française empêcha la procession depuis 1793 jusqu'en 1802. Ce n'est qu'en 1814 qu'on obtint la permission de la faire revivre  .

*
*   *



AFFICHES "ART NOUVEAU" DE HENRI PRIVAT-LIVEMONT