TRADITIONS Traditions et légendes de la Belgique - (03) - Mars


Mars
"Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579)


TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE


Otto von Reinsberg-Düringsfeld 



MARS. 
 
Le mois de mars, qui fut pendant des siècles le premier mois de l'année, a conservé en flamand le nom de « lentemaend », mois du printemps, que Charlemagne lui a donné en l'appelant « Lentzinmânoth.» Bien que dans les documents flamands du moyen-âge la dénomination de « maerte, meerte » se trouve plus fréquemment employée que toute autre, il est certain que « lentemaend » était déjà, à une époque plus reculée, en usage chez les Germano-Belges. Les Anglo-Saxons se servaient également du nom de « Lenctmonat » pour désigner leur « Hredmonath », mois de Hreda ou Rheda, déesse à laquelle ils avaient consacré le mois de mars.

Quant aux noms de « Dorremaend », mois sec, et de « Thormaend », mois de Thor, qui s'appliquent également à mars, nous ne savons pas si l'une et l'autre de ces dénominations ont été d'usage dans les Pays-Bas, ou si l'une d'elles n'est pas une corruption de l'autre.

Thormaend se retrouve dans les pays germaniques du nord, où « thorri » en islandais, « thore » ou « thorsmonad » en suédois, désignent le mois de janvier, et « tormaaned » en danois, « thurrmonad » en suédois, celui de mars; mais, d'après Biörn, toutes ces dénominations ne se rattachent pas au nom de Thor ou Donar, mais à l'âpreté de l'hiver, de sorte que « thorri » aussi bien que « tormaaned, thurrmonad » et « dorremaend » signifient « mois sec », ce qui serait parfaitement d'accord avec le nom de suchyi (» sushiz », ou « sushez », en slavon d'aujourd'hui), que les anciens Slaves ont donné au mois de mars.

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1er mars.

(Album porrum.) Saint Aubin, patron de cinq églises du diocèse de Namur.


Dans la Campine les jeunes filles et les jeunes garçons vont crier en plein air la veille de mars, avant de se coucher : « Red, red, brengt raed, raed! » pour apprendre quel sera leur mari ou leur femme, car ils croient alors voir en rêve l'objet de leurs vœux.

Dans le pays wallon, où l'on pratique le même usage, on crie « mars, mars » au lieu de « red, red [1]. » Les jeunes filles des environs de Liége jettent aussi, pendant neuf jours, à commencer du 11, mars, avant de se coucher, leurs bas derrière elles, par-dessus la tête, en disant chaque fois trois pater et trois ave. Elles ne regardent les bas que le lendemain matin. Sont-ils tombés en croix, on ne se mariera pas encore; dans le cas contraire, on voit le futur mari en songe. Mais si les bas sont tombes en croix et si en rêve on voit un cercueil, il faut se résigner à rester fille.

Nous n'osons pas essayer de donner une explication plus ou moins hasardée sur la signification des paroles ni sur l'origine de cet usage. Mais ce qui est très-singulier, c'est que des pratiques analogues se retrouvent chez les jeunes filles tchèques en Bohême.

D'après l'édit sur la chasse, donné le 31 août 1613 par l'archiduc Albert et l'infante Isabelle, à Bruxelles, il était interdit de chasser depuis le 1er mars jusqu'à la sainte Madeleine, sous peine de payer une amende de dix réaux et une somme d'indemnité pour les dommages causés dans les champs (cf. article 46).

Le même édit défendit, sous peine de soixante réaux d'amende et d'une somme d'indemnité pour les dommages causés dans les champs, de poursuivre, durant le temps susdit, perdrix, faisans et hérons soit avec des chiens, soit avec des oiseaux (art. 78).

L'article 57 de l'édit prohiba, pendant la durée de l'accouplement des perdrix, l'usage de lévriers ou « ligh-honden », et l'article 68 défendit de porter, depuis le 1er mars jusqu'au dernier jour d'août, des grapins ou « klimsporen a, sous peine de les perdre et de payer vingt réaux d'amende.

Le 1 mars de chaque année, ledit édit devait être proclamé de nouveau sur toutes les places et dans toutes les localités où d'habitude se faisaient les publications des lois [2].

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2 mars.

(Cerastium pumilum.) Bienheureux Charles le Bon; saint Simplice.


Le bienheureux Charles le Bon, comte de Flandre, fils de saint Canut, roi de Danemarck, et d'Adèle, fille de Robert-le-Frison, fut amené à Bruges aussitôt après le martyre de sou père et reçut une éducation soignée à la cour de son oncle, Robert de Jérusalem, qui en l'instruisant des devoirs d'un prince administrateur et guerrier, lui inspira des principes éminemment religieux. Charles se distingua par sa bravoure dans la Terre-Sainte et dans la guerre de son oncle contre les Anglais, et, après la mort de Baudouin à la hache, il fut déclaré son successeur plus encore par les vœux unanimes de la noblesse et du peuple, que par la dernière volonté de Baudouin. Dès lors il consacra sa vie entière au bonheur des Flamands et sa réputation s'étendit si loin, qu'on lui offrit l'une après l'autre la couronne de Jérusalem et celle de l'Empire. Mais ses vertus lui attirèrent une haine mortelle de la part d'une famille puissante de Bruges, dont il avait d punir les injustices. Pour se venger du noble comte, elle forma le projet de l'assassiner, et un jour que le prince assistait, selon sa coutume, à la messe dans une chapelle haute de l'église de Saint Donatien, et priait avec ferveur au pied de l'autel de Marie, un des conjurés lui abattit le bras d'un coup de hache et un autre lui fendit le crâne. Son corps fut enseveli d'abord dans l'église de Saint-Christophe, où on lisait jadis son épitaphe latine; plus tard ses restes sacrés furent transportés à la basilique de saint Donatien, et y demeurèrent jusqu'à la fin du dernier siècle, époque à laquelle l'église tomba sous le marteau du vandalisme révolutionnaire. Les reliques du saint Martyr furent cependant gardées avec respect ci, le 2 mars '1827, sept cents ans après la mort de Charles, elles furent replacées solennellement sur un autel dans l'église de Saint Sauveur, aujourd'hui cathédrale.

Le jour de sa fête attirait autrefois un grand concours de fidèles les fiévreux surtout affluaient de tous côtés pour se guérir en buvant dans le crâne du bienheureux Charles le Bon [3].

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3 mars.

(Mesembrianthemum aureum.) Sainte Cunégonde; saint Gervin.


Le 3 mars 1175, mourut le B. Frédéric, Norbertin, fondateur, du couvent de Mariengardt ou Jardin de Marie. Il avait, dès l'âge le plus tendre, consacré son innocence à la sainte Vierge. Il fit plusieurs miracles par son intercession, et introduisit la coutume de célébrer tous les samedis la messe en son honneur [4].

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4 mars.

(Alsine media.) Saint Casimir; saint Phocas.


Le second dimanche de carême s'appelle à Bruges et à Ypres « de Craecke-Sondagh » ou dimanche des craquelins.

En l'honneur du saint sacrement les gildes faisaient autrefois à Ypres un ommegang, et portaient « eene groote en mannelycke Craecke, verciert met vergulde oupeelen ende anderzins» (un grand craquelin de la hauteur d'un homme, décoré d'oublies dorées et d'autres ornements) lequel, après la procession, était le prix d'un tir qui terminait la fête [5].

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5 mars.

(Helleborus viridis.) Saint Théophile; sainte Théophanie.


Commémoration de tous les saints de l'ordre de Saint-Augustin. Le Pape Innocent X a accordé, le 28 mars 1699, indulgence plénière à tous les fidèles qui visiteront le mars, le 17 mars, le 4 mai, le 16 mai, le 28 août ou le 18 novembre, l'église de Notre-Dame de Hanswyck, Malines [6].

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6 mars.

(Narcissus Pseudonarcissus.) Sainte Colette.


Cette sainte réformatrice de l'ordre de Sainte-Claire, canonisée solennellement par le pape Pie VII, en 1807, est très-honorée à Gand, où elle mourut en 1447.

Il y a de nos jours en Belgique sept communautés de religieuses portant le nom de Colettines et six couvents de Clarisses-Colettines, qui appartiennent à l'ordre de Sainte-Claire, réformé par sainte Colette.

Le jour qui suit immédiatement le premier lundi de mars s'appelait autrefois « Afterdag » [7].

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7 mars.

(Narcissus pseudonarcissus simplex.)
Sainte Perpétue; saint Thomas d'Aquin.


La fête de sainte Perpétue, bien qu'elle ne se chôme en Belgique,,,, que dans l'Église, est une des plus anciennes fêtes chrétiennes. Nous la trouvons déjà indiquée dans la première liste de fêtes, dite de Rome, qui remonte à l'an 354 [8].

Le mercredi de la seconde semaine du carême s'appelle à Ypres « kattewoendag », parce que ce jour on précipitait des chats de la tour de la halle de la ville, en souvenir, dit-on, de la renonciation des Yprois au culte de Vrya ou Freya, qui en sa qualité de déesse de la guerre et de sœur d'Odin, le suivait à la guerre sur un char traîné par des chats.

Cet usage qui remonte à la plus haute antiquité, puisqu'un ordre de Baudouin III, comte de Flandre, daté de l'an 962, en décréta l'observation annuelle, se pratiquait d'abord le jour de l'Ascension, à l'occasion de la foire qui se tenait vers cette époque.

Jusqu'à 1231, époque à laquelle la construction de la tour de la halle ainsi que celle de la première moitié de la halle (Lakenhalle) turent terminées, on précipitait les chats du haut de la tour du vieux et du nouveau château; puis, de la tour de l'église de Saint-Martin; plus tard enfin, de la tour de la halle.

En 1475, on transféra la cérémonie, qui du reste se répétait ordinairement le jour de la grande kermesse ou le « Tuindag, » au mercredi de la seconde semaine du carême appelé de là « kattedag. » La foire qui depuis le dixième siècle, se tenait à Ypres dans la seconde semaine du carême, en reçut le nom de : « katte » ou « Koude-Ypre-feest. »

Le 28 février 1714 on reprit l'usage qui, depuis 1674, avait cessé d'être pratiqué, et ce n'est qu'en 1818 qu'il a été entièrement aboli [9].

En beaucoup d'endroits on appelle ce mercredi « Overleverings-woensdag, » mercredi de la tradition, d'après l'évangile de ce jour [10].

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8 mars.

(Narcissus lœtus.) Sainte Félicité; saint Jean de Dieu; saint Philémon.


A Dinant on procédait ce jour-là au renouvellement des vingt-et-un jurés, qui avait lieu auparavant le 22 janvier.

La fête du saint fondateur de l'Ordre de la Charité, qui mérita par sa piété d'être appelé Jean de Dieu se célèbre dans toutes les églises de la Belgique, niais surtout dans les nombreuses communautés d'hommes et de femmes qui l'honorent comme patron.

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9 mars.

(Narcissus bullocodium.) Sainte Françoise.

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10 mars.

(Veronica triphyllos.) Fête des 40 ss. Martyrs de Séb.


S'il gèle cette nuit, le froid ne cessera pas à moins de 40 jours, et l'année ne sera pas fertile. Cette croyance populaire pourrait bien se rattacher au nom chrétien de ce jour, 40 martyrs ou 40 chevaliers [11].

A Vissenaeken, village près de Tirlemont, se célèbre la fête du bienheureux Hymelin, qui attire chaque année un gland concours de fidèles, bien que ce saint n'ait pas encore été canonisé par autorité apostolique.

Hybernois de nation et parent de saint Rombaut, il mourut d'une fièvre pestilentielle et fut inhumé dans l'église de cette commune, où plusieurs miracles se sont opérés par son intercession [12].

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11 mars.

(Erica vaguus.) Saint Constantin; saint Euloge: saint Goslin; saint Vindicien.


Saint Vindicien, évêque de Cambrai, mourut à Bruxelles en 706 [13]. Le troisième dimanche du carême, oculi ou Toogdag, s'appelle d'après l'évangile de ce jour « stom-duivel-zondag, » dimanche du diable muet.

À Courtrai se faisait autrefois une procession dans laquelle paraissait Pilate avec sa femme et quatre soldats qui traînaient Jésus-Christ portant sa croix; cette procession fut supprimée on 1707.

A Ypres, on nomme ce jour de « quene-sondagh, » dimanche de la vieille femme, parce qu'autrefois les enfants, portant une petite poupée dans un panier couvert, parcouraient les rues en chantant

Oude quene babelboone,
Isse oudt, s'en is nid schoone;
Gheeft se doch een ey,
Daer me looptse wey.

(Vieille femme babillarde, bien qu'elle soit vieille et qu'elle ne soit pas belle, donnez-lui pourtant un œuf, avec cela elle s'en va).

On dit que c'est en souvenir de l'ancien testament qui disparut le jour de Pâques, et que la poupée doit représenter la synagogue; mais selon toute probabilité cette figure est un emblème de l'hiver, que les enfants portent dehors. Car l'hiver est assez généralement représenté par une vieille femme, et nous rencontrons dans presque tous les pays tant teutoniques que slaves la cérémonie de l'expulsion de l'hiver.

A Furnes on donne le nom de « oude-queinendag » ou « oude wyvekensdag, » jour des vieilles matrones, au deuxième dimanche après Pâques [14].

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12 mars.

(Ixia bullocodium ) Saint Grégoire le Grand, patron des écoliers, auquel est consacrée l'église de Flamierge-Roumont dans la province de Luxembourg.


C'est surtout dans le pays wallon que la fête de saint Grégoire donne lieu à beaucoup de particularités.

Les garçons qui fréquentent les écoles ont le privilège de faire, ce jour-là, une quête. Ils s'en vont débiter devant chaque maison quelque chanson relative à la fête, et on leur donne d'habitude des œufs, de la farine, du beurre, etc., pour en faire des galettes. Dans quelques localités près de Dinant et de Huy, les garçons qui font la quête habillent l'un d'eux en évêque pour représenter saint Grégoire; dans d'autres villages du pays de Namur, où le maître accompagne lui-même ses écoliers, quatre garçons sont travestis. L'un d'eux est déguisé en saint Grégoire, un autre en chapelain du pontife; le troisième représente un boulanger et le quatrième un sergent. Le boulanger porte sur le dos un sac dans lequel il met tout ce qu'on reçoit. La quête terminée, on retourne à l'école où l'évêque aussi bien que les autres garçons, choisit une femme parmi les petites tilles qui fréquentent l'établissement. La mère de saint Grégoire et celle de sa femme sont tenues de faire pour toute la compagnie le « matou, » (des pistolets cuits au lait), des galettes, des « koukebacks » ou « vouts » (ainsi s'appellent les omelettes en wallon). On mange puis on danse, et c'est souvent le maître d'école lui-même qui joue du violon pour amuser les enfants.

Dans quelques villages près de Saint-Hubert, cette quête et cette fête ont lieu la veille de la conversion de saint Paul; nous ignorons pour quel motif.

Dans les environs de Liége, les écoliers ont le droit de mettre, le jour de saint Grégoire, leur maître à la porte, et celui-ci est astreint à leur donner le soir un régal.

Dans le Hainaut, la fête de saint Grégoire ne se célèbre presque plus.

Il en est de même en Brabant.

A Diest et dans les environs de cette ville, les écoliers vont encore le matin à l'église pour assister à la messe qui se dit en l'honneur de saint Grégoire; le reste de la journée leur appartient.

A Louvain, on proclame ce jour-là, dans toutes les écoles de la ville, celui des écoliers qui s'est le plus distingué parmi ses condisciples. On l'appelle « primus s ou premier, à l'imitation des premiers en philosophie dans l'ancienne université. Toute l'école, marchant en ordre, conduit à la grande messe ce « primus s couronné et précédé d'un écolier portant un laurier. Les autres élèves, ayant une branche de laurier attachée à la boutonnière, ne cessent pendant tout le trajet, de faire retentir l'air du cri de « vivat primus he! » Dans l'après-dîner, les écoliers se rendent dans le même ordre hors des portes de la ville pour s'y livrer à la danse et à la joie [15].

Dans la même ville, le jour de saint Grégoire donnait encore lieu à un autre usage.

C'était surtout alors que les femmes dont les enfants pleuraient continuellement, se rendaient dans l'église des Hospitaliers, pour faire un pèlerinage à saint Jean le pleureur (sint Jan den greysen) [16]. La chapelle au Château César, rebâtie en 1457 sur l'emplacement de l'ancienne, construite en 1140 mais démolie plus tard, était dédiée à saint Jean l'évangéliste. Le prévôt y prononçait quelques prières sur l'enfant, et la mère retournait chez elle avec l'espérance de voir cesser ses pleurs.

A l'occasion de ce pèlerinage, il y avait une foire au château, où tous les bambins de la ville allaient dépenser leurs liards en friandises [17].

A Malines, les écoliers se rendaient autrefois processionnellement le matin de ce jour, à l'église de Saint-Rombaut pour y assister à la messe en l'honneur de saint Grégoire ; dans l'après-dîner, ils se promenaient avec leurs professeurs hors de la porte de Diest et s'y amusaient à différents jeux.

En Flandre la fête de saint Grégoire se célèbre dans les écoles des dentellières ou « kantwerkscholen » Comme ailleurs au jour de sainte Anne, on y pare la veille de la saint Grégoire les écoles de fleurs, de buis et d'une belle couronne suspendue au plafond. On distribue alors les prix annuels aux filles qui se sont distinguées par leur assiduité au travail et par leur bonne conduite [18].

En quelques localités de la Flandre, entr'autres à Peteghem, les écoliers ont le droit de lier leur maître, « meester binden, » , en vue d'être régalés par lui d'une goutte de genièvre au sirop. L'après-dîner, ils vont avec le maître à une ferme des environs, où ils s'amusent jusqu'à la nuit tombante en buvant de la bière et en mangeant des mastelles.

A Termonde on chante encore une chanson qui se rattache à l'ancienne coutume de proclamer ce jour le primus. La voici:

De primus zal tracteeren
Kom, myn liefke, kom, kom, kom;
De primus zal tracteeren,
Kom, myn liefke, kom;
Van den jambon, bon, bon, bon,
Van den jambon [19].

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13 mars.

(Viola tricolor.) Sainte Christine; sainte Euphrasie, saint Théodore.


Dans les communes du pays de Waes, on publiait tous les ans soit le dimanche, soit un autre jour de la semaine avant la mi-mars, les ordonnances du grand bailli et des grands échevins sur les réparations à faire; car toutes les réparations aux chemins, aux haies, aux ponts, etc., déclarées nécessaires par la commission spéciale qui visitait annuellement tous les chemins entre Noël et la Chandeleur, devaient être faites de la mi-mars au dernier jour de mai [20].

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14 mars.

(Soldanella alpina.) Saint Alfred; sainte Mathilde.


Il n'y a qu'une seule église du diocèse de Gand qui soit consacrée à sainte Mathilde.

Le quatrième mercredi du carême s'appelle « Geboren-blinde-woensdag, » parce que l'évangile de ce jour rapporte l'histoire de l'aveugle-né; on avait l'habitude d'accorder ce jour-là quelques secours aux aveugles nécessiteux [21].

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15 mars.

(Tussilago farfala.) Saint Longin; saint Zacharie.


La « mi-mars » ou « half-meerte » est le jour où, en beaucoup d'endroits du Brabant et du pays de Limbourg, les domestiques quittent leur service pour en prendre un autre ou pour se marier. A Diest ainsi qu'à Dixmude, c'est le jour des déménagements.

A Anvers, où le changement de service se fait ordinairement à la saint Pierre, on a l'habitude de s'informer, le jour de la mi-mars, des intentions de ses domestiques en leur adressant la question de rigueur « Blyft-je 't jaer? » Est-ce que vous demeurez cette année? Quand on ne leur demande rien, les domestiques savent à quoi s'en tenir. Ils disent « 'K ben niet gevraegd, » on ne m'a pas fait la question, et cherchent un autre service.

A Louvain l'engagement des domestiques se fait à la foire de « mi-mars, » appelée à cause de cela « veersekensmerkt, » marché aux génisses. Cette foire, qui a toujours lieu le 17 mars, donnait autrefois sujet à mille plaisanteries de la part des étudiants. C'était à qui imaginerait le trait le plus ingénieux pour taquiner les jeunes servantes ou pour abuser de leur crédulité!

Le bourgeois de Merchtem ou de Capelle-au-Bois, qui allait habiter en Flandre, restait soumis aux usage et aux coutumes du lieu où il avait acquis la bourgeoisie, à la condition qu'il vînt y résider tous les ans pendant trois fois quarante jours à la mi-mars, au mois d'août et à la saint Remy.

Pendant ce terme, il devait avoir : « son feu ardant, son koc chantant, et sa warde en sa maison, » d'après l'accord spécial passé à Bruxelles le mardi avant la saint Urbain 1318, entre le duc de Brabant et le seigneur de Termonde [22].

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16 mars.

(Narcissus nutans.) Saint Cyriaque; sainte Eusébie; saint Héribert.


Sainte Eusébie, fille de saint Adallade et de sainte Rictrude, abbesse de Hamaye, mourut le 16 mars, vers l'an 673. Elle fut solennellement inhumée dans l'église de son abbaye, consacrée à la vierge par saint Vindicien [23].

Le jeudi de la mi-carême s'appelle en flamand « heerlyken donderdag,» jeudi magnifique, tandis que le samedi de la même semaine porte le nom de « Mulier adultera, » samedi de la femme adultère.

En quelques endroits on brûlait, ce samedi, un mannequin de paille figurant une femme [24].

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17 mars.

(Viola odorata.) Sainte Gertrude, patronne de Nivelles.


Cette sainte, à laquelle quarante-deux églises sont consacrées en Belgique, et qui a donné son nom à Sint-Gertruidenberg en Hollande, était la fille du bienheureux Pépin de Landen. Ayant dès sa jeunesse choisi Jésus pour son époux, elle se retira secrètement dans une localité de la Frise orientale, pour échapper aux instances de son père qui voulait la marier au fils du duc d'Australie. Ce jeune homme étant mort, Gertrude retourna dans la maison paternelle, et y resta jusqu'à ce que sa mère Itte ou Ideberge, devenue veuve, convertit son palais de Nivelles en un monastère. Alors Gertrude prit le voile avec plusieurs autres vierges et fut élue abbesse; sa mère l'assista dans cette charge. Pour pouvoir mieux vaquer à la contemplation et à la prière, elle confia, lors de la mort de sa mère, la direction de son monastère à des frères religieux, mit à sa place une de ses cousines, Wilfetrude, qu'elle avait élevée dans le couvent, et ne s'occupa plus que de jeûnes, de prières et de mortifications. Trois années après, âgée de trente-trois ans, elle mourut le 17 mars 664, le jour même qui lui avait été prédit comme celui de sa mort.

On vénère encore ses restes à Nivelles, où l'on conserve aussi la coupe appelée « patera Nivigellensis,» dans laquelle on buvait autrefois au souvenir de sainte Gertrude (Sinte Geerts-Minne). Car de même qu'on avait coutume de boire au souvenir de saint Jean et de saint Martin, on buvait aussi à la mémoire de sainte Gertrude. On ne sait pas au juste à quelle époque cette pieuse coutume a pris racine, mais les chroniqueurs racontent que le comte Florent V de Hollande, avant de quitter la ville d'Utrecht, l'an 1296, but suivant l'ancienne coutume du pays, «Sinte Geerten minnedronk. » L'assassinat du comte, non loin des portes d'Utrecht, fut cause, dit-on, qu'on remplaça depuis en Hollande « Sinte Geerten Minne » par « Sinte Jans Minne, » le souvenir ou l'amour de saint Jean.

Quelques auteurs prétendent que, dans le principe, on buvait à la fidélité ou « gar truw, » mots que dans la suite, par la conformité des sons, on prit pour Gertrui ou sainte Gertrude. Mais selon toute probabilité la coutume de boire au souvenir de cette sainte n'est pas moins ancienne que la «Sinte Jans Minne. » A l'instar de celle-ci, elle paraît avoir été un vieux usage traditionnel, auquel toutefois l'église n'a jamais reconnu un caractère religieux. De même que les Grecs, à leurs repas, vidaient trois bocaux en l'honneur des dieux olympiques, des demi-dieux et de la Santé, les Germains païens buvaient également en l'honneur de leurs dieux et au souvenir de leurs héros et de leurs rois morts. Convertis au christianisme, les Germains conservèrent leur coutume en la transformant : désormais ils burent en l'honneur de Dieu, de Jésus-Christ, de la Vierge et de quelques Saints. Lorsque plus tard le culte de sainte Gertrude se répandit dans les Pays-Bas, « Sinte Geerten Minne » devint la plus populaire.

On buvait de préférence avant de faire un voyage, pour implorer la bénédiction de cette sainte vénérée et pour se mettre sous sa haute protection. Car sainte Gertrude qui, pendant sa vie, avait donné l'hospitalité la plus charitable à tous les prêtres et ecclésiastiques passant par Nivelles, était considérée comme la patronne des voyageurs et surtout des bons gîtes.

La croyance populaire lui prêtait même l'obligation d'héberger, durant la première nuit, les âmes des défunts, qui de là allaient passer la seconde nuit chez les archanges, et n'arrivaient que la troisième nuit au lieu de leur destination.

Peut-être aussi est-ce d'une autre croyance, qui attribuait des fonctions analogues à la déesse u Freyja, » que l'habitude de s'adresser à sainte Gertrude pour avoir un bon gîte en voyage a tiré son origine [25].

On n'invoque plus, que je sache, la sainte vierge de Nivelles pour les heureux voyages, mais on l'honore encore aujourd'hui comme patronne contre les rats et les souris.

De même qu'en Allemagne, la terre du tombeau de saint Ulric à Augsbourg, passait pour chasser tous les rats, on regardait autrefois en Belgique les eaux du puits qui se trouve dans la crypte de l'église de Sainte-Gertrude à Nivelles, comme douées d'une vertu pareille, et de tous côtés les campagnards y affluaient pour chercher de cette eau, dont ils aspergeaient leurs habitations et leurs champs dans l'intention d'en chasser les rats et les souris [26]. Dans la chapelle de Sainte-Gertrude, qui existait autrefois dans l'enceinte du vieux château de Moha près de Huy, et dont on reconnaît à peine aujourd'hui les traces, on en vint jusqu'au point de fournir des petits pains qui possédaient, dit-on, la vertu de chasser les rats et les souris. Longtemps le droit de distribuer ces pains appartint aux Jésuites; après la suppression de cet ordre, les Augustins de Huy en furent pourvus, à charge de se rendre quatre fois l'an à la dite chapelle, pour y dire la messe, confesser et communier. Mais ces fonctions exercées par des religieux dans les limites de la paroisse des curés de Moha, étaient considérées par ces derniers comme un empiétement sur leur juridiction spirituelle; ce fut en tout temps un sujet de discorde entre eux, jusqu'à ce qu'en 1794, lors de l'arrivée des Français, la chapelle fut détruite après avoir résisté tant de siècles aux ravages du temps. Contre la chapelle demeurait ordinairement un ermite qui enseignait à lire et à écrire aux enfants des environs. Le dernier de ces cénobites, Frère George, dont la mémoire est encore aujourd'hui en grande vénération dans le canton, mourut l'an 1757, et sa demeure resta depuis inhabitée [27].

A Bruxelles, où la tradition attribue n sainte Gertrude la fondation de l'église de Molenbeek-Saint-Jean, un puits près de l'église est consacré à cette sainte; ses eaux regardées comme douées de vertus surnaturelles, attiraient autrefois un grand nombre de pèlerins. Aussi transporta-t-on, le 17 mars 1676, de l'église Sainte-Catherine à celle de Molenbeek des reliques de sainte Gertrude, et chaque fois que des parents allaient à Molenbeek pour y faire lire sur leurs enfants pleureurs l'Évangile de saint Jean, ce qui arrivait presque tous les jours, on disait quelques prières adressées à sainte Gertrude (muleta sanctae Gertrudis) [28].

A Tervueren dans une maison qui, au dix-septième siècle, était mentionnée comme très-vieille et tombant en ruine, se trouvait également un puits dédié à sainte Gertrude, puits que l'on regardait anciennement comme préservant de la fièvre; un Vanderlaecht donna au chapitre de Nivelles cette maison et ce puits, dont la réputation se perdit cependant vers l'an 1600 [29].

D'autres puits consacrés à sainte Gertrude passent encore, de nos jours, pour posséder des vertus fébrifuges. De même on croit encore maintenant que sainte Gertrude, lorsqu'elle est éclairée par la pleine lune, protège les ensemencements du jour. Pois et haricots mis en terre ce jour, lèvent bien, dit-on [30].

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18 mars.

(Doronicum Pardalionetes). Saint Gabriël, archange.


Le quatrième dimanche du carême (Laetare), que les documents du moyen-âge désignent souvent sous le nom latin de « Media Quadragesima, » s'appelle en Belgique « Mi-carême » ou « Halfvasten. »

C'est comme une résurrection du carnaval. Dès le matin les masques circulent par bandes nombreuses dans les rues, et à la nuit tombante ils se rendent tous aux bals masqués qui ne le cèdent en rien à ceux du carnaval.

Mais ce qui caractérise la mi-carême en Belgique, c'est la coutume de donner ce jour, des présents aux enfants, coutume qui s'observe encore aujourd'hui en Brabant et surtout à Anvers. « De Greef van Half-vasten, » le comte de Mi-carême, est pour les enfants des familles flamandes ce qu'est pour les enfants allemands et anglais le petit Jésus, et pour les familles françaises, le jour de l'an. Tandis que le bon saint Nicolas paraît vers le commencement de l'hiver, le comte de Mi-Carême, appelé par les enfants « sinte Greef, » arrive sur la fin de l'hiver, chargé de bonbons, de gâteaux ou de verges, pour récompenser leurs bonnes actions ou pour punir leur mauvaise conduite.

Environ huit jours auparavant, l'arrivée de cet ami des enfants est annoncée dans les familles par la chanson bien connue :

Kinderkens hangt uw korfkens uit,
Ik heb wat nieuws vernomen!
Als dat de Greef Uwe neef,
Is in het land gekomen.

En als gy niet vroeg slapen en gaet,
Dan zal ik m' er niet mêe moeijen;
Dan zal de Greef, Uwe neef
Brengen een dikke roeije [31].

Tous les enfants promettent d'être bien sages et de se coucher toujours de bonne heure. L'un des huit jours avant la mi-carême, on leur donne un avant-goût ou « een proefbeetje. » Une main mystérieuse et recouverte d'un gant noir leur jette par une porte entr'ouverte des bonbons à ramasser ou « te grielen, » mot qui est spécial à cette circonstance et qui répond à celui de « grabbelen, » employé dans les cas ordinaires.

La veille de la mi-carême chaque enfant place dans l'âtre ou dans le coin de la cheminée une corbeille remplie de foin, et pour gagner les bonnes grâces de messire le greef, on ne manque jamais de mettre dans le foin un morceau de pain ou une carotte pour le cheval blanc du comte. Car à l'instar de saint Nicolas, le sinte Greef et son domestique, revenant d'un voyage aérien dont ils ont rapporté des bonbons, parcourent les sommets des habitations et laissent tomber par les cheminées quelques friandises pour chaque enfant qui depuis la Saint Nicolas a été toujours sage, et une verge pour fustiger à l'avenir celui d'entre eux qui s'est mal comporté.

            Dan zal de Greef,
            Uwe neef,
Brengen een dikke roeije.

A Malines:

Wat heeft den Greef ons medegebragt.
Korenten, vygen, rozynen,
Strikken en tesschen
Scheeren en messen
Men koopt er met g'heel dozynen.
Kinderkens als ge vroeg op staet
Ge meugt niet gryzen of janken
            Stelt u ten toon,
            Wascht u wel schoon,
Monpéer et maméer bedanken *.

Les parents ont soin de vider les corbeilles et de les remplir ensuite de toutes sortes de friandises, ou d'y placer une verge faite de quelques rameaux de bouleau, qui, après la fête, reste ordinairement suspendue dans un coin de la cheminée [32].

En quelques endroits, entre autres à Diest, à Contich et dans les environs de cette commune, les enfants vont la veille de la mi-carême chez leurs parrains et marraines, pour y placer leurs corbeilles dans l'âtre; le lendemain il y retournent de grand matin pour aller chercher les corbeilles, que pendant la nuit « mynheer de Greef » a remplies de dragées.

A Anvers on voyait naguère, chaque année à la mi-carême, un personnage monté sur un cheval et affublé d'un costume du siècle précédent, parcourir les rues de la ville, accompagné d'un homme déguisé en femme et suivi de deux ou trois domestiques en livrée, également à cheval et ayant de chaque côté de leurs montures un grand panier rempli de fruits secs, de bonbons et d'autres friandises, qu'ils distribuaient dans les rues, sur un signal de leur maître, aux enfants du peuple. C'était le Greef et son épouse « de Grevin » avec leur suite. Mais l'Anversois nommé Rooge, qui représentait de coutume le Greef, étant mort du choléra, il y a environ trente ans, le cortége a cessé de se montrer. Les enfants s'en consolent en disant que depuis la révolution belge, le Greef n'ose plus paraître de jour, et que, par conséquent, on ne voit plus que son portrait et celui de sa femme, que les confiseurs ont encore l'habitude d'exposer devant la porte de leur magasin. Du reste, bien qu'il ne se voie plus en public, le Greef continue de jouer un grand rôle à Anvers. Sa fête n'y est pas seulement une fête pour les enfants, mais aussi un jour de grande importance pour les jeunes gens. C'est la Saint Valentin d'Anvers. Les jeunes filles reçoivent le portrait équestre du Greef, soit en masse-pain, soit en « spiculatie » c'est-à-dire en pain d'épice, soit en pain bis on en pain plâtre. Par les Greefs qui lui sont envoyés sous un voile très-transparent d'anonyme, ou offerts en personne une jeune Anversoise peut compter le nombre de ses adorateurs, comme par la grandeur et la qualité de chaque offrande, elle peut connaître le degré de l'affection de celui qui l'a mise à ses pieds. Malheur à elle, lorsque le Greef qu'elle reçoit, au lieu de masse-pain ou de spiculatie, n'est qu'en pain bis ou en plâtre. C'est la vengeance des amants malheureux ou répudiés, et pendant toute l'année c'est un objet de railleries cruelles pour la pauvre fille. En revanche le portrait de la Grevin ou comtesse de Mi-Carême, qu'un homme reçoit à cette époque de la part d'une jeune fille, lui indique d'une manière très-intelligible qu'il est refusé ou agréé.

M. J. Ducaju, d'Anvers, a tiré de cette coutume particulière à sa patrie, le sujet d'une comédie charmante, intitulée « Sinte Greef of de Graef van Halfvasten. » Elle fut représentée pour la première fois le 13 janvier 1858, au théâtre national (nationael tooneel) à Anvers.

Quelle est l'origine du « Greef van Halfvasten? » On a émis à ce sujet beaucoup d'opinions. Le nom de « Greef » au lieu de « Graef» est propre au dialecte d'Anvers, où la voyelle « a » a presque toujours le son de « e. » De là une première présomption : la fête du Greef, étant d'origine purement anversoise, se rattache au « Greef » ou « Markgraef » de cette ville, magistrat de haute considération, qui représentait le souverain en sa qualité de seigneur du marquisat d'Anvers [33]. On raconte qu'à l'arrivée du premier navire chargé de fruits du midi, un Greef dont on ignore le nom, voulant réfuter une fois pour toutes le préjugé populaire qui faisait considérer ces fruits comme nuisibles à la santé, acheta la cargaison entière et distribua oranges, citrons, figues, amandes, etc., à quiconque en voulait.

Une histoire pareille se raconte des deux premiers navires chargés de sucre des Canaries, qui arrivèrent, d'après la petite chronique d'Anvers (Antwerpsch Chronykje), en 1508. Un Anversois, nommé « de Graef, » voyant que personne n'en voulait, acheta ce sucre à vil prix et s'en servit pour faire toutes sortes de friandises, qu'il fit offrir, à l'occasion de la mi-carême, à tous les gourmands de la ville [34].

Quelques auteurs prétendent que la fête du Greef se célèbre en mémoire de la joyeuse entrée du comte Louis de Male et de son épouse Marguerite, qui eut lieu le 12 mars 1338, et lors de laquelle le comte donna des présents aux enfants qui allèrent à sa rencontre.

D'autres avancent que cette fête fut instituée en souvenir de l'entrée magnifique du duc Philippe le Hardi et de son épouse Marguerite, fille de Louise de Male, qui eut lieu le 23 mars 1383 [35].

M. Coremans présume que le Greef n'est autre que l'ex-dieu Thor [36]. La circonstance que le Greef arrive le « zomerdag, » jour qui, sous différents noms, est connu dans tous les pays tant germaniques que slaves pour les cérémonies auxquelles il donne lieu, nous porte à croire que la coutume flamande n'est qu'une variante des nombreux usages, se rattachant aux anciennes fêtes païennes qui manquaient la fin de l'hiver et le retour du printemps.

Une coutume tout analogue à celle d'Anvers se pratique aujourd'hui à Hazebrock (Assebrouk). Le dimanche de la Mi-Carême, un homme pompeusement vêtu représente « de graef van 't Noten land » le comte du pays des noix, et parcourt à cheval les rues de la ville, ayant au côté un grand sac rempli de noix, qu'il jette de temps en temps à pleines mains à la foule qui l'entoure de toutes parts. Tout ce qui a force de se remuer, suit le comte du pays des noix pour attraper un de ses fruits, auxquels la croyance populaire attribue une grande puissance contre les maux de dents [37].

A Ypres, le, « Greef » ou « Graef van Halfvasten » n'était pas aussi bienveillant que celui d'Anvers. Monté sur un âne, tout habillé de blanc, le visage enfariné, il parcourait les rues, tenant en main une verge; tous les enfants de la ville avaient soin de se réfugier chez eux, dès qu'ils l'apercevaient de loin, ou de courir à toutes jambes à la maison, de peur d'être entrevus par le Greef.

En examinant les différentes formes sous lesquelles le Greef apparaît dans le pays flamand, nous remarquons une grande analogie avec les cérémonies auxquelles le dimanche de Laetare donne lieu dans les autres pays germaniques. Comme on y représente tantôt l'expulsion de l'hiver, tantôt l'arrivée du printemps, nous voyons aussi en Belgique dans la figure blanche du Greef d'Ypres, l'hiver qui s'en va et que l'on craint, et dans l'apparition joyeuse du Greef d'Anvers, le symbole de l'été qui vient et que l'on désire à cause des dons qu'il apporte. Nous retrouvons jusqu'au nom du Greef dans le « Maigraf » et « Maigravin, » comte et comtesse de mai, en Holstein, et le « Blumengraf » comte des fleurs, en d'autres contrées de l'Allemagne.

Une coutume très-curieuse s'est maintenue à Contich et dans les environs de cette localité.

Les jeunes paysans qui ont des relations avec une jeune fille, ont le droit de lui rendre une visite le soir du mardi-gras, ce qu'ils appellent « zyn lief in 't zout leggen, » mettre son amante dans le sel. La mi-carême leur donne la liberté de répéter cette visite, ce qu'ils nomment » zyn lief eens omleggen in 't zout, » tourner son amante dans le sel. Aux Pâques ils vont pour la troisième fois voir la jeune fille et causer avec elle, en vue de la retirer du sel ou « zyn lief uit het zout halen, » c'est-à-dire concerter le mariage.

A Bruxelles, le bourreau avait jadis le droit d'accorder la permission de placer des échoppes ou boutiques de fruits secs ou fruits de carême, et d'aller ce jour prendre à chacune de ces boutiques une poignée de fruits que son domestique recueillait dans un panier [38].

Les vieillards de l'hospice d'Aa à Ixelles recevaient chacun 4 1/2 sous et un pain, de plus 6 oorden du couvent de Caudenberg, et un pain et 6 oorden de l'abbaye de la Cambre.

Cet hospice doit son origine à Jean d'Aa, bourgeois de Bruxelles, qui habitait à Ixelles et qui par son testament, dont il obtint approbation le 12 avril 1472, réserva la majeure partie de ses biens à l'établissement d'un nouvel hospice dans sa demeure [39].

A Gand a lieu la foire de la mi-carême, qui se tenait jadis à la grande boucherie. Elle ne pouvait durer que trois jours. Charles V, dans un privilége qu'il donna aux Gantois, le 1er avril 1515, appela ces jours half-vasten-dagen et kermisdagen [40].

Aujourd'hui elle dure dix-huit jours et se tient sur la place St.-Pierre.

Le dimanche avant la mi-carême, alors que commence le marché aux chevaux, est l'époque du premier Longchamps gantois. Tout le monde dirige sa promenade hors de la « Dampoort, » pour admirer les chevaux magnifiques par lesquels se distingue le marché dit de la mi-carême ou « van Half-vasten. »

À Turnhout, la mi-carême donne lieu à la coutume dite « Overhalen » ou « Verhuysen. » Lorsqu'un fermier prend à ferme une métairie, ses nouveau voisins se réunissent avec tous leurs chariots et tous leurs domestiques pour aller quérir ce fermier et pour transporter à la fois sa famille, ses meubles et ses bestiaux à sa nouvelle habitation. Les chariots et les chevaux sont décorés de rubans, de fleurs et de petits drapeaux; les vaches et les autres bestiaux, également ornés de fleurs et de rubans, sont conduits l'un après l'autre par les servantes des voisins parées de leur mieux, de sorte que le cortège forme une longue file qui couvre quelquefois le chemin sur une longueur d'une demi-lieue. La famille du fermier monte dans une chaise, qui est presqu'entièrement couverte de guirlandes, de bandelettes, de clinquants et surtout de cartes à jouer. Arrivé au lieu de sa destination, le fermier donne un petit régal à ses voisins.

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19 mars.

(Ornithogalum luteum). Saint Joseph, patron de la Belgique,
auquel vingt-quatre églises sont consacrées.


Sa fête se chôme dans toutes les églises du royaume, et donne ordinairement lieu à de grandes réjouissances de la part des charpentiers et des charrons, qui honorent saint Joseph comme le patron particulier de leur métier. Le festin annuel que faisaient autrefois les charpentiers de Bruges, ne coûtait pas moins de deux livres (pond) et six schellings, tandis que le repas préparé à l'occasion de leur grande assemblée annuelle au jour de l'Ascension, ne leur revenait, conformément à l'ordonnance du magistrat en date du 16 juillet 1530, qu'à dix schellings [41].

Dans plusieurs villes les menuisiers célèbrent également, ce jour-là, leur fête patronale.

L'ordre qui porte le nom de saint Joseph, compte en Belgique six communautés d'hommes et onze communautés de femmes. Les « Joséphites » s'occupent de l'instruction des jeunes gens; les « sœurs de saint Joseph, » aussi bien que les « sœurs de la charité de saint joseph » qui ont un couvent à Gand, soignent des vieillards, des infirmes à domicile et des orphelins, ou tiennent des écoles primaires gratuites, des pensionnats et des établissements d'apprentissage pour les filles indigentes.

Les paysans attribuent à saint Joseph les mêmes vertus pour les ensemencements qu'à sainte Gertrude [42].

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20 mars.

(Viola canina). Saint Joachim; saint Wulfram.


Au hameau de Caelevoet, dans la paroisse d'Uccle, se célébrait autrefois la dédicace de la chapelle de la Vierge, dite Notre-Dame de la consolation.

Cette chapelle, qui a été démolie il y a une vingtaine d'années, devait son origine à une image de la Vierge, qu'un riche marchand de vin de Bruxelles fit sculpter puis attacher à un arbre, en 1354, pour accomplir un vœu fait au moment où une tempête menaçait d'engloutir son vaisseau. Des miracles y attirèrent bientôt la vénération publique; les habitants des environs abritèrent l'image dans une chapelle en bois, qui fut construite à leurs frais, à l'endroit appelé depuis l'ancienne chapelle (antiqua capella). En 1425, Jean Ofhuys, marchand de Bruxelles et propriétaire de plusieurs manoirs près de Caelevoet, remplaça cette bâtisse informe par un élégant oratoire tout en pierres, de forme ronde et dont l'architecture était d'un bon style. En même temps il le dota et y fonda une chapellenie, dont il réserva la collation à ses héritiers. Ce bénéfice jouissait d'un revenu de 449 florins et était grevé de deux messes par semaine. De plus, on disait dans la chapelle l'office divin lors de toutes les fêtes de la Vierge, et l'on y chantait une grand'messe le troisième jour de pâques.

Le 9 juillet 1625, l'infante Isabelle visita cette chapelle, dont la statue miraculeuse a été transférée depuis dans l'église d'Uccle [43].

Saint Wulfram, apôtre de la Frise, né à Wastines, mourut en 741. Près de ses dépouilles mortelles, transportées dans l'église de la Vierge à Fontenelle, il s'est opéré un grand nombre de prodiges [44].

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21 mars.

(Tumaria bulbosa.) Saint Benoît, fondateur de l'ordre des Bénédictins.


Cette congrégation, qui comptait parmi ses membres une foule de savants, et à laquelle nous devons les travaux les plus précieux pour l'histoire civile et ecclésiastique, ne possède plus en Belgique qu'une seule communauté d'hommes et cinq communautés de femmes. Les Bénédictins dits s d'Afflighem, s à Termonde, exercent le ministère de la prédication et de la confession; les Bénédictines de l'abbaye de sainte Godelieve à Bruges, ainsi que celles de Menin ont le soin des femmes aliénées, tandis que celles de Poperinghe, de Liége et les s Dames bénédictines s de Grammont s'occupent de l'instruction des jeunes filles.

Si, la nuit de l'équinoxe le vent souffle de l'ouest, les jardiniers s'attendent à un printemps très-doux.

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22 mars.

(Ficaria verna.) Sainte Catherine de Suède;
sainte Herlinde;  sainte Lée.


Sainte Herlinde ou Herdelinde, patronne de deux églises du diocèse de Liége, fonda au huitième siècle un couvent de Marie, à Maeseyck [45].

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23 mars.

(Narcissus incomparabilis.) Saint Victorien.


A Florival on célébrait l'anniversaire de la mort de la bienheureuse Gente, qui mourut en ce jour, l'an 1247. C'était la fondatrice de ce couvent de Cisterciennes, dédié à la Sainte Vierge, où l'on vénérait jadis une statue miraculeuse de la mère du Christ [46].

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24 mars.

(Chrysosplenum oppositifolium.) Saint Agapet; saint enfant Siméon.


Dans toutes les églises on célèbre la veille de l'Annonciation, fête instituée par le pape Grégoire II.

A Bruxelles, dans l'église des SS. Jean et Étienne, aux Minimes, la confrérie de Notre-Dame-de-Grâce célèbre avec une pompe extraordinaire l'anniversaire de la translation de la statue de Notre-Dame-de-Scheut.

Cette image miraculeuse, qui se trouve maintenant dans l'église d'Anderlecht, fut invoquée jadis au même plateau où s'était livrée en 136 la bataille de Scheut, plateau qui portait alors le nom de « hooghecauter » ou haute-culture.

Un vieux berger nommé Pierre d'Assche, qui habitait Moortebeek, planta en 1443, au sommet de ce plateau, un tilleul et deux épines; deux ou trois ans après, il plaça en cet endroit une statue de la Vierge, que les passants se plurent à entourer de fleurs et de cierges Bientôt ce lieu devint célèbre par des miracles. Le jour de la Pentecôte 1449, une grande clarté illumina subitement la statue; ce prodige amena à Scheut une telle affluence de visiteurs qu'en huit jours on en compta plus de dix mille, et que le magistrat dut charger plusieurs personnes du soin de recevoir les nombreuses offrandes. Pour loger les pèlerins étrangers dans la ville et les environs, on bâtit près du tilleul des auberges qui disparurent dans la suite.

A peine l'arbre de Scheut commençait-il à attirer l'attention du public, qu'une femme vint déclarer que la Sainte-Vierge lui avait exprimé, dans une vision, la volonté d'être honorée en cet endroit sous le nom de Notre-Dame-de-Grâce.

Alors commencèrent de nouveaux miracles; des aveugles recouvrèrent la vue, des muets la parole, des malades la santé. Entraîné par l'enthousiasme général, le magistrat proposa d'élever 'a Scheut une chapelle que l'on construirait et entretiendrait au moyen des offrandes. Plusieurs difficultés de juridiction s'élevèrent à ce sujet, mais elles furent aplanies, et le samedi « pro festo cathedra, » en février 1450-1451, le comte de Charollais, depuis Charles le Téméraire, posa la première pierre de la célèbre chapelle de Scheutveld, dont on ne voit plus aujourd'hui que quelques ruines.

Jusqu'au règne de Joseph II, la chapelle resta un lieu de pèlerinage très-fréquenté. En 1783 elle fut fermée et ses ornements séquestrés. Elle fut rouverte quelque temps après, puis fermée de nouveau par les républicains français.

Un habitant de Bruxelles, nommé Kerckx, cacha la statue miraculeuse dans sa maison et la fit replacer sur l'autel quand il crut le danger passé. Mais peu de temps après la chapelle fut vendue comme bien national et tous les objets du culte furent dispersés. Une pieuse femme, Catherine De Mueseneer, épouse de François De Pauw, prit la statue chez elle et la donna ensuite l'église paroissiale d'Anderlecht, où on lui a élevé un autel en 1839.

Pour seconder la dévotion à Notre-Dame-de-Grâce, les pères Minimes à Bruxelles firent construire une petite chapelle adossée à leur couvent, et y placèrent une statue de la Vierge sous le même titre de Notre-Dame-de-Grâce. Elle était située en face de la rue qui porte encore aujourd'hui ce nom.

Mais la chapelle fut détruite pendant l'invasion française et la statue fut transférée dans l'église des SS. Jean et Étienne, où on la vénère encore sur l'autel qui lui fut dédié le 24 mars 1824.

La confrérie, qui s'est érigée dans cette paroisse en l'honneur de Notre-Dame-de-Grâce a été favorisée d'indulgences fort nombreuses par le pape Pie VII  [47].

Le cinquième samedi du carême s'appelle « Vyfer saterdag, » samedi des cinq [48].

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25 mars.

(Calendula officinalis.) Fête de l'Annonciation,
ou O.-L.-V. Boodschap.


Par opposition avec la grande fête de Notre-Dame, l'Assomption, on appelait souvent l'Annonciation de la Vierge « klein Lieve-Vrouw, » petite Notre-Dame, nom qui en Italie (Madonna piccola) désigne la fête de la Nativité de Marie. En France ce jour s'appelle « Chasse-Mars » ou « Notre-Dame de Chasse-Mars, » parce qu'il tombe sur la fin du mois de mars [49].

L'institution de la fête de l'Annonciation remonte aux premiers siècles du christianisme, mais sa célébration n'a pas été toujours ni partout fixée au même jour. Les Arméniens célèbrent cette fête au mois de janvier, les Syriens au mois de décembre et l'église de Milan l'a fixée au dimanche avant Noël.

Dans la plupart des églises de la Belgique on représentait autrefois ce jour-là l'Annonciation; dans plusieurs églises, entre autres dans celle d'Aerschot, on voit encore l'ouverture par laquelle descendait l'enfant de chœur figurant Gabriel.

A Louvain, où cette cérémonie avait également lieu dans l'église de Saint-Pierre, on plaçait au jubé l'image de Marie, derrière laquelle se trouvait un enfant de chœur qui devait prendre la parole pour elle. Du haut de la voûte on faisait descendre, à l'aide d'une corde, un autre enfant de chœur habillé en ange, qui s'approchait de la Sainte-Vierge et lui disait, en faisant un profond salut : ave, gratia plena, etc. Un accident, arrivé à la corde qui retenait l'enfant de chœur représentant l'archange Gabriel, fit abandonner cet usage, vers 1750, à la grande douleur des enfants; car les parents avaient coutume de faire assister leurs enfants à cette cérémonie, et les mères ayant soin de leur faire tenir les yeux fixés sur l'ange, faisaient tomber dans leurs tabliers des tartes et d'autres friandises que les enfants croyaient devoir à la libéralité de l'ange.

En d'autres endroits, un jeune homme figurait l'ange Gabriel et une jeune fille la Vierge, mais cet usage était aboli déjà en 1686 [50].

A Bruges, où le jeune homme représentant l'ange s'approchait de la jeune fille qui représentait Marie avec des étoupes allumées, tandis qu'on chantait « Magnificat, » tous les deux s'en allaient, après la messe, parcourir les rues de la ville et faire une quête en chantant, l'ange l'« Ave Maria, » et la jeune fille le « Magnificat. »

Aux processions qui avaient lieu jadis ce jour, on traînait à une distance plus ou moins respectable, un prisonnier enchaîné qu'on nommait « Igel, Ikel, Icel, » et qui passait pour être le démon. Ce personnage, qu'on voyait encore à Bruges au temps de l'empire français, représentait probablement l'hiver; mais l'Église lui donna une signification analogue à la haute idée de la fête de l'Annonciation, jour de la conception du Rédempteur [51].

Le nom « d'Ons Lieve-Vrouw Beklyving, » Notre-Dame de la prospérité, qui désigne la fête de la conception de Notre-Seigneur ou de l'Annonciation, a donné lieu à la croyance répandue dans presque toute l'Europe germanique ainsi qu'en France, que tout ce qu'on transplante ce jour, prend facilement racine, que ce qu'on sème vient bien, et qu'il vaut mieux enter ou greffer des arbres ce jour-là que tout autre [52].

Aussi croit-on que l'année sera bonne et très-féconde, si le matin, avant le lever du soleil, le ciel est pur et que les étoiles y brillent encore.

Au moyen-âge, on appelait souvent ce jour « de wonderdag » le jour des miracles, parce que le monde, à ce qu'on dit, fut créé ce jour-là [53].

Bien que l'Annonciation ne soit plus chômée autant qu'avant la révolution française, elle donne encore lieu à un grand nombre de cérémonies et surtout de pèlerinages.

A Alost on célèbre la fête de Notre-Dame des Vignes.

La chapelle qui porte ce nom (kapelle van Onse Lieve Vrouw ter Druyven) est, selon la tradition, le plus ancien bâtiment de la ville; il reçut son nom de ce qu'au septième siècle, un débordement de la Dendre ayant en partie submergé la cité, tandis que les habitants désolés invoquaient Marie, on avait vu arriver une image de la Vierge flottant sur des sarments de vigne; les eaux s'étant retirées subitement dans le lit de la rivière au moment même où l'image fut pêchée, saint Amand bâtit en 681 une chapelle en cet endroit.

D'après une inscription placée au dessus de la porte d'entrée, on rebâtit la chapelle en 1363; elle fut démolie en 1781 et reconstruite l'année suivante telle qu'elle se trouve actuellement.

Les bateliers ont une dévotion particulière pour cette image de la Vierge et anciennement chacun d'eux payait à sa réception sept florins d'argent pour l'entretien de la chapelle.

Quand un bourgeois revenait d'un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle ou à Rome, les membres de la confrérie de saint Jacques munis de leurs bâtons de parade allaient à sa rencontre jusqu'à la porte de la ville, et le conduisaient en cérémonie à la dite chapelle, où l'on chantait les litanies de la Vierge et d'autres prières analogues suivies du Te Deum [54].

A Attenbeke, hameau dépendant de la paroisse de Moerbeke et situé non loin de la montagne sur laquelle Grammont se déploie en amphithéâtre, une image miraculeuse attire ce jour-là un grand concours de pèlerins.

Un pauvre berger, serviteur de la bonne Vierge, y avait attaché la sainte image à un arbre, à côté duquel il s'était construit une hutte afin de mener une vie solitaire auprès de sa divine protectrice. Les bienfaits nombreux qu'on obtint, grâce à l'intercession de Marie, attirèrent bientôt une telle foule de pèlerins qu'on se vit obligé d'y bâtir une chapelle, que le chancelier de Brabant, propriétaire du lieu, donna aux Pères Dominicains. Une chapelle plus vaste fut érigée en 1684, et les Dominicains y établirent un vicariat de leur ordre [55].

A Bonne-Espérance, hameau situé à une demi-lieue de Binche dans le Hainaut, l'Annonciation est la fête principale de l'année.

Bonne-Espérance était l'une des plus anciennes abbayes de l'ordre des Prémontrés.

Un seigneur de la Croix la fonda en reconnaissance de ce que son fils, qui se trouvait à Anvers et avait été séduit par les doctrines de Tanchelin, se laissa convertir par saint Norbert.

Le bienheureux Odon et le nouveau converti, qui voulut embrasser la vie ecclésiastique, furent chargés par saint Norbert de diriger les travaux d'établissement du monastère; ils partirent d'Anvers en emportant avec eux une statue de la Vierge, qu'ils prirent pour protectrice et à laquelle ils donnèrent le nom de Notre-Dame de Bonne Espérance.

Cette statue est en pierre de taille; on la vénère encore aujourd'hui dans l'église de l'ancienne abbaye. Au seizième siècle, quand les iconoclastes brûlèrent l'église de Bonne-Espérance, on la crut détruite; mais après quelque temps elle fut retrouvée intacte au milieu des décombres, et cette particularité merveilleuse détermina l'archiduchesse Isabelle, à relever les murs de l'église et du monastère.

Une petite chapelle, érigée au commencement du dix-huitième siècle, à 500 mètres de l'abbaye, sur le bord du chemin qui conduit a Binche, rappelle le souvenir d'un bienfait signalé, dont Louis XI fut redevable à la Vierge de Bonne-Espérance.

Pendant son séjour en Belgique, lorsqu'il n'était encore que dauphin, Louis XI faisait souvent le pèlerinage de Bonne-Espérance qui n'était qu'à quelques lieues du château de Genappe où il habitait. Un jour qu'il s'était endormi près de l'église, la Vierge lui apparut en songe et le prévint du danger qui le menaçait d'être empoisonné au moyen d'un manteau royal qui lui serait présenté. Le prince reçut le présent, mais au lieu d'y toucher, il fit étendre le manteau sur un chien; son ordre était à peine exécuté, que l'animal expirait.

Pour perpétuer le souvenir de cette protection miraculeuse, on érigea un oratoire à la place même où la Vierge apparut au prince, et on y plaça une inscription relative au prodige [56].

A Courtrai et dans les environs de cette ville, on se rend en pèlerinage à la petite chapelle, dite « Kapelleken ter Knokke, » à Zweveghem.

A Liedekerke, village situé sur les confins du Brabant et de la Flandre orientale, à 4 lieues de Bruxelles, l'oratoire de Notre-Dame-aux-Mules (O. L. V. ter Muylen) attire en ce jour de nombreux fidèles.

Cette chapelle doit son origine aussi bien que son nom à une apparition miraculeuse de la sainte-Vierge. Le comte Raso de Gavre, seigneur de Liedekerke, et ses trois frères, qui accompagnaient le comte Guy de Dampierre à la croisade de Saint Louis, roi de France, se trouvèrent, à la bataille de Massora, en 1249, dans un grand danger; ils eurent recours à la Vierge, et Marie leur apparut dans les airs, assise sur un mulet blanc.

De retour dans leur patrie, les quatre frères, fidèles à leur vœu, firent construire une chapelle en l'honneur de la Vierge qui les avait sauvés, et fondèrent une confrérie sous le titre « d'Association de Notre-Dame au Mulet, » (Societas de Mula) en mémoire de leur délivrance.

En 1410, le seigneur de Ninove érigea le couvent de Notre-dame au Mulet de l'ordre des Carmes qui, en 1497, fut transféré à Alost.

En 1532 on réinstalla des religieux du même ordre dans l'ancien couvent; mais les troubles de la guerre les forcèrent en 1578 de quitter de nouveau leur monastère, qui, deux ans après, fut entièrement détruit.

Ce n'est qu'en 1648 que la chapelle fut rebâtie telle qu'elle est aujourd'hui  [57].

A Mons on célèbre le même jour la kermesse de Messine.

D'après la tradition, l'image primitive de Notre-Dame de Messine fut apportée de l'île de Sicile par un pèlerin, qui avait fait le voyage de Rome, et avait été à Messine visiter l'église de Notre-Dame. C'était un tableau peint sur bois représentant la Vierge, tenant l'enfant Jésus sur les genoux, et aux pieds de laquelle était agenouillée une religieuse de l'ordre de saint Basile.

Cette peinture, qui servit d'abord de station dans le cimetière de la paroisse de Berlaimont, devint bientôt l'objet d'une vénération particulière. Nombre de guérisons s'opérèrent par son intermédiaire, et le 12 mars 1624, l'archevêque de Cambray, François Van der Burch, érigea dans l'église de Saint Nicolas-en-Berlaimont, où l'image avait été transférée en 1622, une confrérie de Notre-Dame de Messine. Cette pieuse association, à laquelle une bulle de Clément XIV, du 13 janvier 1772, accorda des indulgences, célébra le 9 août 1772, et les sept jours suivants, un jubilé de 150 ans. Un demi-siècle plus tard, le pape Pie VII autorisa la célébration d'un second jubilé qui eut lieu du 6 au 10 avril 1823.

Au siècle dernier, le pèlerinage à Notre-Dame de Messine, à Mons, était fort eu vogué tous les samedis, l'académie de musique chantait une messe en l'honneur de la Vierge, et le recours continuel à la sainte image était si populaire, que la paroisse de Saint-Nicolas-en-Berlaimont fut appelée vulgairement à Mons « la paroisse de Messine. »

La fête principale, qui se célébrait le jour de l'Annonciation, donna naissance à une fête d'un caractère tout particulier.

A la sortie de la première messe, qui dès six heures du matin attire la foule dans l'église, une foire est étalée le long de la rue de Berlaimont. Les dévots se retirent peu à peu et font place aux promeneurs et aux curieux. Vers dix heures du matin, la kermesse brille de tout son lustre.

A partir du pont des Récollets, les marchands fleuristes exposent en vente les fleurs que les Montois désignent sous les noms de « quarantaines, damas, auricules,» etc.; les plantes de serre n'y font point défaut, et les semences y sont en abondance. Les premiers bouquets de violettes et de jonquilles sauvages (dites « ahis ») se débitent ce jour-là.

A la suite de ce marché aux végétaux, viennent les boutiques de jouets. Ce ne sont pas des joujous de grand prix, mais tout simplement de petites « poteries ». Les bambins ne manquent pas d'acheter une petite urne garnie d'un sifflet, qu'ils appellent e rossignol ». Le vase se remplit d'eau, et le liquide, mis en vibration par le souffle, modifie le son du sifflet de manière à imiter grossièrement le chant d'un oiseau. Chaque jeu ayant son époque, on ne songe à ces rossignols qu'à la kermesse de Messine. C'est alors aussi que sont en vogue les petits moulins de cartes que le vent fait tourner avec rapidité, au grand contentement de leurs naïfs possesseurs.

Mais comme les jouets seuls ne satisfont pas les enfants, les bonbons ne font pas défaut.

Les « flans » de Messine sont attendus avec une extrême impatience; c'est le comble de la joie de posséder une de ces pâtisseries, entourée d'une croûte légère et friande. Ceux qui n'ont à leur disposition que des ressources minimes, doivent se contenter d'une tarte aux prunes ou aux pommes que des marchands venaient autrefois débiter du haut d'une charette, et qu'on nomme encore aujourd'hui « tartes à l'kerette ». Les autres bonbons dont on fait grand débit, n'offrent rien de spécial; les oranges, qui sont mûres à cette époque s'y vendent aussi en grande quantité.

Comme la fin de mars est ordinairement plus belle que le mois d'avril lui-même, un soleil de printemps favorise le plus souvent la journée, et chacun dirige sa promenade vers Berlaimont. Les étrangers s'y rendent moitié par dévotion, moitié par habitude; les fermiers ont coutume de venir à cette époque clôturer leurs comptes; les villageois viennent se procurer les étoffes nécessaires pour s'habiller, aux Pâques; les bourgeois y vont pour voir et pour être vus : les plus belles toilettes se produisent au jour, les hommes comme les dames font assaut d'élégance : c'est le véritable « Longchamps » montois.

Vers une heure, la foule devient moins compacte : le dîner retient les promeneurs, qui ont ordinairement à leur table des convives étrangers; le « flan » sacramentel ne manque pas d'y figurer et de terminer le dessert.

De trois à six heures les promenades recommencent. Pendant toute la journée, les cabarets des environs sont bien fréquentés; cependant des scènes de désordre ne viennent point troubler cette kermesse. A la chute du jour, chacun se retire; les marchands enlèvent leur boutique et, en dépit du proverbe, cette fête n'a point de lendemain [58].

Sous le titre de « Hey-Kappel » ou Chapelle de la Bruyère, saint Nicolas possède un sanctuaire de la Vierge, très-fréquenté à la fête de l'Annonciation [59]. Une autre chapelle connue sous le même nom, qui se trouve dans la paroisse de Waesmunster, attire également le jour de l'Annonciation un concours extraordinaire de pèlerins [60].

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26 mars.

(Hyoscyamus scopolia.) - Saint Ludgère, évêque.


Il n'y a que les communes de Neereppen, près de Tongres (diocèse de Liége), et de Zele, près de Termonde (diocèse de Gand), qui honorent saint Ludgère comme patron de leurs églises.

A Liége on célébrait autrefois, ce jour-là, l'anniversaire de la fondation du premier béguinage; à la lecture publique de la relation de cet événement, qu'on faisait chaque année à cette occasion, le nom du vénérable prêtre Lambert le Bègue ou Begues était proclamé au peuple comme celui du fondateur.

L'église qui se trouvait au milieu des petites maisons destinées aux béguines, fut consacrée le 26 mars 1184, en l'honneur de saint Christophe [61].

Le samedi après l'Annonciation de Notre-Dame on célèbre à Lebbeke une messe solennelle pour perpétuer le souvenir du lin miraculeux, et pour obtenir du ciel une abondante récolte de cette plante. C'est à Lebbeke, village situé à une demi-lieue environ de Termonde, que la Vierge a fait mûrir du lin semé la veille. Les habitants de Lebbeke, voulaient construire en 1105 une église, qui devait être placée sous l'invocation de Notre-Dame; après de longues délibérations ils choisirent pour emplacement un champ qui appartenait à une veuve. Celle-ci consentit à le céder, à condition qu'on attende jusqu'à ce qu'elle eût fait la récolte du lin qu'elle avait fait semer la veille. On ne se refusa point à cette demande. Mais pendant la nuit, Marie apparut à la veuve pour lui dire que le lin était mûr. Au point du jour la veuve se rendit à son champ et à sa grande surprise elle vit que le lin semé la veille avait tout à coup mûri.

Plusieurs autres miracles signalèrent la construction de l'église.

Un fil de soie tendu par une main invisible indiqua les dimensions du bâtiment; une carrière de pierres blanches fut découverte dans un champ voisin sans que rien jusque là eût pu la faire deviner; le propriétaire de cette carrière refusant de la laisser exploiter, à moins d'être payé comptant, n'en put plus extraire une seule pierre en état d'être utilisée, jusqu'à ce que, touché de repentir, il promit de fournir gratuitement tous les matériaux dont on avait besoin.

On plaça ensuite dans l'église une statue de la Vierge, qui est portée aux processions solennelles par les principaux habitants de Termonde. Divers miracles opérés par cette image ont rendu l'église de Notre-Dame de Lebbeke très-fréquentée.

Jusqu'aux troubles de l'année 1615 on montrait encore, dans une caisse de verre, une partie du lin mûri en une nuit. On y voyait également, attaché au sceptre de la Vierge, le fil de soie qui avait indiqué les dimensions de l'édifice.

Tous les paysans qui viennent implorer la bénédiction de la mère du Christ lui offrent du lin ou, au lieu de lin, une gravure de l'image miraculeuse, en payant une petite somme aux bedeaux de l'église [62].

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27 mars.

(Narcissus odorus.) Saint Alexandre; saint Auguste:
saint Ernest; saint Rupert.


A Namur a lieu la fête de Géronsart. On érige encore de petites boutiques où se vendent des bonbons et des pâtisseries tout le long du chemin qui conduit à l'ancienne abbaye.

Ce célèbre prieuré, érigé en l'honneur de la Vierge, dès l'an 1134, pour des Augustins, fut cédé en 1221, à la congrégation du Val des Écoliers. C'est la première maison que cette pieuse association ait eue en Belgique. Il en sortit des colonies qui s'établirent à Liége, à Houffalise, à Léau et à Malines, et qui se mirent toutes sous la tutelle de Notre-Dame. Le prieuré de Géronsart fut converti en abbaye en 1617 [63].

L'abbaye de Ninove, fondée pour des Prémontrés par le seigneur du lieu, Gérard, en 1138, et dédiée à la Vierge et aux saints Corneille et Cyprien, célébrait ce jour-là l'anniversaire de sa dédicace. Les possessions de ce couvent, qui furent confirmées par le pape Eugène III, en 1147, étaient dues en grande partie à la munificence de Rase de Gâvre, de Guillaume de Béthune, de Hildegarde de Melne et de Godefroid de Vianden [64].

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28 mars.

(Doronicum plantagineûm.) Sainte Dorothée;
saint Gontran; saint Sixte.


C'est le jour obituaire du bienheureux Eilbert, seigneur de Thiérache, qui, après avoir élevé déjà dans ses domaines six maisons religieuses, érigea encore, en l'honneur de Notre-Dame, l'abbaye de Wautsor, vers l'an 944. Saint Forannan lui avait conseillé de choisir, à cet effet, la délicieuse vallée de ce nom, Val d'or. Eilbert se consacra lui-même à Dieu dans le monastère qu'il y fonda, et mourut en odeur de sainteté [65].

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29 mars.

(Primula elatior.) Saint Berthold; saint Eustase; saint Jonas.


L'abbaye de Cambron, fondée par saint Bernard en 1148, célébrait ce jour sa délivrance inattendue de l'invasion des iconoclastes, grâce dont elle se croyait redevable à la protection de la Vierge.

Une image miraculeuse de Marie y était honorée depuis longtemps. On lui attribuait des prodiges et des guérisons sans nombre, et on érigea en son honneur une chapelle à Mons en 1550 [66].

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30 mars.

(Narcissus minor.) Sainte Amédée;
saint Quirin; saint Véron; B. Dodon.


A Lembeke ou Lembecq près de Hal en Brabant, on célèbre la fête de saint Véron, patron de la commune.

Ce saint, que l'on invoque contre les maux de tête et contre la fièvre, était, dit-on, le fils de Louis, roi d'Allemagne, petit-fils de Louis le Débonnaire. De même que sa sœur, sainte Vérone, il avait dès sa plus tendre enfance le goût de la contemplation et de la vie religieuse.

A l'âge de seize ans, il quitta la maison de son père pour se retirer du monde, et se fixa à Lembeke, où il mourut en 863 après avoir mené la vie la plus sainte. Si l'on en croit la légende, il indiqua sa mort à sa sœur de la manière suivante, d'après une promesse qu'il lui avait faite avant son départ. Par le temps le plus clair, les hauts arbres qui étaient plantés devant la maison paternelle, tombèrent tout-à-coup à terre. Sa sœur voyant ce prodige, se mit à voyager pour chercher le tombeau de son frère bien-aimé. Elle le trouva à Lembecq; puis elle se rendit à l'endroit que Dieu même lui avait indiqué pour son séjour, et elle y mourut dix ans après en grande sainteté.

Le tombeau de saint Véron devint bientôt le but de nombreux pèlerinages à cause des miracles qui s'y opérèrent par l'intercession du saint. La fontaine qu'il a fait jaillir à Lembecq s'appelle encore « sint Verones borre. » La châsse contenant ses reliques est portée à la procession qui se fait en son honneur le deuxième jour de Pâques, jour de la kermesse de Lembecq, puis à celle de saint Marc et à celle de la Fête-Dieu.

Sa fête, ainsi que celle de l'invention de son corps, qui se chôme le 31 janvier, se célèbre à Mons aussi bien qu'à Lembecq [67].

Le bienheureux Dodon d'Assche, prémontré, mort dans la Frise, en 1231, honorait singulièrement une image de la Vierge, par l'entremise de laquelle il fit de nombreux miracles [68].

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31 mars.

(Cardemeni hirsuta.) Saint Benjamin; sainte Cornélie.


Le jeudi avant le jeudi saint s'appelle à Aerschot « de vettendonderdag, » jeudi gras, comme ailleurs le jeudi qui précède le mardi gras ou vastelavond; il y donnait autrefois lieu à une fête d'enfants, comme la saint Grégoire à Louvain.

Les enfants des diverses écoles, précédés d'un porte-étendard, se rendaient le matin à l'église, et y assistaient à la grand'messe. Ils étaient en costume militaire, chacun suivant son goût; le cortége se fermait par un « primus » qui tenait majestueusement une lance à la main.

Après le service divin, les écoliers parcouraient les rues en s'arrêtant devant la demeure des principaux habitants de la ville; plus le porte-étendard (fille ou garçon) faisait flotter son drapeau en signe de salutation devant chacune de ces maisons, plus les habitants étaient flattés de cette marque de respect. Ils ne manquaient jamais d'ouvrir les fenêtres pour remercier et complimenter la petite troupe.

L'après-dîner les enfants se dirigeaient hors de la ville; chaque école portait un coq dans son cortége. Arrivés à un endroit désigné les écoliers formaient un cercle et lâchaient le coq; celui qui pouvait l'attraper était reconduit en triomphe à la ville, où il devait régaler tous ses condisciples.

Ce n'est que depuis 1811 que cette cérémonie a cessé d'être pratiquée [69].

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[1]      Coremans, p. 16.
[2]      Heuvelmans. Lotgevallen van eenen turnhoutschen jager. Turnhout, 1843, pp. 118, 119, 122, 126, 129, 144.
[3]      De Smet, M.d.M., p. 310-312; Gazet, pp. 395-396.
[4]      B.M., p. 44.
[5]      Ana, I, 3.
[6]      Sire, pp. 169-l70.
[7]      Coremans,p. 110.
[8]      Mai, Script. vet nov. collect., t. V, pp. 54-56.
[9]      Plaetselykegewoonte van Ypre door J.-J. Lambin, N. L. 1834. pp. 137-141. Ana, cah. I, p. 6, 14; Korte Uyt-Legghinge eeniger godvruchtigher Ghewoonten van de Borghers van Iper, namentlyck van 't smyten der catten, door Aert Hierakx, borgher van Iper. Iper, 1714. Th. Lansens. De Katten en het Ypersche Kattenfeest. De Toekomst, t. II, 40-43
[10]    Coremans, p. 54.
[11]    Coremans, p. 77.
[12]    Gazet, p. 325.
[13]    B.M., p. 49.
[14]    Coremans, p. 43-44. - Schayes, p. 153. - Ana, I, 11-12. - Liebrecht. O.J., p.  182 sq.
[15]    Schayes, pp. 234-235.
[16]    Sens doute pour gryzende?
[17]    Piot., pp. 40-41.
[18]    Liedjes voor de kantwerkscholen, door C. Duvillers. Brugge, 1816,pp. 8-9.
[19]    Wodana, p. 85.
[20]    Costumen van den Lande van Waes, p. 135.
[21]    Coremans, p. 54.
[22]    H.d.E.d.B., vol. II, 65.
[23]    B.M., p. 53.
[24]    Coremans, pp. 58-67.
[25]    Wolf, II, 107-9; Coremans, pp. 103-l06.
[26]    Molanus, p. 266 sq.
[27]    Bony, I, 196-197.
[28]    H.d.E.d.B., t. I, 323.
[29]    H d.E.d.B., t. III, 404.
[30]    Coremans, p. 77.
[31]    A Turnhout on chante:
                Kinderkens hangt uw korfkens uit,
                Ik heb wat nieuws vernomen,
                                Dat de Greef,
                                Uwe neef,
                Die zal morgen komen.
                Wat heeft de Greef al mêe gebragt?
                Vygen en rozynen,
                                Koek en tes,
                                Scheer en mes,
                Haentjens op een steksken.
                Maer ais gy dan niet wys en zyt,
                Dan zal ik m' er niet mo moeijen.
*      Wodana, p. 195.
[32]    K.e.L., 1842, pp. 18-19; Avontroodt Mss., pp. 20-21; Volksleesboek, p. 14.
[33]    Avontroodt, Mss., pp. 20-21.
[34]    Kronyken der straten van Antwerpen, door Sleeckx. Antwerpen, 1843, t. II, 145 sq.
[35]    Mertens, t. II, 307-309.
[36]    Coremans, p. 17.
[37]    K.e.L., 1842, p. 16.
[38]    Le Polygraphe belge, p. 120.
[39]    H.d.E.d.B., III, 303-304.
[40]    Dierickx, II, 148.
[41]    Gaillard, pp. 72-78.
[42]    Coremans, p. 77.
[43]    H.d.E.d.B., t. III, p. 665.
[44]    B.M., p. 55.
[45]    B.M., p. 57.
[46]    Ibid., p. 58.
[47]    H.d.E.d.B., t. I, 36, 37, 54; De Reume, pp. 42-45.
[48]    Coremans, p. 67.
[49]    Coremans, p. 19.
[50]    Schayes, pp. 228.-229; E. van Even, p. 9.
[51]    Coremans, p. 48.
[52]    Ibid., p. 48; Liebrecht O. J., p. 233.
[53]    Tuinman Voorteekenen, p. 5.
[54]    De Smet, pp. 39-41.
[55]    De Smet, M.d.M., pp. 126-127.
[56]    De Reume, p. 295-298.
[57]    Kort Begryp van de Historie ende Oorspronck der Capelle ende Kercke van 0.-L-V. ter Muylen. Brussel.
[58]    Fêtes populaires à Mons, par F. Hachez. Gand, 1848, p. 16-21; De Reume, pp. 363-366.
[59]    De Smet, M.d.M., p. 273.
[60]    De Smet, M.d.M., pp. 157-158.
[61]    Hallman, p. 5.
[62]    De Reume, pp. 38-41.
[63]    B.M.,p. 49.
[64]    B.M.,pp. 61-62.
[65]    B.M., p. 62.
[66]    B.M., p. 63.
[67]    Cort Begryp van het Leven en de Mirakelen van den H. Veronus. Brussel, 1792.
[68]    B.M., p. 63.
[69]  Coremans, pp. 57-58; - Schayes, p. 235.

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