LA BELGIQUE D'ANTAN Schaerbeek




La Belgique d'antan

SCHAERBEEK

Entre 1890 et 1935


Photos de Schaerbeek entre 1890 et 1935, suivies d’une histoire de la commune, du moyen âge à 1855, où sont évoqués les Anes de Schaerbeek, la Vallée Josaphat et sa Fontaine d’Amour, les sculpteurs, l’ancienne église Saint-Servais, etc.


Schaerbeek - Ancienne église Saint-Servais (démolie en 1905)
A hauteur du "Vase" de l'actuelle avenue Louis Bertrand

Schaerbeek - L'ancienne et la nouvelle église Saint-Servais (vers 1900)

Schaderbeek - Rue Teniers et église Saint-Servais

Schaerbeek - Avenue Louis Bertrand et la nouvelle église Saint-Servais (1907)

Schaerbeek - Avenue Louis Bertrand (vers 1914)

Schaerbeek - Le "Vase" de l'avenue Louis Bertrand (1911)

Schaerbeek - Avenue Louis Bertrand

Schaerbeek - Les Anes du Parc Josaphat

Schaerbeek - Avenue Clays (vers 1920)

Schaerbeek - Avenue Emile Max (vers 1920)

Avenue Emile Max (vers 1920)

Schaerbeek - Avenue Milcamps (vers 1925)

Schaerbeek - Avenue Princesse Elisabeth et rue Albert Giraud (vers 1925)

Schaerbeek - Avenue Princesse Elisabeth (vers 1914)

Schaerbeek - Avenue Rogier (vers 1930)

Schaerbeek - La Cage aux Ours (vers 1930)

Schaerbeek - Carrefour de la rue des Patriotes (vers 1930)

Schaerbeek - Dépôt des Tramways à la chaussée d'Haecht (vers 1910)

Schaerbeek - Pont de la chaussée d'Haecht (vers 1920)

Schaerbeek - Chaussée d'Haecht (vers 1910)

Schaerbeek - Montagne de l'Ermite (vers 1905)

Schaerbeek - Pensionnat de la Ste-Famille (vers 1910)

Schaerbeek - Hôtel de Ville avant l'incendie de 1911

Schaerbeek - Place Colignon (vers 1925)

Schaerbeek - Eglise Sainte-Marie (vers 1910)

Schaerbeek - Place Lehon (vers 1910)

Schaerbeek - Place Liedts (vers 1910)

Schaerbeek - Place Liedts (vers 1910)

Schaerbeek - Place Liedts (vers 1910)

Schaerbeek - Place Pogge 

Schaerbeek - Rue de Brabant (vers 1910)

Schaerbeek - Impasse à la rue de l'Olivier

Schaerbeek - Rue de la Fondation (vers 1905)

Schaerbeek - Ecole des Filles à la rue des Palais (vers 1905)

Schaerbeek - Rue des Palais (vers 1905)

Schaerbeek - Rues Quinaux et des Ailes (vers 1914)


Schaerbeek - Avenue Milcamps et rue Victor Hugo

Schaerbeek - Un coin à l'avenue Princesse Elisabeth

Schaerbeek - Avenue Rogier (vers 1930)

Schaerbeek - Avenue Rogier

Schaerbeek - Avenue Chazal (vers 1925)

Schaerbeek - La Passerelle de l'avenue Rogier

Schaerbeek - Avenue Rogier

Schaerbeek - Boulevard Lambermont (vers 1925)

Schaerbeek - Café de la Fontaine d'Amour

Schaerbeek - Cage aux Ours et avenue Maréchal Foch (1919)


Schaerbeek - Chaussée d'Helmet (vers 1910)

Schaerbeek - Chaussée de Louvain

Schaerbeek - Vieille ruelle à la chaussée de Haecht

Schaerbeek - Vieux château du XVIIème siècle à la Vallée Josaphat

Schaerbeek - Carabiniers à la place Dailly

Schaerbeek - Vallée Josaphat

Schaerbeek - Eglise Royale Sainte-Marie

Schaerbeek - Eglise Saint-Sauveur

Schaerbeek - Ancienne église Saint-Servais (1903)

Schaerbeek - Eglise Sainte-Suzanne

Schaerbeek - Eglise Royale Sainte-Marie

Schaerbeek - Ancienne église Saint-Servais

Schaerbeek - Eglise de la Sainte-Famille à Helmet

Schaerbeek - Enclos des Fusillés au Tir national

Schaerbeek - La Fontaine d'Amour à la Vallée Josaphat, vers 1890

Schaerbeek - La Garde Civique sur le boulevard de la Grande-Ceinture

Schaerbeek - Gare du Nord vue depuis la Passerelle de l'avenue Rogier

Schaerbeek - la Gare (vers 1910)

Schaerbeek - La grande rue au bois (vers 1900)

Schaerbeek - Le Marché Sainte-Marie

Schaerbeek - Institut Sainte-Marie à la rue des Palais

Schaerbeek - Les Anes du Parc Josaphat

Schaerbeek - M. Kennis, bourgmestre de Schaerbeek (1899)

Schaerbeek - La Maison Communale (vers 1910)

Schaerbeek - la Maison Communale après l'incendie de 1911

Schaerbeek - Montagne de l'Ermite (vers 1900)

Schaerbeek - Montagne de l'Ermite

Schaerbeek - Boulevard de Grande-Ceinture (vers 1920)

Schaerbeek - Eglise de la Sainte-Famille à Helmet

Schaerbeek - La Fontaine d'Amour au Parc Josaphat (vers 1905)

Schaerbeek - la Laiterie au Parc Josaphat

Schaerbeek - Pont rustique au Parc Josaphat

Schaerbeek - Au Pardenkerkhofweg en 1903

Schaerbeek - Les fermes de la Petite rue au Bois en 1903

Schaerbeek - Brasserie sur la place Colignon (vers 1905)

Schaerbeek - Place Dailly (vers 1910)

Schaerbeek - Place de la Gare et avenue Elisabeth

Schaerbeek - Place de la Patrie vers 1920

Schaerbeek - Eglise Royale Sainte-Marie et place de la Reine

Schaerbeek - Place du Pavillon

Schaerbeek - Place Lehon et nouvelle église Saint-Servais

Schaerbeek - Place Liedts (vers 1900)

Schaerbeek - Place Verboeckhoven (vers 1920)

Schaerbeek - Voiturette du Commandant des Pompiers Volontaires, vers 1905

Schaerbeek - La Rue au Bois

Schaerbeek - Rue d'Aerschot et rue de Brabant (vers 1910)

Schaerbeek - Eglise Saints Jean et Nicolas

Schaerbeek - Eglise SS. Jean et Nicolas à la rue de Brabant (vers 1905)

Schaerbeek - Rue de Brabant (vers 1900)

Schaerbeek - Dernière ferme de la rue de Jérusalem

Schaerbeek - Rue de l'Agriculture

Schaerbeek - Rue de l'Horticulture

Schaerbeek - Rue de l'Olivier (vers 1910)

Schaerbeek - Rue Impériale (actuellement rue de Quatrecht, vers 1910)

Schaerbeek - Rue du Lion

Schaerbeek - Rue du Lion

Schaerbeek - Rue du Noyer (vers 1905)

Schaerbeek - Rue du Tilleul

Schaerbeek - Rue Gallait (vers 1910)

Schaerbeek - Place du Pavillon et rue Gallait

Schaerbeek - Ferme de Jan Crabs à la rue de Jérusalem en 1903

Schaerbeek - Rue de Jérusalem et chaussée de Haecht

Schaerbeek - Rue Royale Sainte-Marie (vers 1914)

Schaerbeek - Rue Royale Sainte-Marie

Schaerbeek - Rue Royale (vers 1912)

Schaerbeek - Rue Teniers et la nouvelle église Saint-Servais (1904)

Schaerbeek - Rue Verwée

Schaerbeek - Rue Verwée (vers 1905)

Schaerbeek - Vieille ferme à la rue Vogler (vers 1900)

Schaerbeek - Soldats allemands à la Gare de Schaerbeek en 1915

Schaerbeek - Vallée Josaphat

Schaerbeek - Vallée Josaphat

Schaerbeek - Vallée Josaphat

Schaerbeek - Vallée Josaphat (vers 1900)

Schaerbeek - le Château Vert à la Vallée Josaphat

Schaerbeek - Entrée de la Vallée Josaphat

Schaerbeek - Vieille ferme (vers 1900)

Schaerbeek - Un vieux coin à Schaerbeek (arrière de l'ancienne église Saint-Servais, vers 1900)

Schaerbeek - "Le Vieux Schaerbeek" (quartier de l'ancienne église Saint-Servais)



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HISTOIRE DES ENVIRONS DE BRUXELLES

(Tome III)


SCHAERBEEK


Alphonse Wauters

1855


Le faubourg de Schaerbeek

A l'endroit où s'élève aujourd'hui le magnifique faubourg de Schaerbeek, on ne trouvait autrefois que des champs incultes ou ne donnant que de maigres récoltes. Le sommet de la hauteur s'appelait de Capelle driesch, la bruyère de la Chapelle, et le coteau descendant vers la Senne, den Hasselt ou, quelquefois, de Broeck (le Marais).  Le Capelle driesch devait son nom à une chapelle, avec léproserie, qui se trouvait à proximité du chemin conduisant de la porte de Cologne (actuellement, la porte de Schaerbeek) vers ce dernier endroit et qui existait déjà en 1406; en cette année, les magistrats de Bruxelles, après s'être réconciliés avec leur souverain, le duc Antoine de Bourgogne, allèrent à sa rencontre jusqu'à cette léproserie, et y implorèrent leur pardon. On ne reléguait d'abord dans cet asile que les lépreux que leurs propres ressources ou les secours d'une corporation ne laissaient pas dans la nécessité (ordonnance pour les merciers, du 20 décembre 1473); plus tard, on y admit aussi des pauvres. Le 4 novembre 1570, une personne y étant morte de la peste, il fut défendu aux malheureux qui habitaient cette léproserie et celle du Scheut-veld, à Molenbeek, d'aller mendier, et un notable fut chargé de quêter en leur faveur. Peu de temps auparavant, au mois de juin 1568, on avait enseveli, dans un terrain non consacré, situé derrière la chapelle, quatre gentilshommes qui avaient été exécutés sur le Grand-Sablon, par ordre du conseil des troubles : Gilbert et Théodore de Bronckhorst, seigneurs de Batenbourg, Pierre Dandelot et Maximilien Lecocq. Pendant les guerres de religion, la léproserie disparut. Philibert de Mol, doyen et chantre de l'église de Sainte-Gudule, obtint du domaine, le 25 décembre 1610, l'autorisation de rebâtir la chapelle, et, en 1616, il se construisit, à proximité, une belle habitation, avec tourelles, la Molshuys, qui parait avoir disparu, en 1746, lors du siège de Bruxelles par le maréchal de Saxe.

Au milieu des vergers et des champs qui couvraient le Hasselt, on remarquait deux habitations désignées par les noms bizarres de l'Enfer, de Hille ou de Helle, et le Paradis, de Hemelrike. Celle-ci, qui était située entre la première et le chemin de Vilvorde, était entourée de fossés; Thierri, fils de Geldolphe de Coudenberg dit Serhuyghs, la donna, en l'année 1385, à son fils Henri. Elle prit ensuite, à ce qu'il semble, le nom d'Emaüs. Henri Stercke la reçut en don, le 25 février 1556-1557, et Jacqueline de la Verderue la laissa à Paul de Croonendael, greffier du conseil des finances; en 1591, Croonendael fit travailler à cette villa, qui consistait en un corps de logis orné d'une tourelle à deux étages, surmontée d'un petit clocher. Les San-Victor en étaient propriétaires, en 1656. L'Enfer existait encore, il y a une quinzaine d'années, au bas de la rue du Chemin de fer. C'était un très-petit édifice, remarquable seulement en ce que ses quatre façades étaient toutes différentes les unes des autres; il disparut lorsqu'on ouvrit la rue.

En l'année 1425, la ville de Bruxelles acheta quelques terrains hors la porte de Cologne (ou de Schaerbeek), pour agrandir le chemin conduisant au Hasselt et Ten-Molleken. Il s'agit ici de la rue Verte, qui, plus tard, est désignée comme un chemin conduisant vers Malines, par les pâtures du Raloobeeckvelt; le 24 décembre 1624, le conseil des finances autorisa Henri de Croonendael, qui était alors propriétaire de l'Emaüs, et sire Ferdinand de Boisschot, chancelier de Brabant, à qui appartenait une maison de campagne située à Schaerbeek, au lieu-dit depuis de Warande, à la planter d'arbres jusqu'à la Maelbeke, moyennant un cens de 12 sous, que la chambre des comptes mit ensuite, en totalité, à la charge des Boisschot, à l'exclusion des héritiers des Croonendael.

On appelait de Raloobeeck, et plus anciennement, de Rallebeke ou de Ralenbeke, un ruisseau qui arrosait les prairies voisines des remparts de la ville ; quelquefois aussi, ce nom était donné à l’Etang aux Roseaux, dont une partie existe encore dans le Jardin botanique. Dès l'année 1459, un chemin pavé, qui suivait à peu près la direction de la rue Saint- Lazare actuelle, se perdait dans ces prairies. En 1618, le magistrat de Bruxelles fit construire, parallèlement aux remparts et un peu plus bas que l'Etang aux Roseaux, les Maisons extérieures des pestiférés, de Ruyten pesthuyskens ; elles étaient au nombre de vingt-quatre et coûtèrent environ 15.000 florins du Rhin. A ces maisons étaient annexés un cimetière, et une chapelle, laquelle fut voûtée en 1626. En 1696, la ville les céda temporairement aux troupes hollandaises, qui les convertirent en hôpital, et, en 1759, elle en abandonna la majeure partie à un fabricant de cordes de boyaux. En 1795, elles n'étaient plus occupées que par deux personnes, un homme et une femme; elles tombaient en ruine lorsque, le 12 mai 1817, la ville les vendit à M. Van Haelen, moyennant 1.200 francs, à charge de les démolir immédiatement. Le 17 août 1707, une fraction du cimetière avait été affectée à la sépulture des réformés morts à Bruxelles.

Le 30 avril 1668, Simon de Mannery obtint de la chambre des comptes l'autorisation de construire, à proximité de la porte de Schaerbeek, un moulin à vent à moudre de la drèche, à la condition de payer au domaine un cens de 24 livres d'Artois; mais, quelques années après, on résolut d'augmenter les fortifications de Bruxelles, de ce côté. Le moulin de Simon fut abattu en 1672, et le propriétaire reçut, outre une indemnité de 500 florins, l'autorisation de réédifier son usine sur la tour Saint-Michel, près du canal de Willebroeck (10 septembre 1674). A cette époque, on éleva, en avant de la porte de Schaerbeek, un grand ouvrage à cornes, que couvrait à leur tour, au nord, une demi-lune placée du côté du village de Schaerbeek, et, à l'ouest, un ravelin, appelé depuis, de Pachéco. C'est vis-à-vis de cet ouvrage à cornes que l'armée du maréchal de Saxe ouvrit la tranchée contre la ville, dans la nuit du 7 au 8 février 1746; l'ouvrage à cornes fut le principal but des attaques des assiégeants, et, dans la journée du 19, il fut successivement pris et repris.

Lorsque Joseph II ordonna le démantèlement des forteresses de la Belgique, tous les terrains situés le long des remparts de Bruxelles, de puis les Maisons des pestiférés jusqu'à la porte de Schaerbeek, et, entre autres, le bastion de la Reine, dont l'étang du Jardin botanique indique encore la forme, et la demi-lune du Pachéco, ainsi nommée d'après l'hospice de ce nom, que remplace actuellement l'hôpital Saint-Jean, furent vendus, le 5 mars 1782, aux nommés Hayez et Philippart, pour la modique somme de 3.467 florins. Le même jour, ces deux particuliers achetèrent aussi l'ouvrage à cornes, qui contenait 6 bonniers 33 verges, moyennant 4.475 florins. Dès cette époque, on conçut le projet de redresser la chaussée de Schaerbeek, et de remplacer l'ancien chemin de Monplaisir (ou de Malines, la rue Verte) par une voie plus droite et plus large; mais on se borna à rectifier la chaussée, aux abords de Bruxelles.

Quarante ans plus tard, lorsque l'établissement du royaume des Pays-Bas eut donné une nouvelle vie à Bruxelles, lorsque deux grandes entreprises : la substitution de magnifiques boulevards aux antiques remparts de la cité et l'ouverture de la rue Royale-Neuve, eurent complètement modifié l'aspect de la ville, aux alentours de l'ancienne porte de Schaerbeek, on conçut l'idée grandiose de prolonger la rue Royale au dehors de la ville jusqu'au palais de Laeken. Il n'existait alors, hors de la porte, que cinq ou six maisons, la plupart situées au bas du coteau ; près de la chaussée de Schaerbeek, on ne voyait que l'estaminet la Maison blanche (aujourd'hui le Lion belge), et une métairie, au coin de la rue du Moulin. Vis-à-vis de ces habitations s'ouvrait un précipice, ancienne sablonnière abandonnée, que la plupart des habitants de Bruxelles se rappelleront d'avoir vu ; dans le voisinage, ce n'étaient que champs peu fertiles et cerisaies. En 1827, la province ayant résolu de modifier la direction de la chaussée de Schaerbeek, que l'on prolongeait alors dans la direction de Dieghem, de Campenhout et de Haeght, à sa sortie de Bruxelles, et M. de Villegas de Pellenberg, à qui appartenaient les anciens terrains des fortifications, les ayant mis en vente, la régence de Bruxelles saisit cette occasion pour proposer à la députation permanente du conseil provincial d'embellir les abords de la capitale, de ce côté. La députation lui ayant refusé son concours pour la réalisation de ce projet, elle se décida à supporter seule toutes les dépenses qui en résulteraient. Elle acheta une grande partie des terrains de M. de Villegas (28 mai 1827), et les remit ensuite en vente. Quelques particuliers ne voulurent pas lui céder les autres terrains qui lui étaient nécessaires pour la rue Royale, au-delà des limites de la propriété Villegas, mais elle obtint du roi Guillaume un arrêté qui lui permit de recourir à la voie de l'expropriation forcée (21 mars 1828).

Alors furent ouvertes, outre cette belle et magnifique voie qui continue la rue Royale : la rue du Nord, aujourd'hui, rue Godefroid de Bouillon; la rue delà Montagne, aujourd'hui, rue Saint-François; la rue du Gastronome, qui doit son nom à un établissement ouvert par un des principaux restaurateurs de Bruxelles, M. Dubos, et qui se composait de deux pavillons bâtis à front de la rue Royale et laissant apercevoir, en arrière, une habitation dont la façade complétait les leurs. Le chemin de Schaerbeek, qui devint alors la chaussée de Haeght, l'ancien chemin de Malines ou rue Verte, dont la partie antérieure reçut le nom de rue Botanique, et, un peu plus haut que la rue Verte, le Saveltwegh ou chemin au Sable, aujourd'hui rue de la Poste, se bordèrent d'habitations, dont la chaîne n'a pas cessé de se continuer, depuis trente ans.

La province ayant consenti à faire exécuter les travaux nécessaires pour modifier le tracé de la partie de la chaussée de Haeght, comprise dans la rue Royale, on mit en vente l'emplacement au travers duquel la ville et M. de Villegas ouvrirent la rue de l'Observatoire, aujourd'hui, rue Galilée; la rue du Midi, aujourd'hui, rue de l'Equateur; la rue de l'Étoile, aujourd'hui, rue de la Comète: la rue Traversière et le prolongement de la rue du Nord, à l'est de la chaussée de Haeght. La révolution belge arrêta, pendant quelques années, le développement de ce nouveau quartier; mais, vers l'année 1836, la situation s'améliora, les affaires reprirent, et l'esprit d'entreprise se réveilla en Belgique avec une ardeur dont on n'avait jamais vu d'exemple.

Depuis lors, le faubourg de Sehaerbeek a grandi de manière à présenter l'aspect d'une belle et grande cité. Aujourd'hui, il est complètement relié, d'une part à Molenbeek, de l'autre au faubourg de Louvain, avec lequel il tend de plus en plus à se confondre. Dans la première de ces directions on trouve, parallèlement à la rue du Méridien : la rue de la Limite, qui, sous les noms d'Ezelswech (chemin de l'Ane, 1280) ou de Heylweg, se prolongeait autrefois jusqu'à Schaerbeek, par la rue Basse {de Neerweg, actuellement, rue Josaphat); la rue Potagère, et, en équerre avec ces rues : celle dite de l'Union, qui a été ouverte sur des terrains appartenant aux De Bie et aux Fierlants (arrêté royal des 11 juin et 6 septembre 1842); le prolongement de la rue Traversière, qui a été conduite, en 1847, jusqu'à la Maelbeke; le prolongement de la rue du Nord, pour lequel les hospices de Bruxelles conclurent un accord, en 1836, avec MM. Vandendaele, de Villegas et Van Malder, et l'ancien chemin qui est devenu la rue du Moulin. La rue de l'Arbre, aujourd'hui rue de l'Abondance, date de vingt-cinq ans environ et doit son nom à un grand orme qui se trouvait à l'une de ses extrémités, près de la chaussée de Schaerbeek, et auquel se rattachaient maintes légendes curieuses.

Il y a une vingtaine d'années, quelques habitants de Schaerbeek et de Saint-Josse-ten-Noode sollicitèrent, à deux reprises, l'érection en commune distincte du territoire s'étendant au dehors de Bruxelles, de l'Observatoire à la Senne (8 septembre 1831 , juin 1835), mais leurs demandes furent écartées, la question de la réunion à la ville, de son ancienne banlieue, étant toujours en suspens.

Outre de somptueuses habitations, dignes des plus beaux quartiers de la capitale, telles que le pavillon Cazeaux, bâti dans le genre des villas italiennes, par M. Suys, qui y a fait l'application d'un ordre ionique modifié par lui ; la demeure de cet excellent architecte, et celle de M. l'architecte Payen, au coin de la rue Royale et de la rue Traversière, le faubourg de Schaerbeek compte plusieurs beaux édifices. Le seul qui se trouve sous Ten-Noode est le Jardin botanique, dont la magnifique façade fait face au boulevard, en laissant planer le regard sur la vallée de la Senne et sur les riants coteaux de Jette et de Laeken. Il est bordé, du côté de la rue Royale, par un parapet en pierres de taille, haut de trois mètres, et construit en 1843-1844. A la même époque, on bâtit, dans le style ionique modifié par M. Suys, le portique servant d'entrée et conduisant aux serres. Celles-ci se composent d'un triple rang, long de 150 mètres et faisant face au midi. Au centre de la première s'élève une rotonde destinée à contenir les palmiers et les autres arbres exotiques de grande dimension; aux extrémités on voit deux pavillons, servant d'orangeries. En avant de ces bâtiments s'étend une plate-forme ornée de bassins et, en contre-bas, sont deux autres lignes de serres, de moindre dimension. La partie supérieure du jardin est principalement consacrée à la culture d'une collection de plantes qui y est distribuée par classes, d'après le système de Linné; plus bas, près du restant de l'étang aux Roseaux, dans un petit bâtiment en forme d'obélisque, est placée une machine à vapeur, destinée à envoyer les eaux dans les serres, mais qui n'a plus joué depuis 1830.

Le Jardin botanique a remplacé l'ancien établissement du même genre, que l'on avait formé près du Musée, à Bruxelles, et où l'on admire aujourd'hui le Musée de l'industrie. La première exposition de fleurs y eut lieu, le 1er septembre 1829. La société qui s'était constituée pour la construction et le maintien de ce jardin, sous le nom de société d'horticulture, vit ses statuts approuvés par le roi Guillaume, le 28 mai 1826; sa situation ayant cessé d'être prospère, par suite du départ de plusieurs de ses membres, ses statuts furent modifiés (25 août 1841), et le gouvernement, dans le but de lui venir en aide, porta à 24.000 francs le subside de 12.000 francs qu'il lui accordait déjà (10 juillet 1841). Un arrêté royal, daté du 7 octobre de la même année, a sanctionné la nouvelle position faite à la société d'horticulture. Le Jardin botanique contient environ 5 hectares et demi.


Le faubourg de Cologne

l.ors de l'établissement du chemin de fer de l'État, en 1834, le conseil communal de Bruxelles avait demandé que le railway arrivât en ville par les prairies au bas du Jardin botanique. Son voeu ne fut pas exaucé; mais, au bout de quelques années, l'insuffisance de la station de l'Allée-Verte se manifesta de la manière la plus évidente. MM. Verhaegen aîné et Eliat, notaires, Coppens, architecte, et Piérard, négociant, offrirent alors au gouvernement de lui céder, moyen nant 400.000 francs, 7 hectares de prairies, situés au bas du Jardin botanique, pour y établir une nouvelle station, ayant vers la ville une façade de 36 mètres, une place d'environ 140.000 pieds carrés, et une ligne de raccordement avec la ligne du Nord. La rue Neuve fut alors prolongée jusqu'au boulevard, et une porte ouverte, dans l'axe de cette rue (convention entre le ministre des travaux publics et MM. Verhaegen et consorts, du 1er avril 1839, résolution du conseil communal de Bruxelles, du 9 novembre suivant, arrêté royal du 15 juillet de la même année).

Le 27 septembre 1841, la station fut inaugurée, et le Roi posa, en présence de la duchesse de Kent, la première pierre des bâtiments. Cependant ceux-ci, dont M. Coppens a donné le plan, n'ont été commencés qu'en 1844; la magnifique gare de la station a été achevée en 1846, et, à la même époque, on y donna une fête splendide, lorsque le railway de Bruxelles à Paris fut livré à la circulation. Il est à regretter que l'on ne termine pas la façade de la station, dont l'aspect monumental ajouterait considérablement à la beauté du faubourg.

Un arrêté royal, du 2 septembre 1840, a tracé le plan du nouveau quartier qui entoure la station et que l'on appelle d'ordinaire le faubourg de Cologne. Entre le boulevard et la station se trouve la place Locquenghien ou, suivant l'usage qui a prévalu, la place des Nations, qui est bordée de bâtiments uniformes ; le gouvernement a fait planter, en son milieu, un square, au centre duquel jaillit l'eau d'un puits artésien. Deux rues, de 16 mètres de large, longent la station : à l'ouest, la rue du Progrès, à l'est, la rue de Brabant, qui s'étend déjà jusqu'à la rue des Palais, et dont une bifurcation a reçu le nom de rue de la Liberté (aujourd'hui, de Cologne). Parallèlement à la rue du Progrès, on a ouvert la rue du Marché, qui est coupée par les rues des Croisades, Serezo et Allard, aboutissant toutes trois à la Senne, et communiquant avec le faubourg de Laeken, par des ponts construits, sauf un subside de 6.000 francs accordé par la commune, aux frais de particuliers : le premier, par M. Van Lede, le deuxième, par madame veuve Caroly, le troisième, par MM. Peeters et consorts; le pont du chemin de ronde date de 1841, et la dépense qu'il a occasionnée a été supportée par la province.

Dans les dernières années de l'administration hollandaise, on avait commencé la rue de la Senne, aujourd'hui rue de la Rivière, la rue Névraumont, et la rue des Briqueteries ou des Pierres, actuellement, rue Saint-Philippe. Depuis 1840, deux longues voies suivent parallèlement la rue de Brabant : la rue des Plantes, dite, plus loin, rue Saint-Philippe, et la rue Linné, que la rue Névraumont continue; quatre rues les traversent en unissant la rue du Brabant à la rue Verte : la rue Saint-Lazare, la rue du Chemin de fer, la rue de la Rivière et la rue de la Prairie. En 1843, un espace resté vague et qui appartenait à l'hospice de la Sainte- Trinité à Bruxelles, a été coupé par deux rues, allant de la rue Verte à la rue de la Poste : la rue des Hospices, aujourd'hui, des Secours, et la rue des Sables, aujourd'hui, de l'Ascension (arrêté royal du 12 août), qui se sont presque aussitôt bordées d'habitations.


Continuation des faubourgs de Schaerbeek et de Cologne

Le nom de Schaerbeek, que l'on a voulu interpréter par ruisseau déchiré, à cause des escarpements que présente la rive orientale de la Schaerbeke ou Maelbeke, signifie littéralement le ruisseau de la Scara ou Forêt ; rien n'est plus admissible que cette étymologie, puisque le ruisseau auquel nous l'appliquons prend encore sa source dans la forêt de Soigne et que le territoire du village de Schaerbeek a longtemps été, en partie, couvert de bois, ainsi que nous aurons bientôt l'occasion de le dire.

Les premiers châtelains de Bruxelles avaient de grandes possessions à Schaerbeek, mais c'étaient les ducs de Brabant qui y étaient seigneurs. Au mois de janvier 1295-1296, le duc Jean II comprit le village dans le territoire où les échevins de Bruxelles pouvaient lever les accises sur la bière, et, par une autre charte, en date du 20 mai 1301, il le soumit entièrement à leur juridiction, que Schaerbeek reconnut jusqu'en 1795.

Pendant celle période, l'histoire du village ne présente presque aucun événement important. Le 13 avril 1513, il s'y déclara un violent incendie, qui coûta la vie à un enfant de cinq ou six ans. Pendant les troubles de religion, trois maisons, qui étaient bâties sur le même héritage et qui appartenaient à Christophe Terwecoren, furent détruites, et leur emplacement confisqué, en 1585. Dès l'année 1459, le chemin de Dieghem était pavé jusqu'au-delà du village de Schaerbeek, mais, dans la suite, on en négligea l'entretien, et on ne l'améliora qu'en 1737. Cependant, dès le 11 février 1721, le magistrat de Bruxelles avait nommé des commissaires pour en examiner l'état; le 7 juin 1736, il demanda l'autorisation de le transformer en chaussée, « depuis la porte de la ville jusqu'au Cortbrugge ou Fortbrugge, près de l'église, » et de le border d'arbres, qui resteraient sa propriété. Un décret, en date du 21 février de l'année suivante, ayant sanctionné ce projet, le capitaine et les régents (regeerders) de Schaerbeek et le maire et les échevins d'Evere s'engagèrent à en aplanir le lit, et à amener, à cet effet, le sable nécessaire. Le village d'Evere donna, en outre, 400 florins de change, pour que la largeur du pavé fût portée de 11 à 16 pieds (31 août 1737). Quelques années après, la chambre de tonlieu de Bruxelles autorisa le secrétaire de l'archevêque de Malines, Casselot, à paver le chemin allant de la chaussée vers son moulin, le Kerckhofmolen, et passant vis-à-vis de la cure (28 août 1762); elle accorda une permission semblable aux meuniers Vandermeerschen et Kricx , pour le chemin aboutissant à leurs usines (14 mars 1767).

En 1795, Schaerbeek devint une commune indépendante, sans que rien fît présager l'importance qu'elle devait acquérir. En 1826, les États provinciaux du Brabant résolurent de continuer la chaussée de Schaerbeek jusqu'à Dieghem, l'écluse de Campenhout et Haeght, mais le manque de fonds fit ajourner l'exécution de la partie de la route comprise entre ces deux dernières localités, partie qui a 4.000 mètres de développement; grâce à un nouvel emprunt de 114.000 florins, on allait reprendre ce travail, ainsi que plusieurs autres du même genre, lorsque la révolution de 1830 survint, et ce ne fut que le 9 avril 1834 qu'on put adjuger l'achèvement de la chaussée dite aujourd'hui de Haeght, dont la longueur totale est de 24.400 mètres, soit cinq lieues.

Jusqu'en 1830, les constructions, dans le faubourg dit de Schaerbeek, dépassèrent à peine les limites de Saint-Josse-ten-Noode ; mais depuis, la partie méridionale de la commune a été successivement attaquée de différents côtés, et huit grandes voies se prolongent de plus en plus vers son centre; je veux parler de la rue Basse ou Josaphat, dont le pavage a été facilité par un subside de 2.500 francs accordé par l'état (20 septembre 1846);  de la chaussée de Haeght, de la rue Royale extérieure, continuée par la rue des Palais, des rues de la Poste, Verte, de Brabant, du Progrès et du Marché, qui toutes commencent à Saint-Josse-ten-Noode.

A la droite de la chaussée de Haeght s'embranchent la rue de la Paix ou Philomène, de Notre-Dame ou de l'Olivier, et des Jardins ou Van Dyck; les hospices de Bruxelles ont été autorisés à prolonger les deux premières au-delà de la rue Josaphat, la rue de la Paix, le 12 novembre 1846, la rue de Notre-Dame, le 12 juillet 1852. Dès l'année 1827, M. le comte Cornet de Grez mit en vente, aux deux côtés de la rue Royale, cent cinquante lots de terrain, au milieu desquels furent pratiquées, vers l'est, la rue Cornet de Grez, qui fait face à la rue de l'Arbre, et, vers l'ouest, la rue Beughem, qui vient tout récemment d'être continuée au travers de la belle maison de campagne de M. le pharmacien Ernotte, et se prolonge actuellement, mais sans être bâtie dans tout son parcours, jusqu'à la Senne, qu'elle traverse sur un pont construit aux frais de M. Bovie; elle porte, à l'ouest de la rue Verte, le nom de rue Dupont, et à l'ouest de la rue de Brabant, celui de rue Allard (arrêtés royaux en date du 22 août 1845, en faveur de M. Thomas; du 28 juillet 1847, en faveur de M. Bovie; et du 11 mai 1850, en faveur de M. Allard et des héritiers Dupont).

On avait eu d'abord l'intention de continuer la rue Royale de manière à la faire aboutir au canal de Willebroeck, vis-à-vis le château de Laeken ; les événements de 1830 empêchèrent la réalisation de ce projet. Cependant on vit bientôt la nécessité de relier à Bruxelles, d'une manière plus convenable, le château de Laeken, devenu la résidence presque continuelle du roi Léopold. On proposa d'ouvrir une rue qui, parlant de l'extrémité de la rue Royale, aboutirait au pont de Laeken ; elle devait avoir 19 mètres 66 centimètres de large et 1.665 mètres de long, et traverser la Senne sur un pont de fer coulé. Le notaire Herman, bourgmestre de Schaerbeek, et Jean-Baptiste Vifquain, inspecteur des ponts et chaussées, formèrent, le 20 avril 1853, une société, au capital de 100.000 francs, qui fut déclarée adjudicataire des travaux le 15 août 1853. La ville leur donna, le 8 juillet, un subside de 16.000 francs, la province lui vota un subside de 7.000 francs, et le gouvernement lui permit de lever un demi-droit de barrière sur la route, pendant 90 ans, plus un péage de 2 centimes pour chaque piéton qui passe sur le pont de Ia Senne. Seulement, le gouvernement, la province et la ville ont, pendant toute la durée de la concession, le droit de se substituer à la société concessionnaire, en lui remboursant son capital, avec une prime de 20 pour cent.

Le plan de la chaussée ayant été approuvé par le ministère de l'intérieur, les travaux furent adjugés le 14 septembre 1833, et vers le même temps on commença la construction du chemin de fer entre Bruxelles et Malines. L'année suivante, on vendit les terrains où l'on voit aujourd'hui la place de la Reine, la rue Saint-Servais, qui va de cette place à la chaussée de Haeght, et la rue Saint-Jean (aujourd'hui, Saint-Paul). D'immenses déblais ont, depuis cette époque, presque entièrement nivelé la hauteur qui commence au-delà de cette dernière rue, et où se trouvent aujourd'hui la rue de la Limite ou de la Séparation (rue Rogier) et les rues de l'Association et d'Autriche. Enfin, depuis l'établissement de la station de Cologne, se sont formées les rues de la Fraternité (arrêté royal du 15 janvier 1845) et Impériale.

On pourrait surnommer Schaerbeek le faubourg des sculpteurs; en effet, nous ne savons pour quelle raison, par quelle secrète affinité, la plupart de nos célébrités de ce genre se sont agglomérées, pour ainsi dire, au même endroit. Outre M. Guillaume Geefs, qui est actuellement bourgmestre de Schaerbeek, et dont l'atelier se reconnaît aux deux lions gigantesques qui en ornent le perron, la commune compte au nombre de ses habitants MM. Fraikin, Puyenbroeck et Marchant. L'usine la plus remarquable de Schaerbeek est l'atelier de marbrerie de M. Leclercq; ses beaux ateliers ont été construits, il y a une vingtaine d'années, pour la fonderie de fer de M. Vandenbranden. Ils sont séparés de la rue Royale par une cour entourée de galeries couvertes. Celles-ci ont servi quelque temps à un marché pour la vente quotidienne de toute espèce de comestibles et pour la vente des grains, le jeudi de chaque semaine; mais ce marché, dont l'ouverture avait été autorisée en 1834, n'a pas eu d'heureux résultats. Depuis, l'autorité locale a obtenu une nouvelle permission d'établir un marché aux légumes. Au-delà d'un bâtiment qui devait servir à une fabrique d'indiennes et où l'on ne travailla jamais, par suite de la révolution de 1830, des Oratoriens élevèrent le collège Saint-Jean, sur lequel ils placèrent le chronogramme suivant : stuDIosae JVVentUtI MeCoenates ConseCraVerUnt (1835).

(Note de la Belgique des 4 Vents :  un chronogramme est une phrase latine comportant un « chiffre secret », indiqué par les lettres mises en majuscule… I = 1, V(U) = 5, D = 500, etc)

Ici encore, le résultat ne fut pas favorable. L'école centrale de commerce et d'industrie, fondée d'abord à Bruxelles, en 1833, par M. Dailly, puis réorganisée par M. Labrousse, au mois de septembre 1837, vint s'installer dans le même local : cet établissement a prospéré pendant toute la durée de son existence, grâce au concours de la plupart des notabilités de Bruxelles. M. Labrousse la dirigeait avec une grande habileté, lorsque Ies événements de 1848 éclatèrent; il rentra alors dans sa pairie, où les électeurs du Lot l'envoyèrent siéger à l'assemblée constituante et à l'assemblée législative, et d'où il fut expulsé, à cause de ses opinions démocratiques, par le coup d'état du 2 décembre. Entre temps, le conseil communal de Bruxelles, ne voulant pas laisser dépérir une institution qui avait formé un grand nombre de sujets distingués, la fit sienne, et remplaça M. Labrousse par M. Hancart, actuellement premier échevin de la commune de Schaerbeek. Depuis, la ville a formé de l'école de commerce la section professionnelle de son athénée, section qui est établie à l'hospice de l'Infirmerie, à Bruxelles. L'Union des anciens élèves de l'École Centrale de commerce et de l'industrie publie un annuaire, depuis 1846. Le local de l'Ecole a été concédé par la ville, le 1er mai 1852, à la congrégation des Frères de la Charité dirigeant l'hospice des enfants sourds-muets et aveugles, qui existait à Bruxelles depuis seize à dix-huit ans.

Nous avons dit qu'en 1840 on érigea en paroisse une fraction des communes de Ten-Noode et de Schaerbeek; le 27 juin de cette année, on ouvrit, place de la Reine, l'oratoire dans lequel le service divin fut provisoirement célébré. C'est un vaisseau très-simple, dans lequel on voyait, pendant qu'il était ouvert au public, une Descente de croix, de Jean Cossiers, une Sainte famille, attribuée à Van Balen, et un Ensevelissement du Christ, par Otto Venius (Otto van Veen). A côté de cette chapelle, à l'extrémité de la magnifique rue Royale, on a commencé, en 1845, une belle église, en style pseudo-byzantin, bâtie sur les dessins de M. Van Overstraeten-Roelants, jeune architecte du plus haut mérite et qui est mort à la fleur de l'âge, en 1849, au moment où sa réputation commençait à grandir. L'église de Sainte-Marie de l'Assomption a été bénite le 14 août 1853, bien que sa façade ne fût pas construite, non plus que les voûtes de la partie centrale.





« En restant fidèle, dit M. Schayes, au style pseudo-byzantin, et sans s'écarter du plein-cintre roman, M. Van Overstraeten a introduit dans les parties décoratives du monument des éléments empruntés à la belle époque du style ogival (les grands arcs-boutants et les vastes fenêtres à nombreuses subdivisions), plusieurs même à la renaissance de transition; il en est résulté une oeuvre tout exceptionnelle et dont on chercherait vainement ailleurs l’analogue. »

« Ce temple présentera un octogone avec bas-côtés, de 50 centimètres de diamètre, précédé d'un triple porche, et prolongé, vers le chevet, par le choeur, la tour et les autres bâtiments de service. La longueur totale de ces différentes parties sera de 76 mètres. Le dôme ou coupole est double : elliptique à l'extérieur, plus que demi-cylindrique à l'intérieur, où elle est composée de longues arêtes en fer de fonte, reliées à la paroi extérieure; les interstices seront maçonnés au moyen de poteries encaissées. La hauteur, sous clef, atteindra 42 mètres 50 centimètres, et, extérieurement, jusqu'au sommet de la double lanterne octogone qui s'élèvera sur une galerie en fer, 60 mètres. Aux quatre angles latéraux, elle sera soutenue par autant d'arcs-boutants doubles, s'appuyant de part et d'autre sur de légers clochetons octogones, ornés de deux rangs d'arcatures simulées et se terminant en pyramides bordées de huit gables; des clochetons semblables renforceront les autres angles de la coupole, dont chaque face sera percée d'une grande fenêtre plein-cintre, subdivisée par une longue colonnette centrale en deux arcs mineurs, surmontés d'une rosace à huit contre-lobes, et encadrant, à leur tour, huit autres baies cintrées. A la base de ces fenêtres régnera, tant intérieurement qu'extérieurement, une espèce de triforium simulé, composé d'une suite d'arcades géminées, partagées en deux jours, et couronnées d'une balustrade découpée en quatre-feuilles. A l'intérieur de l'église, la nef centrale sera séparée des bas-côtés par huit piliers pentagones, formés de colonnettes groupées, avec chapiteaux à crochets, et réunis par des arcs en fer à cheval. Chaque face rectangulaire des bas-côtés sera flanquée d'une chapelle débordant extérieurement en abside hémisphérique et éclairée à la naissance de sa voûte par une série d'arcades géminées, pareilles à celles du triforium. Le triple porche qui forme avant-corps devant l'église, posera sur un perron carré de sept marches et à angles coupés. Les profondes voussures à tores concentriques des arcs romans de ces porches retomberont sur des colonnettes avec chapiteaux et crochets, et seront couvertes par un gable surbaissé, découpé en arcature simulée. Le porche intérieur a 20 mètres de largeur, qui est celle de la rue Royale; les deux porches latéraux, de même dimension, font diagonalement front à la rue Saint-Servais et à celle des Palais. La tour, qui s'élèvera derrière le choeur, aura une élévation de 38 mètres; elle sera carrée, flanquée aux angles de quatre tourelles octogones, et couverte d'un toit conique et octogone, que bordera un rang de créneaux. Elle aura une riche ornementation, et sera percée de trois étages de fenêtres dessinées dans le style de celles de l'église; une belle rose à huit contre-lobes couronnera les fenêtres des étages supérieurs. L'église sera entièrement revêtue en pierres. »





Par un testament daté du 11 juin 1849, Jean-Nicolas Névraumont a légué une partie de sa fortune pour ériger une nouvelle église, rue de Brabant, à la condition que l'existence de ce nouveau temple serait reconnue par le gouvernement, ce qui a été fait par un arrêté royal du 15 novembre de la même année. L'église Saints-Jean et Nicolas, la troisième que possède actuellement Schaerbeek, a été élevée sur les plans et sous la direction de M. l'architecte Peeters. Elle est bâtie en forme de croix latine; deux colonnes et deux pilastres d'ordre corinthien décorent la façade, qui est surmontée d'une tour carrée, restée inachevée. La nef se compose de trois travées recevant toutes trois le jour par une ouverture pratiquée dans la voûte ; elle est divisée en trois nefs par des colonnes corinthiennes à fûts rudentés. Au-delà du croisillon se trouve le choeur et deux petites chapelles latérales. Les voûtes sont à caissons. On peut se faire une idée de l'importance qu'ont acquise les deux nouvelles paroisses créées sur des terrains où l'on ne voyait, il y a trente ans, que quatre ou cinq maisons, en remarquant que le nombre de leurs paroissiens s'élevait, en 1849, à 14.156, savoir : 9.825 dans la paroisse de Sainte-Marie, et 4.351 dans la paroisse des Saints-Jean et Nicolas.


La partie rurale de Schaerbeek

Le centre du village de Schaerbeek, n'ayant que peu participé au grand développement de la partie sud de la commune, est resté ce qu'il était anciennement, un village, mais un village populeux et embelli par de nombreuses maisons de campagne. Le sol y est extrêmement sablonneux; jadis, les campagnes qui séparent Schaerbeek de Bruxelles étaient presque incultes. Celles qui s'étendent entre la chaussée et la rue Verte s'appellent encore de Zavel, le Sablon; près de là se trouvait le Raetdriesch. Aujourd'hui, on chercherait vainement un reste de bruyère (driesch) à Schaerbeek, et l'on n'y voit plus le moindre débris du bois de 163 bonniers que l'abbaye de Forêt possédait sur le plateau de Linthout. L'industrie et le travail des habitants ont transformé une grande partie du territoire de la commune en jardins légumiers d'un excellent rapport. On y cultive une espèce particulière de cerisier, dont le fruit, petit et d'un goût aigre, est connu sous le nom de cerise de Schaerbeek. Une coutume particulière à ce village et à celui d'Evere, coutume qui a déjà donné lieu à bien des plaisanteries, c'est l'emploi presque exclusif de l'âne, comme bête de somme ou de trait. Elle doit dater de loin, car l'un des chemins allant à Bruxelles, la rue Josaphat, s'appelait le chemin de l'Ane (Ezelswech). On a longtemps cru que l'animal aux longues oreilles avait été introduit en Belgique à la suite des Croisades; mais un diplôme de l'an 1138 nous le montre comme servant habituellement, à Bruxelles, à transporter les sacs de grain ou de farine au moulin.

Depuis un temps immémorial, la vallée de Schaerbeek fournit des tourbes, et le plateau de Linthout, des grès, des pierres à bâtir; les fossiles s'y montrent, dans le sol, en très-grande abondance.

En l'année 1120, le patronat des églises de Schaerbeek et d'Evere fut donné au chapitre de Soignies par l'évêque Burchard ; après la prise de Soignies par les Espagnols, les possessions de ce chapitre aux environs de Bruxelles furent confisquées par les États-généraux qui, le 13 décembre 1580, conférèrent la cure de Schaerbeek, devenue vacante par la mort de Jean Bestius, à Nicolas Moset, qui mourut en 1622, et dont on voit encore la pierre sépulcrale dans le cimetière. Vers le commencement du quatorzième siècle, quelques notables de la paroisse ayant fondé une chapellenie, et la commune de Schaerbeek ayant représenté que les revenus de ce bénéfice ne s'élevaient qu'à 10 livres, l'évêque Pierre consentit à ce qu'on le dotât de 15 livres petits tournois et de la dîme de 53 bonniers de terres, qui appartenaient à la prébende du sacristain (matricularia seu custodia), prébende dont lui et son chapitre avaient la collation (mardi après l'Assomption, en 1520).

La possession de la dîme de Schaerbeek fut confirmée, en 1245, par le pape Innocent IV, à l'abbaye de Forêt, qui l'avait acquise des châtelains de Bruxelles et de leurs vassaux. L'un de ceux-ci, Godefroid, fils de Franco Bole, de concert avec ses frères Franco, Arnulphe et Gérard, donna la troisième gerbe de la dîme de la paroisse, moyennant 75 marcs, dont 25 constituèrent la dot de Clarisse, soeur de Godefroid, qui prit le voile dans le monastère. Vers le même temps, Guillaume, fils de Moduaris, résigna à l'abbaye la dime d'un pré, dîme qu'il prétendait lui appartenir. En 1357, Guillaume Wassaert dit Canne fut reconnu propriétaire d'une troisième gerbe de la dîme de Schaerbeek, qu'il tenait en fief des châtelains ; ses droits furent constatés en présence des délégués des autres décimateurs : le chapitre d'Anderlecht, le monastère de Forêt et le curé du village. Au siècle dernier, celui-ci prélevait la moitié de la dîme de l'abbaye de Forêt et la totalité de celles dites de Notre-Dame et de la cure. La dîme des champs entre Schaerbeek et Helmet continua à constituer un fief de la châtellenie; Antoine Van Brabant la vendit, en 1455, à Nicolas Picot.




L'église de Saint-Servais, à Schaerbeek, est construite dans un style gothique très-simple; elle paraît dater de la fin du treizième siècle. Les meneaux des fenêtres du transept appartiennent au style rayonnant; une moulure circule autour des fenêtres du choeur et se termine d'un côté par une tête d’homme, motif dont l'emploi devint rare après l'an 1300. Les guerres de religion endommagèrent considérablement la tour de l'église; toutefois, des commissaires du magistrat de Bruxelles jugèrent, le 3 juin 1615, qu'on pouvait la restaurer, et évaluèrent à 4.200 florins la dépense qu'entraînerait ce travail, qui en avait déjà coûté 1.000 aux habitants. Dans une requête que ceux-ci présentèrent, il est dit que la tour servait de vigie, à cause de son élévation. A la suite d'une nouvelle requête, une seconde visite fut ordonnée (21 mai et 3 juin 1616). On estima alors la dépense d'une reconstruction totale à 11.700 florins : 8.500 pour la démolition de la maçonnerie et son rétablissement, 1.500 pour une flèche à cinq étages, 1.100 pour le fer nécessaire, et 800 pour une toiture d'ardoises. On se décida alors à n'entreprendre qu'une restauration, et, le 26 mai 1617, les trois membres de la commune bruxelloise votèrent pour cet objet 2.000 florins; de leur côté, le curé, les maîtres d'église, les anciens et autres habitants de la paroisse furent autorisés par le conseil de Brabant à emprunter 900 florins (24 avril 1617). Depuis, la tour fut encore restaurée à différentes reprises, comme l'indiquaient les millésimes 1637, 1641, 1773, placés sur ses faces, au milieu de nombreuses ancres de fer. En 1842, on l'a abattue et reconstruite, et l'on a agrandi la nef, qui se compose aujourd'hui de cinq travées d'une largeur égale à celle des transepts. M. Suys a heureusement imité le caractère de l'ancien édifice et reproduit, dans la nouvelle flèche de la tour, la svelte élégance de l'ancienne.

La façade du temple est ornée d'un Saint Servais. A l'intérieur, on remarque : la Sainte Trinité et la Vierge apparaissant à saint Servais, un Christ en croix et une Annonciation. Ces tableaux sont attribués : le premier à Crayer, le second à Thyssens, élève de Van Dyck, et le troisième, à Langenjan, élève de Rubens, et furent, à ce que l'on prétend, peints en 1661. Jadis, Schaerbeek possédait un autre Crayer:  la Fuite en Egypte qui fut enlevé par les Français, vers 1795. Dans le cimetière, j'ai recueilli les épitaphes suivantes : ICI REPOSE — DAME BARONNE DOUAIRIERE - DE WYKERSLOOTH DE ROOYENSTEYN, — NÉE — BARONNE DE ROEST d'ALKEMADE, — DÉCÉDÉE LE 31 MAI 1842. — ICI REPOSE — DAME - VICOM TESSE DOUAIRIÈRE - DE ROEST d'ALKEMADE, - NÉE - FERNANDEZ DE PARAMO, — DÉCÉDÉE LE 27 JANVIER 1831.

Près de l'église a existé la fontaine de Saint-Servais, et, contre le cimetière, un ermitage où habitaient quelques femmes dévotes. En l'année 1369, Elisabeth d'Ympenghem légua 20 sous à la sœur Marie de Carilo, l'une des recluses de Schaerbeek. Le 26 janvier 1634, Martin Vanderbiest et Anne Mathys, sa femme, donnèrent aux pauvres femmes de Schaerbeek (de arme vroukens van Scharenbeke) une rente annuelle de 18 florins du Rhin. Le comte de Monterey fit rebâtir leur demeure, dont la façade fut ornée de ses armoiries, en souvenir de sa générosité. Six petites maisons, contiguës au cimetière, ont longtemps été occupées par autant de vieilles femmes, à qui l'on ne donnait que le logement ; c'est ce que l'on appelait la fondation op het kerckoff. Le bureau de bienfaisance a vendu ces maisons et se propose d'élever, à l'aide de souscriptions volontaires et du produit de fêtes publiques, un hospice de vieillards, sur la chaussée de Haeght, en face de l'école communale.

Dans ses Wodana , M. Wolf raconte la légende suivante : « Au-delà de Schaerbeek, ce joyau des faubourgs de Bruxelles, se trouve un monastère abandonné. Au coup de minuit, les fenêtres s'ouvrent avec un bruit effroyable. Presque aussitôt les portes s'ouvrent aussi, l'une après l'autre, et l'on voit apparaître un abbé, la mitre en tête et tenant à la main un livre ouvert; un cri lugubre sort de sa bouche, accompagné de flamme et de fumée. Près de ce prélat mystérieux marche un jeune moine qui tient dans une main une crosse, et, dans l'autre, une lanterne allumée. Tous deux parcourent ensemble les salles de l'ancienne abbaye, jusqu'à ce que la cloche de l'église sonne une heure; les deux fantômes disparaissent alors subitement. Nous ne savons sur quoi est basé ce conte ; il n'a jamais existé, que nous sachions, de monastère d'hommes, aux environs de Schaerbeek. Ce village a vu naître une recluse célèbre, la bienheureuse Aleyde de Schaerbeek, qui, à l'âge de sept ans, entra comme religieuse dans l'abbaye de La Cambre, où elle étonna bientôt ses compagnes par son assiduité à la prière, par sa bonté, par sa dévotion exemplaire; son corps s'étant couvert de lèpre, on la sépara de ses compagnes, de crainte qu'elle ne leur communiquât la maladie, et, quatre ans après, on lui bâtit une cellule d'où elle pouvait sortir, mais sans se mêler aux autres religieuses. Après avoir été éprouvée par les plus cruelles souffrances, après avoir complètement perdu la vue, mais toujours résignée à son sort, et consolée, dit-on, par de nombreuses visions, elle mourut en l'an 1250, le 12 juin. Au dix-huitième siècle, on montrait encore sa cellule et la fenêtre par laquelle elle recevait des aliments. Elle avait une soeur, nommée Ide, qui lui survécut.

L'administration de la Table des pauvres était confiée au curé et à deux notables, qui rendaient compte à l'archiprêtre et aux maîtres de la fabrique de l'église; les revenus des pauvres se composaient, en 1776, de 287 florins, de 10 1/2 rasières de seigle et de 5 rasières de froment ; le curé distribuait, en outre, le revenu des biens du curé Jean-Baptiste Barbier, qui l'avait légué aux pauvres, le 2 avril 1729 ; ce revenu s'élevait à 172 florins. C'était encore le curé qui dirigeait une école pour les enfants pauvres, dont les revenus montaient, en 1776, à 158 florins. Nul n'avait le droit de contrôler sa gestion. Notons que Schaerbeek possède actuellement trois couvents : celui de la communauté des Frères de la Charité, celui des Dames de la Visitation, et celui des Soeurs de la doctrine chrétienne, auquel est annexée une école dominicale; on en bâtit actuellement un quatrième, dans la rue Impériale.

Nous avons déjà eu occasion de dire que les châtelains de Bruxelles étaient originairement, à Schaerbeek, les principaux propriétaires du sol. Ils y conservèrent un très-grand nombre de vassaux, dont plusieurs leur fournissaient, en temps de guerre, des chariots ou des chevaux. C'est en grande partie à leurs libéralités que l'abbaye de Forêt dut ses possessions dans le village, qui, en 1787, ne comprenaient pas moins de 544 bonniers : 172 bonniers de terres, 9 bonniers de prairies et 103 bonniers de bois. La ferme de Linthout ou du Bois des tilleuls (curie de Lemtholt) lui appartenait déjà en 1145; ce bien s'accrut, en 1237, de 28 1/2 bonniers de terres et de bois, situés aux lieux dits Ratedal et Amelrexdrisk, près du bois de Linthout, donnés par Godefroid de Schaerbeek; la même année, trois bonniers de bois, contigus à la forêt de Schaerbeek, furent légués à l'abbaye par Clarisse, veuve de Gosuin Boteloi , vassale des châtelains, ainsi que Godefroid. En février 1240-1241, le châtelain Léon céda aux religieuses huit bonniers faisant partie du bois dit Wolvesputte. Au quatorzième siècle, l'abbaye possédait, à Linthout, le Vieux bois, dont l'étendue était de 110 bonniers, et un second bois, qui comprenait 14 1/2 bonniers; en mars 1699), elle fit faire en cet endroit de grandes plantations de hêtres et de chênes. Devenu propriété domaniale sous le gouvernement français, puis cédé par le roi Guillaume à la Société générale, le bois de Linthout a subi, il y a une vingtaine d'années, le sort qui attend toutes nos forêts et qui convertira nos belles contrées en une immense plaine, où l'on se montrera un arbre comme une curiosité. L'allée principale du bois, la rue de la Lorraine, que l'on avait respectée, a été récemment abattue.

Le bois de Linthout terminait de la manière la plus pittoresque, dans la direction de l'est, la vue dont on jouissait du haut des remparts de Bruxelles. Anciennement, il s'étendait, par le bois de Melsdal, jusque près d'Auderghem, et par le bois de Woluwe, jusque près de la rivière de ce nom. Au nord-est, il confinait à une immense bruyère, la Harenheyde, dont l'emplacement forme une grande partie du territoire des communes de Woluwe-Saint-Étienne, de Dieghem, de Haeren et d'Evere. Ces détails donnent une idée de l'aspect que le pays présentait au levant de Bruxelles, avant le morcellement des seigneuries et la création des grandes fermes abbatiales, alors que la vallée de la Maelbeke ne composait, pour ainsi dire, qu'une immense ligne d'étangs, alors que les églises élevées près de ses rives et près de la Woluwe n'étaient entourées que de quelques manoirs et que de pauvres chaumières, un peu plus nombreuses. Au moyen âge, il se forma, près de la ferme de Linthout, un hameau qui fut entièrement détruit pendant les guerres du seizième siècle.

En 1834, on établit, au milieu du plateau de Linthout, sur des terrains pris en location par le ministère de la guerre, un champ de manoeuvres, où, à partir de 1842, eurent aussi lieu les courses de chevaux. De brillantes manoeuvres y eurent lieu le 28 septembre 1847, lorsque les troupes qui avaient occupé, pendant l'été, le camp de Beverloo, revinrent en masse vers Bruxelles, au nombre de 12.000 hommes, et livrèrent, en présence du Roi, un combat simulé à la garnison de la capitale. Dix-sept ans auparavant, le 24 septembre 1830, au soir, une batterie d'obusiers hollandais, placée près du grand cimetière, couvrait de ses feux la ville de Bruxelles, et y allumait les incendies qui dévorèrent le cirque de Terarken et une partie des maisons du boulevard Botanique.

Entre le plateau de Linthout et le centre de la commune de Schaerbeek se prolonge la vallée de Josaphat, si bien connue des rêveurs et des amoureux. Elle formait jadis une promenade ombragée, dans toute son étendue, d'arbres de haute futaie; de distance en distance, son charmant rivelet tombait en cascade sur des bassins de pierre de taille. Le chemin qui longe ce ruisseau a occasionné de longues procédures entre les Van Brabant et les Van Waelhem, d'une part, et, d'autre part, les habitants du village, qui prétendaient que c'était un chemin de grande communication. La chute d'eau que l'on y remarque, près de la maison de campagne des De Roest d'Alkemade, a activé un moulin : le Rodenbeke molen, qui, au seizième siècle, était abattu depuis longtemps. Les prés situés en amont se nomment den Roodenbroeck, le Marais rouge, et la petite source voisine, que des arbres entourent, de Rinne borre; en deçà de cette dernière est le Gelders veldt, dénomination qui rappelle sans doute une incursion faite au coeur du Brabant par ces hardis aventuriers gueldrois, qui guerroyèrent si longtemps contre nos aïeux. On voit, à l'entrée de la vallée, du côté de Schaerbeek, sur une colline, une métairie ornée d'une tourelle, et, à son autre extrémité, la ferme de Cattepoel, dite autrefois la ferme de Macaire (de Macharis hof), qui appartenait au couvent de Nazareth, à Louvain.

Près de cette ferme, dans un lieu écarté, appelé la Montagne sainte (den Heyligen berch), s'élevait une colonne de pierre bleue, érigée en 1574, en souvenir de la Passion de Notre-Seigneur au Jardin des Olives. C'est pourquoi on le nommait den pilaer van Ons Heeren in 't hofken. On y lisait cette inscription : QUI SISTIS HIC GRADUM, — VIATOR, ET ASPICIS LOCUM HUNC — PERSIMILEM HORTO SANCTO — IN QUO CHRISTUS ORARE — OLIM SOLITUS FUIT, INVITATUS — AB IPSIS ELEMENTIS MUTIS, NE — HUNC PRETERI ABSQUE PRECA — TIUNCULA ALIQUA OFFERENDO ILLI — QUI IN EXTREMA AGONIA PATREM — SUUM CUM SUDORE ET — SANGUINE PRO SALUTE TUA — ARDENTISSIME EST DEPRECATUS. — ANNO MDLXXIIII. Une inscription flamande, gravée sur le piédestal, apprenait qu'un nommé Guillaume Timmermans restaura ce monument en 1660; les armes d'Espagne le décoraient, afin de lui servir de sauvegarde.

Très-anciennement, il exista à Schaerbeek un château, où résidait vraisemblablement la famille qui portait le nom du village, et à laquelle appartenait, entre autres, Everwin de Scarenbeke, l'un des bienfaiteurs de l'hospice des Douze-Apôtres (depuis, de Sainte-Gertrude), à Bruxelles, en 1138. L'emplacement d'un manoir (de Borchstad) appartint, plus tard, à Henri l'Orfèvre et à sa fille Béatrix; puis, pour payer les dettes que Waleram, fils de Guillaume de Monte, avait contractées envers maître Henri Torte, prêtre, on le vendit, le 13 octobre 1347, à Gisbert de Monte. Le Borght, petit château qui se trouvait au même endroit, a existé jusqu'en 1808; M. Charlier d'Odomont, bourgmestre de la commune, fit alors bâtir la maison de campagne où il a habité jusqu'à sa mort, en 1844. Tout à côté se trouve le Kerckhoffmolen, et a dû exister le Verger des monnayeurs (Muntersbougaerd), dont parle un acte de l'an 1321. Au mois d'octobre 1277, une dame nommée Aleyde, fille d'Engelbert le Monnayeur et soeur de Guillaume le Monnayeur, céda à l'abbaye d'Afflighem, en présence des échevins de Bruxelles, la moitié de deux moulins, du fonds et des ouvrages de ces usines, de trois journaux contigus. qui aboutissaient à l’Ezelswech, d'un verger, d'un étang, d'un colombier et d'héritages situés au même endroit, plus bas que la clôture (infra claumram ibidem), c'est-à-dire, probablement, plus bas que l'ermitage qui, ainsi que nous l'avons vu, était voisin de l'église.

Marie de Crainhem posséda, à Schaerbeek, des biens dont Catherine de Rasseghem céda la moitié à Henri, seigneur de Héverlé, en 1389; Henri et sa femme Jacqueline de Rasseghem les vendirent à Jean et à Michel de Speculo ou Ulenspiegel. En 1390, Jean, qui avait épousé Marguerite Vandergracht, obtint de la duchesse Jeanne le droit d'y établir une garenne ou chasse gardée, d'y chasser avec le furet, d'y mettre des lapins. Marguerite, sa fille, épousa Guillaume d'Ophem, dont elle eut Marie d'Ophem. Cette propriété, qui consistait « en une maison, censé, chaînage, avec jardin, verger et place, où il souloit (sic) avoir maison de plaisance, écurie et autres édifices, terres, bois et garenne, ayant d'ancienneté appartenu à ladite maison, et six ou sept étangs y contigus, et autres dépendances, » fut vendue par la veuve du commissaire Mathieu de La Tour à Ferdinand de Boisschot, comte d'Erps, qui la réunit à sa baronnie de Saventhem, en vertu de lettres patentes du 27 juillet 1648. Aujourd'hui, la garenne des comtes d'Erps n'est plus qu'un champ que l'on appelle de Warande veldt ou Alaerts bergh ; ses étangs ont disparu, ses plantations viennent de tomber sous la hache du bûcheron. La vieille maison que l'on voit au coin de la chaussée de Haeght et du chemin d'Evere, et qui porte le millésime 167. , en dépendait peut-être autrefois.

Dans cette partie de la vallée de la Maelbeke on rencontre successivement plusieurs moulins à eau. A côté du premier d'entre eux, on vient d'élever un bâtiment massif, qui contient une machine à vapeur servant à moudre de la farine. On appelait anciennement ce moulin de Voirtmolen (Voortmolen, 1680) et il était double. Un moulin avait été donné, en 1259, par le clerc Jean de Halle, pour fonder une chapellenie dans le personnat de Saint-Géry, à Bruxelles; Jean Vanderhellen, doyen de Sainte-Gudule, dont les libéralités occasionnèrent de longs différends, en donna un second à son chapitre, en 1294. En 1402, ce corps céda à Daniel Daniels et à Henri Beuys, à charge d'une redevance annuelle de 8 muids de seigle, à 2 deniers le muid, son usine située à Schaerbeek, en aval du lieu-dit op die Voert; elle consistait, en 1426, en un moulin à grains et un moulin à huile. Plus loin se trouve celle qui se composait du Wyngaert molen et du Pampier molen (1445). On rencontre ensuite le Pladder, Keyte ou Ketsmolen, que l'on tenait en fief de la châtellenie de Bruxelles. Après la mort de sire Franc Vandercrommercammen et de Franc, fils de Michel Vandenspiegele, ce bien fut partagé. Une moitié fut vendue, le 27 juin 1454, par Henri Cluetincx au boucher Éverard De Walsche, l'autre moitié passa de Marguerite Cluetincx à son neveu Jean de Coudenberghe, le batteur d'assiettes d'étain (tennenschotelslager, relief du 8 janvier 1446). En 1474, Jean De Walsche et Arnoul Zeghers possédaient chacun une moitié de ce moulin et du monticule féodal (berghe) qui lui était contigu. Enfin, un dernier moulin, aujourd'hui anéanti, paraît-il, se nommait le Nedermolen (ou, plus anciennement, le Metermansmolen) ; les lieux voisins en reçurent jadis le nom de Ten-Molleken (Au Petit Moulin).

Plus au nord, Pierre-Ferdinand Roose, baron de Bouchout, bâtit, vers la fin du dix-septième siècle, la villa de Monplaisir, dont Le Roy et Cantillon ont donné le dessin. Il l'entoura d'étangs et de magnifiques plantations, au milieu desquelles se trouvaient des fontaines jaillissantes. Le prince de Holstein posséda ensuite cette propriété, que, plus tard, messire Jérôme de Tasselon, « libre seigneur de Ter-Linden, » loua au prince Charles, qui la fit meubler avec magnificence. Après la mort du prince, Tasselon donna Monplaisir, le 24 mai 1780, à sa fille unique, Marie-Elisabeth, douairière de Louis Devaux, lieutenant grand fauconnier et lieutenant grand veneur aux Pays-Bas; les enfants de ces deux époux, le lieutenant Charles, Charles-Alexandre, Philippe et Patrice Devaux, le vendirent à Jean-Sébastien Vammel, ancien chirurgien des armées de France et d'Autriche, et à sa femme Dorothée-Renée De Hont (13 septembre 1784). Elle appartint ensuite à Melchior-Joseph, baron Goubau, ministre des affaires catholiques sous le gouvernement hollandais, mort en 1836, dont la nièce, Eugénie-Isabelle Goubau de Bergeyck, a épousé M. le lieulenant-colonel Dieudonné de Xhenemont, adjudant du roi Guillaume, mort le 17 août 1845. Cette campagne, qui se trouve dans une situation charmante, mais dont l'entretien est négligé, a donné son nom aux plaines voisines, qui s'étendent le long de la Senne jusqu'à Vilvorde. Celles qui sont situées entre l'ancienne campagne du prince Charles et le pont dit de Kalkhoven (du Four à chaux) ont été souvent le théâtre de grandes manoeuvres; les courses de chevaux, ce plaisir aristocratique dont le prince Charles dota la Belgique, y eurent lieu jusqu'en 1842. Ces prairies sont traversées par le chemin de fer de l'état, dont les fours à coke y sont établis. Un peu plus au sud, s'embrancheront à ce chemin de fer le nouveau railway allant à Gand par Alost et celui du Luxembourg.


Sur la limite d'Evere,au hameau d'Helmet (Elmt,1173; Helmpt, 1446 ; Elmpt, 1693), on a formé deux maisons de campagne d'une belle villa qui fut en partie construite par messire Jean-Baptiste-Joseph Rol et sa femme, Isabelle de Man; ces personnes la cédèrent, le 25 mai 1765, à Adrien-Ange Walckiers, seigneur de Tronchiennes, conseiller d'état, haut bailli de Termonde, et à sa femme, Louise-Dieudonnée Nettine, qui devinrent, quelques années après, seigneurs d'Evere. La famille Walckiers la vendit ensuite à M. Plowitz. Les appartements en étaient fort beaux et les jardins vastes et magnifiques; cependant, on la laissait dans un état complet d'abandon, lorsque, en 1817, le prince d'Orange la loua pour deux années, en attendant qu'on eût achevé la construction du pavillon de Tervueren.






AFFICHES "ART NOUVEAU" DE HENRI PRIVAT-LIVEMONT

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